Monsieur le Premier ministre

Lettre ouverte

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Lettre ouverte en réaction au discours du Premier Ministre Alexander De Croo aux Nations-Unies (20/09/2023). 

La Lettre ouverte dans Le Soir : Monsieur De Croo, votre optimisme est celui du déni et de la folle irrationalité

Monsieur le Premier ministre, 

Une fois de plus, nous sommes consternés par vos propos qui sont en total décalage avec les analyses et les alertes des scientifiques concernant l’état catastrophique de notre planète.  

Récemment, lors de votre discours à l’Assemblée générale des Nations Unies, vous appeliez notamment à ne pas écouter les “alarmistes” face à la menace climatique (*)

Quand il y a un incendie, la réaction normale est de sonner l’alarme. Sonner l’alarme n’a de sens que lorsque quelque chose peut encore être sauvé, même si un peu ou beaucoup a déjà été perdu. Mais sonner l’alarme signifie également que tout ce qui reste peut être perdu… si on refuse d’entendre et d’agir. C’est le sens du mot urgence que d’imposer une action immédiate, à sa hauteur. Diffuser l’idée que le discours fondé sur les travaux des scientifiques serait erronément “alarmiste”, confondre alarmisme et  défaitisme, atteste d’une ignorance déplorable de la réalité scientifique des tendances à l’œuvre ou d’une malhonnêteté intellectuelle inadmissible de la part d’un chef d’Etat. L’heure est au courage politique, comme celui affiché par le Secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres. Face à l’incendie, il est certes plus confortable de s’attaquer à ceux qui sonnent l’alarme, en feignant un optimisme absurde déconnecté de la réalité – que d’être à la hauteur de ses responsabilités, de vos responsabilités. 

À l’échelle planétaire, les catastrophes se succèdent à un rythme effrayant : canicules, sécheresses, tornades, pluies de grêle, inondations, méga-feux, … Aucun continent n’est épargné, et cet été a battu – à nouveau – d’innombrables et funestes records.  

Des milliards de gens sur Terre ont désormais perçu les signaux d’urgence écologique que vous préférez ignorer, discréditer ou tourner en ridicule. Des milliards de gens ont également perçu la criminelle inaction des gouvernements en matière de politique écologique. 

Votre optimisme est celui du déni et de la folle irrationnalité, tandis que vous vous moquez des gens lucides et pragmatiques, qui veulent réellement travailler à relever le défi de l’urgence. 

L’industrie des énergies fossiles, bien informée des conséquences dévastatrices de ses activités, a longtemps misé sur une désinformation massive. A l’heure où la réalité rend totalement grotesque le refus de voir la catastrophe  climatique, toutes les forces conservatrices persistent pourtant dans le déni et la désinformation. Nous vous invitons à cesser d’être leur porte-parole ! 

En tant que Belges, nous sommes révoltés que le Premier ministre persiste et signe dans la malhonnêteté intellectuelle en opposant au discours scientifique des propos faussement rassuristes. La démocratie repose sur un débat public où la population doit avoir accès à des informations fiables pour comprendre les enjeux et les menaces. L’urgence climatique, et plus largement le maintien de l’habitabilité de la planète pour le vivant (humains y compris), est le plus grand défi de l’histoire de l’humanité. Minimiser ces menaces et semer le doute participe de l’inaction écocidaire.  

Toute notre société doit travailler de concert pour se réinventer et être à la hauteur face à ce que décrivent les scientifiques, notamment dans les analyses du GIEC et de l’IPBES. Cela commence par la capacité à regarder le problème en face, sans trembler, à reconnaître les enjeux de justice sociale face aux inégalités croissantes, plutôt que de miser sur une approche comptable, voyant dans la crise climatique une opportunité de faire croître encore l’économie insoutenable. Il n’y a pas de prospérité sur une planète morte Monsieur le Premier Ministre. Et il y a des paradis humains en devenir sur les friches de l’industrie fossile. Pour peu qu’on ait le courage et l’imagination. 

Nous avons encore la possibilité d’atténuer certains chocs mais, nous le savons, la fenêtre d’opportunité se referme. 

L’ONU est très claire : les politiques mondiales actuelles – basées sur la démesure et l’absence de toute limite à l’exploitation marchande – accélèrent l’écocide et la souffrance des populations humaines. L’addition des catastrophes, des vulnérabilités économiques et des défaillances des écosystèmes à bout de souffle augmente le risque d’accélération des effondrements déjà en cours. 

D’après plusieurs études, la sixième extinction de masse – nous pourrions parler d’éradication – du vivant s’accélère. Six limites planétaires sur neuf sont franchies et deux autres en passe de l’être, les pandémies ont toutes les chances de devenir plus fréquentes et plus meurtrières, tandis que la sécurité alimentaire mondiale est gravement menacée. Des zones entières vont devenir inhabitables, entraînant des flux migratoires sans précédent. 

Toutes ces catastrophes vont se multiplier et s’intensifier de manière certaine. L’instrument de la destruction de nos conditions de vie se trouve dans l’économie mondialisée, capitaliste, néolibérale, transhumaniste, totalement hors-sol et déconnectée du réel. La foi béate dans la technoscience ainsi qu’une gestion des risques inepte participent également de cet aveuglement mortifère. 

Bien que l’État belge a été condamné par la justice pour inaction climatique, nous constatons qu’aucune politique structurelle satisfaisante n’a été mise en œuvre depuis lors dans l’alimentation, la mobilité, le logement, l’énergie et le reste de l’économie. Pire, il semble que la compréhension de ce qui est en train de se jouer fasse toujours défaut et recule chez certains !  

Bien que nous soyons déjà nombreux à adopter des modes de vie plus sobres, à refuser de parvenir et à tenter de cesser de nuire, nous réalisons à quel point cela ne suffira pas : l’échelle individuelle est – à elle seule – totalement inadéquate face à de tels enjeux systémiques. Nous avons, de toute urgence, besoin de mesures structurelles majeures, pas de greenwashing et de plans de com’ avec des smileys obscènes des chefs de gouvernement.   

Nous avons besoin d’une rupture avec le modèle dominant, d’une réelle métamorphose sociétale, d’un nouvel esprit de réalisme.  

Monsieur le Premier Ministre, entre le déni et le catastrophisme, il y a la lucidité, le courage et l’action, que nous vous demandons d’adopter d’urgence. Nous, nous sommes conscients de l’incendie qui ravage le monde. C’est pourquoi, oui, nous continuerons à sonner l’alarme tant que vous refusez de vous réveiller et oui, nous resterons particulièrement pessimistes tant que vous refuserez d’agir à la hauteur de l’urgence. 


E-mail

17 10 2023

Monsieur le Premier ministre,

Mesdames et messieurs ministres en charge du Climat,

Nous vous communiquons une lettre ouverte signée par près de 600 citoyennes et citoyens en réaction au discours de la Belgique aux Nations-Unies du 20 septembre dernier.

Le texte de cette lettre ouverte se trouve ici :

En espérant que les futures politiques de notre pays en matière de Climat se rapprochent des impératifs décrits par les scientifiques du GIEC et le secrétaire général des Nations-Unies.

Bien à vous,

Céline et Paul

au nom des près de 600 signataires


Communiqué de Presse

18 10 2023


contact : Céline Bertrand – bertrandce@hotmail.be