La pandémie et les inondations historiques exigent de nouvelles élections dans les meilleurs délais


Paul Blume (co-animateur de l’Observatoire de l’Anthropocène) – Dominique Bruyère – Corentin Crutzen – Laurent Lievens (Dr. Maitre de conférence UCL) – Michel Rabinowicz (Résiliences Métamorphoses) – Geneviève Warland (professeure) – Jonathan Guévorts (professeur de science)
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Le rôle de l’Etat est de garantir les droits et les libertés des citoyens : le droit à la vie, à la santé et à un environnement sain et sûr, la liberté de mener une vie digne et authentiquement humaine. En échange de ces libertés civiques, les citoyens abandonnent leur liberté absolue et acquièrent le devoir d’obéir aux lois et aux injonctions de l’État. C’est le respect de ce contrat social, fait de droits et de responsabilités réciproques, qui fonde la légitimité de l’exercice de l’autorité de l’État sur les citoyens. Les femmes et hommes politiques en sont les garants. Si l’État ou les citoyens faillissent à leurs devoirs mutuels, l’autorité de l’État s’effondre. Le peuple souverain, dont tous les pouvoirs émanent, a le devoir de changer de gouvernement pour rétablir le contrat social.

Les catastrophes causées par notre économie et nos modes de vie insoutenables s’amoncellent partout dans le monde. Nous le savons tous désormais. Nous savons tous désormais que notre État ne fait rien, ou presque pour que notre société devienne soutenable. Trop peu, trop tard, à côté de la plaque, quand il ne jette pas de l’huile sur le feu. Nous sommes emportés par les flots de l’écocide en cours. En Belgique, après des canicules qui ont déjà tué 1.400 personnes en un été dans notre pays, après une gestion initiale catastrophique d’une pandémie qui a causé plus de 25.000 morts -sans aucun deuil national !-, ces dernières 48h ont charrié, maisons, véhicules, victimes humaines et animales dans la fureur des flots. Le bilan des dégâts reste à tirer. Ces dernières 48h, un bilan politique peut déjà être tiré, identique à celui qui vaut pour la pandémie : l’impréparation totale de notre Etat. Ces dernières 48h, une nouvelle preuve a été apportée que notre État, tel qu’il est constitué, telles que sont conçues ses institutions publiques et tel qu’il est gouverné aujourd’hui, par la classe politique actuellement au pouvoir, se montre incapable de se hisser à la hauteur des urgences du XXIe siècle. Récemment, l’État belge a été condamné par la justice pour défaut d’action en matière climatique. Voilà, nous connaissons tous maintenant le résultat cruel de cette inertie criminelle.

Aujourd’hui, l’État ne protège plus notre vie à nous, les citoyens. Aujourd’hui, l’État ne respecte plus le contrat social qui nous lie à lui. Aujourd’hui, l’autorité de l’État, celle des exécutifs au pouvoir, n’est plus légitime. Nous sommes fondés à nous révolter et à exiger de meilleurs gouvernements.

Les majorités au pouvoir, ainsi que leurs accords de gouvernements sont caducs, car ils ne sont pas formés pour apporter une réponse satisfaisante aux urgences du XXIe siècle. Les présidents de parti, les chefs d’exécutifs, et les équipes gouvernementales sont collectivement responsables des catastrophes répétées que subit notre pays, et des milliers de victimes qui ne cessent de s’additionner.

Pourtant, comme le martèlent les scientifiques, les intellectuels et les activistes depuis plus de 50 ans, avec de plus en plus d’alarme ces trois dernières années et malgré la mollesse de la presse,, les sciences sont univoques : sans une refonte totale du fonctionnement de notre gouvernance, de nos institutions, de notre économie, de notre territoire et de nos modes de vie, la gravité des catastrophes ne va faire que s’amplifier et le nombre annuel de victimes, exploser.

La Belgique n’est pas adaptée au XXIe siècle, elle n’est pas résiliente, elle n’est pas préparée : elle est mortellement vulnérable, à cause de l’inaction et de l’inertie de l’État.

Il faut déclarer l’état d’urgence écologique et la mobilisation générale des citoyens et des pouvoirs publics. Tout est à repenser : le logement, l’urbanisme, l’aménagement du territoire, la politique de l’environnement et de l’eau, la politique agricole, la mobilité et les transports, l’énergie, la gouvernance locale et régionale, la protection civile, les services de secours, la capacité des médias à comprendre le XXIe siècle. Tout délai dans la transition et la résilience écologique, sociale, économique et démocratique équivaut aujourd’hui à une augmentation exponentielle et certaine du nombre de morts dans notre pays dans les 50 prochaines années.

C’est pourquoi les gouvernements belges doivent démissionner et de nouvelles élections doivent être organisées après un débat sociétal de grande ampleur, pour forger de nouvelles coalitions sur la base de nouveaux accords de gouvernement, prenant enfin au sérieux l’urgence écologique du XXIe siècle. Une assemblée constituante doit réformer l’État belge et permettre aux citoyens de participer à la délibération politique. Les pouvoirs publics doivent être mis en état d’assurer le service public et dotés de moyens suffisants pour accompagner la transition. La presse doit cesser l’euphémisme sur la gravité de la situation. Les citoyens doivent prendre leurs responsabilités et exiger de l’État le respect qui leur revient.

20 juillet 2021