Le grand prix de Francorchamps : un modèle de développement durable !

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Photo : Dimitri Svetsikas by pixabay

Philippe Defeyt

FRANCORCHAMPS : IL FAUT SAVOIR CE QUE L’ON VEUT !

A l’annonce de ce que pourrait coûter au budget wallon l’organisation du Grand Prix de Formule 1 à Francorchamps, on a une fois de plus entendu les habituels esprits grincheux – toujours les mêmes bien sûr – contester cette dépense au nom de diverses considérations, aussi passéistes que convenues.

Certes, la dépense est importante en ces temps de crise, plus de 20 millions ce n’est pas rien, mais ce choix s’inscrit parfaitement, à quelques petits détails près, dans le cadre de la « Déclaration de politique régionale pour la Wallonie 2019-2024 ». Qu’on en juge.

Commençons par les objectifs globaux, présentés dans l’introduction (p.3).

« La Wallonie nourrit une triple ambition : une ambition sociale, une ambition écologique et une ambition économique. L’ambition sociale vise à réduire drastiquement la pauvreté et à garantir aux citoyens une vie décente. L’ambition écologique témoigne de notre volonté de Wallonnes et de Wallons d’être exemplaires en matière de lutte contre le réchauffement climatique et de préservation de l’environnement. L’ambition économique doit permettre à la Wallonie de se hisser parmi les régions de tradition industrielle les plus performantes d’Europe.

L’urgence climatique et les dégradations environnementales sont telles que la société tout entière est appelée à modifier ses comportements en profondeur. »

Pas l’ombre d’un doute : toutes les cases sont cochées.

Les pauvres auront accès à une diffusion gratuite (au coût marginal nul en tout cas…) des images passionnantes des grands prix, certains grâce à la complaisance de la RTBF. C’était déjà le cas, mais cela fait du bien de le rappeler ; on ne le dit pas assez quand les choses vont bien.

Même s’il n’existe pas – arrêtons d’accabler les entreprises qui croient aux bienfaits du marché avec des charges administratives qui les empêchent de travailler –, je suis persuadé que le bilan carbone complet du Grand prix s’est certainement amélioré au cours du temps. Et puis quand même, ne vaut-il pas mieux émettre du carbone à Spa-Francorchamps plutôt qu’au Qatar ou en Arabie saoudite ? Vous serez peut-être content.e quand le bilan carbone du Grand prix de Spa-Francorchamps sera à zéro parce qu’il aura déménagé ? (qu’est-ce que vous dites de cet argument, hein, cela vous en bouche un coin, non ?)   

Mais le circuit fait de très très gros efforts de transparence sur d’autres impacts environnementaux. C’est ainsi qu’un tout récent rapport – il date de 2015 et porte sur l’année 2014… – trouvé sur le site du circuit donne de nombreuses informations (18 pages quand même) sur le bilan environnemental.

Dans un souci de montrer qu’il n’y a rien à cacher (mais qui pourrait penser cela), on notera que 7 pages sur 18 sont consacrées à reproduire le règlement d’ordre intérieur du circuit, 2 pages aux calendriers (un à la date du 25 septembre 2014, l’autre actualisé au 30 mars 2015), 1 page pour détailler les quelques dérogations aux horaires, 4 pages d’exemples de formulaires à remplir et 1 à la table des matières.

Cela laisse quand même 3 pages pour communiquer sur le fond. Mais c’est encore de trop quand tout va bien :  

– « Impact des activités du Circuit sur l’environnement : aucun impact particulier n’a été relevé. »

– Registre des plaintes des riverains – année 2014 : « Aucune plainte ne nous est parvenue en 2014. »

– « Le règlement d’ordre intérieur du Circuit de Spa-Francorchamps a été strictement appliqué. » Incroyable, non ?

– Encore mieux : « Le registre des épreuves et celui des incentives ont été tenus et sont à disposition pour consultation. »

– « La rigueur qui est de mise chaque jour pour les contrôles, incite les participants à faire de sérieux efforts, permettant ainsi de diminuer le niveau sonore de manière significative. » Petit problème, mais purement anecdotique : voici le message reçu quand on cherche les résultats des mesures acoustiques : « 404 – File or directory not found. – The resource you are looking for might have been removed, had its name changed, or is temporarily unavailable. » Je suis persuadé que c’est juste une difficulté – temporaire – de mise à jour pour les données de 2015 ! Il ne faut pas systématiquement chercher la petite bête, cela finit par saper le moral de ceux qui entreprennent.

Notons encore que certains restaurants (pas tous, mais cela ne saurait tarder) renseignés sur le site du circuit mettent en avant, figurez vous, des producteurs locaux et/ou bio. Il faut le lire pour y croire. Quelle audace, quelle innovation !

Bref, un modèle de développement durable, d’autant plus qu’on a enregistré en 2022 une augmentation notable des spectateurs qui viennent en vélo électrique (l’information n’a pas encore été rendue publique). On se demande d’ailleurs si ce ne sont pas l’insouciance et l’arrogance bien connues de ces cyclistes qui sont à l’origine du chaos sur un des parkings de Spa-Francorchamps à l’issue du dernier Grand Prix. Les images de RTL-TVI sont à cet égard glaçantes, un drame insupportable (âmes sensibles s’abstenir).

Pour ce qui est du bilan socio-économique, il n’existe pas de données actualisées ; c’est compréhensible, il faut être économe avec les deniers de la région quand même et éviter de payer des études pour rien, puisqu’on sait d’avance que le bilan est positif. Sans le Grand prix, c’est toute une région dont l’économie s’effondre : hébergements vides, suppléments hôteliers volatilisés, activités plus ou moins déclarées disparues (passages barrés par la rédaction), restaurants fermés, chute de l’immobilier, exode démographique, baisse de l’activité à Bierset, etc., etc.  

La conclusion est claire : le Grand prix s’inscrit parfaitement dans les orientations centrales de l’accord de gouvernement. C’en est même exemplaire. On se demande ce qu’on attend – s’inspirant de ce succès indéniable – pour organiser les prochains jeux olympiques d’hiver européens à Mons.

Mais ce n’est pas tout ; on peut cocher d’autres cases encore.  

– Y a-t-il meilleure occasion d’apprendre le néerlandais que de se retrouver parmi des spectateurs flamands et hollandais, dans un calme qui permet de bien comprendre son interlocuteur ?

– Attirer un plateau international, n’est-ce pas favoriser « l’engagement de personnes d’origine étrangère » (même si c’est pendant 8 jours, c’est déjà cela) ?

– N’est-ce pas non plus l’occasion rêvée de contribuer à une politique de « zéro sexisme sur le marché de l’emploi », en tout cas dans les stands  et les buvettes ?

– Soutenir le Grand prix, n’est-ce pas favoriser « l’émergence d’entreprises rentables, en développement, innovantes et qui s’internationalisent », mettre en œuvre « le droit à la deuxième chance » et garantir le « maintien à domicile » (qui pourrait supporter de voir le Grand prix quitter le plus beau circuit du monde) ?

Alors, il faut savoir ce que l’on veut : quand les décideurs politiques ne font pas ce qu’ils ont dit, on les critique, quand ils mettent en œuvre ce qu’ils ont annoncé, on n’est pas content non plus. Un peu de cohérence, svp. Est-ce trop demander ?


On croyait avoir tout vu durant le mois de Mai, car durant le mois de mai, fais ce qu'il te plait. Nos dirigeants se sont serrés les coudes pour être encore plus drôle en juin. Le monde a vraiment besoin de vacances, mais on ne sait pas où car entre sécheresses et inondations.
Les Etats-Unis et l’Europe préparent leurs élections: Bruxelles va accueillir de nouveaux représentants au niveau continental et, en novembre, Washington choisira son prochain président. Des deux côtés, les paramètres économiques et surtout énergétiques diffèrent. Les Américains peuvent compter sur leur pétrole et leur gaz de schiste pour alimenter leur économie. Depuis la crise de 2008, le pays n’a cessé d’augmenter ses extractions au point de passer devant l’Arabie saoudite et la Russie. Cette manne permet de soutenir l’industrie locale ainsi que de rester militairement et économiquement la plus grande puissance mondiale. Cette dominance énergétique lui permet aussi de se confronter frontalement à la Chine et de peser face aux pays du Sud global.
On pourrait l’appeler la COP du plastique. Le quatrième des cinq rounds de la négociation lancée par l’ONU pour un traité mondial sur les plastiques s’est déroulé à Ottawa, avec 3'500 participants et 170 pays. L’objectif était de trouver un consensus afin de diminuer la pollution due aux plastiques. Le plastique est une pure émanation du pétrole et du gaz. Sans eux, pas de polyéthylène, pas de PET ou de composants synthétiques.
En 2020, le covid avait déstabilisé l’industrie pétrolière et gazière mondiale via une subite diminution de la demande, des préoccupations climatiques grandissantes, les menaces d’une transition énergétique et l’arrivée des voitures électriques. Après cet annus horribilis, les majors pétrolières prirent des mesures drastiques pour revenir sur la scène de manière plus dominatrice et tranchante que jamais. La survie de leur business model étant en jeu, elles ont stratégiquement recréé des alliances de circonstance avec les acteurs majeurs que sont la finance et le politique et n’hésitent plus à s’attaquer frontalement aux pressions environnementales.
Le 1er de chaque mois, retrouvez un tour du monde des Energies. A l'agenda : - USA : ExxonMobil poursuit en justice des fonds activistes du climat - Taylor Swift : Une chanteuse tout en carbonne - Russie : Moscou suspend les livraisons d'essence et de diesel - Argentine : Les régions pétrolières en colère contre le président Milei - Chine : Le solaire et l'éolien dépassent le charbon - Arabie Saoudite : Diminution du train de vie après des dépenses dépensières - Guyanna : Chevron et ExxonMobil se battent pour le pétrole.
A travers le monde, des Etats-Unis à l’Amérique latine, l’Asie et l’Europe, l’agriculture est en ébullition. Le secteur s’échauffe aussi rapidement que le climat. Les fondations de son architecture actuelle reposent sur les hydrocarbures et la finance internationale. Tout semble indiquer que ce design est en train de toucher à ses limites dans une mondialisation qui essouffle le modèle.
Le monde n'a jamais autant consommé de pétrole avec 102,3 millions de barils de pétrole par jour (b/j) soit plus de 16 milliards de litres par jour ou une moyenne de 2 litres par habitant. Pour 2024, les prévisions dépassent les 104 millions. Alors que de nombreux pays ont dépassé leur pic pétrolier et que d'extraire plus de 100 millions de barils chaque jour devient une équation avec de plus en plus d'inconnues, quels sont les 5 plus grands extracteurs actuels? Tour d'horizon des pays qui sont à la base de notre succès économique et sur lequel tout repose.
En s’accordant sur une "transition hors des énergies fossiles" dont les contours manquent de clarté (cette transition étant ni contraignante, ni chiffrée), la COP28 rajoute du flou dans un marché déjà peu lisible. L’OPEP, le cartel du pétrole, a en effet annoncé début décembre une baisse volontaire de ses extractions pour soutenir les prix du baril et maximaliser les rentrées financières de ses membres. A l’opposé de cette stratégie, les extracteurs de schiste américains produisent à des niveaux records pour donner confiance à leurs investisseurs.
Dans quelques jours va s’ouvrir la COP28 sur le climat. Alors que les participants préparent leurs armes, la victoire ne devrait pas échapper aux pétroliers et gaziers, d’autant qu’ils vont jouer sur leur terrain : aux Emirats arabes unis et avec leur arbitre, le président de la compagnie pétrolière nationale, le sultan Ahmed al-Jaber. En préambule à cette rencontre, la stratégie pétrolière mondiale a été dévoilée en septembre dernier lors du 24e congrès du World Petroleum, à Calgary. Les dirigeants ont posé les bases d’un plan facilement compréhensible et calqué sur les principes des géants du tabac.
Les deux géants américains du pétrole et du méthane (gaz naturel) ExxonMobil et Chevron vont certainement annoncer plus de $100 milliards de bénéfices pour l’année 2022. De son côté, le géant de l’Arabie Saoudite, Saudi Aramco va largement dépasser les $160 milliards de bénéfices. BP, Shell et Total boucleront la boucle pour dépasser les $300 milliards de profits.


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