Cette incitation à la responsabilité personnelle a figuré sur diverses versions d’une affichette collée dans les stations du métro londonien et les gares ferroviaires britanniques lors de la seconde guerre mondiale.
Quatre traits essentiels caractérisent une économie de guerre :
Une part (beaucoup plus) importante des ressources nationales consacrée aux dépenses militaires.
Une planification autoritaire de nombreuses activités.
Un rationnement de certains produits.
La recherche de l’autonomie là où c’est possible et d’un soutien extérieur là où c’est nécessaire.
L’expérience du Royaume-Uni en 1940-45 a montré toute l’importance du soutien populaire pour transformer en profondeur l’économie ; celle-ci a connu une croissance exceptionnelle (+21% entre 1938 et 1941!).
Tous les leviers possibles ont été activés pour porter ce gigantesque effort de guerre : du transfert massif de main-d’œuvre et équipements vers la production hautement stratégique de chasseurs de combat jusqu’à la promotion de potagers de quartier (les fameux Victory gardens), de la fin d’activités comme la production de jouets à l’augmentation de 50% des surfaces cultivées, du recyclage massif jusqu’à des rationnements là où c’était incontournable (matières grasses, thé, lard, œufs…), des changements massifs des consommations alimentaires (beaucoup moins de viande et beaucoup plus de pommes de terre) aux petites économies quotidiennes…
Au total, selon l’historienne Lizzie Collingham, « la Grande-Bretagne termina la guerre avec une population mieux nourrie et en meilleure santé que dans les années 1930 et avec des inégalités nutritionnelles réduites. »
Il semble que « le système de rationnement resta populaire jusqu’à la fin de la guerre, 77 % des Britanniques s’en déclarant satisfaits en 1944 » ; Jean-Baptiste Fressoz considère que c’est « parce qu’il était perçu comme juste (même si les riches avaient accès aux restaurants de luxe qui échappaient au rationnement). »
Le secteur des transports n’a pas échappé aux contraintes d’une économie de guerre. Les orientations prises montrent l’étendue de la palette de mesures possibles : augmentation du volume du fret transporté, suppression de certains trajets (par exemple les traditionnels trains de vacances vers les côtes), priorité aux transports de ressources essentielles, rationnement puis arrêt des livraisons de carburants pour les voitures individuelles (un ménage sur dix était motorisé), unité de management des compagnies ferroviaires, retrait de voitures-restaurant pour décourager certains déplacements mais aussi le maintien de services de transport de personnes, certes bondés mais sans rationnement (sauf au tout début de la guerre) ; c’est ici que l’appel à la responsabilité évoqué en début de chronique prend tout son sens.
Nous sommes en guerre aussi, mais notre société n’est pas prête à l’assumer et donc à faire les efforts nécessaires. Cette guerre c’est celle de la transition écologique et et du défi climatique en particulier ; elle est, en outre, pour un temps, compliquée par la guerre militaire en Ukraine et ses conséquences.
La comparaison avec l’expérience de la seconde guerre mondiale est riche d’enseignements, même s’il faut éviter des lectures par trop orientées.
Trois conditions apparaissent comme essentielles pour réussir « un effort de guerre » : • le sens de l’urgence et de la nécessité d’agir est la base de la dynamique sociétale ; • des leaders inspirés sont indispensables, qui doivent travailler ensemble (sans nier pour autant des divergences de vues) ; • on ne peut en sortir sans une bonne dose de planification et d’orientations et priorités fortes, claires, évidentes.
Une fois ces conditions rencontrées, tous les moyens sont bons à mobiliser, petites ou grandes mesures, coercitives et incitatives. On notera encore, dernier enseignement, que cette période sombre a été traversée grâce à des mesures équitables, vécues comme telles ; elle a de ce fait pavé le chemin vers un état-providence renouvelé.
A la lecture de ces enseignement on peut dire, à l’instar de François Gemenne, que « c’est mort » . Certainement, mais qu’elle soit offensive (économies d’énergies carbonées) ou défensive (lutte contre les retombées du réchauffement), cette guerre doit de toute manière être menée et gagnée.
Est-ce vraiment si difficile de planifier les programmes publics pour donner la priorité aux investissements énergétiques (offensifs comme défensifs) ; tous les investissements publics (ronds-points, maisons communales, nouvelles maisons de repos…) sont-ils indispensables à court-moyen terme, surtout quand il y a pénuries de capacités de production ? Est-ce vraiment si difficile d’orienter les productions agricoles ? Est-ce vraiment si difficile de recentrer les budgets sociaux sur une allocation logement-énergie ? Est-ce vraiment si difficile d’activer des mesures quick-win comme la limitation des vitesses sur routes et autoroutes ? Est-ce vraiment si difficile de mobiliser de manière forte toutes les ressources organiques possibles pour faire du bio-gaz ? Est-ce vraiment si difficile d’engager les wallons à économiser l’eau dès à présent ? Est-ce vraiment si difficile de limiter les déchets ? Est-ce vraiment si difficile de simplifier radicalement procédures, démarches… pour permettre à chacun de se concentrer sur l’essentiel ? Est-ce vraiment si difficile de consommer moins de viande ou de renoncer à certains déplacements accessoires ?
A observer l’incroyable vitesse à laquelle nombre de présupposés se fracassent contre les événements ces dernières années, on se demande comment ils sont si peu remis en cause. Ou, à tout le moins, fortement adaptés.
Nous sommes passés en quelques décennies de l’espoir de lendemains toujours meilleurs à la succession globale de périodes de fortes précarisations de nos sociétés.
Du rapport Meadows à l’actuelle période de guerre, de la création des premiers mouvements écologistes aux rapports de plus en plus alarmants sur le climat, sans oublier l’effondrement de la biodiversité et le gigantisme des pollutions diverses.
Difficile de croire que le temps d’une vie, on puisse se retrouver dans une situation à ce point délabrée.
Et pourtant.
Le constat global d’une forme d’énorme crise en cours se partage de plus en plus. Et les grilles d’analyses classiques, datant des siècles précédents, nous aident de moins en moins à en comprendre les ressorts.
La faute au capitalisme ?
L’anti-capitalisme classique, outil connu des combats contre l’engrenage des in-équités et inégalités sociales, ne prend que trop peu en compte les questions de croissance et ses conséquences sur le vivant. Le risque de plus en plus avéré que les contraintes du réel entraînent à très court terme un déclin, une décroissance subie, une récession non-temporaire, soit une réduction drastique du « gâteau » à se partager, implique de revoir la copie.
L’évitement des contraintes liées aux stocks des ressources et aux conséquences environnementales de leurs exploitations par nos sociétés prolonge les comportements collectifs issus de la période d’expansion de l’économie industrielle.
Capitalisme ou pas, la problématique de l’équité sociale ne se réglera plus (même temporairement) par des mesures de sorties de conflits sociaux « par le haut ». La croissance négative implique d’innover.
L’écueil social est de plus évident. « Fin du monde » et « fin du mois » conjugués ensemble augurent plus d’un chaos que d’un avenir révolutionnaire.
Si l’analyse du rapport des forces sociales reste centrale, les réponses potentielles aux mécanismes des inégalités ne sont plus les mêmes qu’au 19ième siècle.
Il est urgent d’adapter les logiciels de la solidarité sociale et des sécurités sociales.
Du revenu universel aux ressources de base garanties, des pistes de réflexions ont été lancées. Face au tsunami économique et social qui s’annonce de plus en plus proche, ces débats doivent aboutir.
Sans doute sous des formes diverses selon les environnements socio-économiques. Mais avec la volonté d’établir des socles minimas d’apports concrets sur les plans nutritionnel, sanitaire, culturel, sécuritaire, etc …
Accepter la critique positive des formes traditionnelles de combat social, ne pas s’enfermer dans des idéologies fermées, c’est accepter l’opportunité de voir naître des formes luttes autour des rapports sociaux mieux adaptées aux réalités environnementales, climatiques et systémiques. Il est urgent d’oser.
La faute à l’Occident !
Autre mantra culpabilisant dont l’obsolèité se révèle ces dernières années.
Si d’aucunes et d’aucuns cherchent à raison d’autres modes de vie, il serait injuste d’oublier que ce « mode de vie occidental » fortement contesté est également fortement recherché, jalousé.
Est-ce d’ailleurs encore le caractère occidental qu’il importe d’évoquer ou les spécificités précises de consumérisme, de compétition, d’iniquité, de course à la croissance.
Le débat est devenu global en même temps que la globalisation de l’économie.
Cette globalisation s’altère dans une conflictualisation des priorités économiques par les grandes forces géostratégiques. Cela transparaissait déjà sur les marchés de l’énergie avant la guerre sur le sol ukrainien. Depuis, cela s’amplifie rapidement.
De plus, les modes de vie dans les grandes villes asiatiques – par exemple – sont à certains égards plus « occidentalisés » que dans certaines villes moyennes de l’Europe orientale. En Amérique latine, à Santiago, capitale du Chili, on utilisait la téléphonie hertzienne bien avant Bruxelles, capitale de l’Europe.
Au cœur même de l’Occident, une démarche de cohabitations entre religions, langues, traditions culturelles y compris extra-européennes fait son chemin. Très laborieusement, mais inexorablement. Une nouvelle Europe occidentale plus solidaire serait-elle possible ?
D’ailleurs, qu’est-ce que l’Occident aujourd’hui ? Que sera-t-il d’ici une demi-douzaine d’années ?
A ce propos également, il serait plus judicieux de pointer les côtés mercantiles, techno-centrés, consuméristes, égoïstes, … que d’utiliser une vieille rengaine souvent rabâchée comme argument des critiques de la « démocratie » et de l’« impérialisme ».
Mort à l’impérialisme ?
Mot d’ordre des manifestations anti-américaines pendant la guerre du Vietnam ou en Amérique latine face à l’interventionnisme économique et politique du géant nord-américain, pour ne citer que ces exemples, la qualification d’impérialiste se décline aujourd’hui au pluriel.
L’impérialisme s’est démocratisé. Tout qui en a les moyens tente sa chance. Continuer à affirmer qu’il n’y aurait qu’un impérialisme américain n’est plus crédible.
La Chine convoite les ressources africaines, lorgne dangereusement sur Taïwan. La Russie fait parler les armes.
Quant à l’impérialisme américain, tendance toujours présente, il a changé de nature. Au moins depuis la présidence d’Obama avec l’expression d’un moindre interventionnisme que son successeur a amplifié.
Qualifier précisément chaque acte impérialiste serait plus juste que de continuer à utiliser un vocable fourre-tout. Il est urgent d’apprendre à contextualiser. A envisager la complexité.
La démocratie, outil dépassé ?
La question, qui aurait mis en colère les résistants au sortir de la deuxième guerre mondiale, est posée régulièrement, entre autre, dans les générations « climat ».
A chaque recul sur de trop minces avancées, la colère monte contre un système qui semble incapable de répondre aux urgences. Et la notion même de démocratie en prend pour son grade.
Un phénomène qui rejoint les tendances anti-système des « gilets jaunes ».
Les inquiets de la fin du mois et de la fin du monde partagent de plus en plus un sentiment d’inefficacité d’une caste politique qui refuse de rendre leurs préoccupations prioritaires à la gestion quotidienne de l’économie mondialisée.
La crise sanitaire mondiale et la guerre en Ukraine amplifient fortement cette tendance. On gère l’urgence immédiate en reportant à plus tard des enjeux pourtant majeurs et cruciaux.
Émissions exponentielles de gaz à effet de serre et paupérisation galopante semblent devoir devenir les incontournables des années à venir.
Autre critique récente du système démocratique européen est l’absence de représentation politique plaçant la sobriété et la solidarité au cœur des choix économiques et politiques.
L’ensemble des représentations élues placent leurs propositions dans un cadre de croissance continuée.
Aucune volonté de présenter les enjeux de la survie de la vie sur la planète terre comme priorité absolue n’apparaît autrement qu’anecdotiquement dans les parlements nationaux.
Est-ce une raison de jeter le bébé démocratie avec l’eau du bain du « business as usual » ?
La démocratie se doit d’être retravaillée en permanence. Si elle déçoit, il convient de la réinventer.
Cela prend du temps et demande un taux de conscientisation qui ne progressera sans doute pas facilement dans un contexte de quotidienneté de plus en plus difficile.
Mais, c’est le moins mauvais des modes de gouvernance disait Churchill. Quand on voit les pratiques liberticides des autocraties de par le monde, difficile de dire le contraire.
La valise commune face à l’effondrement.
Parmi les images reçues au début de l’agression de l’Ukraine par les armées de Poutine, celles de la préparation des sacs. Pour la cave, pour fuir, pour aller combattre.
Que garder dans nos sacs collectifs ? Où porter notre attention ? Quelles valeurs promouvoir ?
Pour les attentifs de l’étude des chocs systémiques, beaucoup de propositions existent, en fait.
Sur le plan des low-technologies, de la gestion des communs, de la gestion de sobriétés solidaires, de l’agriculture, des politiques de l’Anthropocène, des résiliences locales, …
Et des valeurs. Sobriété, entraide, solidarité, empathie…
Il est temps d’arrêter de se référerez à des slogans. D’essayer d’interpréter correctement la réalité, dans sa complexité, pour s’adapter au mieux.
Publiée sur Facebook, voici l’histoire de l’entrée en « documentation écologique » de Louis Schmidt.
Mise en contexte – Mon entrée dans l’écologie
Louis Schmidt
Juillet 2019. Je commence à peine ma première expérience professionnelle. Un soir, je tombe sur une vidéo d’un certain Jean-Marc Jancovici que je vois de plus en plus dans mon fil LinkedIn. C’est la première vidéo de son cours des Mines (le fameux, disponible ici). Je prends une claque. Sensibilisé à l’écologie sans m’y être intéressé de près, je comprends que je n’y comprends absolument rien. Que je n’ai pas forcément les bonnes clés de compréhension du problème.
Commence alors pour moi une odyssée passionnante à la découverte de l’écologie, sous toutes ses formes. J’y entre par le biais du climat et de l’énergie (Janco oblige…) mais je comprends rapidement que le problème – certes j’en avais entendu parlé, mais pas compris intimement – est bien plus large : biodiversité, pollutions, déchets, surpêche, plastique, finitude des ressources etc. J’en passe, et je ne parle même pas des problèmes sociaux et (géo)politiques qui vont avec, qui sont bien entendu clés pour comprendre et traiter ces enjeux.
Ce moment a marqué une vraie révolution intérieure, avec ses moments de doute, de remise en question, de colère. Des discussions houleuses avec ma famille, mes amis. Une perte de sens dans mon stage.
Qu’à cela ne tienne, le sujet me passionne et me motive tellement que je me mets à le travailler et à y réfléchir sur mon temps libre. Rapidement, j’essaye de travailler de manière structurée (merci la prépa): je prends des notes, j’enregistre ce que je lis au fur et à mesure (grâce aux fonctionnalités de LinkedIn et Facebook notamment). Alors je fais ça pendant 1 an et demis. Cela nous amène en janvier 2021.
Un petit saut dans le temps – Ma bibliothèque perso
Janvier 2021 donc. Je sors de 18 mois consécutifs de stage et j’entame 8 mois de pause, de « césure personnelle », d’année sabbatique, avant de reprendre les cours en septembre. C’est le moment où je me mets vraiment à structurer mon travail. Tous les articles que j’ai effectivementlus ou pas encore mais enregistrés commepotentiellement intéressants (l’immense majorité, malheureusement, tombe dans cette seconde catégorie…), je les rassemble, les classes, les catégorises à l’aide d’un classeur Airtable (sorte d’Excel plus ludique). Cela me prend du temps, mais je me dis que ça me servira pour la suite.
Et voilà que je me retrouve avec une bibliothèque d’environ 300 contenus (articles, vidéos, podcasts, rapports etc.) qui va me servir pour la suite, pour chercher des infos, me renseigner sur des sujets que je ne maîtrise pas encore (l’agriculture par exemple) ou creuser ceux que je maîtrise mieux (l’énergie, et oui, c’est par là que j’ai fait ma « conversion »).
Alors oui, ça fait beaucoup. Ca fait même un peu boulimique de l’information, je vous l’accorde. Mais l’idée n’est pas tant de tout lire (chose impossible pour n’importe qui de normalement constitué ou qui fait autre chose de sa vie que de lire), que d’avoir à disposition ces ressources, pour le jour où j’en aurai envie, le temps, le besoin.
En parallèle je lis des bouquins, suis des MOOCs, regarde toutes les vidéos du génial Reveilleur (allez-y c’est une perle de pédagogie)… Et comme je fais pas tout ça que pour moi, je mets à jour mon compte LinkedIn avec ce que j’ai fait pendant ces quelques mois.
La bibliothèque de la transition…
Au fil des mois, j’en parle avec des amis, qui me disent (certains) être intéressé par l’idée et m’en demandent l’accès. Avec plaisir ! Si je peux sensibiliser, tant mieux ! Alors je le fais.
Quelques temps plus tard, je reçois un message me demandant conseil pour se lancer (à fond) dans l’écologie. Alors j’explique rapidement ce que j’ai fait, les bouquins, la bibliothèque, les fiches… Et là, surprise : la personne me demande l’accès à la bibliothèque.
Au début je suis un peu récalcitrant. Ca m’a quand même demandé des heures et des heures de veille, de classification, d’assemblage, cette bibliothèque. Alors je trouvais ça un peu osé de me demander le fruit de mon travail, mon petit bébé, sans me connaître. Puis j’ai réfléchis 2 secondes – un poil plus mais pas beaucoup je vous jure car cela tombait sous le sens en fait – si je fais tout ça, c’est pour partager passion de l’écologie et pour sensibiliser (j’étais aussi devenu animateur de la fresque du climat en parallèle). Alors qu’à cela ne tienne, – oui, ça fait bien deux fois que j’utilise cette expression dans ce court article – je décide de partager ma bibliothèque via un post LinkedIn. Il a son petit succès : plus d’une centaine de personne la consultent.
Alors il y a quelques temps, j’ai décidé d’améliorer cette bibliothèque : autant d’un point de vue des contenus disponibles, que de la quantité disponible. Vous pouvez désormais y trouver les contenus référencés par thèmes, mais aussi par média : Articles, rapports, podcast, newsletters, livres, sources d’informations… Je vous laisse aller observer et j’espère que c’est réussi – ça m’a pris pas mal de temps je l’avoue…
Et je me suis dit qu’il serait bon d’en faire un outil collaboratif.
… un projet collaboratif
J’y ajoute même un guide d’utilisation (1re table) et je me dis : je suis certainement pas le seul à faire ce genre de choses, suivre l’actualité, regarder des rapports, des vidéos, chercher des podcasts… Alors pourquoi pas proposer aux autres de contribuer à cette bibliothèque ? Et bah allons-y !
Vous pouvez maintenant le faire (ici) via un questionnaire ; je me chargerai de trier les contributions si besoin et si un jour la charge devient trop grosse, je solliciterai peut-être votre aide !
Voilà, c’est tout pour moi, j’espère que cet article vous aura plus et que cette bibliothèque vous (nous) sera utile et n’hésitez pas à me contacter si vous avez la moindre question !
Pour accéder à la bibliothèque développée par Louis, cliquez ICI . Pour retrouver Louis sur LinkedIn, cliquez ICI.
Ce mercredi 2 février 22 – comme souvent les dates symboles – ne surprend pas.
Il est annoncé depuis des mois. Reflet d’un consensus fortement majoritaire quant aux politiques européennes en matière d’énergie.
Le symbole reste pourtant très violent. Pour qui suit l’actualité mondiale de l’énergie et du climat, un saut vers l’inconnu vient d’être franchi.
Depuis les accords de Paris en 2015 sur le climat, des efforts monumentaux sont annoncés et rencontrés de manière fort partielle.
En Asie, la relance du charbon est présentée comme indispensable pour éviter un effondrement économique. La production de pétrole est loin de diminuer, malgré l’envolée des prix. Le gaz suscite des investissements continus et détermine en partie la géo-politique mondiale.
Et la part des énergies dites renouvelables reste, malgré sa croissance, anecdotique au niveau global.
Dans ce cadre déjà fort sombre pour les objectifs climatiques, l’Europe mise tout sur le gaz et le nucléaire pour éviter de répercuter les contraintes de rationnement de l’utilisation des énergies.
La « relance verte » est une réalité politique que nous allons probablement payer fort cher.
Et cela au moment où un consensus scientifique s’exprime sur les dépassements déjà actés de limites écologiques et du probable dépassement des plafonds de gaz à effet de serre dans les années qui viennent.
Au-delà de ce débat sur la non prise en compte des alertes répétées de différentes instances internationales (Giec, Nations-Unies, Nasa, PNUE, … références : ici ), c’est l’ensemble des mouvements citoyens sur le climat et l’environnement qui sont en deuil.
Que dire ? Que faire ? Comment mobiliser alors que l’ensemble des représentations politiques se comportent comme si l’urgence n’existait pas ?
Le processus européen annoncé aujourd’hui marque la fin d’une époque. Celle de l’espoir d’un sursaut face aux apocalypses climatiques annoncées.
Et maintenant ?
La raison va-t-elle reprendre ses droits ? Avons-nous encore du temps avant que le débat sur l’action anthropique ne se conclue par des formes violentes d’effondrements de nos capacités de vivre sur Terre ?
Il est de bon ton d’espérer. Espérons donc.
En attendant, ce mercredi 2 février 2022 est bien un jour de deuil. Le deuil d’espoirs sans doute vains.
Déléguée ONU du Forum des jeunes pour la Belgique francophone à la COP 26 de Glasgow
Propos recueillis par Michel Torrekens
Bruxelloise de 25 ans, Nadège Carlier est doctorante en sciences politiques à l’UCLouvain. Elle a également été désignée comme déléguée ONU francophone du Forum des jeunes, organe officiel de représentation de la jeunesse en Fédération Wallonie-Bruxelles, à la COP 26 qui s’est tenue à Glasgow. Nous l’avons rencontrée pour qu’elle nous fasse part de son expérience.
En quoi consiste ce mandat de déléguée ONU francophone du Forum des jeunes ?
Nadège Carlier : « Ce mandat a commencé en mars 2020, alors que débutait la pandémie, et dure deux ans, une première année en tant que junior et une deuxième en tant que senior pour apprendre progressivement les rouages du mandat et pour que l’on soit bien préparée au final pour une représentation à l’international, car la COP est très compliquée, même après avoir discuté pendant un an avec des acteurs et actrices de la société civile. Dans ce cadre, je représentais la jeunesse francophone sur les questions climatiques. Mais la COP 26 a été la pointe la plus visible d’un iceberg, d’un engagement pour le climat qui s’est concrétisé principalement en Belgique depuis deux ans. Initialement, je devais participer à la COP en 2020, mais celle-ci a été reportée d’un an à cause de la pandémie. »
Êtes-vous nombreux à exercer ce mandat ?
Nadège Carlier : « J’ai une collègue flamande désignée par le Vlaams Jeugd Raad, l’équivalent flamand du Forum des jeunes. Nous étions donc deux à représenter les jeunes dans la délégation officielle. Nous étions les seules avec cette casquette officielle, à avoir des impératifs de mandats, mais il est évident qu’il y avait aussi des représentants et des représentantes de Youth for climate et d’autres organisations avec un rôle plus activiste, tout à fait nécessaire à mon humble avis. Il s’agit de porter notre cause sur plusieurs fronts, tant de façon institutionnelle que de façon militante. En outre, il y a plusieurs jeunesses et il n’y a pas nécessairement unanimité sur tous les sujets. La diversité des voix est importante, et ce sont parfois des équilibres délicats pour que chacun trouve sa place. »
En quoi consiste le Forum des jeunes ?
Nadège Carlier : « Le Forum des jeunes est l’organe d’avis officiel des jeunes en Fédération Wallonie-Bruxelles, anciennement nommé Conseil de la jeunesse. Celui-ci a été refondé complètement et est moins politisé qu’avant. Sa mission est d’informer, former et éduquer les jeunes sur une série de sujets, mais pas dans une dynamique top/down. Il s’agit en effet de projets pour les jeunes et par les jeunes, de créer une dynamique où les jeunes s’engagent, prennent position et s’organisent par eux-mêmes. Ils sont invités à amener leurs propres sujets et le Forum s’engage alors dans une mission de soutien. Le Forum est actif sur toute une série de sujets. Moi, je me suis engagée pour le climat, mais on y aborde aussi des thèmes comme le développement durable, l’environnement, le droit de vote, l’éducation, le confinement, l’égalité de genres, etc. Précisons que le public du Forum, ce sont les jeunes de 16 à 30 ans. »
Deviez-vous avoir une expertise particulière en climatologie, par exemple une formation de biologiste en sciences environnementales, pour être mandatée par le Forum des jeunes à la COP 26 ?
Nadège Carlier : « Je suis entrée au Forum des jeunes en postulant à ce mandat de déléguée ONU pour le climat. Je suis doctorante en sciences politiques et je considère que nous pouvons tous et toutes nous intéresser aux questions climatiques sans être ingénieur en biologie ou doctorante en sciences. Il y a assez d’informations dans des rapports comme ceux du GIEC pour se former et s’informer. Pour le climat, il y a même un enjeu capital à ne pas laisser seulement les ‘experts’ scientifiques en parler. Ce doit être un débat public sur nos modes de vie, de production et de consommation qui nous concerne tous et toutes. Il faut que ces matières soient traduites par et pour les citoyens, de façon critique, pour nourrir le débat politique. Je pense que les crises environnementales doivent être politisées. J’apprécie aussi d’avoir différentes facettes dans ma vie. Ma thèse ne porte pas sur les négociations climatiques à la COP ; elle concerne les projets transversaux et collaboratifs mis en place au niveau local. Et j’aime beaucoup voyager à différents niveaux politiques, celui de l’ONU comme celui de la commune. Typiquement avec les politiques environnementales et climatiques, il y a nécessité d’une approche plus transversale pour prendre des décisions en s’éloignant de logiques plus hiérarchiques ou par silos. J’étudie différentes communes en Europe, l’idée étant de voir ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas, ce que ça change pour les fonctionnaires et si cela change les politiques… Quant à mon mémoire, il portait sur la gouvernance climatique belge, ce qui m’a bien servi dans mon mandat. Je m’étais intéressée au burden sharing de 2012 qui avait mis huit ans à être avalisé. »
Qu’entendez-vous par burden sharing ?
Nadège Carlier : « En gros, c’est le partage de l’effort ou de la charge en matière climatique et environnementale. Au niveau européen, il y a des objectifs climatiques qui ont été fixés, comme 55% en moins d’émissions de gaz à effets de serre d’ici 2030. Ensuite, comme il y a des pays qui ont plus de moyens que d’autres ou qui sont plus loin que d’autres dans leurs politiques de transition, il y a des discussions pour se répartir les efforts. La Belgique a reçu un objectif de diminuer de 47% les émissions de gaz à effets de serre d’ici 2030. Comme la Belgique est un état fédéral, cet objectif doit ensuite être réparti entre les différentes régions. En plus de cela, il y a le système ETS, le système d’échanges quotas carbone au niveau européen, à savoir que la Belgique reçoit de l’argent dans ce cadre et que celui-ci doit à nouveau être réparti. Ce sont des questions qui coincent. Cela a été le point de départ d’un mélodrame à la COP26 car la Flandre refuse de s’engager à aller plus loin que moins 40%, ce qui oblige les autres régions à faire plus pour atteindre l’objectif fixé à la Belgique. Mon mémoire portait sur ces questions lors de la COP précédente et on voit que ces problèmes se sont à nouveau posés. »
Comment avez-vous été sélectionnée pour représenter le Forum de la jeunesse ?
Nadège Carlier : « La sélection est organisée par le Forum des jeunes et se fait en plusieurs étapes. D’abord, l’envoi d’un CV, d’une lettre de motivation et les réponses à une série de questions. Ensuite, un test écrit sur des connaissances factuelles, mais aussi la rédaction d’un discours par exemple ainsi que d’autres mises en situation. Et enfin, un entretien oral avec ma prédécesseure, une représentante de la société civile climatique et la permanente du Forum des jeunes qui s’occupe de ces mandats. Il faut savoir qu’il y a aussi une sélection pour des délégués biodiversité et développement durable qui se rendent à d’autres sommets organisés par l’ONU. »
Où se situe le Forum des jeunes parmi les diverses associations de jeunes qui se mobilisent pour le climat ?
Nadège Carlier : « Le Forum des jeunes fait partie de la délégation officielle en tant que Party overflow. Cela signifie que nous avions accès à presque toutes les salles de négociations, la réunion quotidienne de la délégation, etc. Ceci dit, ‘overflow’ signifie que nous sommes ‘excédents’ et que nous cédons la priorité aux badges ‘Party’ tout court. Par exemple, nous n’avions pas accès à la réunion de coordination de l’Union européenne ni à des négociations en plus petits comités. Des militantes comme Anuna De Wever ou Adelaïde Charlier avaient aussi un badge de Party overflow, et donc accès à pas mal de réunions. Il faut savoir que les relations entre société civile et délégation belge évoluent d’un sommet à l’autre, notamment en fonction des représentants politiques, certains étant plus ouverts à la société civile que d’autres. Lors de cette COP26, on peut dire que les ministres et la délégation faisaient preuve d’une belle ouverture envers la société civile. »
En quoi consiste le job d’une représentante ONU du Forum des jeunes à une COP ?
Nadège Carlier : « Il y a un double volet : d’une part, faire du plaidoyer politique auprès de la délégation belge – et de la délégation européenne dans une moindre mesure. On a ainsi pu rencontrer Franz Timmermans, le premier ministre Alexander De Croo, les ministres Zakia Khattabi, Alain Maron et Philippe Henry, ainsi que certains présidents de parti. Nous étions avec la Coalition Climat qui chapeaute diverses associations en Belgique, tant francophones que flamandes, pour organiser, par exemple, les marches comme celle du 10 octobre 2021. Cette coalition regroupe des syndicats, des ONG nord-sud, des associations environnementales, de développement et de coopération. D’autre part, il s’agissait d’expliquer aux jeunes en Belgique ce qui se passait à la COP via les réseaux sociaux en décryptant et en vulgarisant les informations. »
Par rapport à la raison d’être de la COP, quels sont les éléments positifs que vous auriez envie de mettre en avant ?
Nadège Carlier : « D’une manière générale, la COP, c’est bien, mais pas assez. Tout est toujours en demi-teinte. D’un point de vue positif, on a mentionné pour la première fois la diminution des énergies fossiles dans l’accord final. Ce qui m’a choquée, c’est que ce point fasse encore débat. Le point négatif, c’est que l’on mentionne une diminution sans inscrire une vraie sortie des énergies fossiles. Le deuxième élément positif que je retiens, c’est précisément la participation des jeunes en tant que génération la plus affectée, porteuse de changements et en général plus sensibilisée à ces questions que les autres générations. Pour la première fois, cela a été clairement mentionné dans les accords finaux. Un autre constat positif que je tire de la COP, c’est sa dimension médiatique, ce momentum médiatique et politique qui permet à toute une série de voix de se faire entendre, ce qui n’est pas forcément le cas d’habitude. Je pense aux représentants de peuples indigènes, des îles Pacifique comme les îles Salomon, qui ont pu témoigner et défendre leurs positions. Par contre, j’ai été impressionnée de constater comme petits et grands pays n’ont pas les mêmes moyens, les mêmes leviers d’actions. L’ONU finance un minimum pour chaque délégation, genre un ou deux délégués, et le reste est financé par chaque pays. C’est ainsi que la Belgique avait une grosse délégation, d’autant que Glasgow n’est pas trop loin. D’autres pays comme les États-Unis ont des dizaines de négociateurs et négociatrices. Par contre, des pays du sud ont trois, quatre représentants. Il y a aussi toute la partie avec les pavillons comme celui du Bénélux ou de diverses associations où sont organisées des conférences notamment. Mais tous les pavillons n’ont pas la même taille : il y a un côté un peu exposition universelle, les plus voyants étant ceux du Qatar et de la Russie. On y voit de manière très concrète les inégalités d’accès. C’est vrai aussi pour la société civile. Des jeunes Belges, il y en avait beaucoup par rapport à l’Équateur par exemple. Paradoxalement, les pays qui sont les plus affectés par la crise climatique ont moins accès au sommet qui lui est consacré. »
Autre constat qui vous ait marquée ?
Nadège Carlier : « Je me suis rendu compte que la COP n’est pas une structure qui permettra de prendre des décisions radicales. On crée beaucoup trop d’attentes autour des COP. On entend souvent dire que c’est la COP de la dernière chance, mais une COP, c’est avant tout itératif et graduel dans le changement. Elle rassemble des états souverains qui ne vont pas s’imposer des contraintes excessives. Comme, en plus, les décisions se prennent par consensus, il ne faut pas s’attendre à des changements radicaux ou une révolution du système. Je crois par contre que ce serait pire si les COP n’existaient pas. Par contre, je ne crois pas que la crise climatique se résoudra par la technologie. Les innovations technologiques contribueront à des améliorations et j’encourage la recherche, mais le premier levier à mes yeux tient au changement de nos comportements de production et de consommation. J’ai été étonnée de constater à la COP combien le narratif autour de la technologie était encore très présent. Dès qu’on entrait dans le grand hall, on était accueilli par une voiture de course électrique ainsi qu’un avion électrique. Pour moi, on essaie de nous enfumer en nous suggérant que le secteur privé et la recherche vont nous apporter des sources d’énergie inépuisables. Pour moi, à long terme, cela ne suffira pas. »
Quelle solution voyez-vous dès lors ?
Nadège Carlier : « Je pense qu’il ne suffira pas d’un seul niveau de décision ou d’actions. Des changements radicaux peuvent avoir lieu au niveau local mais, à moins que ceux-ci ne se généralisent, se multiplient, des décisions doivent aussi être prises et activées à d’autres niveaux. Tous les moyens doivent être activés à tous les niveaux. Cela m’a frappée comme les choses bougent en Belgique parce qu’il y a la pression de la rue avec les marches pour le climat mais aussi celle de la COP, notamment à un niveau médiatique. La pression doit venir du bas et du haut. »
Et depuis votre retour de Glasgow, que s’est-il passé pour vous ?
Nadège Carlier : « On a créé un événement avec le Forum des jeunes pour décrypter cette COP et nous avons partagé sur les réseaux sociaux. Je poursuis le suivi des dossiers que j’avais entamés l’an dernier, notamment sur l’alimentation durable au niveau belge et européen, en particulier la PAC en Wallonie. L’alimentation durable est un levier de changement important car elle est au carrefour de tellement de réalités du quotidien des gens en termes de biodiversité, de climat, de santé publique, de justice sociale, d’économie… Aborder l’alimentation, c’est aborder des enjeux globaux. Sinon, j’arrive à la fin de mon mandat et ma successeuse va reprendre le flambeau. »
La COP26 a accouché d’un ensemble de décisions qui vont aider à la mise en œuvre de l’Accord de Paris. C’est un pas dans la bonne direction, c’est bien plus que du bla-bla, mais c’est très insuffisant.
Parmi les points positifs, je vois :
1) une reconnaissance encore plus nette de l’urgence de l’action, couplée à un accueil favorable du dernier rapport du GIEC ;
2) une reconnaissance de l’énorme fossé entre les plans actuels et ce qui serait nécessaire, et un appel à accroître le niveau d’ambition de ces plans annuellement, et pas seulement tous les 5 ans ;
3) la finalisation des règles de mises en œuvre de l’Accord de Paris, notamment pour ce qui concerne les marchés du carbone, qui respecte largement l’intégrité environnementale ;
4) un appel à réduire l’usage du charbon et des subsides aux énergies fossiles ;
5) un début de réponse à la demande des pays vulnérables que les dommages qu’ils subissent suite au dérèglement du climat soient compensés par les pays qui en sont responsables ;
6) des promesses d’augmentation des budgets consacrés au financement des actions climatiques des pays en développement, avec une augmentation de la part consacrée à l’adaptation à la partie des changements climatiques devenue inévitable.
Je voudrais saluer à cet égard le geste symbolique important fait par le gouvernement de Wallonie au dernier jour de la COP26, en promettant de contribuer à raison d’un million d’euros à un fond de financement des pertes et préjudices des pays en développement.
L’ensemble des textes adoptés à Glasgow ne diminue évidemment pas immédiatement les émissions de gaz à effet de serre, mais crée un cadre et des signaux de plus en plus clairs vers la décarbonation pour tous les gouvernements, tous les acteurs économiques et tous les citoyens. Maintenant, au boulot !
Pr Jean-Pascal van Ypersele (UCLouvain), conseiller scientifique dans la délégation belge à la COP26, ancien Vice-président du GIEC
Dorota Retelska décrypte les nouvelles du climat. Docteure ès Sciences de l’UNIL, auteure d’Antarctique-Ouest dans le Vide, elle alerte sur les dangers du climat depuis plusieurs années. Elle est active dans plusieurs organisations de défense du climat, entre autres l’Association Climat Genève, Greenpeace, TACA, et le Collectif Climat 2020.
Cet été, la Belgique et l’Allemagne ont connu d’impressionnantes inondations. Les victimes ont vécu des moments effrayants, des maisons entières ont été dévastées, et certains ont perdu la vie.
Le GIEC avait prévu que le réchauffement climatique causerait une augmentation du nombre d’inondations, et celle-ci a été observée dès 2013 déjà. La température de la Planète est montée rapidement en 2015 et 2016. A ce moment-là, l‘Organisation Météorologique Mondiale prévenait que nous étions entrés en territoire inconnu, où nous attendaient des catastrophes nouvelles. et au cours de des dernières années, les débordements suivant les pluies intenses se sont encore multipliés.
Depuis, la Terre a connu une succession de vagues de chaleur étonnantes, des ouragans plus forts, et des feux de forêt gigantesques.
Cette année, une vague de chaleur particulièrement étonnante, culminant à 49.6°C degrés, a touché le Canada, pays habituellement assez froid. Ce type d’événements était attendu aux environs de 2100. L’année passée, la Sibérie avait subi des températures à plus de 20°C au-dessus de la normale, et l’Australie a aussi vécu des très fortes vagues de chaleur, qui ont débouché sur d’immenses feux de forêt. Les pompiers australiens ont pu arrêter le feu aux portes des principales villes du pays.
Les habitants étaient évacués in extremis, et un tiers de la population de koalas australiens a disparu dans les brasiers.
Les climatologues sont inquiets, ils considèrent qu’après la vague de chaleur du Canada, d’autres événements semblables ou même plus forts sont possibles. Au début du mois d’août, la Grèce vit des records de chaleur qui ont dépassé 43°C.
Une première étude d’attribution a conclu que même en tenant compte du réchauffement, cette vague de chaleur devrait être exceptionnelle.
Il est possible aussi que cet événement signifie que le réchauffement climatique, ou ses manifestations les plus s’extrêmes, s’accélèrent.
L’augmentation des pluies intenses est surtout due au fait que l’humidité de l’atmosphère augmente de 7% par degré.
De plus, nous pourrions voir des périodes de sécheresse alterner avec des pluies intenses, et l’évaporation d’eau des mers plus chaudes accroît par endroits l’humidité de l’air.
Depuis quelques années, de plus gros orages ont été observés dans le monde, accompagnés de pluies très intenses. Cet été a apporté à l’Europe des dizaines d’orages de grêle, grosse ou géante, des vents ainsi que des tornades.
Le réchauffement climatique s’aggravera dans les années à venir. Il est bien possible que les inondations augmentent, que des torrents furieux coulent dans les rues des villes, que des bâtiments soient sapés par les eaux, les toits arrachés par des tempêtes, et que des grêles géantes ou des sécheresses annihilent les récoltes. La chaleur pourrait devenir un assassin invisible et soudain, et les températures pourraient avoisiner les 50°C.
Nous serons probablement prévenus 2-3 jours avant les catastrophes par les météorologues. A ce moment-là, nous devons disposer de solutions d’évacuation.
En Chine et en Inde, des inondations atteignent le premier étage des maisons, en emportent certaines. D’autres bâtiments chancellent après le reflux. Ils ne résisteront pas éternellement.
Nous devons prendre conscience du fait que nous perdrons de nombreux immeubles, que les inondations occasionneront des coûts colossaux en dévastant tout sur leur passage, que les transports seront souvent interrompus et l’approvisionnement deviendra de plus en plus hasardeux. Assez vite, les reconstructions seront abandonnées face à l’escalade des désastres. Les assurances ne pourront pas faire face à la quantité de sinistres. Les victimes perdront quasiment tout et il deviendra difficile de trouver un endroit sûr où recommencer car nul ne sera à l’abri.
Financièrement, il devient absurde de continuer l’économie de la croissance, car elle provoquera des dommages extrêmement coûteux, et les coûts humains seront terribles aussi. Il doit y avoir une autre solution, une réduction rapide d’émissions qui nous donne de bonnes chances de rester en vie.
Un panel d’experts indépendants a proposé, dans un rapport de ce mois de juin 2021, une définition légale de l’écocide qui peut être adoptée dans le Statut de Rome.
Cette définition est construite à partir des définitions de génocide et de crime de guerre, comme 5e crime international, preuve qu’il s’agit bien d’un changement de paradigme fondamental dans la pensée : détruire l’environnement au-delà d’un certain seuil est un crime contre l’humanité, au même titre qu’un génocide. Cela ouvre la porte à tout un nouvel univers dans le discours politique : comme pour l’esclavagisme, le génocide ou la guerre, les politiciens, activistes, militants peuvent davantage utiliser une posture morale, éthique, de justice et de droit, pour justifier une ligne politique écologiste, et plus seulement des arguments technocratiques de coûts-bénéfices.
On pourrait presque dire que la finalité de l’écologie est d’empêcher l’écocide, y compris au niveau de l’économie. Ces trois mots partagent la même racine grecque « éco / oikos » = maison en grec. Notre maison commune la Terre.
Le terme « écocide » combine le mot grec « oikos », qui signifie « maison » (et plus tard « habitat »), avec le mot « cide », qui signifie « tuer ». Il s’inspire de l’approche adoptée par le juriste polonais Rafael Lemkin, qui a inventé le mot « génocide » en novembre 1944.
…
1. Aux fins du présent Statut, on entend par « écocide » des actes illicites ou gratuits commis en sachant qu’il existe une probabilité substantielle que ces actes causent à l’environnement des dommages graves et généralisés ou de longue durée.
2. Aux fins du paragraphe 1 :
a. « Téméraire » signifie avec une insouciance téméraire pour des dommages qui seraient manifestement excessifs par rapport aux avantages sociaux et économiques escomptés ;
b. « Grave » signifie des dommages qui impliquent des changements négatifs très graves, des perturbations ou des dommages à tout élément de l’environnement, y compris des impacts graves sur la vie humaine ou les ressources naturelles, culturelles ou économiques ;
c. » Largement répandu » désigne les dommages qui s’étendent au-delà d’une zone géographique limitée, dépassent les frontières des États, ou sont subis par un écosystème ou une espèce entière ou un grand nombre d’êtres humains ;
d. « Long terme » signifie des dommages qui sont irréversibles ou qui ne peuvent être réparés par une récupération naturelle dans un délai raisonnable ;
e. » Environnement » désigne la terre, sa biosphère, sa cryosphère, sa lithosphère, son hydrosphère et son atmosphère, ainsi que l’espace extra-atmosphérique.
L’étape suivante sera peut-être de reconsidérer le critère de légalité -car aujourd’hui une bonne partie de l’écocide planétaire est certainement légale-, ou du moins de parvenir à la conclusion que de nombreuses activités économiques aujourd’hui « légales » sont en réalité « illégales » au regard des droits humains, des traités et des législations environnementales (cf. le jugement qui a condamné Dutch Shell aux Pays Bas). Il s’agirait alors qu’économie et écologie « reviennent ensemble à la maison ».
Il se pourrait que des personnages comme le président brésilien Jair Bolsonaro ou l’ex président américain Donald Trump, et certains de leurs fonctionnaires, soient un jour condamnés devant l’équivalent d’un Tribunal de Nuremberg écologique. Il s’agirait d’un basculement historique.
Selon de nouvelles recherches, « les systèmes alimentaires » étaient responsables de 34% de toutes les émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine en 2015.
L’étude, publiée dans Nature Food, présente EDGAR-FOOD – la première base de données à décomposer les émissions de chaque étape de la chaîne alimentaire pour chaque année de 1990 à 2015. La base de données détaille également les émissions par secteur, par gaz à effet de serre et par pays.
Selon l’étude, 71 % des émissions alimentaires en 2015 provenaient de l’agriculture et des « activités associées à l’utilisation des terres et au changement d’affectation des terres » (UTCAT), le reste provenant de la vente au détail, du transport, de la consommation, de la production de carburant, de la gestion des déchets, des processus industriels et des emballages.
L’étude révèle que le CO2 représente environ la moitié des émissions liées à l’alimentation, tandis que le méthane (CH4) en constitue 35 % – principalement issus de la production de bétail, de l’agriculture et du traitement des déchets.
Selon l’étude, les émissions du secteur de la vente au détail sont en hausse et ont été multipliées par 3 ou 4 en Europe et aux États-Unis entre 1990 et 2015.
Les auteurs constatent également que les « kilomètres alimentaires » contribuent moins aux émissions alimentaires que les emballages. Les auteurs ajoutent que 96 % des émissions liées au transport des aliments proviennent du transport local ou régional par route et par rail, plutôt que du transport international.
« Une excellente base de données »
Si nourrir la population mondiale de près de 8 milliards d’habitants est une tâche fondamentale, cet aspect a un coût élevé pour le climat. La production alimentaire utilise la moitié des terres habitables de la Terre et un rapport de 2019 du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a estimé qu’entre 21 et 37 % des émissions mondiales proviennent des systèmes alimentaires.
La nouvelle étude présente EDGAR-FOOD – la première base de données couvrant chaque étape de la chaîne alimentaire pour tous les pays, fournissant des données pour chaque année entre 1990 et 2015. La base de données estime les émissions de CO2, de CH4, d’oxyde nitreux (N2O) et de gaz fluorés pour chaque étape du système alimentaire, ainsi que par pays.
Le Dr John Lynch, de l’Université d’Oxford, qui étudie l’impact de l’alimentation sur le climat et n’a pas participé à l’étude, explique à Carbon Brief qu’il « a souvent été difficile d’obtenir une couverture détaillée de l’ensemble du système alimentaire » et que ce nouveau document est une « excellente ressource ».
Le Dr Sonja Vermeulen, directrice des programmes du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (CGIAR), qui n’a pas non plus participé à l’étude, ajoute qu’il s’agit d’une « excellente base de données et d’un ensemble d’outils analytiques pour indiquer la voie à suivre pour l’alimentation ».
Mme Vermeulen rappelle qu’elle a publié « peut-être la première estimation des émissions totales des systèmes alimentaires » il y a une dizaine d’années, estimant que ces derniers étaient responsables d’un tiers des émissions. Il s’agit de la même estimation que celle de la nouvelle base de données, note-t-elle, mais elle ajoute que son chiffre était « basé sur des données et des calculs beaucoup plus grossiers » que la nouvelle évaluation et « il est formidable de voir que le chiffre est fondé sur des preuves et des détails beaucoup plus solides ».
Émissions alimentaires mondiales
L’étude révèle que la production alimentaire mondiale a augmenté de 40 % entre 1990 et 2015, et que les émissions annuelles du système alimentaire sont passées de 16 milliards de tonnes de CO2e (GtCO2e) à 18GtCO2e.
Toutefois, elle ajoute que, sur une base individuelle, les émissions liées à l’alimentation par habitant ont diminué, passant d’une moyenne de 3 tonnes de CO2e en 1990 à 2,4tCO2e en 2015.
De plus, selon le document, la contribution des systèmes alimentaires au total des émissions d’origine humaine a en fait chuté de 44 % à 34 % pendant cette période. Cela est dû à l’augmentation globale des émissions provenant d’autres secteurs, précise le document. Selon M. Lynch, cette constatation souligne la nécessité de décarboniser :
« En tant que fraction des émissions totales de gaz à effet de serre, les émissions alimentaires sont en fait en baisse, car nous augmentons les émissions encore plus rapidement dans d’autres secteurs – en grande partie en brûlant des combustibles fossiles pour obtenir plus d’énergie. Donc, même s’il est formidable que l’on s’intéresse de plus en plus aux impacts environnementaux du système alimentaire, cela souligne que la décarbonisation doit rester notre priorité climatique. »
En 2015, 27 % des émissions liées à l’alimentation provenaient des « pays industrialisés », indique le document, les 73 % restants provenant des « pays en développement » – au sein desquels les chercheurs incluent la Chine. Les six économies qui émettent le plus d’émissions liées au système alimentaire sont composées d’un mélange de pays « industrialisés » et « développés », selon le rapport :
Tableau indiquant les six économies dont les systèmes alimentaires produisent le plus d’émissions. Source : Crippa et al (2021).
L’étude note que la part des émissions d’un pays qui provient de son système alimentaire varie de 14 % à 92 %. Dans les pays industrialisés, environ 24 % des émissions totales des pays proviennent de leur système alimentaire – un chiffre qui est resté relativement stable entre 1990 et 2015, selon l’étude.
Toutefois, les chercheurs constatent que la part des émissions provenant de l’alimentation dans les pays en développement a diminué, passant d’environ 68 % en 1990 à 38 % en 2015. Cela est dû aux « très fortes augmentations des émissions non alimentaires », précisent les auteurs, ainsi qu’à une « réduction significative des émissions terrestres » – principalement grâce à une réduction de la déforestation.
L’étude ajoute que l’Asie est le principal contributeur aux émissions alimentaires mondiales lorsqu’elles sont mesurées par continent – produisant 35 % des émissions du système alimentaire mondial en 1990 et 49 % en 2015.
La carte ci-dessous montre les émissions du système alimentaire en proportion des émissions totales de chaque pays, pour 1990 (à gauche) et 2015 (à droite). Par exemple, le vert foncé indique les pays où les émissions liées à l’alimentation représentent plus de la moitié de leurs émissions totales.
légende carte : La part des émissions de gaz à effet de serre provenant des systèmes alimentaires en tant que fraction des émissions totales pour chaque pays en 1990 (à gauche) et en 2015 (à droite). Source : Crippa et al (2021).
« Il est théoriquement possible, même avec la croissance démographique, que chaque personne dans le monde ait une alimentation saine et culturellement appropriée sans transgresser les limites planétaires pour le carbone, la biodiversité, l’azote, le phosphore et l’eau. Mais cela demandera beaucoup d’efforts, tant sur le plan technique que politique.«
La nouvelle étude souligne que nous avons besoin d’un « mélange de solutions techniques et politiques », ajoute-t-elle :
« Leur analyse renforce le fait qu’il n’y a pas de solution miracle unique – si nous nous concentrons uniquement sur une alimentation plus végétale, ou uniquement sur l’amélioration des pratiques agricoles, ou uniquement sur les secteurs de l’énergie et des transports, nous n’arriverons pas là où nous devons être – nous avons besoin des trois.«
Les étapes de la production
Les auteurs répartissent également les émissions selon les différentes étapes du système alimentaire. Pour 2015, ils constatent que les premières étapes de la production alimentaire – celles qui amènent les denrées alimentaires à la « porte de la ferme », y compris la pêche, l’aquaculture, l’agriculture et les émissions liées aux intrants tels que les engrais – ont contribué à 39 % des émissions totales du système alimentaire.
L’UTCAT est le deuxième contributeur le plus important, avec un tiers des émissions totales du système alimentaire. Selon l’étude, cela est dû principalement aux pertes de carbone dues à la déforestation et à la dégradation des sols, notamment des tourbières.
Les auteurs notent que la plupart des émissions de l’UTCAT proviennent des pays en développement – en 2015, par exemple, l’agriculture et l’UTCAT représentaient 73 % des émissions alimentaires des pays en développement. Cependant, ils notent qu’entre 1990 et 2015, la part des émissions alimentaires provenant de la production agricole et de l’UTCAT a diminué de 13 % et de 26 % dans les pays en développement, respectivement.
Le transport, l’emballage, la vente au détail, la transformation, la consommation et l’élimination en fin de vie ont constitué les 29 % d’émissions restantes en 2015, indiquent les auteurs. Selon l’étude, cette valeur a augmenté depuis 1990 tant dans les pays industrialisés que dans les pays en développement.
La part mondiale des émissions alimentaires qui proviennent du secteur de l’énergie a augmenté de 31% sur la période 1990-2015, constate l’étude. Elle ajoute qu’en 2015, les secteurs « liés à l’énergie » – y compris l’industrie et les déchets – représentaient plus de la moitié des émissions alimentaires dans les pays industrialisés.
Les auteurs constatent également que les « kilomètres alimentaires » contribuent légèrement moins aux émissions alimentaires que les emballages. Les emballages ont contribué à environ 5,4 % des émissions alimentaires – principalement en raison de l’industrie des pâtes et papiers – tandis que le transport n’était responsable que de 4,8 %.
Comment les émissions alimentaires évoluent-elles ?
Les auteurs analysent également la contribution des différents gaz à effet de serre dans le système alimentaire. Par exemple, ils ont constaté que le CO2 représente environ la moitié des émissions du système alimentaire.
Le diagramme de Sankey ci-dessous montre la contribution des différentes activités et des différents types de gaz à effet de serre aux émissions globales du système alimentaire.
(diagramme) Émissions de gaz à effet de serre du système alimentaire en 2015
Les émissions totales de gaz à effet de serre en provenance du système alimentaire étaient de 18GtCO2e par an en 2015.
Diagramme de Sankey illustrant la répartition des émissions du système alimentaire mondial en 2015. Les données sont présentées – de gauche à droite – par gaz, secteur, étape, catégorie, puis à nouveau par gaz. Passez la souris sur les différentes sections pour voir les données en pourcentages. Données de Crippa et al (2021). Graphique réalisé par Carbon Brief à l’aide de Highcharts.
Les auteurs notent que le CH4 représente 35 % des émissions totales du système alimentaire. Cela est principalement dû à la production de bétail, à l’agriculture et au traitement des déchets. Toutefois, les auteurs notent également que le riz – l’une des principales cultures alimentaires – est une « source principale » d’émissions de méthane.
L’étude constate que, bien que les émissions de gaz fluorés (gaz-F) ne représentent que 2 % des émissions, leur utilisation a doublé entre 1990 et 2015. Les gaz fluorés sont principalement utilisés dans la réfrigération, expliquent les auteurs, et comme les pays en développement augmentent leur réfrigération industrielle et domestique, « l’importance de la réfrigération dans les émissions totales de gaz à effet de serre est susceptible d’augmenter ».
Les auteurs notent que la Chine est à l’origine de bon nombre des tendances du système alimentaire dans les pays en développement. Alors que les émissions liées à l’alimentation ont augmenté en moyenne de 14 % entre 1990 et 2015, celles de la Chine ont augmenté de 41 %. Néanmoins, la part des émissions liées à l’alimentation dans les émissions totales de la Chine est passée de 51 % en 1990 à 19 % en 2015, en raison de l’augmentation des émissions due à l’industrialisation du pays.
En outre, les émissions de la Chine liées à la gestion des déchets jouent un rôle important dans l’augmentation de 50 % enregistrée dans les pays en développement, indique l’étude. Dans le même temps, les émissions liées à la gestion des déchets – y compris la gestion des déchets solides et des eaux usées – ont diminué en moyenne dans les pays industrialisés.
L’étude note que les émissions liées à l’utilisation de l’énergie – électricité, chaleur et carburants – dans l’agriculture ont augmenté de 15 % entre 1990 et 2015 en raison de la mécanisation de la production, avec une augmentation de 50 % en Afrique, en Amérique latine et en Asie.
À l’inverse, l’introduction de « progrès agronomiques et de restrictions environnementales » dans les pays industrialisés a entraîné une diminution de 28 % des émissions de l’agriculture entre 1990 et 2015, ajoute l’étude.
Parallèlement, entre 1990 et 2015, la contribution de la vente au détail, de l’emballage, du transport et de la transformation aux émissions totales du système alimentaire a augmenté de 33 % à 300 % sur la période 1990-2015.
Le Dr Marco Springmann, chercheur au Nuffield Department of Population Health, qui n’a pas participé à l’étude, déclare qu’actuellement, « de nombreux inventaires d’émissions ne représentent pas de manière adéquate les émissions du système alimentaire » et affirme que cette base de données constitue « une amélioration bienvenue de la comptabilisation des émissions ». Il déclare à Carbon Brief :
« Bien que de nombreux résultats aient été rapportés dans d’autres études spécialisées, l’intégration d’une optique de système alimentaire dans une base de données d’émissions normalisée et mise à jour annuellement représente une avancée majeure d’une ressource publique qui profitera à la communauté scientifique, aux ONG, aux décideurs politiques et aux autres parties intéressées.«
La recherche montre également que « les émissions du système alimentaire se retrouvent dans tous les secteurs d’émissions et incluent tous les principaux gaz à effet de serre », ajoute-t-il. Cependant, il note que « la différenciation des émissions par groupe d’aliments » n’est pas incluse dans la base de données, et déclare à Carbon Brief que ce serait une bonne prochaine étape pour la recherche :
« Une désagrégation plus poussée des catégories d’émissions d’EDGAR-FOOD dans les groupes alimentaires sous-jacents aurait élargi l’utilité de la base de données pour informer des politiques d’atténuation concrètes et bien ciblées pour le système alimentaire. Espérons que l’ajout de ce détail crucial figure sur la liste des choses à faire pour la prochaine mise à jour.«
Aujourd’hui marque le premier anniversaire de la législation européenne sur le changement climatique. Bien que le temps presse, les États membres de l’UE bloquent toute avancée dans les négociations sur la loi. Pourtant, une nouvelle analyse montre que des objectifs climatiques forts sont un moteur pour l’économie et peuvent créer plus d’un million de nouveaux emplois.
Pour comprendre l’élaboration des politiques européennes, il faut remonter dans le temps. Fin 2019, la nouvelle Commission de l’UE sous la présidence d’Ursula von der Leyen a présenté son « European Green Deal ». L’UE doit devenir neutre sur le plan climatique – d’ici 2050.
La pièce maîtresse de cet accord vert devait être la loi européenne sur le changement climatique, et tout devait se dérouler très rapidement.
Début mars 2020 – environ quatre mois après l’annonce du Green Deal – la Commission a présenté une « loi européenne sur le changement climatique ».
Douze pages devaient ainsi déterminer les 30 prochaines années de politique climatique dans le plus grand marché unique au monde. Douze pages, inévitablement, quelque chose allait manquer…
Le cœur du projet de loi était l’objectif climatique pour 2030 avec une réduction prudente des émissions de CO2 de 50 à 55 % par rapport à 1990 ainsi que la fixation d’un objectif de « neutralité climatique 2050 ». La question épineuse était de savoir dans quelle mesure les États membres de l’UE étaient prêts à s’engager.
On se plait à applaudir la politique climatique, mais on réchigne à la mise en œuvre. Et c’est le cas ici aussi, de beaux discours, peu de substance. La peur règne parmi les États membres, une peur qui a été exacerbée par la crise économique causée par le Corona. Mais cette panique est mal placée.
Tout d’abord, le Parlement européen a adopté la loi et négocié une étape importante de la politique climatique : en octobre 2020, un objectif climatique pour 2030 de moins 60 % a été adopté en évitant les artifices de calcul, ainsi que d’autres dispositifs climatiques tels qu’un budget pour les gaz à effet de serre ou une interdiction des subventions pour les énergies fossiles.
L’évaluation économique soutient l’objectif de 60 pour cent.
Une nouvelle étude d’évaluation publiée aujourd’hui par le cabinet de conseil en gestion Cambridge Econometrics pour le compte du groupe parlementaire des Verts soutient la décision de 60 % du Parlement européen. Selon l’étude, l’élimination progressive du charbon d’ici 2030 permettrait non seulement de réduire massivement les émissions, mais aussi d’assurer une forte croissance économique – grâce à une augmentation significative des investissements dans les énergies renouvelables et l’efficacité. Plus d’un million d’emplois pourraient alors être créés, surtout dans le secteur des énergies renouvelables.
La révolution des transports pourrait aussi enfin se produire. Parce que les transports deviendraient électriques d’ici 2030 et apporteraient la clarté que VW, Daimler et Cie souhaitent. Fin de la valse hésitation autour de la question des moteurs: la course est lancée, la voiture du futur sera électrique.
Non seulement le patron de VW, M. Diess, le dit, mais aussi le Parlement européen. Cet investissement peut être stimulé si l’attitude de blocage actuelle du Conseil des ministres, la représentation des 27 États membres, est résolue et si la décision du Parlement est adoptée – indique l’étude.
Mais il n’y a pas que l’étude de Cambridge Econometrics qui montre à quel point une forte protection du climat est précieuse pour l’économie européenne et, bien sûr, pour le climat. La protection du climat et l’économie – ce ne sont plus des pôles opposés. Les deux vont de pair.
L’Institut allemand de recherche économique, le groupe de réflexion Agora Energiewende, l’Agence fédérale allemande pour l’environnement – tous prônent depuis longtemps une expansion massive des énergies renouvelables, une vague de rénovation, une révolution de la mobilité. Cela nécessite un cadre fourni par les objectifs climatiques.
Les citoyens européens le réclament aussi depuis longtemps et soutiennent le renouveau de l’économie, comme le montrent les enquêtes. Mais alors que les États-Unis sont de retour sur la scène climatique, que l’économie réclame de la clarté et soutient des objectifs climatiques ambitieux, peu de choses se sont passées jusqu’à présent dans l’UE.
Par la ruse et le pinaillage, les 27 États membres de l’UE se sont mis d’accord en décembre dernier sur une réduction nette de 55 % des gaz à effet de serre. Selon les experts, cela signifie une réduction réelle de 52 %. Enfin, les négociations pouvaient commencer.
Mais près de cinq mois après la décision parlementaire, la question se pose de plus en plus : où en est la loi sur le climat ?
Les États membres de l’UE bloquent
Eh bien, il est coincé dans les arcanes des négociations de l’UE. En d’autres termes : les États de l’UE ne veulent pas faire grand chose des propositions du Parlement. Ni sur l’interdiction des subventions aux énergies fossiles, ni sur le droit à la protection du climat, le Conseil des ministres ne voit la nécessité d’agir.
En ce qui concerne l’objectif climatique de 2030, le silence est déprimant. La proposition de conseil scientifique du climat est une véritable épine dans le pied pour les États membres et, en ce qui concerne le budget des gaz à effet de serre, ils posent plus de questions qu’ils ne peuvent répondre. Pourtant, tout était censé se dérouler rapidement.
Les négociations risquent d’échouer, l’accord vert d’Ursula von der Leyen, son méga-projet, d’échouer – alors qu’en dehors de cela, la crise climatique continue de s’accélérer.
Malheureusement, l’hésitation du Conseil des ministres de l’UE n’est guère surprenante. Alors que le Parlement prend au sérieux les voix de la science, de la société civile et des citoyens et répond à l’urgence climatique, des négociations en coulisses par le Conseil nous mènent à des accords funestes.
En pleine crise du Covid et du climat, l’économie européenne est en fort déclin, des millions de personnes ont perdu leur emploi ou sont en chômage partiel. Les investissements sont reportés, ce qui accélère la spirale descendante. Bien que les émissions de gaz à effet de serre aient diminué à la suite de la crise du Covid, cet effet menace de s’estomper à nouveau avec le développement de l’industrie des combustibles fossiles.
Pourtant, la situation de départ est parfaite. L’UE a mis en place un paquet Corona de 1,8 trillion d’euros. 40 % de l’argent est destiné aux investissements climatiques. Idéalement, cette somme devrait être utilisée pour financer l’expansion des énergies renouvelables, une plus grande efficacité énergétique et d’autres projets liés au climat. L’argent est donc là, mais l’angoisse règne autour des objectifs climatiques.
Ce ne devrait pas être le cas, comme le montre la nouvelle étude. La peur est toujours mauvaise conseillère, en particulier pour quelque chose de neuf. C’est pourquoi il est temps de faire enfin preuve de courage, de hisser le drapeau climatique, de faire face à la crise climatique et à la crise du Covid et d’aborder la transformation de l’économie vers la neutralité climatique avec un objectif climatique fort pour 2030.
Michael Bloss est le négociateur des Verts au Parlement européen pour le projet de loi sur le climat de l’UE. En 2019, Bloss a été élu au Parlement européen. Son domaine est la politique climatique, notamment en tant que membre de la commission de l’industrie, de la recherche et de l’énergie. Auparavant, le natif de Stuttgart a travaillé dans le domaine de la politique de développement international, notamment pour les Nations unies, après avoir effectué des études en la matière à Dresde et à Londres.