Faut-il boycotter la COP28 ?

Paul Blume

parution 18/01/2023 – modifié le 22/09/2023

La décision daterait de la fin de l’année 2021 lors de la COP de Glasgow. La 28ème Conférence des Parties (wikipedia) sera organisée par les Émirats Arabes Unis.

Pour en assurer la Présidence, le choix s’est porté sur le Sultan Al Jaber, ministre de l’industrie et PDG de la compagnie pétrolière nationale.

Si l’on peut comprendre que la mécanique complexe des attributions des conférences internationales implique parfois de drôles de contradictions, de sérieuses questions commencent à déranger les militantes et militants de la cause climatique.

Climat ou croissance, quel choix faisons-nous ?

Conception Alvarez, dans un article paru début janvier dans Novethic * décrit bien ces enjeux complexes mêlant intérêts politiques et économiques.

Est-il vraiment concevable de donner les clefs d’une conférence internationale sur le climat à un magnat du pétrole ?

Est-il acceptable de l’entendre proposer d’émettre moins de co2 tout en consommant plus d’énergies fossiles ?

Par définition, ces grands caucus sont des proies évidentes pour différentes formes de propagandes diplomatico-politiques ou lobbyings divers sur le plan économique.

La question est de déterminer si on ne passe pas, en l’espèce, une ligne rouge.

Est-il vraisemblable pour le monde scientifique de cautionner un pareil mélange des genres ?

Pour les états d’Europe, déjà empêtrés dans des débats curieux sur la définition même de ce que sont les énergies renouvelables *, participer à un événement de cette envergure dans un tel cadre n’est pas non plus une opération évidente en terme de crédibilité.

Comment imposer à l’industrie des transports une mutation coûteuse vers une moindre utilisation des énergies fossiles tout en donnant une importante fenêtre de promotion aux compagnies pétrolières ?

On peut juger le boycott d’événements internationaux inefficace, contre-productif, excessif.

On peut aussi se demander si la participation à cette COP ne marquerait pas définitivement une forme de renoncement public aux objectifs de contenir le réchauffement face aux diktats économiques. Une forme de sacrifice collectif.

Poser la question n’est pas y répondre. Ne pas poser la question serait déjà renoncer.

Ci-dessous, une partie de réponse à la question par Madame Christiana Figueres, qui fut l’une des négociatrices de l’accord de Paris de 2015 à la COP21 (source AFP) :

L’ancienne cheffe de l’ONU Climat, Christiana Figueres, a fustigé jeudi à New York les entreprises internationales d’énergies fossiles qui ne devraient donc pas participer à la COP28 à Dubaï si elles refusent de lutter contre le changement climatique.

Lors d’une conférence « Climate Changes Everything », en marge de l’Assemblée générale des Nations unies à New York, la diplomate costaricaine a reconnu qu’elle « perdait patience » avec l’industrie des énergies fossiles responsable d’une grande partie des émissions de gaz à effet de serre.

D’après celle qui fut l’une des négociatrices de l’accord de Paris de 2015 à la COP21, les grandes entreprises énergétiques ont failli à leurs engagements de transition vers des énergies renouvelables.

« Au lieu de tout faire pour mettre en application leur incroyable capacité d’innovation et d’ingénierie, elles ont fait tout le contraire », a tonné Mme Figueres.

Le monde doit sortir des énergies fossiles polluantes, atteindre le pic de ses émissions de CO2 d’ici 2025 et faire « beaucoup plus, maintenant, sur tous les fronts » pour affronter la crise climatique, avait mis en garde début septembre un premier rapport de l’ONU Climat sur ce qui a été accompli ou non depuis l’accord de Paris et son objectif le plus ambitieux de limiter le réchauffement à 1,5°C.

Ce rapport sera au coeur de la COP28 de Dubaï du 30 novembre au 12 décembre aux Emirats arabes unis.

Le réchauffement mondial a déjà atteint environ 1,2°C par rapport à l’ère pré-industrielle.

Interrogée pour savoir s’il fallait que les sociétés pétrolières et gazières mondiales, accusées de traîner les pieds sur leurs engagements en faveur du climat, participent à la COP28, Mme Figueres a répondu: « Cela dépend si elles viennent là-bas pour contribuer et accélérer la décarbonation ou si elles agissent littéralement contre ces objectifs ».

Le président de la COP28 et de la compagnie pétrolière nationale émirienne, Sultan al-Jaber, avait appelé début septembre à « tripler les énergies renouvelables d’ici à 2030, commercialiser d’autres solutions sans carbone, comme l’hydrogène, et développer un système énergétique exempt de tout combustible fossile sans captage de CO2 ».

Lors du sommet sur « l’ambition climatique » mercredi à l’ONU, il a répété que « la réduction progressive des énergies fossiles était inévitable » et « essentielle ».

Une position qui a satisfait l’ancienne patronne de l’ONU Climat qui estime que le président de la COP28 « a compris (sa) responsabilité politique internationale et multilatérale » pour le climat.

Ajoutons qu’aujourd’hui, les investissements massifs récents dans l’exploration et l’exploitation des sources fossiles indiquent clairement la voie choisie. Les éventuels efforts qui seront programmés dans les énergies de substitution ne seront pas accompagnés de contraintes volontaires sur l’économie des fossiles.

La question reste. Faut-il participer à cette COP28 ?

Voir https://obsant.eu/boycott-cop-28/


Les défenseurs du climat ont besoin de preuves tangibles et Friederike Otto les a !

Le réseau World Weather Attribution fournit un levier crucial pour les batailles juridiques et politiques.

Matt Reynolds, wired.com – 06/01/2023

Traduction : Deepl & Josette


Le 19 juillet 2022, le Royaume-Uni a eu un avant-goût de la météo à venir. Les températures ont atteint 40,3 degrés Celsius, dépassant le précédent record de plus d’un degré et demi.

Des dizaines de maisons ont été détruites par des incendies dans l’est de Londres, tandis qu’ailleurs dans le pays, la chaleur a poussé le réseau électrique au bord de la rupture. L’Office for National Statistics estime qu’il y a eu plus de 2 800 décès supplémentaires chez les plus de 65 ans pendant les vagues de chaleur de l’été 2022, ce qui en fait l’année la plus meurtrière pour la chaleur depuis 2003.

Avant même que les températures n’aient atteint leur maximum, Friederike Otto était dans son bureau de l’Imperial College de Londres, se préparant à répondre à la question qui, comme elle le savait, lui serait posée un nombre incalculable de fois au cours de la semaine suivante : le changement climatique était-il en cause ?

Lorsqu’un événement météorologique extrême se produit, Mme Otto et sa petite équipe de climatologues – dont la plupart travaillent pendant leur temps libre – sont les personnes vers lesquelles le monde se tourne pour savoir si le changement climatique a rendu le temps plus mauvais ou plus susceptible de l’être. « Je pense qu’il est important de se faire une idée plus réaliste de ce que signifie le changement climatique », déclare Mme Otto, maître de conférences en sciences du climat au Grantham Institute for Climate Change et cofondatrice de l’initiative World Weather Attribution. « Pour certains types d’événements, comme les vagues de chaleur, le changement climatique change véritablement la donne, et nous voyons des événements que nous n’avions jamais vus auparavant. »

Chaque semaine, un contact à la Croix-Rouge envoie à Friederike Otto et à ses collègues de World Weather Attribution une liste d’inondations, de vagues de chaleur et d’autres événements météorologiques extrêmes à travers le monde. Il arrive souvent que le courriel contienne six ou huit crises, ce qui est beaucoup trop pour la petite équipe de Friederike Otto. Les scientifiques se concentrent donc sur les phénomènes météorologiques qui ont un impact sur des millions de personnes, en sélectionnant environ un événement toutes les six semaines, allant de tempêtes en Europe aux inondations au Pakistan.

Une fois que les scientifiques ont choisi le sujet de leur analyse, ils agissent rapidement, fouillant dans les archives historiques et utilisant des modèles climatiques afin de déterminer le rôle – éventuel – du changement climatique dans la catastrophe. Le rapport final est généralement publié dans les jours ou les semaines qui suivent un événement météorologique extrême. Il s’agit d’une différence notoire par rapport au rythme normalement très lent de la publication universitaire, où il faut parfois des années pour qu’un article scientifique soit finalement publié dans une revue, mais les réponses rapides sont l’objectif même de World Weather Attribution. En publiant des études alors qu’un événement extrême fait encore la une des journaux et des agendas politiques, les scientifiques comblent un vide qui pourrait autrement être occupé par le déni du changement climatique. Dans le cas de la vague de chaleur au Royaume-Uni, World Weather Attribution a présenté son rapport neuf jours seulement après que les températures ont atteint leur maximum.

Les résultats ont révélé l’ampleur sans précédent de ces températures record. L’équipe de Friederike Otto a estimé que le changement climatique avait rendu la vague de chaleur britannique au moins 10 fois plus probable et que, dans un monde sans réchauffement climatique, les températures maximales auraient été inférieures d’environ 2° Celsius. Le temps était si inhabituel que, dans un monde sans changement climatique, il aurait été statistiquement impossible d’atteindre des températures aussi élevées dans deux des trois stations météorologiques étudiées par les scientifiques. Dans le monde de la science de l’attribution du climat, c’est à peu près ce qui se rapproche le plus de la preuve concluante. « Les gens veulent toujours un chiffre, et parfois, il est impossible d’en donner un très satisfaisant », explique Friederike Otto. Cette fois, cependant, Mme Otto ne manquait pas de chiffres à partager avec les journalistes qui l’appelaient.

Mais la science de l’attribution peut faire beaucoup plus que nous dire comment le changement climatique influence le temps. Mme Otto veut utiliser ses rapports d’attribution pour demander aux pollueurs de rendre des comptes sur les phénomènes météorologiques extrêmes. « Nous avons commencé à travailler avec des avocats pour combler le fossé entre ce que nous pouvons dire scientifiquement et ce qui a été utilisé jusqu’à présent en termes de preuves », explique-t-elle. Avec des actions en justice en cours en Allemagne et au Brésil, la science de l’attribution entre dans les salles d’audience.

Les débuts du réseau WWA

Friederike Otto a cofondé World Weather Attribution en 2014 avec l’océanographe Heidi Cullen et le climatologue Geert Jan van Oldenborgh. Au début, Mme Otto – qui est diplômée en physique et en philosophie – pensait que le rôle principal de l’attribution météorologique était de démêler la complexité des systèmes météorologiques pour quantifier l’influence du changement climatique sur les conditions météorologiques extrêmes. D’autres scientifiques avaient établi comment utiliser les modèles climatiques pour attribuer les phénomènes météorologiques au changement climatique, mais personne n’avait essayé d’utiliser cette science pour produire des rapports rapides sur les catastrophes récentes.

La première étude en temps réel de World Weather Attribution a été publiée en juillet 2015. Elle a révélé qu’une vague de chaleur survenue en Europe plus tôt ce mois-là avait presque certainement été rendue plus probable grâce au changement climatique. D’autres études ont suivi sur les inondations, les tempêtes et les précipitations, chacune étant publiée dans les semaines suivant la catastrophe. Mais les études d’attribution ne servent pas seulement à comprendre les événements passés – elles peuvent nous aider à nous préparer pour l’avenir, dit Friederike Otto. « Je vois maintenant l’attribution comme un outil qui nous aide à démêler les moteurs des catastrophes et nous aide à utiliser les événements extrêmes comme une loupe braquée sur la société pour voir où nous sommes vulnérables. »

La mousson dévastatrice de 2022 au Pakistan en est un exemple. Mme Otto et ses collègues se sont déchirés sur la formulation de leur rapport, car il y avait si peu d’événements similaires dans les archives historiques que leurs modèles avaient du mal à simuler avec précision les précipitations extrêmes. Ils savaient que les précipitations dans la région étaient beaucoup plus intenses que par le passé, mais ils ne pouvaient pas chiffrer avec précision la part de cette augmentation due au changement climatique. « Il se peut que tout soit dû au changement climatique, mais il se peut aussi que le rôle du changement climatique soit beaucoup plus faible », explique Mme Otto. Même si la cause n’a pas pu être déterminée avec précision, le rapport a mis en évidence la vulnérabilité du Pakistan aux graves inondations, soulignant que la proximité des fermes et des habitations avec les plaines inondables, les mauvais systèmes de gestion des rivières et la pauvreté sont des facteurs de risque majeurs. « La vulnérabilité est ce qui fait la différence entre un événement qui n’a pratiquement aucun impact et une catastrophe », explique Mme Otto.
Les travaux de World Weather Attribution ont tendance à faire les gros titres lorsqu’ils concluent que le changement climatique rend les phénomènes météorologiques extrêmes plus probables, mais le résultat inverse peut être encore plus utile aux régions confrontées à des catastrophes. Une enquête sur une longue sécheresse dans le sud de Madagascar a révélé que le risque de faibles précipitations n’avait pas augmenté de manière significative en raison du changement climatique d’origine humaine. Le fait de savoir cela redonne de l’autorité aux pays, déclare Mme Otto. « Si vous pensez que tout est lié au changement climatique, vous ne pouvez rien faire à moins que la communauté internationale ne se mobilise. Mais si vous savez que le changement climatique ne joue pas un rôle important, voire aucun, cela signifie que tout ce que vous faites pour réduire votre vulnérabilité fait une énorme différence. »

Porter l’affaire devant le tribunal

Les gouvernements ne sont pas les seuls à s’intéresser de près aux résultats des études d’attribution. Les tribunaux commencent également à s’y intéresser. En août 2021, un tribunal australien a jugé que l’Agence de protection de l’environnement de la Nouvelle-Galles du Sud n’avait pas rempli son devoir de protection de l’environnement contre le changement climatique, dans une affaire portée par des survivants de feux de brousse. L’une des études d’attribution de Friederike Otto sur la saison 2019-2020 des feux de brousse a été utilisée dans un rapport commandé par le tribunal, mais elle ne l’a appris que lorsqu’un des avocats impliqués dans l’affaire lui a envoyé un courriel après que le verdict ait été prononcé. « C’est vraiment agréable à voir, quand une étude que nous avons réalisée a un impact dans le monde réel », dit-elle.

Si les études d’attribution peuvent nous dire qu’une catastrophe a été aggravée par le changement climatique, elles nous indiquent aussi autre chose : qui pourrait être tenu pour responsable. Richard Heede, un géographe californien, a passé des dizaines d’années à fouiller dans des archives pour estimer les émissions de carbone des entreprises, en remontant jusqu’avant la révolution industrielle. Le résultat est connu sous le nom de Carbon Majors : une base de données des plus gros pollueurs du monde jusqu’à aujourd’hui. Le rapport 2017 des Carbon Majors a révélé que la moitié de toutes les émissions industrielles depuis 1988 pouvaient être attribuées à seulement 25 entreprises ou entités publiques. L’entreprise publique de combustibles fossiles Saudi Aramco est à elle seule responsable de 4,5 % des émissions industrielles de gaz à effet de serre dans le monde entre 1988 et 2015.

Ces données sont extrêmement utiles pour les personnes qui tentent de porter plainte contre les entreprises de combustibles fossiles. En mai 2022, un groupe de scientifiques et d’avocats s’est rendu dans les Andes péruviennes pour inspecter un glacier géant qui surplombe les eaux cristallines du lac Palcacocha. Si le glacier s’effondre dans le lac, les scientifiques craignent que la ville voisine de Huaraz soit submergée. L’agriculteur péruvien Saúl Luciano Lliuya estime que les pollueurs devraient payer les frais de défense de la ville contre les inondations, car le réchauffement climatique a fait reculer les glaciers autour du lac Palcacocha, augmentant ainsi le risque d’inondations dangereuses. La cible du procès est l’entreprise énergétique allemande RWE, responsable de 0,47 % de toutes les émissions industrielles de gaz à effet de serre entre 1751 et 2010, selon les données de Heede. Lliuya ne réclame que 14 250 livres (17 170 dollars), soit 0,47 % du coût de la protection de Huaraz.

Si Lliuya gagne son procès, cela pourrait créer un précédent en vertu duquel les pollueurs pourraient être tenus légalement responsables des effets de leurs émissions partout sur la planète. « Cela changerait vraiment le discours dans lequel nous évoluons », déclare Mme Otto. Cela rendrait également le travail d’attribution des phénomènes météorologiques encore plus important. Si les scientifiques savent que le changement climatique a rendu les inondations dans une région deux fois plus graves qu’elles ne l’auraient été, par exemple, ils peuvent utiliser cette preuve pour estimer dans quelle mesure les entreprises et les États individuels ont contribué à cette catastrophe. L’un des étudiants de Friederike Otto travaille déjà sur un cas juridique au Brésil qui implique l’attribution des conditions météorologiques. « Nous avons constaté un énorme intérêt pour cette question. Ce ne sont pas seulement les journalistes qui appellent et veulent savoir, mais aussi les avocats », explique Mme Otto.

Malgré l’intérêt croissant pour le domaine, World Weather Attribution est encore presque entièrement géré par des scientifiques travaillant gratuitement pendant leur temps libre. Mme Otto espère que l’attribution des données météorologiques pourra un jour faire partie intégrante des services météorologiques, ce qui lui donnerait plus de temps pour se concentrer sur la science des ouragans et des sécheresses, qui sont beaucoup plus difficiles à analyser. Mais pour l’instant, son principal objectif est de rendre ses études d’attribution plus utiles aux avocats et de contribuer à rendre justice aux personnes les plus touchées par le changement climatique. « Le changement climatique ne sera jamais une catastrophe pour ceux qui sont riches. Et je pense que c’est pourquoi c’est finalement une question de justice, parce que ceux qui paient sont ceux qui sont les plus vulnérables dans la société. »

Cet article a été initialement publié dans le numéro de janvier/février 2023 du magazine WIRED UK.


Pouvoir d’achat et pouvoir de nuisance

Paul Blume

Entre l’exigence de diminuer la pression de l’économie sur le vivant et les difficultés de plus en plus apparentes à garder une croissance, fut-elle « verte », le débat sur la question sociale ne peut plus être abordé de la même façon qu’au siècle passé.

Classiquement, les revendications des organisations mutuellistes, syndicales et plus largement de défense des droits sociaux reposent sur une exigence de protection des plus démunis et l’accès à plus d’égalité dans la répartition des fruits de la croissance, à plus de performance collective en termes d’accès au logement, l’alimentation, la santé, la culture, etc…

Cette histoire des luttes pour une justice sociale intègre peu d’éléments « externes » telles les conditions écologiques et environnementales ou les relations de l’humanité au vivant.

Mais le vivant se rappelle à nous. Détériorer son environnement à la vitesse de l’industrialisation moderne se paie cher. Quel que soit le modèle social en usage.

La question climatique illustre bien les contradictions de cette guerre que nous menons contre la nature.

Chaque point de croissance s’accompagne d’émissions de gaz à effet de serre supplémentaires et nous rapproche de conditions de vie insoutenables pour nous, humains, mais également pour l’ensemble du vivant.

Dans le concret, les riches émettent proportionnellement beaucoup plus que les plus démunis.

L’exigence de justice sociale n’en est donc que plus exacerbée.

De là à ne pas prendre en compte les risques systémiques qui menacent la vie elle-même, il y a une marge à ne pas franchir. Sous peine d’alimenter les feux d’une croissance mortifère.

Il est temps d’interroger le sacro-saint pouvoir d’achat. Acheter, c’est aussi participer à la mécanique consumériste qui tue.

Le pouvoir d’achat est aussi un pouvoir de nuisance.

Ce constat ne remet pas en cause l’exigence d’équité. Mais bien les moyens utilisés pour y parvenir.

Il n’est plus possible de vivre dans le paradigme du ruissellement. « Toutes et tous plus riches chaque jour » n’est plus envisageable.

Si l’on veut être équitable dans une période de déplétion, il est impératif d’établir des objectifs clairs.

Que veut-on ? Permettre à plus de ménages d’accéder aux vacances en avion ou s’attaquer enfin au sans-abrisme ?

Mettre la priorité sur l’amélioration des conditions de vie des moins nantis implique dorénavant de toucher directement à la répartition des résultats … de la décroissance. Voulue ou subie.

Ce débat reste un impensé des organisations sociales et c’est catastrophique.

Après des décennies de refus par celles-ci d’envisager des socles minimaux universels d’accès à une existence décente, nous affrontons en mauvaise posture les contraintes à la baisse sur la consommation globale.

Les multiples contradictions révélées par la crise actuelle de l’énergie mettent en exergue ces « impossibles » que la majorité des citoyens semblent ne pas vouloir prendre en compte.

L’exigence d’un maintien des prix des énergies fossiles en-dessous d’un certain seuil se comprend facilement au regard des contraintes subies par les ménages et les entreprises.

Cela n’empêche que prendre en compte le caractère inéluctable d’une sobriété croissante est indispensable.

A peine les prix se tassent-ils que certaines agglomérations envisagent de rallumer l’éclairage de nuit.

Le phénomène est le même que celui des résistances à la réduction de la vitesse au volant.

Une recherche permanente d’accroissement du « confort » que seules les contraintes économiques parviennent à ralentir.

Et pourtant nous ressentons déjà les conséquences sur nos vies du réchauffement climatique. Sans évoquer la biodiversité, la perte de capacité de production des sols, les conséquences sanitaires des pollutions multiples, etc …

Toutes ces considérations n’indiquent pas comment faire. Singulièrement dans le cadre des revendications salariales qui animent cette fin d’année.

Il est pourtant plus qu’urgent de réfléchir aux conséquences extra-économiques de nos comportements et revendications.

Nous sommes en état de guerre contre nos propres intérêts vitaux. Et le consumérisme est une arme d’autodestruction redoutable.

Il ne s’agit pas d’un conflit entre fin du mois et fin du monde. Mais d’un débat indispensable pour nos valeurs de solidarité et d’entraide à un moment de l’histoire ou la vie devient chaque jour plus difficile.

Revendiquer une croissance du pouvoir d’achat sans penser comment diminuer le pouvoir global de nuisance est contre productif.

Que faire alors ? Surtout, ne pas éluder la question.

veille : pouvoir achat

Merci les V’s

Vincent Mignerot & Vinz Kanté

L’énergie du déni

C’est le vendredi 25 novembre 2022, dans le cadre très accueillant de la Tricoterie à Saint-Gilles (Bruxelles), que Vinz Kanté et Vincent Mignerot ont dialogué sur le rôle de l’énergie dans nos sociétés et les conséquences de la déplétion de celle-ci pour notre futur collectif.

La soirée, interaction avec le public comprise, a été filmée et sera diffusée sur le média LIMIT.

Merci au public bienveillant et participant d’avoir contribué à rendre cette soirée chaleureuse malgré la gravité des thématiques abordées.

Pour retrouver ou découvrir :


Les questions demeurent

Paul Blume

Dans les rues de Bruxelles, le dimanche 23 octobre, une manifestation a rappelé que s’éloigner des objectifs mondiaux de réduction des gaz à effet de serre n’est pas la bonne voie.

Organisé à l’appel de la « Coalition Climat » et d’autres organisations en lutte contre le réchauffement, l’événement – pacifique et convivial – a suffisamment réuni de participations diverses pour que s’éloignent les craintes d’un désintérêt citoyen de cette cause majeure.

Réussite rassurante de cette mobilisation, donc.

Et pourtant, des questions subsistent.

A commencer par celle des objectifs réels des différentes composantes du cortège.

Si la méfiance historique des organisations sociales vis-à-vis des mouvements « climat » s’est heureusement atténuée, ne serait-ce pas au prix d’un énorme quiproquo ?

La documentation des liens entre croissance économique et consommation des énergies fossiles entraîne une interrogation quant à la revendication permanente d’augmentation du pouvoir d’achat, chère à ces organisations.

Croiser les urgences climatiques et sociales, c’est accepter de parler d’un impensé pourtant incontournable : solidarité et entraide sociale doivent se réinventer dans le cadre d’une forte contrainte à la baisse de l’enveloppe globale du « pouvoir de nuisance ».

A vouloir édulcorer le discours environnemental pour l’intégrer aux causes sociales, on passe à côté du réel. L’humanité se met en péril et la majorité des revendications sociales continuent à ne pas prendre en compte les limites physiques de l’empreinte écologique.

Le temps du gagnant-gagnant est terminé. Les revendications justes en faveur des plus démunis ne peuvent plus justifier une croissance de la consommation des autres couches sociales.

Réclamer l’accès à une vie décente (logement, alimentation, soins, éducation, culture, sport, loisirs,…) pour celles et ceux qui souffrent de l’exclusion sociale ne peut plus justifier une croissance continue de la consommation (véhicules de plus en plus gros, voyages en avion, km parcourus, etc …) de l’ensemble de la société.

La volonté affichée des mouvements climat d’intégrer la justice sociale s’enrichirait d’une exigence de prise en compte des réalités écologiques par les organisations sociales.

Du côté politique, le flou est également de mise.

Certains partis présents à la manifestation sont aux commandes des différents niveaux de pouvoir du pays. Les organisateurs semblent avoir tout fait pour faciliter leur présence effective au détriment de revendications politiques précises.

Et là encore, c’est la prise en compte des contraintes physiques qui marque la frontière entre greenwashing et réel investissement dans des politiques « climat » crédibles.

Outre le refus d’envisager autre chose que des formes de croissances économiques, les discours des partis sont symptomatiques de l’incapacité pour une toute grande majorité de la société – y compris dans les mouvements climat – d’envisager la finitude de notre modèle économique.

La perception du caractère irréaliste des tentatives de l’humain de maîtriser « son » environnement, s’améliore. Globalement, l’idée que tout ira forcément toujours mieux demain perd également du terrain.

Mais les partis restent accrochés à leurs paradigmes de croissance. Toutes obédiences confondues.

Encore une fois, c’est notre incapacité collective à intégrer le réel qui permet la multiplication souvent contradictoire de messages politiques qui ne peuvent qu’entraîner frustrations et colères.

Qui a oublié que le gaz est passé d’énergie fossile polluante à alternative au pétrole pour éviter le nucléaire ? Le discours a changé depuis. Ce sont les mêmes ministres des mêmes partis présents à la manifestation qui valident les politiques actuelles…

L’investissement dans le nucléaire revient, in fine, au devant des politiques énergétiques. Dans le même temps, la consommation du charbon augmente, en Europe et dans le monde.

La bienveillance de la coalition climat envers les organisations politiques pose donc question. Comment dénoncer l’exploitation des ressources et flirter avec celles et ceux qui l’organisent ?

Comment soutenir la communauté scientifique et l’organisation des Nations-Unies quand elles dénoncent l’insuffisance des politiques et les dangers que celles-ci font courir à l’humanité et refuser de mettre clairement en cause les femmes et les hommes politiques qui portent ces politiques ?

On le sait, la perfection n’existe pas. La bonne volonté des organisations initiatrices reste une évidence. Le travail est énorme et le résultat bien réel.

Les questions demeurent.


Le grand prix de Francorchamps : un modèle de développement durable !

OA - Liste

Photo : Dimitri Svetsikas by pixabay

Philippe Defeyt

FRANCORCHAMPS : IL FAUT SAVOIR CE QUE L’ON VEUT !

A l’annonce de ce que pourrait coûter au budget wallon l’organisation du Grand Prix de Formule 1 à Francorchamps, on a une fois de plus entendu les habituels esprits grincheux – toujours les mêmes bien sûr – contester cette dépense au nom de diverses considérations, aussi passéistes que convenues.

Certes, la dépense est importante en ces temps de crise, plus de 20 millions ce n’est pas rien, mais ce choix s’inscrit parfaitement, à quelques petits détails près, dans le cadre de la « Déclaration de politique régionale pour la Wallonie 2019-2024 ». Qu’on en juge.

Commençons par les objectifs globaux, présentés dans l’introduction (p.3).

« La Wallonie nourrit une triple ambition : une ambition sociale, une ambition écologique et une ambition économique. L’ambition sociale vise à réduire drastiquement la pauvreté et à garantir aux citoyens une vie décente. L’ambition écologique témoigne de notre volonté de Wallonnes et de Wallons d’être exemplaires en matière de lutte contre le réchauffement climatique et de préservation de l’environnement. L’ambition économique doit permettre à la Wallonie de se hisser parmi les régions de tradition industrielle les plus performantes d’Europe.

L’urgence climatique et les dégradations environnementales sont telles que la société tout entière est appelée à modifier ses comportements en profondeur. »

Pas l’ombre d’un doute : toutes les cases sont cochées.

Les pauvres auront accès à une diffusion gratuite (au coût marginal nul en tout cas…) des images passionnantes des grands prix, certains grâce à la complaisance de la RTBF. C’était déjà le cas, mais cela fait du bien de le rappeler ; on ne le dit pas assez quand les choses vont bien.

Même s’il n’existe pas – arrêtons d’accabler les entreprises qui croient aux bienfaits du marché avec des charges administratives qui les empêchent de travailler –, je suis persuadé que le bilan carbone complet du Grand prix s’est certainement amélioré au cours du temps. Et puis quand même, ne vaut-il pas mieux émettre du carbone à Spa-Francorchamps plutôt qu’au Qatar ou en Arabie saoudite ? Vous serez peut-être content.e quand le bilan carbone du Grand prix de Spa-Francorchamps sera à zéro parce qu’il aura déménagé ? (qu’est-ce que vous dites de cet argument, hein, cela vous en bouche un coin, non ?)   

Mais le circuit fait de très très gros efforts de transparence sur d’autres impacts environnementaux. C’est ainsi qu’un tout récent rapport – il date de 2015 et porte sur l’année 2014… – trouvé sur le site du circuit donne de nombreuses informations (18 pages quand même) sur le bilan environnemental.

Dans un souci de montrer qu’il n’y a rien à cacher (mais qui pourrait penser cela), on notera que 7 pages sur 18 sont consacrées à reproduire le règlement d’ordre intérieur du circuit, 2 pages aux calendriers (un à la date du 25 septembre 2014, l’autre actualisé au 30 mars 2015), 1 page pour détailler les quelques dérogations aux horaires, 4 pages d’exemples de formulaires à remplir et 1 à la table des matières.

Cela laisse quand même 3 pages pour communiquer sur le fond. Mais c’est encore de trop quand tout va bien :  

– « Impact des activités du Circuit sur l’environnement : aucun impact particulier n’a été relevé. »

– Registre des plaintes des riverains – année 2014 : « Aucune plainte ne nous est parvenue en 2014. »

– « Le règlement d’ordre intérieur du Circuit de Spa-Francorchamps a été strictement appliqué. » Incroyable, non ?

– Encore mieux : « Le registre des épreuves et celui des incentives ont été tenus et sont à disposition pour consultation. »

– « La rigueur qui est de mise chaque jour pour les contrôles, incite les participants à faire de sérieux efforts, permettant ainsi de diminuer le niveau sonore de manière significative. » Petit problème, mais purement anecdotique : voici le message reçu quand on cherche les résultats des mesures acoustiques : « 404 – File or directory not found. – The resource you are looking for might have been removed, had its name changed, or is temporarily unavailable. » Je suis persuadé que c’est juste une difficulté – temporaire – de mise à jour pour les données de 2015 ! Il ne faut pas systématiquement chercher la petite bête, cela finit par saper le moral de ceux qui entreprennent.

Notons encore que certains restaurants (pas tous, mais cela ne saurait tarder) renseignés sur le site du circuit mettent en avant, figurez vous, des producteurs locaux et/ou bio. Il faut le lire pour y croire. Quelle audace, quelle innovation !

Bref, un modèle de développement durable, d’autant plus qu’on a enregistré en 2022 une augmentation notable des spectateurs qui viennent en vélo électrique (l’information n’a pas encore été rendue publique). On se demande d’ailleurs si ce ne sont pas l’insouciance et l’arrogance bien connues de ces cyclistes qui sont à l’origine du chaos sur un des parkings de Spa-Francorchamps à l’issue du dernier Grand Prix. Les images de RTL-TVI sont à cet égard glaçantes, un drame insupportable (âmes sensibles s’abstenir).

Pour ce qui est du bilan socio-économique, il n’existe pas de données actualisées ; c’est compréhensible, il faut être économe avec les deniers de la région quand même et éviter de payer des études pour rien, puisqu’on sait d’avance que le bilan est positif. Sans le Grand prix, c’est toute une région dont l’économie s’effondre : hébergements vides, suppléments hôteliers volatilisés, activités plus ou moins déclarées disparues (passages barrés par la rédaction), restaurants fermés, chute de l’immobilier, exode démographique, baisse de l’activité à Bierset, etc., etc.  

La conclusion est claire : le Grand prix s’inscrit parfaitement dans les orientations centrales de l’accord de gouvernement. C’en est même exemplaire. On se demande ce qu’on attend – s’inspirant de ce succès indéniable – pour organiser les prochains jeux olympiques d’hiver européens à Mons.

Mais ce n’est pas tout ; on peut cocher d’autres cases encore.  

– Y a-t-il meilleure occasion d’apprendre le néerlandais que de se retrouver parmi des spectateurs flamands et hollandais, dans un calme qui permet de bien comprendre son interlocuteur ?

– Attirer un plateau international, n’est-ce pas favoriser « l’engagement de personnes d’origine étrangère » (même si c’est pendant 8 jours, c’est déjà cela) ?

– N’est-ce pas non plus l’occasion rêvée de contribuer à une politique de « zéro sexisme sur le marché de l’emploi », en tout cas dans les stands  et les buvettes ?

– Soutenir le Grand prix, n’est-ce pas favoriser « l’émergence d’entreprises rentables, en développement, innovantes et qui s’internationalisent », mettre en œuvre « le droit à la deuxième chance » et garantir le « maintien à domicile » (qui pourrait supporter de voir le Grand prix quitter le plus beau circuit du monde) ?

Alors, il faut savoir ce que l’on veut : quand les décideurs politiques ne font pas ce qu’ils ont dit, on les critique, quand ils mettent en œuvre ce qu’ils ont annoncé, on n’est pas content non plus. Un peu de cohérence, svp. Est-ce trop demander ?


En trente ans, les cancers chez les jeunes ont grimpé de 80 %. Les principaux responsables : les polluants environnementaux et une mauvaise alimentation, analyse le Dr Jean-David Zeitoun.
Nouveau "TALK" sur LIMIT avec Jean-David Zeitoun, docteur en médecine (hépato-gastro-entérologie), diplômé de Sciences Po et docteur en épidémiologie clinique. Il a été interne et chef de clinique à l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris. Et il a un sacré CV : Ses travaux de recherche concernent la régulation des médicaments, les risques associés aux traitements, la R&D pharmaceutique, l’économie de la santé, la qualité des soins et la santé populationnelle. Il est l’auteur de plus de 120 articles scientifiques dont la moitié dans des revues internationales. Il est également relecteur pour plusieurs revues à fort impact dont le BMJ et le JAMA Internal Medicine. Il a enseigné à Sciences Po Paris et à l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique, et est actuellement senior fellow à l'ESCP Business School. Il est l’auteur de La Grande Extension, histoire de la santé humaine, paru en 2021 aux éditions Denoël. Le livre a déjà été traduit dans 5 langues et tout récemment : LE SUICIDE DE L'ESPECE
Cet article sur les effets de la crème solaire est écrit par Jean-David Zeitoun, docteur en médecine et docteur en épidémiologie clinique. Il a fait paraitre une histoire de la santé humaine en 2021 (La Grande Extension, éditions Denoël) et Le Suicide de l’Espèce en 2023, qui traite de l’impact épidémiologique des risques industriels.
Le podcast Nouveau Départ de cette semaine parle de santé, d’environnement et d’économie. Dans un ouvrage éclairant intitulé Le Suicide de l’espèce (Éditions Denoël, 2023), Dr Jean-David Zeitoun explique comment les activités humaines produisent de plus en plus de maladies et pourquoi nous devrions mieux réguler les industries responsables de l’offre de risques (industries fossiles, chimie, agro-alimentaire…). Les dépenses engendrées par les maladies (dont les cancers et les maladies cardio-vasculaires) augmentent plus vite que l’économie mondiale. Pour la première fois depuis deux siècles, les progrès épidémiologiques pourraient être en train de s’inverser…
Jean-David Zeitoun est Docteur en épidémiologie. Il intervient de nouveau sur Plan(s) B, cette fois pour parler de son second livre "Le Suicide de l'Espèce, comment les activités humaines produisent de plus en plus de maladies" : * l'offre de risques par des industries comme l'alimentation ultra-transformée, ou la chimie (ex. perturbateurs endocriniens), qui empruntent notamment des méthodes semblables à celles de l'industrie du tabac * la "demande" de risques : pourquoi les populations consomment leurs produits ? * l'échec des politiques et la nécessité d'agir !
Dans son livre Le suicide de l’espèce. Comment les activités humaines produisent de plus en plus de maladies (Denoël, 2023), Jean-David Zeitoun, docteur en médecine et docteur en épidémiologie clinique, s’interroge sur notre étrange apathie face à l’inexorable montée en puissance des maladies liées à notre modèle de développement.
Ce livre est une tentative d’explication d’une anomalie de masse : la société mondiale produit de plus en plus de maladies, tout en dépensant toujours avantage pour essayer de les traiter. La réponse courte à cette contradiction est que les risques environnementaux, comportementaux et métaboliques qui causent les maladies sont des conséquences de la croissance économique. Nous avons laissé se créer une offre et une demande de risques. La logique de l’offre est simple et son rationnel est économique : les entreprises vendent des risques ou les disséminent pour produire plus et moins cher. La logique de la demande est plus complexe et diversifiée : nous nous exposons aux risques ou nous les consommons par nécessité, par erreur ou inattention, par addiction ou par désespoir. La production de maladies entraîne un suicide au ralenti de l’espèce humaine, qui n’a cependant rien d’une fatalité.
Avec Jean-David Zeitoun, épidémiologue, auteur de "La Grande Extension", et particulièrement intéressé par les liens entre la santé et la dégradation de l'environnement, nous abordons les points suivants :
Texte de Jean-David Zeitoun, docteur en médecine, docteur en épidémiologie clinique et auteur de La grande extension : histoire de la santé humaine. En 2006, le British Medical Journal écrivait que « le changement climatique en lien avec le réchauffement global est le problème de santé publique le plus urgent dans le monde ».