Investir dans la biodiversité, c’est investir pour l’ensemble de la société

Communiqué de Presse

Namur, le 15 novembre – Le cabinet de la Ministre de la Nature, Anne-Catherine Dalcq, a précisé aujourd’hui dans le Soir une réduction drastique du budget alloué par la Wallonie à la biodiversité (1). Des organisations issues de multiples secteurs, telles que des mutualités, des entreprises et des acteurs sociaux et environnementaux, appellent le Parlement à revoir la proposition du Gouvernement et à demander l’établissement d’un plan de financement pour arrêter et inverser la perte de biodiversité d’ici à 2030.

Ce matin, la Ministre de la Nature wallonne a clarifié l’impact du nouveau budget régional sur les moyens dédiés aux actions en faveur de la protection et la restauration de la biodiversité. En cette période de restrictions budgétaires, où des efforts sont attendus dans tous les secteurs, l’ampleur de la réduction du budget nature serait immense : près 75% du budget octroyé à ce secteur d’activités passeraient à la trappe.

Notre biodiversité, déjà en mauvaise santé

Nous avons besoin de la nature : elle participe au fonctionnement de notre économie, nous en dépendons pour produire nos biens et notre alimentation. Elle assure la purification de notre air et de l’eau et contribue à notre bonne santé (2). Elle offre même des solutions pour atténuer la crise climatique — en stockant le carbone — ainsi que des solutions pour faire face aux conséquences de cette crise, en limitant l’impact des inondations par exemple. C’est pourquoi restaurer la nature est un excellent investissement : une récente étude dans la zone naturelle de Demerbroeken (Flandre) indique ainsi que chaque euro investi en rapporte huit (3).

Pourtant, la biodiversité est aujourd’hui en déclin, et la Wallonie n’échappe pas à ce problème. Le dernier état de l’environnement wallon (4), publié en avril 2024, présentait à nouveau des chiffres alarmants : environ 95 % de nos habitats naturels sont en état défavorable.

Une réduction de 18 millions d’euros pour une politique déjà sous-financée, alors que des solutions existent

Malgré ça, le gouvernement wallon opte pour une réduction de près de 75% du budget alloué à la protection et la restauration de la biodiversité en Wallonie, en plus de la réduction des subventions facultatives qui impacteront les projets de protection. La Ministre de la Nature n’a pas encore clarifié le détail des réductions, mais au vu du montant annoncé, il est difficile d’imaginer qu’une coupe budgétaire de cette ampleur n’impacte pas les moyens déployés sur le terrain. (5)

Cette réduction arrive alors que les objectifs de biodiversité sont déjà sous-financés. Par rapport à ses voisins, la Wallonie peine à dédier suffisamment de fonds à la protection de la nature. En France par exemple, le budget alloué à la protection de la biodiversité est, au prorata des surfaces concernées, 13 fois plus élevé. Cette nécessité pour les autorités de notre pays d’investir davantage dans la protection de la nature avait également été épinglée par le Conseil supérieur des Finances en juillet dernier, qui appelait à “une attention accrue à la préservation et à la reconstruction du capital naturel dans les décisions d’investissement public”. (6)

Ce définancement semble d’ailleurs en contradiction avec les objectifs de la Déclaration de Politique Régionale (DPR) (7) dont : la volonté de passer de 1 à 5 % du territoire wallon sous statut de protection fort d’ici à 2030, la volonté de reforester la Wallonie, la poursuite des efforts en termes de communication, sensibilisation, vulgarisation et éducation relatifs à la protection de la biodiversité. Alors que la COP16 sur la biodiversité vient de se clôturer, cette décision va aussi à l’encontre des engagements que notre pays a pris dans ce cadre international, et auxquels la Wallonie doit contribuer, en particulier celui d’arrêter et d’inverser la perte de biodiversité d’ici à 2030.

Dans cette perspective, la Wallonie doit établir un plan de financement à 2030 qui fera état des réels besoins de financement pour atteindre ces objectifs de protection et de restauration de la biodiversité (8). Une piste concrète pour mobiliser les fonds nécessaires se trouve dans la redirection d’une partie des subventions fédérales allouées aux énergies fossiles, qui représentent environ 15 milliards d’euros/an et dont seuls 5,75% de ce montant seraient nécessaires pour combler l’ensemble du déficit de financement belge par rapport à nos engagements internationaux pour la biodiversité d’ici à 2030.

Tous les yeux sont tournés vers le Parlement wallon

La nature est l’affaire de toutes et tous. Sa bonne santé est nécessaire à la prospérité de notre région et de ses habitantes et habitants. Une telle réduction du budget qui devrait assurer sa protection aujourd’hui ne fera qu’augmenter la dette écologique pour nos générations futures. C’est pourquoi plus d’une quinzaine d’organisations issues de différents pans de la société civile ont signé ce communiqué. Tous les regards se tournent désormais vers le Parlement wallon. Celui-ci se devra d’étudier la proposition de budget du gouvernement, et l’interroger sur l’établissement d’un plan de financement régional pour arrêter et inverser la perte de biodiversité d’ici à 2030 ainsi que sur les pistes concrètes pour débloquer les fonds nécessaires pour répondre à nos engagements internationaux, atteindre les objectifs fixés dans la DPR et offrir un cadre de vie sain à ses citoyennes et à ces citoyens.

Signé par :
Canopea, Natagora, WWF, Ardenne & Gaume, Cercles des Naturalistes de Belgique, Coalition Climat, Exki,
Fédération des Parcs Naturels de Wallonie, Kaya, la Coalition belge des Ecopreneurs, La Mutualité chrétienne,
Les Mutualités Libres, Maison Dandoy, Nature & Progrès, Ligue Royale Belge pour la Protection des Oiseaux (LRBPO),
Realco, Société Royale Forestière de Belgique, Triodos, Unab

Notes de bas de page :

(1) L’article du Soir est disponible sur ce lien

(2) En signant la déclaration de Budapest (2023), la Belgique s’est d’ailleurs engagée à protéger et à restaurer la nature pour protéger la santé humaine.

(3) A la demande du WWF et de Natuurpunt, l’Institut flamand de recherche technologique (VITO) a réalisé une étude de cas évaluant le rapport coût-bénéfice de la restauration de la zone naturelle de Demerbroeken en Flandre.

(4) Les derniers diagnostics environnementaux wallons sont disponibles sur ce lien. Ils sont réalisés par le SPW ARNE.

(5) Ceux-ci ont notamment permis de renforcer et d’initier des politiques essentielles en termes de recherche et de monitoring de la biodiversité, de création et de gestion d’aires protégées, de restauration du maillage écologique (haies, alignements d’arbres, etc.), de projets soutenant l’implication des communes (Projet BiodiverCité, moyens complémentaires dédiés aux Parcs naturels, etc…) et des différents concernés – gestionnaires agricoles, forestier, architecte, etc – , ainsi que des projets de sensibilisation, et de gestion des espèces exotiques envahissantes ou des espèces en situation critique.

(6) Le rapport du Conseil supérieur des Finances est disponible sur ce lien.

(7) La Déclaration de Politique Régionale wallonne est disponible sur ce lien.

(8) L’accord de Kunming-Montréal sur la biodiversité préconise que les objectifs fixés à l’échelle nationale (et régionale, par les compétences environnementales des régions en Belgique) pour contribuer à arrêter et à inverser la perte de biodiversité au niveau mondial soient assortis d’un plan de financement.La Wallonie doit donc accompagner ses objectifs de biodiversité d’un plan de financement régional pour la biodiversité qui devra se baser sur un inventaire transparent des dépenses actuelles allouées à la biodiversité ainsi que sur une estimation du déficit à combler pour arriver aux objectifs et obligations internationales et européennes en matière de biodiversité d’ici 2030.



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