Les cinq couleurs du Gaz

OA - Liste
Paul Blume

Qu’on se le dise, les gaz à effet de serre sont des gaz à effet de serre. Pas des citrouilles d’Halloween.

D’abord, d’abord, … il y a le Noir.

La couleur du charbon, du pétrole brut.

Des paysages d’Alberta où l’on extrait le gaz de schiste. Des sables bitumineux.

Celle des marées destructrices de paysages côtiers, d’oiseaux englués, des pollutions impayables et non payées par leurs pollueurs.

Celle des percées dramatiques dans les poumons de la Terre. De l’Amazonie ravagée.

Le noir, couleur de climato-sceptiques célèbres. L’un était Président. Un autre l’est encore. D’autres jouent la comédie…

Et puis, il y a l’autre… le Bleu.

La couleur de l’Europe, du Libéralisme, de l’innovation technologique, des fables consuméristes.

Pâle comme le peu de crédibilité d’une croissance économique décarbonée.

Foncé, lisse comme les costumes des communicants spécialisés en Greenwashing.

Bleu comme la promesse d’un nouveau gaz, sans gaz à effet de serre.

Un gaz sécurisant, abondant comme celui de Gazprom …

Bleu comme les océans qui se meurent.

Et puis, il y a les autres … dont le Rouge

A la fibre solidaire, prompt à la révolte sociale, la révolution mondiale.

International dans ses solidarités, aveugle des contraintes environnementales.

Le gaz des sans fins de mois, des démunis, des retraités. L’indispensable gaz de chauffage. Celui de l’électricité pour les déplacements, du fonctionnement des hôpitaux « bien sûr », des aérogares pour la croissance « à partager ».

Le rouge du sang des mammifères disparus.

Des incendies, de la colère des sinistrés.

Sans oublier … le Vert.

Celui du déni, de la trahison. Le vert de la colère des penseurs d’une écologie scientifique.

Vert comme le feu vert donné par deux femmes ministres belges à l’utilisation du gaz … Bleu.

Le vert des environnements qui disparaissent, mais aussi des zones que l’on protège enfin.

Le vert de la collaboration à la croissance mortifère, mais aussi des expériences dites de transition.

Et puis, et puis… il y a le blanc

Le blanc du deuil des autres autres couleurs. Le blanc comme somme des autres couleurs.

Le blanc des abstentions qui préviennent.

Le blanc de la lumière qui viendra, qui vient.

Le blanc violent des soleils trop présents.

Le blanc du drapeau à lever dans cette guerre que nous menons contre la vie.


2022

l’idée de « responsabilités communes mais différenciées » fut discutée et adoptée en tant que principe par la communauté internationale au Sommet de la Terre à Rio en 1992, il y a trente ans déjà. Une victoire des pays pauvres qui ont bataillé ferme pour obtenir un accord international sur sa formulation. En voici les principaux éléments : « Les États doivent coopérer (…) en vue de rétablir l’intégrité de l’écosystème terrestre. Étant donné la diversité des rôles joués dans la dégradation de l’environnement, les États ont des responsabilités communes mais différenciées. Les pays développés admettent la responsabilité qui leur incombe (…), compte tenu des pressions que leurs sociétés exercent sur l’environnement mondial, et des techniques et des ressources financières dont ils disposent. »

2021

L’ampleur de la déforestation – 130 000 km² par an – s’apparente à un désastre écologique et social. Particulièrement concernées : l’Amazonie, l’Afrique centrale et l’Indonésie. En cause, la survie des pauvres, l’industrie agroalimentaire et forestière, le consumérisme des riches. La protection de la biodiversité et l’atténuation des changements climatiques passent nécessairement par un questionnement radical des logiques productivistes et des inégalités.

2020

Principaux responsables du gâchis environnemental, le productivisme et le consumérisme des grands producteurs et des gros consommateurs. Un mode d’exploitation séculaire de la nature, irresponsable, sans limites, mû par l’appât du gain et la logique de l’accumulation. Les pollueurs majeurs tardent à passer à la caisse, tandis que les secteurs populaires et les pays non industrialisés en font les frais. Les concepts d’éco-impérialisme, de justice verte, d’écologie décoloniale convoqués par les mouvements qui, en Afrique, en Amérique latine et en Asie, à rebours des opinions publiques, se mobilisent sur des enjeux environnementaux, apportent des réponses.
L’ampleur du désastre écologique, chiffrée à l’envi, sidère. Scientifiques et militants auront mis cinquante ans à agiter les consciences, avant que l’évidence s’impose. Ses causes sont connues, enfin admises. Ou presque. Principaux responsables du gâchis environnemental, le productivisme et le consumérisme des grands producteurs et des gros consommateurs. Un mode d’exploitation séculaire de la nature, irresponsable, sans limites, mû par l’appât du gain et la logique de l’accumulation. Dont les effets délétères s’accélèrent et réactualisent la sentence de Hugo – « c’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches » –, la vulnérabilité des premiers étant sans commune mesure avec celle des seconds. Les pollueurs majeurs tardent à passer à la caisse, tandis que les secteurs populaires et les pays non industrialisés en font les frais.


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