Le mouvement pour le climat et le Big Oil* du Sultan Al Jabar

Jan Stel

Traduction deepl – Josette – article (19/02/2023) paru dans la lettre d’info des Grootouders voor het Klimaat (GvK)

Le Dr Sultan Ahmed Al Jabar, grand ponte de l’industrie pétrolière nationale, a été nommé par les Émirats arabes unis pour présider la COP28 à Dubaï. Le mouvement climatique est en émoi car cette nomination pourrait être le signe d’une tentative de l’industrie fossile de prendre la tête des conférences climatiques de l’ONU. C’est inacceptable car l’industrie pétrolière et gazière a délibérément conduit le monde vers une crise climatique au cours du dernier demi-siècle. Big Oil a choisi le profit pur au détriment de l’avenir de la population mondiale. En conséquence, elles ont accumulé une dette et une responsabilité historiques, tout comme les pays ayant des émissions historiques de CO2, comme la Belgique. Cette dette doit être remboursée.

Les Émirats arabes unis (EAU) ont désigné le Dr Sultan Ahmed Al Jabar pour présider le prochain sommet sur le climat, la COP28, qui se tiendra à Dubaï du 30 novembre au 12 décembre 2023. Le « leadership » est le message clé de ce sommet sur le climat, selon les Émirats. Mais quel leadership, je me le demande, et quel leadership ? C’est la deuxième fois en 11 ans qu’une COP est organisée dans un pays du Golfe, un pays qui vit du pétrole et du gaz.
Il est vrai que le sultan doit renoncer à une série de postes clés pour cette présidence. Pour commencer, il suspend son poste de ministre de l’industrie et des technologies avancées (MoIAT). Ce ministère a été créé en 2020. Il se concentre sur les défis et les opportunités de la quatrième phase de la révolution industrielle (britannique). Il quitte également son poste de PDG de la compagnie pétrolière nationale émiratie Abu Dhabi (ADNOC), la douzième plus grande compagnie pétrolière du monde. En outre, il met fin à sa présidence de l’entreprise d’énergie renouvelable Masdar. Cette société est une initiative à multiples facettes dans le domaine des énergies renouvelables à Abu Dhabi, qu’Al Jabar a fondée en 2006. Il se retire maintenant pour éviter l’impression d’éventuels conflits d’intérêts.


« Nous adopterons une approche pragmatique, réaliste et orientée vers les solutions qui permettront de transformer le climat et la croissance économique à faible émission de carbone » – Dr Sultan Al Jabar, The National, 12 janvier 2023.

Quiconque lit le CV du sultan sur le site web du MoIAT ne peut qu’être impressionné par ses réalisations. Celles-ci sont évidemment axées sur le développement des Émirats arabes unis, qui se composent de sept émirats de pierre. Abu Dhabi et Dubaï sont les plus importants d’entre eux. Sultan Al Jabar a étudié aux États-Unis grâce à une bourse d’ADNOC, après quoi il a obtenu un doctorat en Angleterre. Il a commencé sa carrière chez ADNOC, dont il est devenu le PDG en 2016. Il a également occupé de nombreux postes nationaux et internationaux. En 2011, par exemple, il a participé au groupe de haut niveau de l’ONU sur l’énergie durable pour tous. En 2012, l’ONU lui a décerné le prix Champion de la Terre dans la catégorie Vision entrepreneuriale et leadership efficace. Un an plus tard, il a été nommé commandeur honoraire de l’ordre le plus excellent de l’Empire britannique (CBE) par la reine Elizabeth II, et en 2019, il a reçu un prix pour l’ensemble de sa carrière des mains du Premier ministre indien Narendra Modi.

Le président de la COP28 est soutenu par deux dames hautement qualifiées présentées par Emirates comme étant respectivement une conservationniste de premier plan et une jeune championne du climat. Ainsi, Mme Razan Khalifa Al Mubarak est PDG de l’Agence pour l’environnement d’Abu Dhabi (EAD, the Environmental Agency Abu Dhabi) et, depuis 2021, également présidente de l’Union internationale pour la conservation de la nature, l’ICSU. Mme Shamma Al Mazrui, 29 ans, est ministre de la jeunesse depuis sept ans. Elle encourage l’autonomisation des jeunes désireux de façonner le programme vert des Émirats arabes unis. Dans l’ensemble, il s’agit d’une équipe solide qui est « commercialisée » avec de grandes ressources et de manière extrêmement professionnelle par des sociétés de marketing réputées.
Il ne faut pas s’attendre à ce qu’un PDG issu de l’industrie pétrolière puisse, veuille ou résolve la crise climatique, que l’industrie elle-même a créée pour le profit et par la tromperie.

Nous pouvons conclure que le Dr Sultan Al Jabar possède à la fois un CV impressionnant dans l’ancien monde du pétrole et du gaz et un bon sens des technologies innovantes. Mais, précisément en raison de ses antécédents dans l’industrie pétrolière et en tant que précurseur de l’avenir industriel des Émirats, il est très douteux qu’il soit le bon président pour s’attaquer à la crise climatique par une transition majeure vers la durabilité au niveau mondial. Le mouvement environnemental international s’inquiète à juste titre de sa nomination – qui, soit dit en passant, est parfaitement légale au sein du système des Nations unies. Après tout, c’est au pays hôte qu’il appartient de nommer le président ou le président de séance.

Cela dit, cette nomination pourrait aussi être un signal des Émirats arabes unis indiquant que les grandes compagnies pétrolières veulent tirer le meilleur parti de la crise actuelle. En d’autres termes, ils misent à la fois sur l’industrie pétrolière existante et sur la transition technologique vers des entreprises innovantes et plus durables. C’est l’écomodernisme dans toute sa splendeur ! En tant que tels, on ne peut pas s’attendre à ce qu’ils servent l’intérêt du monde dans la lutte contre la crise climatique et la transition internationale vers la durabilité. Mais c’est exactement ce que vous devriez attendre d’un sommet des Nations unies sur le climat. Je m’attends à une COP28 très intéressante (mais néanmoins décevante).

La COP27 (2022), une déception ?
La COP27 de Sharm-el-Sheikh en Égypte est aussi appelée le premier sommet africain sur le climat car elle s’est déroulée à la lisière du continent africain. Les médias la font également passer pour le premier sommet arabe, ce qui est inexact puisqu’il a eu lieu à Doha au Qatar en 2012. Quoi qu’il en soit, ce n’était pas une mince affaire d’accueillir quelque 34 000 personnes dans une luxueuse station balnéaire du désert en pleine crise alimentaire – causée par la guerre insensée de Poutine en Ukraine. Il n’était pas non plus facile d’y manifester. Cela n’était fondamentalement possible que dans des endroits spéciaux… dans le désert. De plus, tout le monde était étroitement surveillé. L’Égypte n’est pas une démocratie. Néanmoins, la COP27 a été le sommet climatique le plus fréquenté après la COP26 à Glasgow.

Comme prévu, les questions « africaines » étaient à l’ordre du jour, comme les pertes et dommages. Les pays pauvres qui ont à peine contribué à la crise climatique, mais qui en souffrent énormément, demandent depuis des décennies des compensations aux pays occidentaux riches qui ont toujours émis beaucoup de CO2. À ce propos, la Belgique occupe une place de choix dans le top 10 des pollueurs historiques. La recherche scientifique a permis de déterminer l’impact de notre changement climatique sur des catastrophes telles que les inondations au Pakistan et la sécheresse en Europe en 2022. Cet impact est significatif. Des travaux sont actuellement en cours pour déterminer également les émissions historiques de CO2 de pays comme la Belgique, qui a fait passer la révolution industrielle britannique en contrebande sur le continent européen.

La frustration des pays en développement à l’égard des pollueurs historiques s’est systématiquement accrue ces dernières années. En 2009, les dirigeants occidentaux ont promis de fournir 100 milliards de dollars par an en financement climatique d’ici 2020. Ce montant ne s’est jamais concrétisé. Par conséquent, cette fois-ci, la question a figuré en bonne place à l’ordre du jour et il a finalement été décidé de créer un nouveau fonds pour le climat. Bravo à tous ! Mais il y a de fortes chances que cela devienne un chat dans un sac. Tous les « détails » (qui paie quoi, qui reçoit quoi, etc.) doivent encore être réglés. La prochaine COP à Dubaï abordera cette question. Ce serait une excellente occasion de présenter immédiatement la facture historique que l’industrie pétrolière a accumulée en omettant délibérément de signaler les risques climatiques liés à l’utilisation des combustibles fossiles.

Bonne nouvelle pour notre ministre du climat Zuhal Demir : une recherche scientifique indépendante pourra bientôt déterminer les émissions historiques de CO2 de la Belgique. Peut-être y aura-t-il finalement une véritable politique climatique flamande. Ou préférons-nous nous noyer ?

Malgré tout, je trouve que la COP27 est surtout un sommet décevant, car la cause réelle du problème n’a pas été abordée. Pire encore, grâce à la guerre insensée de Poutine en Ukraine, les pays de l’UE ont fait des pieds et des mains pour trouver d’autres fournisseurs de pétrole et de gaz. En conséquence, les compagnies pétrolières – évidemment contre leur gré – sont passées à la vitesse supérieure pour extraire le pétrole qui devrait de toute façon rester dans le sol.

Il est donc de plus en plus clair que nous pouvons oublier de maintenir le réchauffement de la planète en dessous de 1,5°C. Il est même douteux que nous parvenions à le faire. Il est même douteux que nous parvenions à atteindre la limite supérieure de 2°C convenue à Paris. Ainsi, nous rendons notre avenir dans un monde qui se réchauffe rapidement de plus en plus imprévisible. C’est pourquoi l’UE a d’abord essayé de lier la création du fonds pour les dommages climatiques à un engagement à réduire davantage les émissions de gaz à effet de serre. Malheureusement, cette tentative a échoué. Ce n’était pas un sommet africain mais un sommet arabe sur le climat », soupire un négociateur européen, quelque peu frustré.
Malgré tous les obstacles à la protestation, malgré le comportement intimidant de la police et des forces de sécurité, et malgré les prix insensés à payer pour une chambre d’hôtel, qui ont conduit des dizaines de militants à partager la même chambre, quelque chose d’unique s’est produit : pour la première fois dans l’histoire des COP, une délégation sélectionnée de manifestants a été autorisée à pénétrer dans la zone bleue fortement surveillée où se déroulaient les négociations. Inutile de dire que la manifestation était bien dirigée et qu’elle a donné lieu à de belles séances de photos. Je suis curieux de voir quel genre de mascarade se déroulera à Dubaï. Ce qui est troublant, en revanche, c’est la participation toujours plus importante des représentants de l’industrie pétrolière. Celle-ci a augmenté, par rapport à Glasgow, de 25 %.

Officiellement, 636 lobbyistes de l’industrie pétrolière étaient présents, dont deux barons russes du pétrole sanctionnés par la guerre, selon Carbon Brief. Collectivement, ces lobbyistes ont formé la plus grande « délégation » après celle des Émirats. Au total, il y avait pas moins de 1073 participants, dont 70 lobbyistes du pétrole et du gaz. Cela n’envoie pas un bon signal pour ce qui pourrait se passer à Dubaï.

Malgré toutes les belles paroles – ou selon Greta Thunberg, tout le bla, bla, bla – l’influence de l’industrie pétrolière ne fait que croître. En outre, des lobbyistes de l’industrie agroalimentaire, de Coca-Cola, le plus grand pollueur de plastique au monde, etc. se sont également manifestés. Un autre État pétrolier, et non des moindres, s’est distingué avec la « Saudi Green Initiative ». Un autre État pétrolier, non négligeable, s’est distingué avec l' »Initiative verte saoudienne », où il a été question du stockage souterrain du CO2 (CCS), controversé et loin d’être bien développé, dans les anciens gisements de pétrole et de gaz et – sans surprise – de l’exploitation de nouveaux gisements de pétrole pour répondre à la demande croissante des consommateurs.

Mensonges et profits de l’industrie pétrolière
En tant que grands-parents, nous en avons assez du géant pétrolier français Total. Nous sommes à juste titre étonnés que toutes sortes d’organisations, comme la VRT et les organisateurs de la merveilleuse course Reine Elisabeth, se permettent encore d’être sponsorisées par cette entreprise, à mon avis criminelle. On tombe de sa chaise quand on lit les méga-profits de l’industrie pétrolière. Le bénéfice combiné en 2022 de Shell, BP, ExxonMobil, Chevron et TotalEnergies (les cinq grands) est, grâce au criminel de guerre Poutine, d’environ 200 milliards de dollars. Ils n’avaient jamais connu un tel méga-profit dans leur longue existence mensongère de déni délibéré du réchauffement climatique auto-infligé. Big Oil, suivant les traces de l’industrie du tabac, nous a trompés et menti à tous pendant plus d’un demi-siècle sur les conséquences de l’utilisation de leurs produits, dans ce cas les combustibles fossiles. Je trouve cela criminel, je me sens trompé en tant que citoyen du monde et j’en suis furieux.

La tromperie de l’industrie du tabac concerne la santé d’une personne ; celle de l’industrie pétrolière concerne la santé de la planète. Les deux tromperies sont criminelles à mes yeux.

Le 13 janvier 2023, la fameuse analyse Assessing ExxonMobil’s global warming projections de Supran et al, a été publiée dans la revue scientifique de premier plan Science. Les chercheurs se sont appuyés sur la découverte faite par des journalistes d’investigation en 2015. À l’époque, des mémos internes ont révélé que la compagnie pétrolière Exxon et ExxonMobil Corp, savaient depuis la fin des années 1970 que leurs combustibles fossiles entraînaient un réchauffement climatique, avec « des impacts environnementaux dramatiques avant l’année 2050 ».

Il est rapidement apparu que les autres compagnies pétrolières et leurs organisations faîtières le savaient également. Un examen plus approfondi de documents internes d’Exxon en 2017 a montré qu’ils savaient que le changement climatique était réel et d’origine humaine. Le GIEC n’en prendrait note qu’en août 2021. En public, cependant, l’industrie pétrolière a surtout semé le doute sur la question. Ainsi, pendant des décennies, selon moi, ils ont fait échouer à la fois la recherche scientifique indépendante et la prise de décision politique sur leurs pratiques criminelles. Et les dollars ont continué à affluer, alors que la nature était et est toujours à l’agonie.

Cela a ouvert un cloaque. Il est rapidement apparu que même la très polluante industrie du charbon était au courant des effets pernicieux de la combustion du charbon depuis au moins les années 1960. Les compagnies d’électricité, la compagnie pétrolière Total et l’industrie automobile avec GM et Ford, étaient également au courant depuis au moins les années 1970. Personne n’a rien dit, personne n’a tiré la sonnette d’alarme. En fait, les recherches présentées dans Science montrent que la situation est encore plus grave. De nombreux documents découverts contiennent des projections claires de l’évolution du réchauffement climatique à venir.

« Cette publication dans Science, est le dernier clou du cercueil des affirmations d’ExxonMobil qui se dit faussement accusé de crimes climatiques. » Geoffrey Supran, Université de Harvard, États-Unis.

Il s’avère que les modèles climatiques utilisés par les propres chercheurs d’Exxon entre 1977 et 2003 étaient sinistrement précis. Le réchauffement moyen attendu par ExxonMobil était de 0,20 °C ± 0,04 °C par décennie. La science l’a maintenu à 0,19 °C, alors que la valeur mesurée était de 0,18 °C. L’essentiel est que les compagnies pétrolières employaient d’excellents scientifiques qui devaient se taire et que la direction savait très bien ce qu’elle faisait et se taisait également.

De plus, les modèles d’Exxon ont montré que le réchauffement climatique d’origine humaine serait observable pour la première fois en l’an 2000, avec une marge de 5 ans. De plus, ils ont été capables de faire une bonne estimation de la quantité de CO2 qui entraînerait un réchauffement dangereux. Enfin, même alors, ils ont fait une estimation raisonnable de la taille du « budget carbone » qui pourrait maintenir le réchauffement en dessous de 2°C. Et pourtant, ils sont restés silencieux.

Évolution de la température (en rouge) et de la concentration de CO2 dans l’atmosphère (en bleu) observée historiquement au fil du temps, comparée aux projections du réchauffement climatique établies par les scientifiques d’ExxonMobil. A : les projections modélisées par Exxon en 1982. B : résumé des projections dans sept mémos internes de la société entre 1977 et 2003. C : tendances climatiques lissées sur les 150 000 dernières années. Source Science, 13 Jan 2023, Vol 379, Issue 6628, DOI : 10.1126/science.abk0063

Et voilà que le Sultan Ahmed Al Jabar préside le prochain sommet sur le climat dans l’État pétrolier super riche des Émirats. Il n’est pas étonnant que le mouvement international pour le climat ne fasse pas confiance à un PDG d’une compagnie pétrolière pour présider une COP. À tout le moins, cela donne l’impression d’un « coup d’État » de l’industrie pétrolière. Le Réseau Action Climat International demande donc sa démission, bien qu’il y ait peu de chances que cela se produise.

Après tout, on peut se demander ce que font les compagnies pétrolières avec les superprofits qu’elles n’ont absolument pas réalisés. Elles pourraient répondre aux appels à l’écrémage, comme le proposent de nombreux politiciens en Suisse et à l’étranger. Après tout, les citoyens qui ne peuvent rien faire contre cette situation sont confrontés à des augmentations de prix rapides et brutales. Cette situation, à son tour, semble très familière aux pays pauvres. Eux aussi sont confrontés à des évolutions auxquelles ils n’ont pas contribué, mais qu’ils doivent payer et dont ils subissent les graves conséquences. C’est pourquoi la première étape franchie à Sharm el-Sheikh sur les pertes et dommages est importante et porteuse d’espoir. Mais il reste à voir ce qu’il en ressortira réellement.

Embrasser le chaos : la transition énergétique
Dans le dernier livre de Jan Rotmans et Mischa Verheijden (voir la critique de livre du 23 décembre 2021), dix transitions sont abordées et encadrées dans les différentes phases d’une transition qui aura lieu dans les décennies à venir et conduira à une société différente et durable. On y apprend notamment que l’État-nation du XIXe siècle pourrait disparaître, au grand dam de toutes sortes de partis politiques nationalistes. Les niveaux susceptibles de subsister sont de petites zones régionales de la taille de la Randstad néerlandaise, ainsi qu’un contexte européen global. Au sein de ces transitions, la transition énergétique, qui dure depuis le plus longtemps, se distingue. Cette transition a maintenant dépassé son point de basculement et est entrée dans une phase d’accélération. Ici aussi, la guerre brutale et totalement inutile de Poutine joue un rôle moteur.

Compte tenu de leur manipulation historique et de leur hypocrisie, il est tout à fait naturel que l’industrie pétrolière et ses actionnaires paient les coûts de la crise climatique mondiale qu’ils ont provoquée.

L’industrie pétrolière ne tarde pas à en profiter et à ajuster ses politiques de greenwashing de manière négative. Avec la hausse rapide des prix de l’énergie, BP a doublé ses bénéfices pour atteindre 27,7 milliards de dollars d’ici 2022. Pour répondre à la demande des consommateurs, qu’ils considèrent comme le moteur responsable, ils vont produire plus de pétrole et de gaz. Et ce, en pleine crise climatique, la plus grande menace pour l’humanité, si l’on excepte l’éruption massive du volcan Toba en Indonésie, il y a 70 à 75 000 ans.

De manière significative, BP fait également marche arrière sur son objectif de zéro émission d’ici 2050 et abaisse ses objectifs pour 2030 de 35-40% à 20-30% ! Il n’en va pas autrement des autres membres des Big Five, comme Shell et Total avec des méga-profits en 2022 de plus de 42 milliards de dollars et plus de 33 milliards de dollars respectivement.
Shell, par exemple, a versé sept fois plus aux actionnaires en 2022 que ce qu’elle a investi dans les énergies vertes, qui ne sont pas son cœur de métier. Cependant, selon le groupe de réflexion indépendant Influence Map et des chercheurs de l’université d’Utrecht, les médias affirment le contraire. Voilà encore une tromperie populaire soutenue par des agences de publicité et de marketing échevelées ! Bla, bla, bla, mais chèrement payé, selon Greta Thunberg.

Pendant ce temps, ils disent que l’industrie pétrolière est taquinée, nous disons qu’on lui rappelle gentiment que les choses doivent absolument changer. Gardez ces ressources polluantes dans le sol, bon sang ! Nous le faisons par des procès, des protestations, des occupations, en tenant les directeurs et les actionnaires personnellement responsables, etc. Les gouvernements, les villes, les groupes d’intérêt, etc. poursuivent à juste titre l’industrie pétrolière – qui a complètement perdu sa crédibilité – alors qu’ils sont confrontés à l’élévation du niveau de la mer, aux incendies de forêt, à la sécheresse, aux inondations et aux intempéries. Là encore, c’est le pollueur (de CO2) qui doit payer. Le nombre de poursuites judiciaires augmente rapidement, selon Carbon Brief. Mais le nombre de lobbyistes présents aux sommets sur le climat continue également d’augmenter, tandis que les gouvernements bavards prétendent le contraire par crainte des pertes d’emplois dans le vieux monde industrialisé.

La transition énergétique étant entrée dans la phase d’accélération, la pression du mouvement écologiste va s’accroître et l’industrie pétrolière, mais aussi d’autres secteurs comme l’agroalimentaire, continueront à nier par tous les moyens leur culpabilité et leur responsabilité historiques. Le chaos va s’accroître, tout comme la probabilité d’une manipulation par des gouvernements « faibles ». Par conséquent, le mouvement environnemental et nous, grands-parents, en route pour Dubaï, devrons rester vigilants. Quelle que soit la manière dont on aborde la question, une Conférence des Parties dans un État pétrolier super-riche, avec un patron du pétrole comme président, ne peut qu’attirer les ennuis. C’est irresponsable du point de vue de la durabilité mondiale et de la crise climatique.

* Le titre fait référence à l’histoire d' »Ali Baba et les quarante voleurs », tirée du célèbre livre des Mille et une nuits de la conteuse persane Sheherazade. Dans cette histoire, Ali voit par hasard comment une bande de voleurs – dans ce blog, l’industrie pétrolière, qui, par la ruse et la tromperie, ne fait que se remplir les poches – ouvre la chambre de son trésor grâce à un sort. Alors que les voleurs s’en vont, Ali ouvre la salle du trésor pour emporter leurs trésors avec lui. Les voleurs le découvrent, mais avec son astucieuse amie Morgiana, Ali Baba vainc les voleurs. Ainsi, le mouvement pour le climat et ses partisans vaincront également les nombreux voleurs des industries industrialisées, comme l’industrie pétrolière.


Références sur la COP28


La multiplication des éoliennes, panneaux solaires et véhicules électriques ne résoudra pas notre problème énergétique

Gail Tverberg

Traduction – Jmp (base DeepL) – article original :
Ramping up wind turbines, solar panels and electric vehicles can’t solve our energy problem

Nombreux sont ceux qui pensent que multiplier les éoliennes, panneaux solaires et véhicules électriques pourrait résoudre les problèmes énergétiques, mais je ne suis pas d’accord. Ces équipements, auxquels s’ajoutent les batteries, les stations de recharge, les réseaux et les nombreuses autres structures nécessaires à leur fonctionnement, sont d’une extrême complexité.

Si des systèmes d’un relativement faible niveau de complexité, comme un barrage hydroélectrique, peuvent parfois aider à résoudre des problèmes énergétiques, il n’est pas possible d’imaginer que des niveaux de complexité toujours plus élevés soient toujours réalisables.

Selon l’anthropologue Joseph Tainter (https://fr.wikipedia.org/wiki/Joseph_Tainter), dans son célèbre ouvrage intitulé « The collapse of complex societies » (https://www.amazon.com/Collapse-Complex…/dp/052138673X), l’accroissement de la complexité conduit à un rendement décroissant. Autrement dit, les innovations les plus intéressantes tendent à être développées en premier ; les innovations ultérieures ont tendance à être moins utiles, quand l’accroissement de complexité induite entraine un coût énergétique trop élevé par rapport au bénéfice apporté.

Dans ce texte, je discuterai plus en détail de la complexité. Je vais également présenter des preuves que l’économie mondiale a peut-être déjà atteint les limites de la complexité. En outre, je vais montrer que la mesure communément admise du « rendement de l’investissement énergétique » (EROEI) (https://www.sciencedirect.com/…/energy-return-on…) se rapporte à l’utilisation directe de l’énergie, plutôt qu’à l’énergie incorporée dans des systèmes complexes. En conséquence, les valeurs d’EROEI tendent à faire penser que les innovations telles que les éoliennes, les panneaux solaires et les VE sont plus performantes qu’elles ne le sont réellement. D’autres mesures similaires à l’EROEI conduisent à des erreurs similaires.

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1/ Dans cette vidéo avec Nate Hagens, Joseph Tainter explique comment l’énergie et la complexité ont tendance à croître simultanément, dans ce que Tainter appelle la spirale énergie-complexité : https://www.youtube.com/watch?v=undp6sgCIX4

Figure 1. The Energy-Complexity Spiral from 2010 presentation called The Energy-Complexity Spiral by Joseph Tainter.

Selon Tainter, l’énergie et la complexité se construisent l’une avec l’autre. Au début, un accroissement de complexité peut être nécessaire pour répondre à une économie en croissance en permettant l’adoption des énergies disponibles. Mais cette complexité croissante implique des rendements décroissants, puisque les solutions les plus faciles et les plus intéressantes sont trouvées en premier. Lorsque les avantages relatifs d’une complexité croissante deviennent trop faibles par rapport à l’énergie supplémentaire requise, le résultat global tend vers un effondrement – ce qui, selon lui, équivaut à une « perte rapide de complexité ».

Une complexité croissante peut aboutir à des biens et services moins coûteux par divers mécanismes :

– des économies d’échelle sont réalisées grâce à des investissements lourds, donc à des entreprises plus grandes ;

– La mondialisation permet de disposer de matières premières et des énergies alternatives, d’une main-d’œuvre moins chère ;

– l’éducation supérieure et une spécialisation accrue favorisent l’innovation ;

– les améliorations technologiques permettent de réduire le coût de fabrication des biens ;

– les améliorations technologiques permettent une optimisation des coûts d’usage, comme des économies de carburant pour les véhicules, de manière permanente.

Pourtant, étrangement, dans la pratique, la complexité croissante tend à entraîner une augmentation de la consommation de carburant, plutôt qu’une diminution. C’est ce que l’on appelle le paradoxe de Jevons. Si les produits sont moins chers, davantage de personnes peuvent se permettre de les acheter et de les utiliser, de sorte que la consommation totale d’énergie tend à être plus importante.

2/ Dans la même vidéo, Tainter décrit la complexité comme quelque chose qui structure et organise un système.

La raison pour laquelle je considère que l’électricité produite par les éoliennes et les panneaux solaires exigent des solutions beaucoup plus complexes que, par exemple, l’électricité produite par les centrales hydroélectriques ou les centrales à combustibles fossiles, est que la production de ces équipements est loin d’être en mesure de répondre directement aux exigences des systèmes électriques actuels. Par exemple les productions électriques éolienne et solaire ont besoin de systèmes complexes pour résoudre les problèmes d’intermittence.

Avec la production hydroélectrique, l’eau est facilement contenue derrière un barrage. Souvent, une partie de cette eau peut être stockée en vue d’une utilisation ultérieure pour répondre aux pics de demande. L’eau accumulée en amont du barrage alimente des turbines, de telle manière que la production électrique est directement compatible avec les impératifs du courant alternatif. Pour cette même raison, l’électricité produite par un barrage hydroélectrique peut s’ajouter facilement aux différents systèmes de production d’électricité disponibles.

En revanche, la production électrique des éoliennes et panneaux solaires nécessite beaucoup plus d’assistance, autrement dit une plus grande complexité, pour être compatible avec les exigences des systèmes de consommation d’électricité. L’électricité produite par les éoliennes a tendance à être très désorganisée. Elle n’est produite qu’en fonction d’un timing qui lui est propre, fonction du vent.

L’électricité produite par les panneaux solaires est organisée, qui répond mieux aux exigences des systèmes de consommation d’électricité, mais par exemple, n’est pas directement compatible avec les impératifs du courant alternatif.

Un problème majeur est que les besoins électriques pour le chauffage sont importants en hiver alors que l’électricité solaire est inversement disponible en été ; pendant que la disponibilité du vent est irrégulière. Des batteries peuvent être ajoutées, mais elles ne peuvent amortir les écarts de production que sur très court terme, quelques jours au mieux.

Au final les différentiels entre offre et demande doivent être lissés par des systèmes parallèles censés être utilisés à minima ; les systèmes « de secours » le plus communément utilisé étant les centrales fonctionnant au gaz naturel, puis celles au pétrole ou au charbon…

Ce qui suppose de doubler le système énergétique électrique, ce qui a un coût plus élevé que celui qu’aurait l’un ou l’autre système exploité seul, à plein temps.

Par exemple, il faut maintenir des centrales électriques au gaz naturel, incluant les infrastructures liées, gazoducs et systèmes de stockage, même si l’électricité produite dans ce cadre n’est utilisée qu’une partie de l’année. Un tel système combiné nécessite des experts dans tous les domaines, notamment en rapport à l’intégration des réseaux électriques, la production de gaz naturel, la réparation des éoliennes et des panneaux solaires, ou encore la fabrication et l’entretien des batteries. Et tout cela nécessite des systèmes de formation adaptés et des échanges internationaux, parfois avec des pays hostiles.

Je considère également que les véhicules électriques sont complexes. Un problème majeur posé par la transition vers les VE est que l’économie aura également besoin d’un double système – pour les moteurs à combustion interne et les véhicules électriques – pendant de très nombreuses années. Les véhicules électriques nécessitent des batteries fabriquées à partir d’éléments provenant du monde entier. Ils ont également besoin d’un maillage de stations de recharge, d’autant que les besoins de recharge sont fréquents.

3/ Tainter souligne que la complexité a un coût énergétique, mais que ce coût est pratiquement impossible à mesurer (https://www.youtube.com/watch?v=undp6sgCIX4)

Les besoins énergétiques sont cachés dans de nombreux domaines. Par exemple, pour avoir un système organisé complexe, nous avons besoin d’un système financier. Le coût de ce système ne peut pas être rajouté. Nous avons besoin de routes modernes, d’infrastructures et d’un système de lois. Le coût d’un gouvernement attribué à ces services ne peut être facilement discerné. Un système de plus en plus complexe a besoin d’éducation pour le soutenir, mais ce coût est également difficile à mesurer. De plus, comme nous le notons ailleurs, le fait d’avoir des systèmes doubles ajoute d’autres coûts qui sont difficiles à mesurer ou à prévoir.

L’engrenage énergie-complexité ne peut pas se poursuivre indéfiniment dans une économie. Celle-ci peut atteindre des limites au moins de trois façons :

[a] L’extraction de ressources de toutes catégories est d’abord effectuée dans les endroits les plus propices. Les puits de pétrole sont d’abord effectués dans des zones où le pétrole est facile à extraire et à proximité des zones de population ; les mines de charbon dans des endroits où le charbon est de même facile à extraire et où les coûts de transport vers les utilisateurs sont faibles ; les mines de lithium, de nickel, de cuivre et d’autres minéraux sont d’abord installées dans les endroits où les filons sont les plus rentables.

Mais le coût de la production d’énergie finit par augmenter, au lieu de diminuer, en raison des rendements décroissants. Le pétrole, le charbon et les produits énergétiques deviennent plus chers. Les éoliennes, les panneaux solaires et les batteries des véhicules électriques ont également tendance à devenir plus chers, car le coût des minéraux nécessaires à leur fabrication augmente. L’ensemble des produits énergétiques, y compris les « énergies renouvelables », ont tendance à devenir moins rentables.

En fait, de nombreux rapports (https://www.wsj.com/…/bps-ceo-plays-down-renewables…) indiquent que le coût de production des éoliennes (https://www.woodmac.com/…/wind-industry-faces-a…/) et des panneaux solaires (https://cen.acs.org/…/US-solar-polysilicon…/100/i33) a augmenté en 2022, rendant la fabrication de ces équipements non rentable. La hausse des prix des produits industriels ou la baisse de la rentabilité de ceux qui les produisent pourraient mettre un terme à la croissance de la demande.

[b] La population humaine a tendance à continuer d’augmenter si les réserves de nourriture et autres sont suffisantes, mais l’offre de terres arables reste presque constante. Ces deux contraintes exercent une pression sur la société pour qu’elle produise un flux continu d’innovations qui permettront d’augmenter la quantité de nourriture par hectare.

Mais ces innovations finissent par avoir un rendement décroissant, ce qui rend plus difficile la possibilité que la production alimentaire soit en mesure de suivre la croissance de la population.

Parfois, la variabilité des régimes climatiques met en exergue le fait que les disponibilités alimentaires sont à la limite du niveau minimum depuis de nombreuses années. La croissance est alors bridée par la flambée des prix des denrées alimentaires et/ou la mauvaise santé des travailleurs soumis à un régime alimentaire inadapté.

[c] La croissance de la complexité atteint des limites, alors que les innovations les plus précoces tendent à être les plus productives. Par exemple, l’électricité ne peut être inventée qu’une seule fois, tout comme l’ampoule électrique. La croissance et la mondialisation sont bridés au delà d’un certain seuil.

Je pense que la dette fait partie de la question de la complexité. À un moment donné, la dette et les intérêts liés ne pourront plus être remboursés. L’enseignement supérieur (indispensable compte tenu d’un haut niveau de spécialisation) atteint ses limites lorsque les travailleurs ne trouvent pas d’emplois avec des salaires suffisamment élevés pour compenser le coût des études, si ce n’est tout simplement de quoi vivre décemment.

4/ Selon Tainter, si l’approvisionnement en énergie disponible se réduit, le système est condamné à se simplifier.

En général, une économie se développe pendant une centaine d’années, atteint les limites de la complexité énergétique, puis s’effondre en quelques années.

Cet effondrement peut se produire de différentes manières. Une forme de gouvernement peut s’effondrer, référence par exemple à l’effondrement du gouvernement central de l’Union soviétique en 1991 qui peut s’interpréter comme une forme d’effondrement à un niveau inférieur de simplicité. Ou cela peut se traduire par la volonté d’un pays d’en conquérir un autre (ce qui peut inclure des problèmes de complexité énergétique), en vue de prendre le contrôle du gouvernement et des ressources du pays cible ; ou encore par un effondrement financier.

Selon Tainter, la simplification ne se produit généralement pas de manière délibérée. Il fournit un exemple de simplification délibérée à travers l’Empire byzantin au 7e siècle. Disposant de moins de ressources pour financer l’armée, il a abandonné certains postes éloignés et a ciblé une approche moins coûteuse pour maintenir les postes de défense restants.

5/ À mon avis, il est facile pour les calculs EROEI (et autres calculs similaires) de surestimer les avantages des systèmes énergétiques complexes.

L’un des principaux points soulevés par le Tainter dans la conférence mentionnée ci-dessus [vidéo] est que la complexité a un coût énergétique, mais que le coût énergétique de cette complexité est pratiquement impossible à mesurer. Il fait également remarquer que si l’intégration d’un niveau de complexité croissant est séduisant, son coût global tend à augmenter avec le temps. Et les modèles ont tendance à éluder les infrastructures et autres éléments requis, offerts par le système global, qui déterminent la possibilité de l’émergence d’une nouvelle source d’approvisionnement énergétique hautement complexe.

L’énergie nécessaire à la complexité étant difficile à mesurer de manière systémique, les modes de calcul de l’EROEI (https://www.sciencedirect.com/…/energy-return-on…) relatifs aux systèmes complexes auront tendance à énoncer que les formes complexes de production d’électricité, telles que l’éolien et le solaire, consomment moins d’énergie (ont un EROEI plus élevé) qu’elles ne le font en réalité.

Le problème est que les calculs EROEI ne prennent en compte que les coûts directs de l’« investissement énergétique ». Par exemple, les calculs ne sont pas conçus pour intégrer les données en lien avec le coût énergétique plus élevé d’un système doublé, chacun étant pour partie sous-utilisé pendant certaines périodes. Les coûts annuels ne seront pas nécessairement réduits de manière proportionnelle.

Dans la vidéo en lien, Joseph Tainter présente l’évolution de l’EROEI du pétrole dans le temps. Ce type d’analyse ne pose pas de problème, les niveau de complexité étant similaires, à fortiori si elle évite la comparaison avec la relativement récente technique de fracking, ce que fait Tainter. En revanche, comparer les EROEI de différents types d’énergie et différents niveaux de complexité peut facilement conduire à des conclusions erronées.

6/ L’économie mondiale actuelle semble d’ores et déjà se diriger à pas feutrés vers une simplification, ce qui suggère que la tendance vers une plus grande complexité a déjà dépassé son niveau maximum, compte tenu du manque de disponibilité de produits énergétiques bon marché.

Je m’interroge sur l’émergence d’une simplification dans le commerce, en particulier le commerce international, car le transport maritime (qui utilise très généralement des produits pétroliers) devient très coûteux. Cela pourrait être considéré comme un type de simplification, en réponse à l’absence d’un approvisionnement suffisant en énergie bon marché.

Figure 2. Trade as a percentage of world GDP, based on data of the World Bank.

D’après la figure 2 (https://i0.wp.com/…/Trade-as-percentage-of-world-GDP…), le commerce international en pourcentage du PIB a atteint un pic en 2008. Depuis lors, on observe une tendance générale à la baisse des échanges, ce qui indique que l’économie mondiale a eu tendance à se rétracter, du moins d’une certaine manière, lorsqu’elle a atteint les limites des prix élevés.

Un autre exemple de tendance à la baisse de la complexité est la chute des inscriptions dans les collèges et universités de premier cycle aux États-Unis depuis 2010 (https://i0.wp.com/…/US-undergraduate-part-time-full…). D’autres données montrent que les inscriptions dans le premier cycle ont presque triplé entre 1950 et 2010, de sorte que l’évolution vers une tendance à la baisse après 2010 représente un tournant majeur.

Figure 3. Total number of US full-time and part-time undergraduate college and university students, according to the National Center for Education Statistics.

La raison pour laquelle ces évolutions sont un problème est que les collèges et les universités ont des dépenses fixes colossales. Les systèmes éducatifs doivent notamment entretenir les bâtiments et les terrains, rembourser des dettes, et financer des professeurs permanents qu’ils se doivent de garder dans la plupart des cas même si le nombre d’élèves diminue. Ils peuvent dans certains cas proposer des pensions qui peuvent ne pas être entièrement financés par les élèves, ce qui ajoute une autre pression sur les coûts.

Selon les membres du corps enseignant des collèges avec lesquels j’ai discuté ces dernières années, des pressions ont été exercées pour améliorer le taux de rétention des étudiants qui ont été admis. En d’autres termes, ils ont le sentiment d’être encouragés à empêcher les étudiants actuels de décrocher, même si cela signifie qu’ils doivent abaisser progressivement leurs critères. Parallèlement, les salaires des professeurs ne suivent pas le rythme de l’inflation.

Les informations suggèrent que les collèges comme les universités ont récemment mis l’accent sur l’obtention d’un corps étudiant plus diversifié. Autrement dit, les étudiants qui n’auraient pas été admis dans le passé en raison de notes insuffisantes au lycée sont de plus en plus souvent admis afin d’éviter que les effectifs ne baissent davantage.

Du point de vue des étudiants, le problème majeur est que les emplois offrant un salaire suffisamment élevé pour justifier le coût élevé d’une formation universitaire sont de moins en moins nombreux. Cela semble être la raison à la fois de la crise de l’endettement des étudiants américains et de la baisse des inscriptions dans les premiers cycles universitaires.

Bien entendu, si les universités abaissent relativement leurs critères d’admission et probablement aussi les critères d’obtention des diplômes, il est nécessaire de « vendre » ces diplômés avec des niveaux de compétence quelque peu inférieurs aux standards habituels aux gouvernements et aux entreprises susceptibles de les embaucher. Il me semble que c’est un signe supplémentaire de la perte de complexité.

7/ En 2022, les coûts énergétiques totaux de la plupart des pays de l’OCDE ont commencé à atteindre des niveaux élevés par rapport au PIB. Lorsque l’on analyse la situation, on constate que les prix de l’électricité s’envolent, tout comme ceux du charbon et du gaz naturel, les deux types de combustibles les plus utilisés pour produire de l’électricité.

Figure 4. Chart from article called, Energy expenditures have surged, posing challenges for policymakers, by two OECD economists.

L’OCDE est une organisation intergouvernementale composée principalement de pays riches qui a été créée pour stimuler le progrès économique et favoriser la croissance mondiale (https://en.wikipedia.org/wiki/OECD). Elle comprend, entre autres, les États-Unis, la plupart des pays européens, le Japon, l’Australie et le Canada.

La figure 4 (« Les périodes de fortes dépenses énergétiques sont souvent associées à une récession » : https://i0.wp.com/…/Estimated-energy-end-use…), a été préparée par deux économistes travaillant pour l’OCDE (graphique tiré de l’article intitulé « Energy expenditures have surged, posing challenges for policymakers » : https://oecdecoscope.blog/…/energy-expenditures-have…/). Les barres grises indiquent une récession.

Ce graphique montre qu’en 2021, les prix de pratiquement tous les coûts associés à la consommation d’énergie ont eu tendance à s’envoler. Les prix de l’électricité, du charbon et du gaz naturel étaient tous très élevés par rapport aux années précédentes. Les seuls coûts énergétiques qui n’étaient pas très éloignés des coûts des années précédentes était ceux du pétrole. Le charbon et le gaz naturel sont tous deux utilisés pour produire de l’électricité, de sorte que les coûts élevés de l’électricité n’ont rien de surprenant.

Dans le graphique, les économistes de l’OCDE notent que « les périodes de fortes dépenses énergétiques sont souvent associées à une récession », ce qui souligne ce qui devrait être évident pour tous les économistes : les prix élevés de l’énergie poussent souvent l’économie vers la récession. Les citoyens sont contraints de réduire les dépenses non essentielles, ce qui réduit la demande et plonge l’économie dans une crise.

8/ Le monde semble se heurter aux limites de l’extraction du charbon. Cette situation, associée au coût élevé du transport du charbon sur de longues distances, conduit à une forte augmentation des prix du charbon.

La production mondiale de charbon est quasiment stable depuis 2011, Statistical Review of World Energy de BP, données 2022 : https://i0.wp.com/…/World-coal-mined-and-world…). La croissance de la production d’électricité à partir du charbon a été presque aussi stable que la production mondiale de charbon. Indirectement, cette absence de croissance de la production de charbon oblige les pouvoirs publics partout dans le monde à se tourner vers d’autres solutions de production d’électricité.

Figure 5. World coal mined and world electricity generation from coal, based on data from BP’s 2022 Statistical Review of World Energy.

[9] Le gaz naturel est aujourd’hui également en pénurie si l’on tient compte de la demande croissante des différents types d’énergie.

Bien que la production de gaz naturel ait augmenté, ces dernières années, elle n’a pas augmenté assez rapidement pour répondre à la demande croissante d’importations de gaz naturel dans le monde. La production mondiale de gaz naturel en 2021 n’était supérieure que de 1,7 % à celle de 2019.

La croissance de la demande d’importations de gaz naturel provient de plusieurs causes simultanées :

– L’offre de charbon étant stable et les disponibilités à l’importation insuffisantes, les pays cherchent à substituer la production d’électricité au gaz naturel à la production d’électricité au charbon. La Chine est le premier importateur mondial de gaz naturel en partie pour cette raison.

– Les pays qui produisent de l’électricité à partir de l’énergie éolienne ou solaire s’appuient sur les centrales au gaz naturel pour répondre rapidement à la demande électrique lorsque l’énergie éolienne ou solaire n’est pas disponible.

– Plusieurs pays, dont l’Indonésie, l’Inde et le Pakistan, ont une production de gaz naturel en déclin.

– L’Europe a choisi de mettre fin à ses importations de gaz naturel par gazoduc en provenance de Russie et a en conséquence besoin de compenser en important du GNL.

10/ Les prix du gaz naturel sont extrêmement variables, selon que le gaz naturel est produit localement ou non, et selon la manière dont il est expédié et le type de contrat dont il fait l’objet. Généralement, le gaz naturel produit localement est le moins cher. Le charbon connaît des problèmes similaires, le charbon produit localement étant le moins cher.

La figure 6 permet une comparaison des prix du gaz naturel dans trois régions du monde (publication japonaise IEEJ, 23 janvier 2013 : https://i0.wp.com/…/Natural-Gas-and-LNG-Prices-from…).

Figure 6. Comparison of natural gas prices in three parts of the world from the Japanese publication IEEJ, dated January 23, 2013.

Dans ce graphique, le prix plancher du Henry Hub (centre de distribution de gaz naturel situé à Erath en Louisiane) est le prix américain, disponible uniquement localement. La production est élevée aux États-Unis, son prix a donc tendance à être bas.

Le prix supérieur est celui constaté au Japon pour le gaz naturel liquéfié (GNL) importé, dans le cadre de contrats à long terme, sur une période de plusieurs années. C’est le prix le plus élevé, que l’Europe paie pour le GNL, sur la base des prix du « marché spot ».

Le GNL proposé sur le marché spot est le seul type de GNL disponible pour ceux qui n’ont pas anticipé les problèmes actuels – dont l’Europe…

Ces dernières années, l’Europe a pris le risque d’obtenir des prix bas sur le marché spot, mais cette approche s’est retournée contre elle dès lors que l’offre en GNL est insuffisante pour répondre à la demande mondiale. Notez que le prix élevé du GNL importé par l’Europe était déjà une évidence en janvier 2013, donc bien avant le début de l’invasion de l’Ukraine.

L’un des principaux problèmes du GNL est que le transport du gaz naturel est extrêmement coûteux, tendant à au moins doubler, voire tripler le prix. Les fournisseurs doivent être assurés d’un prix élevé pour le GNL sur long terme afin de rentabiliser les infrastructures colossales nécessaires pour produire et expédier le gaz naturel sous forme de GNL. Les prix extrêmement variables du GNL ont longtemps freiné les ambitions des producteurs de gaz naturel pour développer ce marché.

Inversement, les prix récents particulièrement élevés du GNL en Europe ont rendu le prix du gaz naturel trop élevé pour les industriels qui ont besoin de gaz naturel pour des processus autres que la production d’électricité, comme la fabrication d’engrais azotés. Ces prix élevés font que la crise consécutive au manque de gaz naturel bon marché se répercute sur le secteur agricole.

La plupart des gens sont « aveugles à l’énergie », surtout lorsqu’il s’agit du charbon et du gaz naturel. Ils partent de l’idée que ces deux combustibles peuvent être extraits à bon marché en abondance, et ce pour toujours.

Malheureusement, pour le charbon comme pour le gaz naturel, le coût du transport a tendance à être très élevé. Et c’est un aspect qui échappe aux analystes. C’est le coût élevé de transport et de livraison du gaz naturel et du charbon qui empêche les entreprises d’extraire réellement les quantités de charbon et de gaz naturel qui semblent être disponibles d’après les estimations des réserves, et non les réserves elles-mêmes.

10/ Lorsque nous analysons la consommation d’électricité de ces dernières années, nous découvrons que les pays – membres de l’OCDE ou non – ont connu des schémas de croissance de la consommation d’électricité étonnamment différents depuis 2001.

La consommation d’électricité des pays de l’OCDE a été quasiment stable, surtout depuis 2008. Mais même avant 2008, la consommation d’électricité n’augmentait que légèrement.

Les arbitrages actuels consistent à électrifier autant que possible les usages dans les pays de l’OCDE. L’électricité devrait être utilisée de manière conséquente pour alimenter les véhicules et chauffer les maisons. Elle serait également davantage utilisée par les industries nationales, notamment pour la fabrication des batteries et des semi-conducteurs. La question est de savoir comment les pays de l’OCDE seront en mesure d’augmenter suffisamment leur production d’électricité pour couvrir à la fois les utilisations actuelles de l’électricité et les nouvelles utilisations prévues, alors que la production d’électricité est restée stable dans le passé.

Figure 7. Electricity production by type of fuel for OECD countries, based on data from BP’s 2022 Statistical Review of World Energy.

La figure 7 (« Production d’électricité par type de ressources pour les pays de l’OCDE », BP’s 2022 Statistical Review of World Energy : https://i0.wp.com/…/2023/02/OECD-Electricity-by-Fuel.png) montre que la part du charbon dans la production d’électricité a diminué dans les pays de l’OCDE, surtout depuis 2008.

La part des « autres » a augmenté, mais juste assez pour que la production globale reste stable. La catégorie « Autres » comprend les énergies renouvelables, notamment l’éolien et le solaire, mais aussi l’électricité produite à partir du pétrole et de la combustion des déchets. Ces dernières catégories sont peu développées.

Le schéma de la production énergétique récente des pays non membres de l’OCDE est très différente.

Figure 8. Electricity production by type of fuel for non-OECD countries, based on data from BP’s 2022 Statistical Review of World Energy.

La figure 8 (« Production d’électricité par type de ressources pour les pays non membres de l’OCDE », BP’s 2022 Statistical Review of World Energy : https://i0.wp.com/…/02/Non-OECD-Electricity-by-Fuel.png) montre que les pays non membres de l’OCDE ont rapidement augmenté leur production d’électricité à partir du charbon. Les autres grandes sources de combustible sont le gaz naturel et l’électricité produite par les barrages hydroélectriques.

Toutes ces sources d’énergie sont relativement peu complexes. L’électricité produite localement à partir de charbon, de gaz naturel et d’hydroélectricité a tendance à être assez bon marché. Grâce à ces sources d’électricité peu coûteuses, les pays non membres de l’OCDE ont pu dominer les marchés de l’industrie lourde et d’une grande partie de l’industrie manufacturière dans le monde.

En fait, si nous examinons la production locale ou nationale des combustibles généralement utilisés pour produire de l’électricité (c’est-à-dire tous les combustibles à l’exception du pétrole), nous pouvons voir un modèle émerger (« Production énergétique des combustibles souvent utilisés pour la production d’électricité dans les pays de l’OCDE », BP’s 2022 Statistical Review of World Energy : https://i0.wp.com/…/OECD-Production-of-Fuels-Used-for…).

Figure 9. Energy production of fuels often used for electricity production for OECD countries, based on data from BP’s 2022 Statistical Review of World Energy.

En ce qui concerne l’extraction des combustibles souvent associés à l’électricité, la production a été réduite ou stagnante, même en incluant les « énergies renouvelables » (éolienne, solaire, géothermique et copeaux de bois). La production de charbon est en baisse. Le déclin de la production de charbon est probablement en grande partie responsable de l’absence de croissance de l’offre d’électricité dans l’OCDE. L’électricité produite localement à partir de charbon a toujours été très bon marché, ce qui a fait baisser le prix moyen de l’électricité.

Un schéma très différent apparaît lorsque l’on considère la production de combustibles utilisés pour générer de l’électricité dans les pays non membres de l’OCDE. Notez que la même échelle a été utilisée pour les figures 9 et 10.

Ainsi, en 2001, la production de ces combustibles était à peu près égale pour les pays de l’OCDE et les pays non-OCDE. Depuis 2001, la production de ces combustibles a presque doublé pour les pays non membres de l’OCDE, tandis que la production des pays de l’OCDE est restée pratiquement stable.

Figure 10. Energy production of fuels often used for electricity production for non-OECD countries, based on data from BP’s 2022 Statistical Review of World Energy.

Un élément intéressant de la figure 10 (« Production d’énergie des combustibles souvent utilisés pour la production d’électricité pour les pays non membres de l’OCDE », BP’s 2022 Statistical Review of World Energy : https://i0.wp.com/…/Non-OECD-Production-of-Fuels-Used…) est la production de charbon pour les pays non membres de l’OCDE, représentée en bleu en bas. Elle a à peine augmenté depuis 2011. C’est une des causes du resserrement actuel de l’offre mondiale de charbon.

Ceci dit, il n’est guère probable que la flambée des prix du charbon contribue notablement à la croissance de la production de charbon à long terme, car les réserves véritablement locales s’épuisent, même dans les pays non membres de l’OCDE. La flambée des prix est beaucoup plus susceptible d’entraîner une récession, et par conséquence des défauts de paiement des dettes, une baisse des prix des matières premières et une diminution de l’offre de charbon.

11/ Je crains que l’économie mondiale n’ait atteint les limites de la complexité ainsi que les limites de la production d’énergie.

L’économie mondiale semble en voie de s’effondrer sur plusieurs années. À court terme, le résultat pourrait ressembler à une mauvaise crise, ou à une guerre, ou peut-être aux deux. Jusqu’à présent, les économies qui utilisent des combustibles peu complexes pour produire de l’électricité (charbon et gaz naturel produits localement, plus production hydroélectrique) semblent s’en sortir mieux que les autres.

Mais l’économie mondiale dans son ensemble est mise à mal par l’insuffisance de l’offre de production d’énergie locale ou nationale bon marché.

Du point de vue physique, l’économie mondiale, ainsi que l’ensemble des systèmes économiques nationaux qui la composent, sont des structures dissipatives (https://gmwgroup.harvard.edu/dissipative-systems).

En tant que telles, le schéma habituel d’une croissance suivie d’effondrement semble inévitable. Mais parallèlement, on peut s’attendre à ce que de nouvelles organisations de structures dissipatives émergent, dont certaines peuvent être mieux adaptées aux conditions changeantes. Ainsi, certaines approches de la « croissance économique » qui semblent inadaptées aujourd’hui pourraient être opportunes à plus long terme.

Par exemple, en supposant que le changement climatique ouvre l’accès à davantage de réserves de charbon dans les régions froides, le principe de « Maximum Power Principle » (principe de puissance maximum ou principe de Lotka : https://en.wikipedia.org/wiki/Maximum_power_principle, ou https://fr.wikipedia.org/wiki/Principe_de_puissance_maximum) suggère qu’une certaine « économie » finira par tirer partie de ces gisements.

Ainsi, alors qu’il semblerait que nous arrivons aujourd’hui aux confins d’un type d’organisation économique, sur le long terme, on peut s’attendre à ce que les « systèmes auto-organisés » trouvent des moyens d’utiliser (« dissiper ») toute source d’énergie à laquelle il est possible d’accéder à moindre coût, en tenant compte à la fois de la complexité et de l’usage des différentes formes de « carburant ».


Les défenseurs du climat ont besoin de preuves tangibles et Friederike Otto les a !

Le réseau World Weather Attribution fournit un levier crucial pour les batailles juridiques et politiques.

Matt Reynolds, wired.com – 06/01/2023

Traduction : Deepl & Josette


Le 19 juillet 2022, le Royaume-Uni a eu un avant-goût de la météo à venir. Les températures ont atteint 40,3 degrés Celsius, dépassant le précédent record de plus d’un degré et demi.

Des dizaines de maisons ont été détruites par des incendies dans l’est de Londres, tandis qu’ailleurs dans le pays, la chaleur a poussé le réseau électrique au bord de la rupture. L’Office for National Statistics estime qu’il y a eu plus de 2 800 décès supplémentaires chez les plus de 65 ans pendant les vagues de chaleur de l’été 2022, ce qui en fait l’année la plus meurtrière pour la chaleur depuis 2003.

Avant même que les températures n’aient atteint leur maximum, Friederike Otto était dans son bureau de l’Imperial College de Londres, se préparant à répondre à la question qui, comme elle le savait, lui serait posée un nombre incalculable de fois au cours de la semaine suivante : le changement climatique était-il en cause ?

Lorsqu’un événement météorologique extrême se produit, Mme Otto et sa petite équipe de climatologues – dont la plupart travaillent pendant leur temps libre – sont les personnes vers lesquelles le monde se tourne pour savoir si le changement climatique a rendu le temps plus mauvais ou plus susceptible de l’être. « Je pense qu’il est important de se faire une idée plus réaliste de ce que signifie le changement climatique », déclare Mme Otto, maître de conférences en sciences du climat au Grantham Institute for Climate Change et cofondatrice de l’initiative World Weather Attribution. « Pour certains types d’événements, comme les vagues de chaleur, le changement climatique change véritablement la donne, et nous voyons des événements que nous n’avions jamais vus auparavant. »

Chaque semaine, un contact à la Croix-Rouge envoie à Friederike Otto et à ses collègues de World Weather Attribution une liste d’inondations, de vagues de chaleur et d’autres événements météorologiques extrêmes à travers le monde. Il arrive souvent que le courriel contienne six ou huit crises, ce qui est beaucoup trop pour la petite équipe de Friederike Otto. Les scientifiques se concentrent donc sur les phénomènes météorologiques qui ont un impact sur des millions de personnes, en sélectionnant environ un événement toutes les six semaines, allant de tempêtes en Europe aux inondations au Pakistan.

Une fois que les scientifiques ont choisi le sujet de leur analyse, ils agissent rapidement, fouillant dans les archives historiques et utilisant des modèles climatiques afin de déterminer le rôle – éventuel – du changement climatique dans la catastrophe. Le rapport final est généralement publié dans les jours ou les semaines qui suivent un événement météorologique extrême. Il s’agit d’une différence notoire par rapport au rythme normalement très lent de la publication universitaire, où il faut parfois des années pour qu’un article scientifique soit finalement publié dans une revue, mais les réponses rapides sont l’objectif même de World Weather Attribution. En publiant des études alors qu’un événement extrême fait encore la une des journaux et des agendas politiques, les scientifiques comblent un vide qui pourrait autrement être occupé par le déni du changement climatique. Dans le cas de la vague de chaleur au Royaume-Uni, World Weather Attribution a présenté son rapport neuf jours seulement après que les températures ont atteint leur maximum.

Les résultats ont révélé l’ampleur sans précédent de ces températures record. L’équipe de Friederike Otto a estimé que le changement climatique avait rendu la vague de chaleur britannique au moins 10 fois plus probable et que, dans un monde sans réchauffement climatique, les températures maximales auraient été inférieures d’environ 2° Celsius. Le temps était si inhabituel que, dans un monde sans changement climatique, il aurait été statistiquement impossible d’atteindre des températures aussi élevées dans deux des trois stations météorologiques étudiées par les scientifiques. Dans le monde de la science de l’attribution du climat, c’est à peu près ce qui se rapproche le plus de la preuve concluante. « Les gens veulent toujours un chiffre, et parfois, il est impossible d’en donner un très satisfaisant », explique Friederike Otto. Cette fois, cependant, Mme Otto ne manquait pas de chiffres à partager avec les journalistes qui l’appelaient.

Mais la science de l’attribution peut faire beaucoup plus que nous dire comment le changement climatique influence le temps. Mme Otto veut utiliser ses rapports d’attribution pour demander aux pollueurs de rendre des comptes sur les phénomènes météorologiques extrêmes. « Nous avons commencé à travailler avec des avocats pour combler le fossé entre ce que nous pouvons dire scientifiquement et ce qui a été utilisé jusqu’à présent en termes de preuves », explique-t-elle. Avec des actions en justice en cours en Allemagne et au Brésil, la science de l’attribution entre dans les salles d’audience.

Les débuts du réseau WWA

Friederike Otto a cofondé World Weather Attribution en 2014 avec l’océanographe Heidi Cullen et le climatologue Geert Jan van Oldenborgh. Au début, Mme Otto – qui est diplômée en physique et en philosophie – pensait que le rôle principal de l’attribution météorologique était de démêler la complexité des systèmes météorologiques pour quantifier l’influence du changement climatique sur les conditions météorologiques extrêmes. D’autres scientifiques avaient établi comment utiliser les modèles climatiques pour attribuer les phénomènes météorologiques au changement climatique, mais personne n’avait essayé d’utiliser cette science pour produire des rapports rapides sur les catastrophes récentes.

La première étude en temps réel de World Weather Attribution a été publiée en juillet 2015. Elle a révélé qu’une vague de chaleur survenue en Europe plus tôt ce mois-là avait presque certainement été rendue plus probable grâce au changement climatique. D’autres études ont suivi sur les inondations, les tempêtes et les précipitations, chacune étant publiée dans les semaines suivant la catastrophe. Mais les études d’attribution ne servent pas seulement à comprendre les événements passés – elles peuvent nous aider à nous préparer pour l’avenir, dit Friederike Otto. « Je vois maintenant l’attribution comme un outil qui nous aide à démêler les moteurs des catastrophes et nous aide à utiliser les événements extrêmes comme une loupe braquée sur la société pour voir où nous sommes vulnérables. »

La mousson dévastatrice de 2022 au Pakistan en est un exemple. Mme Otto et ses collègues se sont déchirés sur la formulation de leur rapport, car il y avait si peu d’événements similaires dans les archives historiques que leurs modèles avaient du mal à simuler avec précision les précipitations extrêmes. Ils savaient que les précipitations dans la région étaient beaucoup plus intenses que par le passé, mais ils ne pouvaient pas chiffrer avec précision la part de cette augmentation due au changement climatique. « Il se peut que tout soit dû au changement climatique, mais il se peut aussi que le rôle du changement climatique soit beaucoup plus faible », explique Mme Otto. Même si la cause n’a pas pu être déterminée avec précision, le rapport a mis en évidence la vulnérabilité du Pakistan aux graves inondations, soulignant que la proximité des fermes et des habitations avec les plaines inondables, les mauvais systèmes de gestion des rivières et la pauvreté sont des facteurs de risque majeurs. « La vulnérabilité est ce qui fait la différence entre un événement qui n’a pratiquement aucun impact et une catastrophe », explique Mme Otto.
Les travaux de World Weather Attribution ont tendance à faire les gros titres lorsqu’ils concluent que le changement climatique rend les phénomènes météorologiques extrêmes plus probables, mais le résultat inverse peut être encore plus utile aux régions confrontées à des catastrophes. Une enquête sur une longue sécheresse dans le sud de Madagascar a révélé que le risque de faibles précipitations n’avait pas augmenté de manière significative en raison du changement climatique d’origine humaine. Le fait de savoir cela redonne de l’autorité aux pays, déclare Mme Otto. « Si vous pensez que tout est lié au changement climatique, vous ne pouvez rien faire à moins que la communauté internationale ne se mobilise. Mais si vous savez que le changement climatique ne joue pas un rôle important, voire aucun, cela signifie que tout ce que vous faites pour réduire votre vulnérabilité fait une énorme différence. »

Porter l’affaire devant le tribunal

Les gouvernements ne sont pas les seuls à s’intéresser de près aux résultats des études d’attribution. Les tribunaux commencent également à s’y intéresser. En août 2021, un tribunal australien a jugé que l’Agence de protection de l’environnement de la Nouvelle-Galles du Sud n’avait pas rempli son devoir de protection de l’environnement contre le changement climatique, dans une affaire portée par des survivants de feux de brousse. L’une des études d’attribution de Friederike Otto sur la saison 2019-2020 des feux de brousse a été utilisée dans un rapport commandé par le tribunal, mais elle ne l’a appris que lorsqu’un des avocats impliqués dans l’affaire lui a envoyé un courriel après que le verdict ait été prononcé. « C’est vraiment agréable à voir, quand une étude que nous avons réalisée a un impact dans le monde réel », dit-elle.

Si les études d’attribution peuvent nous dire qu’une catastrophe a été aggravée par le changement climatique, elles nous indiquent aussi autre chose : qui pourrait être tenu pour responsable. Richard Heede, un géographe californien, a passé des dizaines d’années à fouiller dans des archives pour estimer les émissions de carbone des entreprises, en remontant jusqu’avant la révolution industrielle. Le résultat est connu sous le nom de Carbon Majors : une base de données des plus gros pollueurs du monde jusqu’à aujourd’hui. Le rapport 2017 des Carbon Majors a révélé que la moitié de toutes les émissions industrielles depuis 1988 pouvaient être attribuées à seulement 25 entreprises ou entités publiques. L’entreprise publique de combustibles fossiles Saudi Aramco est à elle seule responsable de 4,5 % des émissions industrielles de gaz à effet de serre dans le monde entre 1988 et 2015.

Ces données sont extrêmement utiles pour les personnes qui tentent de porter plainte contre les entreprises de combustibles fossiles. En mai 2022, un groupe de scientifiques et d’avocats s’est rendu dans les Andes péruviennes pour inspecter un glacier géant qui surplombe les eaux cristallines du lac Palcacocha. Si le glacier s’effondre dans le lac, les scientifiques craignent que la ville voisine de Huaraz soit submergée. L’agriculteur péruvien Saúl Luciano Lliuya estime que les pollueurs devraient payer les frais de défense de la ville contre les inondations, car le réchauffement climatique a fait reculer les glaciers autour du lac Palcacocha, augmentant ainsi le risque d’inondations dangereuses. La cible du procès est l’entreprise énergétique allemande RWE, responsable de 0,47 % de toutes les émissions industrielles de gaz à effet de serre entre 1751 et 2010, selon les données de Heede. Lliuya ne réclame que 14 250 livres (17 170 dollars), soit 0,47 % du coût de la protection de Huaraz.

Si Lliuya gagne son procès, cela pourrait créer un précédent en vertu duquel les pollueurs pourraient être tenus légalement responsables des effets de leurs émissions partout sur la planète. « Cela changerait vraiment le discours dans lequel nous évoluons », déclare Mme Otto. Cela rendrait également le travail d’attribution des phénomènes météorologiques encore plus important. Si les scientifiques savent que le changement climatique a rendu les inondations dans une région deux fois plus graves qu’elles ne l’auraient été, par exemple, ils peuvent utiliser cette preuve pour estimer dans quelle mesure les entreprises et les États individuels ont contribué à cette catastrophe. L’un des étudiants de Friederike Otto travaille déjà sur un cas juridique au Brésil qui implique l’attribution des conditions météorologiques. « Nous avons constaté un énorme intérêt pour cette question. Ce ne sont pas seulement les journalistes qui appellent et veulent savoir, mais aussi les avocats », explique Mme Otto.

Malgré l’intérêt croissant pour le domaine, World Weather Attribution est encore presque entièrement géré par des scientifiques travaillant gratuitement pendant leur temps libre. Mme Otto espère que l’attribution des données météorologiques pourra un jour faire partie intégrante des services météorologiques, ce qui lui donnerait plus de temps pour se concentrer sur la science des ouragans et des sécheresses, qui sont beaucoup plus difficiles à analyser. Mais pour l’instant, son principal objectif est de rendre ses études d’attribution plus utiles aux avocats et de contribuer à rendre justice aux personnes les plus touchées par le changement climatique. « Le changement climatique ne sera jamais une catastrophe pour ceux qui sont riches. Et je pense que c’est pourquoi c’est finalement une question de justice, parce que ceux qui paient sont ceux qui sont les plus vulnérables dans la société. »

Cet article a été initialement publié dans le numéro de janvier/février 2023 du magazine WIRED UK.


Climat, fin de partie ?

Cédric Chevalier

Reprise de l’article « Dire la vérité aux gens sur les risques existentiels qui pèsent sur l’humanité » paru sur le blog de Paul Jorion.

Nous voudrions vous relayer cet article paru dans PNAS, une prestigieuse revue scientifique américaine, ce 1er août 2022 : https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2108146119

Sa liste de coauteurs ne laissera pas indifférents ceux qui suivent l’actualité climatique :
Luke Kemp, Joanna Depledge, Kristie L. Ebi, Goodwin Gibbins, Timothy A. Kohler, Johan Rockström, Marten Scheffer, Hans Joachim Schellnhuber, Will Steffen, Timothy M. Lenton.

Présentation de l’article :

Une gestion prudente des risques exige la prise en compte de scénarios allant du moins bon au pire. Or, dans le cas du changement climatique, ces futurs potentiels sont mal connus. Le changement climatique anthropique pourrait-il entraîner l’effondrement de la société mondiale, voire l’extinction de l’humanité ? À l’heure actuelle, il s’agit d’un sujet dangereusement sous-exploré.

Pourtant, il existe de nombreuses raisons de penser que le changement climatique pourrait entraîner une catastrophe mondiale. L’analyse des mécanismes à l’origine de ces conséquences extrêmes pourrait contribuer à galvaniser l’action, à améliorer la résilience et à informer les politiques, y compris les réponses d’urgence.

Nous exposons les connaissances actuelles sur la probabilité d’un changement climatique extrême, expliquons pourquoi il est vital de comprendre les cas les plus défavorables, exposons les raisons de s’inquiéter des résultats catastrophiques, définissons les termes clés et proposons un programme de recherche.

Le programme proposé couvre quatre questions principales :

1) Quel est le potentiel du changement climatique à provoquer des événements d’extinction massive ?
2) Quels sont les mécanismes qui pourraient entraîner une mortalité et une morbidité massives chez l’homme ?
3) Quelles sont les vulnérabilités des sociétés humaines aux cascades de risques déclenchées par le climat, comme les conflits, l’instabilité politique et les risques financiers systémiques ?
4) Comment ces multiples éléments de preuve – ainsi que d’autres dangers mondiaux – peuvent-ils être utilement synthétisés dans une « évaluation intégrée des catastrophes » ?

Il est temps pour la communauté scientifique de relever le défi d’une meilleure compréhension du changement climatique catastrophique.

Commentaires Cédric Chevalier

Il semble impératif de prendre conscience de la situation d’urgence écologique absolue, de la reconnaître publiquement et surtout de gouverner la société en conséquence. Cela nécessite d’inclure les risques existentiels parmi les scénarios pris en compte. Nous le martelons depuis notre carte blanche collective du 6 septembre 2018 et la pétition de 40.000 signatures qui a suivi, remise à la Chambre de la Belgique. Les scénarios « catastrophes » ne sont pas des « excentricités douteuses » auxquelles les décideurs et scientifiques sérieux ne devraient pas attacher d’importance mais, au contraire, le point de départ, la pierre de touche, à partir duquel on peut seulement paramétrer ses efforts politiques et scientifiques. Dans l’histoire de la Terre, il y a déjà eu des changements d’ampleur « catastrophique », et il peut encore s’en produire, au détriment de certaines espèces, dont la nôtre. Et il ne peut y avoir de politique que lorsque l’existence de la communauté humaine est préservée.

L’éventuelle faible probabilité (sous-estimée peut-être à tort) de certains de ces scénarios (probabilité qui augmente à mesure que dure l’inertie, étant donnée l’existence des effets de seuil), n’est jamais une excuse pour ne pas les traiter. A partir du moment où ces scénarios impliquent la perte d’un grand nombre de vies et d’autres éléments d’importance existentielle, même pour une probabilité infime, ils doivent être pris en compte. Quand le risque sur l’espèce humaine toute entière ne peut être écarté, on fait face à la catégorie la plus élevée des risques existentiels.

Cet article invite donc à se demander si une partie de la communauté scientifique, avec sa culture de prudence et de modération adoptée par crainte de perdre sa crédibilité, n’a pas produit une pensée, un langage, des travaux et une priorisation de la recherche qui nous ont rendu collectivement aveugles sur la réalité effective des risques existentiels.

« Pourquoi se concentrer sur un réchauffement inférieur et des analyses de risque simples ? L’une des raisons est le point de référence des objectifs internationaux : l’objectif de l’accord de Paris de limiter le réchauffement bien en dessous de 2 °C, avec une aspiration à 1,5 °C. Une autre raison est la culture de la science climatique qui consiste à « pécher par excès de prudence », à ne pas être alarmiste, ce qui peut être aggravé par les processus de consensus du GIEC. Les évaluations complexes des risques, bien que plus réalistes, sont également plus difficiles à réaliser.
Cette prudence est compréhensible, mais elle n’est pas adaptée aux risques et aux dommages potentiels posés par le changement climatique. Nous savons que l’augmentation de la température a des « queues de distribution de probabilités épaisses » : des résultats extrêmes à faible probabilité et à fort impact. Les dommages causés par le changement climatique seront probablement non linéaires et entraîneront une queue de distribution de probabilité encore plus épaisse. Les enjeux sont trop importants pour s’abstenir d’examiner des scénarios à fort impact et à faible probabilité. »

Préférant se situer, par ethos scientifique, en deçà du risque probable, alors que l’éthique intellectuelle préconisait de se situer au-delà du risque probable, au niveau du risque maximal. La modération est au cœur de l’ethos scientifique, mais l’éthique des risques existentiels exige une forme d’exagération vertueuse, comme méthode de gouvernement. Le scientifique doit rester modéré, mais l’intellectuel qui sommeille en lui doit sans aucun doute hurler l’urgence, sans attendre d’en avoir toutes les preuves. Et surtout, le politique doit gouverner en ayant le scénario du pire à l’esprit, en permanence.

C’était le message, malheureusement mal compris, du philosophe Hans Jonas dans son ouvrage majeur, « Le Principe Responsabilité », de considérer que la femme ou l’homme d’État devait gouverner selon une « heuristique de la peur », en considérant les plus grands risques existentiels. Avec pour maxime « d’agir de telle façon que nos actions soient compatibles avec la permanence d’une vie authentique sur la Terre ». Le philosophe Jean-Pierre Dupuy a complété cette réflexion par le « catastrophisme éclairé », nous invitant à considérer que « le pire est certain », à un iota près, ce qui justement permet d’agir collectivement pour l’éviter.

Ce Principe Responsabilité, contrairement aux critiques, n’a jamais été un principe irréaliste et paralysant, mais au contraire, un principe raisonnable et d’action. On peut même penser qu’il est le fondement de la relation de responsabilité qui existe entre un parent et un enfant, et entre un politicien et les citoyens.

On comprend que s’il avait été mis effectivement en œuvre, jamais l’humanité n’aurait libéré dans la biosphère autant de substances polluantes, en ce compris les gaz à effet de serre, à partir du moment où l’impact catastrophique potentiel fut jugé plausible. C’était il y a environ 50 ans déjà selon certaines archives déclassifiées de la présidence américaine de Jimmy Carter, notamment, où les mots « the Possibility of Catastrophic Climate Change » figurent.

C’est en partie ce qui autorise le philosophe Stephen Gardiner de parler d’une « perfect moral storm », et de corruption morale, lorsqu’on ne tire pas les conséquences de ce que l’on sait, car on ne veut pas le croire, en s’abritant derrière la « complexité du problème » :

« En conclusion, la présence du problème de la corruption morale révèle un autre sens dans lequel le changement climatique peut être une tempête morale parfaite. C’est que sa complexité peut s’avérer parfaitement commode pour nous, la génération actuelle, et en fait pour chaque génération qui nous succède. D’une part, elle fournit à chaque génération la justification qui lui permet de donner l’impression de prendre le problème au sérieux – en négociant des accords mondiaux timides et sans substance, par exemple, puis en les présentant comme de grandes réalisations – alors qu’en réalité, elle ne fait qu’exploiter sa position temporelle. Par ailleurs, tout cela peut se produire sans que la génération qui exploite n’ait à reconnaître que c’est elle qui le fait. En évitant un comportement trop ouvertement égoïste, une génération antérieure peut profiter de l’avenir en évitant de devoir l’admettre – que ce soit aux autres ou, ce qui est peut-être plus important, à elle-même. »

La critique adressée aux scientifiques du climat s’étend donc à l’entièreté des forces qui œuvrent pour défendre l’habitabilité de notre biosphère pour tous les êtres vivants. La modération et le refus d’évoquer publiquement les scénarios du pire dans le chef des activistes, des associations, des syndicats, des entreprises, des pouvoirs publics, des partis et des mandataires politiques est contraire au respect du Principe Responsabilité. A force de ne pas vouloir évoquer le pire, de ne pas vouloir « faire peur », il est impossible pour la population de comprendre l’enjeu existentiel, et on ne peut pas s’étonner ensuite que l’inertie demeure.

N’y a-t-il pas une forme de faillite morale, pour certains, à refuser de parler ouvertement, publiquement, de manière concrète, de la possibilité de ces scénarios catastrophiques ?

L’article fait cette analogie historique :

« Connaître les pires cas peut inciter à l’action, comme l’idée de « l’hiver nucléaire » en 1983 a galvanisé l’inquiétude du public et les efforts de désarmement nucléaire. L’exploration des risques graves et des scénarios de températures plus élevées pourrait cimenter un réengagement en faveur de la barrière de sécurité de 1,5 °C à 2 °C comme l’option « la moins rébarbative » ».


Cette vague de chaleur anéantit l’idée que de petits changements permettent de lutter contre les phénomènes météorologiques extrêmes.

George Monbiot

Article original : This heatwave has eviscerated the idea that small changes can tackle extreme weather

Traduction : JM avec deepl

Les chaleurs excessives vont devenir la norme, même au Royaume-Uni. Les systèmes doivent changer de toute urgence – et le silence doit être brisé.

Peut-on en parler maintenant ? Je veux dire le sujet que la plupart des médias et la majorité de la classe politique évitent depuis si longtemps. Vous savez, le seul sujet qui compte en définitive – la survie de la vie sur Terre. Tout le monde sait, même s’ils évitent soigneusement le sujet, qu’à côté de lui, tous les sujets qui remplissent les premières pages et obsèdent les experts sont des broutilles. Même les rédacteurs du Times qui publient encore des articles niant la science du climat le savent. Même les candidats à la direction du parti Tory, qui ignorent ou minimisent le problème, le savent. Jamais un silence n’a été aussi fort ou aussi assourdissant.

Ce n’est pas un silence passif. Face à une crise existentielle, c’est un silence actif, un engagement farouche vers la distraction et l’insignifiant. C’est un silence régulièrement alimenté par des futilités et des divertissements, des ragots et du spectacle. Parlez de tout, mais pas de ça. Mais tandis que ceux qui dominent les moyens de communication évitent frénétiquement le sujet, la planète parle, dans un rugissement qu’il devient impossible d’ignorer. Ces jours de colère atmosphérique, ces chocs thermiques et ces feux de forêt ignorent les cris de colère et font brutalement irruption dans nos bulles de silence.

Et nous n’avons encore rien vu. La chaleur dangereuse que l’Angleterre subit en ce moment est déjà en train de devenir normale dans le sud de l’Europe, et serait à comptabiliser parmi les jours les plus frais pendant les périodes de chaleur de certaines régions du Moyen-Orient, d’Afrique et d’Asie du Sud, là où la chaleur devient une menace régulière pour la vie. Il ne faudra pas attendre longtemps, à moins que des mesures immédiates et complètes ne soient prises, pour que ces jours de chaleur deviennent la norme, même dans notre zone climatique autrefois tempérée.

La même chose vaut pour tous les méfaits que les humains s’infligent les uns aux autres : ce qui ne peut être discuté ne peut pas être affronté. Notre incapacité à empêcher un réchauffement planétaire catastrophique résulte avant tout de la conspiration du silence qui domine la vie publique, la même conspiration du silence qui, à un moment ou à un autre, a accompagné toutes sortes de violences et d’exploitations.

Nous ne méritons pas cela. La presse milliardaire et les politiciens qu’elle soutient se méritent peut-être l’un l’autre, mais aucun de nous ne mérite l’un ou l’autre groupe. Ils construisent entre eux un monde dans lequel nous n’avons pas choisi de vivre, dans lequel nous ne pourrons peut-être pas vivre. Sur cette question, comme sur tant d’autres, le peuple a tendance à avoir une longueur d’avance sur ceux qui prétendent le représenter. Mais ces politiciens et ces barons des médias déploient tous les stratagèmes et toutes les ruses imaginables pour empêcher les prises de mesures décisives.

Ils le font au nom de l’industrie des combustibles fossiles, de l’élevage, de la finance, des entreprises de construction, des constructeurs automobiles et des compagnies aériennes, mais aussi au nom de quelque chose de plus grand que tous ces intérêts : le maintien du pouvoir. Ceux qui détiennent le pouvoir aujourd’hui le font en étouffant les contestations, quelle que soit la forme qu’elles prennent. La demande de décarbonation de nos économies n’est pas seulement une menace pour les industries à forte intensité de carbone ; c’est une menace pour l’ordre mondial qui permet aux hommes puissants de nous dominer. Céder du terrain aux défenseurs du climat, c’est céder du pouvoir.

Au cours des dernières années, j’ai commencé à réaliser que les mouvements environnementaux traditionnels ont fait une terrible erreur. La stratégie de changement poursuivie par la plupart des groupes verts bien établis est totalement inadéquate. Bien qu’elle soit rarement exprimée ouvertement, elle régit leur action. Cela donne quelque chose comme ceci: il y a trop peu de temps et la tâche est trop vaste pour essayer de changer le système, les gens ne sont pas prêts à le faire, nous ne voulons pas effrayer nos membres ou provoquer un conflit avec le gouvernement… La seule approche réaliste est donc l’incrémentalisme, les petits pas. Nous ferons campagne, question par question, secteur par secteur, pour des améliorations progressives. Après des années de persévérance, les petites demandes s’ajouteront les unes aux autres pour donner naissance au monde que nous souhaitons.

Mais pendant qu’ils jouaient à la patience, le pouvoir jouait au poker. La vague de droite radicale a tout balayé devant elle, écrasant les structures administratives de l’état, détruisant les protections publiques, s’emparant des tribunaux, du système électoral et de l’infrastructure de gouvernement, supprimant le droit de protester et le droit de vivre. Alors que nous nous persuadions que nous n’avions pas le temps pour changer de système, ils nous ont prouvé exactement le contraire en changeant tout.

Le problème n’a jamais été que le changement de système est une exigence trop forte ou prend trop de temps. Le problème est que l’incrémentalisme est une demande trop faible. Pas seulement trop limitée pour conduire la transformation, pas seulement trop limitée pour arrêter le déferlement de changements radicaux venant de l’autre camp, mais aussi trop limitée pour briser la conspiration du silence. Seule une exigence de changement de système, confrontant directement le pouvoir qui nous conduit à la destruction planétaire, a le potentiel de répondre à l’ampleur du problème et d’inspirer et de mobiliser les millions de personnes nécessaires pour déclencher une action efficace.

Pendant tout ce temps, les écologistes ont raconté aux gens que nous étions confrontés à une crise existentielle sans précédent, tout en leur demandant de recycler leurs capsules de bouteilles et de changer leurs pailles. Les groupes verts ont traité leurs membres comme des idiots et je soupçonne que, quelque part au fond d’eux-mêmes, les membres le savent. Leur timidité, leur réticence à dire ce qu’ils veulent vraiment, leur conviction erronée que les gens ne sont pas prêts à entendre quelque chose de plus stimulant que ces conneries micro-consuméristes portent une part importante dans la responsabilité de l’échec global.

Il n’y a jamais eu de temps pour l’incrémentalisme. Loin d’être un raccourci vers le changement auquel nous aspirons, c’est un marais dans lequel s’enfoncent les ambitions. Le changement de système, comme l’a prouvé la droite, est, et a toujours été, le seul moyen rapide et efficace de transformation.

Certains d’entre nous savent ce qu’ils veulent : une sobriété privée, un domaine public amélioré, une économie du doughnut, une démocratie participative et une civilisation écologique. Aucune de ces demandes n’est plus importante que celles que la presse milliardaire a poursuivies et largement concrétisées : la révolution néolibérale qui a balayé la gouvernance efficace, la taxation efficace des riches, les restrictions efficaces du pouvoir des entreprises et des oligarques et, de plus en plus, la véritable démocratie .

Alors brisons notre propre silence. Cessons de nous mentir à nous-mêmes et aux autres en prétendant que les petites mesures apportent un changement majeur. Abandonnons frilosité et gestes symboliques. Cessons d’apporter des seaux d’eau quand seuls les camions de pompiers font l’affaire. Construisons notre campagne pour un changement systémique vers le seuil critique de 25% d’acceptation publique, au-delà duquel, selon une série d’études scientifiques, se produit le basculement social .

Je me sens plus lucide que jamais sur ce à quoi ressemble une action politique efficace. Mais une question majeure demeure. Puisque nous avons attendu si longtemps, pouvons-nous atteindre le point de basculement social avant d’atteindre le point de basculement environnemental ?

George Monbiot est chroniqueur au Guardian.

Pour d’autres références voir : https://obsant.eu/listing/?aut=George%20Monbiot


Activistes climatiques : les citoyens ne doivent pas nous aimer !

Miser davantage sur le sabotage


Traduction (corp de l’article) – « deepl » + Josette – de « Klimaaktivist: Bürger müssen uns nicht mögen » paru le 16 juin 2022 dans ZDFheute.


Le mouvement climatique est frustré. L’activiste Tadzio Müller réfléchit à des actions radicales et au sabotage. Il s’agira moins de se faire aimer de la société.

Le mouvement climatique veut reprendre de l’élan cet été. Deviendra-t-il plus radical ?

Après deux ans de pandémie de COVID-19, le mouvement climatique en Allemagne a perdu de son élan. Outre les grèves scolaires de Fridays for Future, il existe également des groupes plus radicaux comme « Ende Gelände » (en français : jusqu’ici et pas plus loin) et « Aufstand der letzten Generation » (en français : la révolte de la dernière génération). Ces derniers sont connus pour leurs blocages d’autoroutes. En tant que cofondateur d’Ende Gelände, Tadzio Müller est un représentant de ce courant plus radical.


ZDFheute : La protection du climat n’avance que lentement, même sous le nouveau gouvernement fédéral. A quel point est-ce frustrant pour le mouvement climatique ?


Tadzio Müller : C’est extrêmement frustrant. Si l’on regarde les 30 dernières années de politique climatique, on ne peut qu’être frustré. Tous les gouvernements ne veulent que faire avancer la croissance économique. Nous occultons le fait que notre quotidien sape les fondements de la vie de tous les êtres humains. C’est un gâchis éthique.

« Nos actions au sein de Ende Gelände n’ont pas contribué à ce qu’il y ait une sortie du charbon avant 2038. Même les grandes manifestations de Fridays for Future n’ont pas encore conduit à une plus grande protection du climat. »

– Tadzio Müller, militant pour le climat


ZDFheute : Et comme on n’a pu secouer personne, le mouvement climatique réfléchit-il maintenant à de nouvelles formes d’action ?

Müller : Ende Gelände a élargi le consensus d’action pour cette année. Cette année, des formes d’action sont également possibles dans lesquelles les infrastructures des énergies fossiles sont mises hors service à l’issue de l’action. En même temps, les rumeurs au sein de Fridays for Future sont nombreuses en faveur du recours à des formes d’action plus radicales.

Le Dr. Tadzio Müller est politologue et activiste depuis des décennies. Il est cofondateur de l’organisation anti-charbon Ende Gelände, dont le groupe berlinois est classé à l’extrême gauche par l’Office régional de protection de la Constitution. Jusqu’en 2021, il a travaillé comme conseiller climatique à la fondation Rosa Luxemburg. Dans la newsletter « Friedliche Sabotage » (sabotage pacifique), il élabore des stratégies pour le mouvement climatique. Dans une interview très remarquée avec le « Spiegel », il a mis en garde en 2021 contre l’émergence d’une « RAF verte » (Ndt: Rote Armee Fraktion / Fraction Armée Rouge verte).

ZDFheute : Cela signifie qu’à la base, il y a une envie de devenir plus radical. Faut-il de la violence et des actes de sabotage pour réveiller la société ? 

Müller : J’ai trébuché sur la notion de violence. Il ne peut pas y avoir de violence contre les choses. Le groupe « Letzte Generation » est déjà un groupe de ce genre, qui choisit bien sûr l’escalade, mais pas une escalade violente. Il y a un certain fétichisme dans le débat qui fait que lorsqu’on entend escalade et radicalisation, on pense toujours immédiatement à la violence. La mise hors service de pelleteuses à charbon ou d’engins de construction pour un gazoduc n’est pas de la violence, mais de la légitime défense dans le cadre d’une urgence climatique justifiable.

« Se focaliser sur la question de savoir s’il est violent de dévisser une vis sur une pelleteuse est un acte naïf de refoulement. »
Tadzio Müller, militant pour le climat


ZDFheute : Et où fixez-vous alors la limite ? 


Müller : La mise en danger de vies humaines doit être absolument exclue.


ZDFheute : On dirait que Fridays for Future a perdu de son influence dans le mouvement face à des groupes plus radicaux comme Letzte Generation.


Müller : Fridays for Future est l’hégémon du mouvement. Mais un mouvement social ne se compose pas d’un seul acteur, il a plusieurs ailes. Il y avait Martin Luther King, il y avait bien sûr aussi Malcolm X et les Black Panthers.


ZDFheute : Mais ils se battent tout de même pour le même groupe de supporters ?  

Müller : Le groupe Letzte Generation a la plus grande résonance médiatique. Il est petit, capable d’agir et a fait quelque chose de nouveau. La nouveauté est toujours excitante. Le problème de Fridays for Future est que l’impact des manifestations et des grèves scolaires individuelles est désormais faible. L’organisation a connu une croissance incroyable depuis 2019. Il est tout à fait compréhensible que l’on ait besoin de se recentrer quelque peu pour développer de nouvelles idées.

Le mouvement climatique a été démobilisé pendant deux ans par le COVID-19. Le mouvement social a besoin de la rue, de la masse, de l’opinion publique. C’est ce qui nous fait vivre, c’est notre base de pouvoir. Chez Fridays for Future et Ende Gelände, des discussions sont en cours sur des actions plus efficaces. C’est pourquoi je pense que l’été sera chaud.

ZDFheute : Et que va dire la société en général de ces actions plus radicales ?

« Il n’y a pas qu’en Allemagne que de plus en plus d’actions du mouvement climatique ne visent pas à être appréciées de la société. Jusqu’à présent, cela ne nous a pas valu des fleurs. »
Tadzio Müller, militant pour le climat


Müller : Nous verrons des actions qui ont moins pour objectif de convaincre de l’importance de la protection du climat. Mais plutôt des actions qui augmentent les coûts de la normalité destructrice du climat. Il y aura des actions qui iront au-delà du répertoire existant. Je ne peux pas encore dire à quoi elles ressembleront, car elles doivent toujours être planifiées de manière cachée en raison de l’aspect transgression de la loi.


ZDFheute : Attendez-vous beaucoup de compréhension de la part d’un gouvernement fédéral auquel participent les Verts ?

Müller : En Allemagne, la lutte pour le climat est d’abord une lutte contre l’industrie automobile. Tout gouvernement est d’abord un gouvernement automobile, quels que soient les partis qui le composent. Bien sûr, il est plus facile de faire pression sur les Verts en tant que mouvement climatique que sur ce bloc fossile qu’est le SPD.

ZDFheute : Revenons aux manifestations de 1987 contre la piste ouest de l’aéroport de Francfort. Elles sont allées si loin que deux policiers ont été abattus.


Müller : Venir maintenant avec cette histoire de piste de décollage ouest est absurde. Regardez à quel point le mouvement climatique est incroyablement pacifique face à la méga-crise mondiale. Il n’y a même pas eu de jets de pierres lors de grandes manifestations. Qu’il puisse y avoir des tirs sur des policiers dans quelques mois est absurde.


ZDFheute : Et qu’est-ce que cela signifie pour vous qu’Ende Gelände est surveillé par l’Office fédéral de protection de la Constitution à Berlin ?

Müller : L’Office fédéral de protection de la Constitution est une institution bien plus douteuse qu’Ende Gelände. Ne la considérons pas comme une source objective.

« On veut délégitimer le mouvement climatique en l’accusant d’être extrémiste. Est extrémiste la politique qui construit des centrales à gaz en situation d’urgence climatique. »
Tadzio Müller, militant pour le climat


ZDFheute : Que devrait-il se passer pour que vous puissiez dire à l’automne que l’été a été un succès pour le mouvement de protection du climat ?


Müller : Le mouvement doit montrer qu’il est capable d’agir. Il doit y avoir une légitimation des formes d’action radicales. Nous devons être perçus comme un facteur de pouvoir contre lequel certaines politiques ne peuvent pas être imposées.


Les questions ont été posées par Nils Metzger.


GIEC : impacts, l’adaptation et la vulnérabilité

Traduction. Source : Julien Daniel Pascal Lecaille via FB – Article original en Anglais : ICI.

Prochaine étape importante des discussions internationales : le rapport du 2e groupe de travail du GIEC :
impacts, l’adaptation et la vulnérabilité


Nouveau rapport du GIEC sur le climat pour renforcer la pression en faveur de l’action et de la justice

Approbation du rapport du groupe de travail II du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat ( GIEC ) sur les impacts, l’adaptation et la vulnérabilité lors d’une session virtuelle (14-25 février).

  • Conférence de presse (virtuelle) à 10h00 CET (Berlin) le lundi 28 février 2022 – 04h00 EDT (New York), 09h00 GMT (Londres), 12h00 EAT (Nairobi), 16h00 ICT (Bangkok )
  • Des informations sur l’enregistrement des médias sont disponibles ici . La date limite d’inscription est le vendredi 18 février 2022.

Genève, Suisse – Les changements climatiques récents à grande échelle sont d’une nature sans précédent dans le contexte de toute l’histoire humaine, a constaté le rapport du Groupe de travail I du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) en août. [1] Avec des niveaux record de gaz à effet de serre et de chaleur associée, nous sommes maintenant entrés en territoire inexploré, ont averti les meilleurs climatologues du monde .

Mais le mois prochain, on nous rappellera que ce n’est que le début, alors que le GIEC finalise et publie la prochaine partie de son 6e rapport d’évaluation. Le rapport du groupe de travail II, dont la publication est prévue le 28 février après une session d’approbation virtuelle, résumera les dernières connaissances scientifiques sur les impacts, l’adaptation et la vulnérabilité, décrivant comment les aléas et les risques climatiques augmenteront avec le réchauffement, avec des considérations de développement durable, des aspects de justice et d’équité, et les mesures nécessaires à prendre pour renforcer la résilience.

Depuis leur précédente évaluation en 2014, la situation s’est, à bien des égards, aggravée. Plus tôt ce mois-ci, la NOAA a averti que les années 2013-2021 se classent toutes parmi les dix années les plus chaudes jamais enregistrées .

« La réalité de la crise climatique est devenue plus personnelle et politique que jamais, tandis que la réalité des inégalités est également devenue plus flagrante. La majorité des pays du Nord ont reçu des rappels COVID-19 l’année dernière, mais seulement environ 8 % des habitants du continent africain ont été entièrement vaccinés contre le COVID-19. En cette période de crises multiples et continues, qui interagissent et s’accélèrent les unes les autres et les injustices qu’elles engendrent, il est extrêmement précieux que la communauté scientifique mondiale se réunisse pour évaluer la situation dans laquelle nous nous trouvons et comment ces défis interconnectés peuvent être combattus .

Nous attendons du rapport qu’il montre à quel point le réchauffement a accru les aléas climatiques et comment les limites de l’adaptation sont déjà atteintes, ce qui affecte de manière disproportionnée les communautés déjà vulnérables et les moins responsables de la crise. Les faits concrets présentés dans le rapport rendront plus évident le manque d’action et d’engagement des grands émetteurs, et les appels à la justice encore plus forts.

Comme nous en avons déjà fait l’expérience, le système interconnecté dans lequel nous vivons n’épargnera personne. Les impacts climatiques se font déjà sentir dans le monde entier. Pour éviter le pire, nous avons besoin d’urgence de réductions d’émissions et de justice climatique. Nous avons besoin d’investissements dans l’adaptation, la création d’équité, la compensation et l’assurance contre les pertes et les dommages et la promotion de voies de développement résilientes où chacun peut participer. Rien de tout cela ne se produira à moins que les grands émetteurs ne réduisent leurs émissions conformément à la science. Sinon, ils peuvent s’attendre à y être obligés très bientôt et j’attends du GIEC qu’il rende impossible d’ignorer les réalités de ceux qui se trouvent dans les situations les plus vulnérables. a déclaré Kaisa Kosonen, experte en climat chez Greenpeace Nordic.

Le rapport faisant autorité renforcera la pression pour aborder les questions qui sous-tendent la discussion sur le financement, l’adaptation et les pertes et dommages : l’équité et la justice climatique. Une action conforme à la limite de réchauffement de 1,5 °C de l’Accord de Paris est fondamentale pour nous permettre de traverser les crises interconnectées. Ces questions, d’une importance particulière pour les communautés déjà touchées, sont susceptibles d’encadrer le récit de la COP 27 à Charm el-Cheikh, en Égypte, plus tard cette année.

Le rapport devrait aborder, entre autres :

  • Comment le réchauffement a déjà un impact sur nous et sur le monde dans lequel nous vivons , y compris les écosystèmes et leurs services, avec les niveaux actuels et engagés de réchauffement et d’élévation du niveau de la mer.
  • Comment les impacts et les risques climatiques augmenteront avec un réchauffement supplémentaire , et comment différentes voies de développement exacerbent ou atténuent ces risques.
  • Comment et dans quelle mesure les impacts et les risques peuvent être gérés et réduits , en reconnaissant les limites de l’adaptation et les pertes et dommages qui se produisent au-delà de ces limites.
  • Qui sont particulièrement vulnérables aux impacts et aux risques climatiques et pourquoi , et comment ces vulnérabilités peuvent être réduites et la résilience renforcée.
  • Ce que nous savons des grandes inconnues , c’est-à-dire des résultats à hautes conséquences pour lesquels les probabilités sont faibles ou inconnues.
  • Cadres de solutions avec un accent particulier sur les voies de développement résilientes au changement climatique.
  • Le rôle de la justice sociale, de l’équité et des différentes formes d’expertise dans le développement résilient au climat, avec une attention élargie accordée aux aspects de la justice climatique.
  • La situation particulière des communes côtières ; villes et agglomérations au bord de la mer.

Le rapport du groupe de travail II sera suivi d’un autre rapport du GIEC en avril, la contribution du groupe de travail III au 6e rapport d’évaluation, qui évaluera les moyens d’atténuer le changement climatique. Un rapport de synthèse (SYR) des travaux réalisés par les groupes de travail I, II et III et les précédents rapports spéciaux seront publiés en octobre. Il fournira un aperçu de l’état des connaissances sur la science du changement climatique depuis le RE5 et encadrera les délibérations gouvernementales sur la manière de « revoir et renforcer » leurs objectifs climatiques pour 2030 d’ici la fin de 2022, d’assurer le financement climatique et d’envisager des moyens de faire face aux pertes. et dommages.

Greenpeace est un observateur officiel du GIEC et participera à la réunion virtuelle d’approbation du rapport du GT2. Des experts sont disponibles pour commenter.

La réunion d’approbation débutera par une cérémonie d’ouverture à 10h00 (CET) le lundi 14 février 2022. La cérémonie d’ouverture d’une heure sera diffusée en direct et comprendra des allocutions du président du GIEC, de hauts fonctionnaires du Programme des Nations Unies pour l’environnement. , l’Organisation météorologique mondiale et la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. La cérémonie d’ouverture est ouverte à tous. Le reste de la réunion d’approbation ( 14-25 février 2022 ) sera fermé au public et aux médias.

[1] Climate Change 2021: The Physical Science Basis, la contribution du groupe de travail I au sixième rapport d’évaluation. Voir le chapitre 1 sur le contexte et le cadrage.

Article original : https://www.greenpeace.org/international/press-release/52057/new-ipcc-climate-report-add-pressure-action-justice/

Klimaatjongeren dienen petitie in bij VN om ‘systeemwijde klimaatnoodtoestand’ af te kondigen

Exclusief: Greta Thunberg is een van de jongeren die een rechtszaak aanspannen om de klimaatcrisis uit te roepen tot wereldwijde noodsituatie van niveau 3


Vertaling : Josette – origineel artikel van Miranda Bryant : https://www.theguardian.com/environment/2021/nov/10/youth-activists-petition-un-to-declare-systemwide-climate-emergency


Greta Thunberg en jonge klimaatactivisten van over de hele wereld dienden een petitie in bij de secretaris-generaal van de VN om een « systeemwijde klimaatnoodtoestand » af te kondigen.

Terwijl Cop26 zijn laatste dagen ingaat, zouden klimaatactivisten woensdag een juridisch document indienen waarin ze António Guterres oproepen om noodbevoegdheden te gebruiken om het niveau van de reactie op de coronaviruspandemie te evenaren door de klimaatcrisis uit te roepen tot een wereldwijde noodsituatie van niveau 3 – de hoogste categorie van de VN.

Naast de Zweedse klimaatactiviste – die de Cop26 vrijdag een « mislukking » en een « greenwashing festival » noemde toen ze zich tot betogers in Glasgow richtte en opriep tot drastische jaarlijkse emissiereducties – bestaat de groep van 14 uit Ranton Anjain en Litokne Kabua van de Marshalleilanden, Ridhima Pandey uit India, Alexandria Villaseñor uit de VS en Ayakha Melithafa uit Zuid-Afrika.

Zij hopen dat een noodverklaring ertoe zal leiden dat middelen en technische deskundigheid met spoed naar landen worden gezonden die door de opwarming van de aarde het meest worden bedreigd, met name kleine eilandstaten en ontwikkelingslanden. Op die manier kunnen de aanpassing aan de klimaatverandering, de analyse van de klimaatwetenschap en de reacties op het gebied van de volksgezondheid worden ondersteund.

Naar verluidt heeft de VN al een ontwerp van de petitie kunnen inkijken en wordt er gesproken over een noodsituatie van niveau 3, maar een woordvoerder van het bureau van de secretaris-generaal weigerde commentaar te geven op de vraag of de petitie ten uitvoer kan worden gelegd.

In een voorontwerp van de petitie, dat de Guardian heeft kunnen raadplegen, roepen de activisten de secretaris-generaal en andere VN-agentschappen op om « een alomvattende VN-respons op de klimaatnoodtoestand in te zetten ». Ze dringen er ook op aan om een crisismanagementteam te benoemen dat « toezicht zal houden op onmiddellijke en alomvattende wereldwijde actie voor het klimaat ».

Verwijzend naar de maatregelen die Guterres en het Inter-Agency Standing Committee (IASC), het humanitair coördinatieforum van de VN, hebben genomen in reactie op Covid-19, stellen zij het volgende: « De klimaatnoodtoestand – die elke persoon op aarde in de nabije toekomst bedreigt – is een minstens even ernstige bedreiging als een wereldwijde pandemie en vereist evenzeer dringende internationale actie. »

Scott Gilmore, mensenrechtenadvocaat bij advocatenkantoor Hausfeld en hoofdadvocaat in deze zaak, zei dat een noodverklaring zou kunnen leiden tot de oprichting van een speciaal orgaan, of een « klimaattsaar », om de inspanningen van de verschillende VN-agentschappen te coördineren.

Hij verklaarde ook nog het volgende: « Dat is een van de grote lessen die we hebben geleerd van de Covid-reactie. De Wereldgezondheidsorganisatie werd belast met de leiding van de reactie maar kreeg de organisatorische steun en een infrastructuur binnen de Verenigde Naties.

De secretaris-generaal heeft de afgelopen jaren echt het voortouw genomen om staten aan te sporen nationale klimaatnoodtoestanden af te kondigen, » voegde hij eraan toe. « De VN heeft die stap nog niet gezet. Het standpunt van de indieners van de petitie in deze zaak is dat het nu tijd is. »

De petitie komt nadat een mijlpaalzaak van dezelfde groep, waarin zij verklaarden dat landen die de klimaatcrisis bestendigen hun mensenrechten schenden, vorige maand werd afgewezen door het VN-kinderrechtencomité.

In hun nieuwste rechtszaak stellen zij dat een alomvattende VN-respons nodig is omdat « klimaatactie niet mag stoppen bij staatsgrenzen » en om de « fundamentele ongelijkheden van klimaatverandering » aan te pakken.

Ze vinden het ook nodig om aan de jongeren van de wereld te laten zien dat de VN « ons niet aan een grimmige toekomst heeft overgelaten ».

Actievoerster Alexandria Villaseñor, 16, die op 13-jarige leeftijd begon te spijbelen voor het klimaat voor het VN-hoofdkwartier in New York, riep op tot onmiddellijke actie.

Ze verklaarde het volgende: « De VN heeft laten zien dat ze in staat is om te mobiliseren tegen onmiddellijke wereldwijde bedreigingen. De klimaatcrisis is de grootste wereldwijde bedreiging die de mensheid ooit heeft gekend … Er rest ons weinig tijd om kinderen en toekomstige generaties te beschermen. We eisen dan ook dat de volwassenen nu in actie komen en een kritisch wereldwijd antwoord op de klimaatcrisis formuleren. »

Stéphane Dujarric, de woordvoerder van de secretaris-generaal, zei: « De secretaris-generaal heeft als voorzitter van de CEB (de Coördinatieraad van de Chief Executives van het VN-systeem) duidelijk gemaakt dat de hele organisatie gemobiliseerd is om aan te dringen op meer en controleerbare klimaatmaatregelen vanwege de lidstaten en de particuliere sector, en om ongelijkheden, desinformatie en gebrek aan solidariteit aan te pakken. »


Des jeunes militants demandent à l’ONU de déclarer « l’urgence climatique à l’échelle du système ».

Exclusif : Greta Thunberg fait partie des jeunes qui intentent une action en justice pour que la crise climatique soit déclarée urgence mondiale de niveau 3.


Traduction Josette – article original de Miranda Bryant : Youth activists petition UN to declare ‘systemwide climate emergency’


Greta Thunberg s’est exprimée lors d’un rassemblement sur le climat à Glasgow vendredi, au cours duquel elle a qualifié la Cop26 d’ « échec » et de « festival de greenwashing ».

Greta Thunberg et de jeunes militants pour le climat du monde entier ont déposé une pétition juridique auprès du secrétaire général des Nations Unies, lui demandant de déclarer une « urgence climatique à l’échelle du système ».

Alors que la Cop26 entre dans ses derniers jours, les défenseurs du climat devaient déposer mercredi un document juridique demandant à António Guterres d’utiliser les pouvoirs d’urgence pour égaler le niveau de réponse adopté pour la pandémie de coronavirus en déclarant la crise climatique comme une urgence mondiale de niveau 3 – la catégorie la plus élevée des Nations Unies.

Outre la militante suédoise pour le climat, qui a déclaré vendredi que la Cop26 était un « échec » et un « festival de greenwashing » alors qu’elle appelait à des réductions annuelles drastiques des émissions en s’adressant aux manifestants à Glasgow, le groupe de 14 personnes comprend Ranton Anjain et Litokne Kabua des îles Marshall, Ridhima Pandey d’Inde, Alexandria Villaseñor des États-Unis et Ayakha Melithafa d’Afrique du Sud.

Ils espèrent qu’une déclaration d’urgence permettra d’envoyer rapidement des ressources et des compétences techniques aux pays les plus menacés par le réchauffement de la planète, en particulier les petits États insulaires et les pays en développement, afin de soutenir l’adaptation au changement climatique, l’analyse de la climatologie et les mesures de santé publique.

Il semblerait que l’ONU ait déjà vu une ébauche de la pétition et qu’une urgence de niveau 3 soit en cours de discussion, mais un porte-parole du bureau du secrétaire général a refusé de commenter l’éventualité de sa mise en œuvre.

Dans un avant-projet de la pétition, que le Guardian a pu consulter, les militants demandent au secrétaire général et aux autres agences des Nations Unies de « mobiliser une réponse globale des Nations Unies à l’urgence climatique ». Ils les exhortent également à nommer une équipe de gestion de crise pour « superviser une action mondiale immédiate et complète sur le climat ».

Citant les mesures prises par M. Guterres et le Comité permanent interorganisations (IASC), le forum de coordination humanitaire des Nations Unies, en réponse à la Covid-19, ils affirment : « L’urgence climatique – qui menace chaque personne sur la planète dans un avenir prévisible – est une menace au moins aussi grave qu’une pandémie mondiale et nécessite de la même manière une action internationale urgente.« 

Scott Gilmore, avocat spécialisé dans les droits de l’homme au sein du cabinet Hausfeld et principal conseiller dans cette affaire, a déclaré qu’une déclaration d’urgence pourrait conduire à la création d’un organe spécial, ou d’un « tsar du climat », chargé de coordonner les efforts entre les agences des Nations Unies.

Il a déclaré : « C’est l’une des grandes leçons que l’on a tirées de la réponse à la Covid. L’Organisation mondiale de la santé a été chargée de diriger la réponse, mais elle a reçu le soutien organisationnel et l’infrastructure nécessaires au sein des Nations Unies. Ces dernières années, le secrétaire général a vraiment pris l’initiative de pousser les États à déclarer des urgences climatiques nationales« , a-t-il ajouté. « Les Nations Unies n’ont pas encore franchi cette étape. Le point de vue des pétitionnaires dans cette affaire est que le moment est venu.« 

Cette action intervient après que le même groupe ait vu son action, dans laquelle il affirmait que les pays qui perpétuent la crise climatique violent leurs droits de l’homme, rejetée par le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies le mois dernier.

Dans leur dernière action en justice, ils affirment qu’une réponse globale des Nations Unies est nécessaire parce que « l’action climatique ne doit pas s’arrêter aux frontières des États » et pour s’attaquer aux « inégalités fondamentales du changement climatique« .

Ils affirment également que cette réponse est nécessaire pour montrer aux jeunes du monde entier que l’ONU « ne nous a pas abandonnés à un avenir sombre« .

La militante Alexandria Villaseñor, 16 ans, qui a commencé à faire grève à l’âge de 13 ans devant le siège de l’ONU à New York, a appelé à une action immédiate.

Elle a déclaré : « L’ONU nous a montré qu’elle était capable de se mobiliser contre des menaces mondiales imminentes, et la crise climatique est la plus grande menace mondiale jamais connue par l’humanité… Nous n’avons plus beaucoup de temps pour protéger les enfants et les générations futures, et nous demandons aux adultes de se mobiliser dès maintenant pour apporter une réponse mondiale critique à la crise climatique.« 

Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général, a déclaré : « Le secrétaire général, en tant que président du CCS [le Conseil des chefs de secrétariat des organismes des Nations Unies pour la coordination], a clairement indiqué que l’ensemble de l’organisation est mobilisé pour faire pression en faveur d’une action climatique plus importante et vérifiable de la part des États membres et du secteur privé, ainsi que pour faire pression sur les inégalités, la désinformation et le manque de solidarité.« 


Effet des changements d’utilisation des terres par habitant sur le défrichement des forêts holocènes et les émissions de CO2


Il est un paradoxe bien connu, celui de l’œuf et de la poule : « Qu’est-ce qui est apparu en premier : l’œuf ou la poule ? ». Mais en voici un autre, qui de facto porte en germe toutes les problématiques de notre monde : « Qui est à l’origine de la croissance de l’autre ? La démographie ou l’agriculture ? »

Qu’importe la réponse finalement….

L’important, c’est qu’en filigrane, il ne reste que cette réalité : les déforestations, la perte des plaines alluviales en tant qu’écosystèmes majeurs, l’augmentation débridée du co2, étaient déjà inscrits dans notre histoire bien avant l’ère industrielle.

Signaux faibles ? Pas vraiment.. Le ver était déjà dans le fruit…


2009-12 Effet des changements d’utilisation des terres par habitant sur le défrichement des forêts et les émissions de CO2 pendant l’Holocène, William F. Ruddimana, Department of Environmental Sciences, Clark Hall, University of Virginia, Charlottesville, USA ; Erle C. Ellis, Department of Geography and Environmental Systems, University of Maryland, Baltimore County, Baltimore, USA, Quaternary Science Reviews 28(27-28):3011-3015, DOI:10.1016/j.quascirev.2009.05.022 (Effect Of Per-Capita Land Use Changes On Holocene Forest Clearance And CO2 Emissions)

Traduction par JM Poggi -(deepl) – Article original https://obsant.eu/le-flux/?iti=11079


Résumé :

La pièce maîtresse de « l’hypothèse anthropique » pourrait se résumer en une phrase : le rôle de l’humanité dans les modifications des niveaux des gaz à effet de serre remonte à des milliers d’années, en conséquence de l’émergence de l’agriculture (Ruddiman, W.F., 2003 : The anthropogenic greenhouse era began thousands of years ago. Climatic Change 61, 261–293. Ruddiman, W.F., 2007 : The early anthropogenic hypothesis: challenges and responses. Reviews of Geophysics 45 2006RG000207R)

Une réaction courante à cette affirmation est que trop peu de personnes vivaient il y a des milliers d’années pour avoir eu un effet majeur sur l’utilisation des terres, et donc les concentrations de gaz à effet de serre.

Ce point de vue sous-tend l’idée que la surface de défrichement par individu a peu changé depuis des millénaires. Or de nombreuses études de terrain ont montré que l’utilisation des terres par habitant était plus importante à l’origine, et qu’elle a diminué à mesure que la densité de population augmentait, en lien avec l’intensification de l’agriculture.

Nous avons étudié ici l’impact de l’évolution de l’utilisation des terres par habitant au cours des derniers millénaires et en concluons qu’un défrichement plus important par les premiers agriculteurs a eu un impact disproportionné sur les émissions de CO2.

Développement :

Le postulat central de « l’hypothèse de l’anthropisation » (anthropocène) (Ruddiman, 2003, 2007) est que la déforestation effectuée par les humains a inversé une tendance naturellement décroissante des niveaux de CO2 il y a 7000 ans pour aboutir au contraire a une tendance à la hausse, tandis que la culture du riz et l’élevage ont eu le même effet sur la tendance du méthane depuis 5000 ans (Fig. 1a). […]

Plusieurs modélisations se sont basées sur des mesures de l’utilisation des terres à une époque récente afin d’établir un lien entre l’utilisation « moderne » des terres et les modes d’utilisation par les populations antérieures. Certaines études ont pré-supposé des liens linéaires entre la population et l’utilisation des terres (par exemple, Klein Goldewijk, 2001 ; Pongratz et al., 2008). Les estimations de l’utilisation passée des terres qui découlent de cette hypothèse suivent inévitablement les augmentations exponentielles de la population mondiale au cours des derniers siècles. Ainsi, les reconstitutions basées sur les statistiques d’utilisation des terres disponibles (par exemple, Ramankutty et Foley, 1999) tendent à sous-estimer les surfaces cultivées au cours des premières périodes historiques, alors même que des systèmes de propriété foncière informels et des pratiques agricoles « changeantes » ne pouvaient que biaiser les résultats vers le bas (Ho, 1959).

En revanche, comme résumé ci-dessous, plusieurs études basées sur des preuves de terrain soutiennent une vision bien différente de l’utilisation des terres.

Les études anthropologiques d’un éventail de cultures contemporaines qui pratiquent les premières formes de culture itinérante, comme la culture sur brûlis, donnent un aperçu des pratiques agricoles utilisées il y a des millénaires dans des régions naturellement forestières.

Les études sur l’archéologie de l’utilisation des terres, la paléoécologie, la paléobotanique et la sédimentologie fournissent des informations sur les contraintes qui ont affectés les changements passés dans les types et étendues des systèmes agricoles, les transitions graduelles de la végétation naturelle vers les cultures domestiques, et l’érosion accrue sur les versants dégagés par la déforestation et le labourage.

Les conclusions communes de ces études de terrain convergent : l’utilisation des terres par habitant au cours des 7000 dernières années n’est pas restée constante, mais a plutôt diminué, ramené par habitant, de façon importante.

Nous analysons ici les répercussions probables de cette tendance à la baisse du défrichement par habitant et en conséquence les émissions nettes de carbone dans l’atmosphère.

Il y a des décennies, Boserup (1965) a synthétisé les résultats provenant d’études de terrain et a posé comme hypothèse que l’utilisation des terres s’est intensifiée avec l’augmentation de la population (tableau 1).

Dans la phase la plus ancienne et la moins peuplée du développement de l’agriculture (la phase de jachère forestière), les agriculteurs mettaient le feu aux forêts et plantaient des graines dans un sol enrichi en cendres. Lorsque, après un certain nombre d’années, les nutriments du sol s’épuisaient, les gens se déplaçaient vers de nouvelles parcelles, ne retournant à la parcelle d’origine qu’après une vingtaine d’années ou plus. Les premiers agriculteurs restaient effectivement le plus souvent dans les mêmes habitations (Startin, 1978), mais alternaient entre différentes parcelles cultivées.

Ce type d’agriculture nécessitait peu de travail par personne, mais la rotation continue entre les parcelles utilisait une grande quantité de terre.

Au fil du temps, l’augmentation de la densité des populations conduisant à avoir moins de terres disponibles, les agriculteurs ont été contraints de raccourcir les périodes de jachère en réutilisant les parcelles plus souvent et en plantant plus densément.

Plus tard, ils ont élaboré de nouvelles techniques pour augmenter les rendements à l’hectare, comme l’amélioration des charrues, la traction animale, l’irrigation et l’usage des engrais.

En définitive, avec l’augmentation continue de la population, les agriculteurs ont été contraints de se limiter à la même parcelle de terre chaque année (culture annuelle) et ont finalement commencé à cultiver deux ou plusieurs cultures par an sur les mêmes champs.

Certaines régions ont développé des systèmes d’irrigation sophistiqués et étendus dans le cadre de schémas d’ingénierie hydraulique contrôlés de manière centralisée.

Malgré les bénéfices offerts par différentes innovations, comme la généralisation des outils en fer, cette dernière phase de l’agriculture intensive a nécessité de grandes quantités de travail par personne pour augmenter la productivité : épandage de fumier et de compost, soin du bétail qui fournissait du fumier, élimination des mauvaises herbes et des insectes, réparation et entretien des terrasses et des canaux d’irrigation, etc.

Malgré quatre décennies de débat sur la relation de cause à effet sur long terme entre l’augmentation de la population et les innovations agricoles, les conclusions de Boserup, selon laquelle l’utilisation des terres par habitant a diminué parallèlement à la croissance de la population, ont reçu un écho positif et durable. Bien que la les analyses historiques des changements d’utilisation des terres fonction de la population puissent différer grandement d’un site à l’autre et même d’une région à l’autre (par exemple, Bogaard, 2002 ; Johnston, 2003), le modèle de Boserup qui sous-tend une diminution de l’utilisation des terres par habitant avec augmentation de la population demeure le paradigme dominant pour le changement d’utilisation des terres agricoles (Grigg, 1979 ; Netting, 1993 ; Turner et Shajaat, 1996).

Notre objectif ici est de quantifier ces séquences d’intensification sur la base d’observations (tableau 1) compilées à partir de Netting (1993, tableau 9.1 d’après Boserup, 1981) et d’autres (Turneret al., 1977 ; Seiler et Crutzen, 1980 ; Murdock et White, 2006).

Au cours du siècle dernier, la superficie cultivée par personne a varié entre 0,07 et 0,35 ha/personne (Ramankutty et al., 2002).

Ces faibles valeurs reflectent une utilisation très intensive des terres dans les pays fortement peuplés et intègrent aussi, implicitement, les déplacements continus de population des zones rurales vers les zones urbaines.

En comparaison, les valeurs par habitant pour les périodes les plus anciennes (milieu de l’Holocène) sont moins préciss. Des estimations peuvent être obtenues à partir d’études de systèmes agricoles contemporains qui utilisent encore des méthodes de culture itinérante, bien que ces cultures soient confrontées à des limitations foncières et à des forces du marché différentes des conditions dans lesquelles l’agriculture a commencé (Boserup, 1965 ; Turner et al., 1977).

Néanmoins, le défrichement de la forêt par individu dans les systèmes d’agriculture itinérante peut être évalué en tenant compte des estimations des terres cultivées par personne et par an, des cycles de culture typiques (le nombre d’années pendant lesquelles la terre est cultivée puis laissée en jachère), et des zones défrichées à d’autres fins que la culture (pâturages, bois, habitations et autres structures).

Compte tenu d’une superficie de terres cultivées annuellement par habitant de 0,2 à 0,4 ha (Seiler et Crutzen, 1980) et des durées de jachère de 7 à 25 ans typiques des systèmes d’agriculture itinérante contemporains qui utilisent des technologies très similaires à celles des premiers agriculteurs (usage de bâtons à fouir et houes en bois, sans outils métalliques ; Murdock et White, 2006 ; Turner et al., 1977), nous estimons que le défrichement rapporté au nombre d’habitant est de l’ordre de 2 à 6 ha par personne pour les premiers agriculteurs (tableau 1). Cette estimation concorde avec celle d’Olofson et Hickler (2008).

Cette estimation concorde également avec les 4 ha par personne calculés par Gregg (1988) sur la base des besoins en matière de culture, d’élevage, de bois et de peuplement d’un village européen de 30 personnes datant de la fin du Néolithique.

Gregg a supposé une configuration de jachère courte, avec une seule zone de jachère de la même taille que la zone cultivée, bien que d’autres estimations suggèrent que 5 à 10 parcelles auraient pu être en jachère dans une longue séquence de rotation (Boserup, 1965 ; Netting, 1993).

Des peuplements denses de jeunes arbres repoussent sur les zones laissées en jachère pendant une vingtaine d’années, mais leur biomasse et leur carbone ne s’approchent pas des niveaux typiques d’une forêt primaire (Ramankutty et al., 2007).

Si le bétail est amené à brouter les jeunes pousses, la récupération de la biomasse est d’autant plus réduite (Boserup, 1965).

Au début de la période holocène (il y a 7000-6000 ans), de nombreux individus n’étaient pas encore des agriculteurs. La prise en compte de ce fait réduirait les estimations de l’utilisation des terres par habitant pendant la première phase de jachère forestière.

D’autre part, les premiers peuples agricoles (et même pré-agricoles) usaient couramment du feu pour défricher de grandes zones afin d’attirer le gibier et de favoriser la croissance des baies et autres aliments naturels (Pyne, 2000 ; Williams, 2003 ; Bliege Bird et al., 20 08). Le défrichement par le feu n’était pas limitant.

En outre, il y a 5000 ans, les principales cultures étaient déjà cultivées dans les régions les plus peuplées du monde ; le blé et l’orge dans toute l’Europe (Zohary et Hopf, 1993) ; le millet et le riz dans une grande partie de la Chine (Ruddiman et al., 2008 ; Fuller et Qin, 2009), et le maïs (corn) en Méso-Amérique (Grigg, 1974 ; MacNeish, 1992).

En raison du succès de ces sources alimentaires primaires, les populations de ces régions ont augmenté rapidement et ont supplanté les peuples qui pratiquaient encore la chasse et la cueillette.

Après les premiers développements basés sur les jachères sur zones initialement forestières puis d’alternance entre différentes parcelles cultivées, Boserup a suggéré que des augmentations successives de la densité de population ont nécessité une culture en jachère avec des rotations plus courtes (« bush fallow »), puis une culture annuelle, et finalement des cultures multiples sur chaque parcelle (Tableau 1 ; Kates et al., 1993 ; Netting, 1993), bien que certaines régions puissent ne pas avoir suivi la séquence complète indiquée dans le Tableau 1.

Ainsi la riziculture humide dans le sud de la Chine était probablement relativement intensive même dans sa phase initiale il y a 6000-5000 ans. Il y a 2000 ans, les zones rizicoles les plus densément peuplées des deltas de la Chine méridionale et d’autres régions d’Asie avaient déjà atteint la phase de culture annuelle avec 1 ha de terres cultivées par personne.

Cependant, même dans ces régions, une augmentation de l’intensification (cultures multiples, fumure, désherbage) a fait chuter la surface cultivée par personne à seulement 0,1-0,2 ha vers 1800 (Chao, 1986 ; Ellis et Wang, 1997).

Parallèlement, les régions moins densément peuplées ont continué à pratiquer une culture itinérante et certaines ont peut-être adopté la culture annuelle beaucoup plus tard (quand elles l’ont fait).

En résumé, malgré des variations considérables d’une région à l’autre et d’une culture à l’autre, l’utilisation moyenne des terres par personne semble être passée de plusieurs hectares par personne pendant l’Holocène moyen à seulement quelques dixièmes d’hectares vers le début de l’ère industrielle, soit une baisse d’un ordre de grandeur complet.

Sur la base de ces éléments, la figure 2a présente des trajectoires de l’évolution de l’utilisation des terres par habitant au cours de l’Holocène.

Il y a 7000 ans, la plupart des agriculteurs utilisaient des jachères avec rotations longues, nous supposons une utilisation des terres par habitant de 4 ha (+/-2 ha). À l’autre extrême, juste avant l’ère industrielle, l’utilisation des terres par habitant est d’environ 0,4 ha (+/-0,2 ha) par personne, une valeur légèrement supérieure de celle du siècle dernier.

Naturellement, tenter de quantifier une tendance « moyenne mondiale » en matière d’utilisation des terres par habitant au cours de l’Holocène est évidemment une tâche compliquée qui devrait prendre en compte les populations, les cultures et les méthodes agricoles très différentes qui ont coexisté dans différentes régions au cours de chaque intervalle.

Pour tenter de refléter une partie de cette incertitude, nous montrons sur la figure 2a trois trajectoires possibles. La tendance « concave » suppose que les premières réductions d’utilisation des terres par habitant étaient plus importantes que les suivantes. La tendance « linéaire » suppose des taux constants de réduction de l’utilisation des terres au fil du temps. La tendance « convexe » suppose que les réductions d’utilisation des terres ont été plus importantes plus tard dans la chronologie.

Ceci dit, cette dernière tendance est cohérente avec l’ensemble des données qui montrent une intensification agricole accélérée au cours de l’ère « historique » (récente) (Boserup, 1965 ; Grubler, 1994).

La combinaison de la population mondiale (Fig. 1b) et des trois trajectoires possibles de l’utilisation moyenne des terres par habitant (Fig. 2a) conduit à trois estimations du défrichement mondial (Fig. 2b).

Compte tenu des incertitudes décrites ci-dessus, ces tendances ne sont pas censées être des estimations exhaustives de l’ampleur de la déforestation préindustrielle.

Elles visent plutôt à fournir une évaluation de la mesure dans laquelle l’intensification de l’utilisation des terres aurait pu modifier les estimations de l’utilisation des terres à l’échelle mondiale par rapport aux estimations basées sur les liens linéaires avec la population (ligne pointillée dans la Fig. 2b).

Dans tous les cas, les tendances au défrichement augmentent rapidement jusqu’à il y a 2000 ans (Fig. 2b).

Puis les tendances issues des cas linéaires et concaves restent relativement stables entre 2000 et 1000 ans, puis repartent à la hausse en réponse au fort accroissement de la population dans les siècles précédant l’ère industrielle.

La tendance basée sur la trajectoire convexe montre une tendance au défrichement contenue mais persistante depuis 2000-1500 ans.

Deux facteurs contribuent au ralentissement de l’utilisation estimée des terres depuis 2000 ans dans ces scénarios. La perte de dizaines de millions de personnes pendant les grandes pandémies et les périodes de troubles ont joué un rôle important. Au cours des épisodes les plus graves (200-600 après J.-C. et 1200-1700 après J.-C.), la mortalité « excédentaire » s’est élevée aux environs de 12 à 18% de la population mondiale (McEvedy et Jones, 1978 ; Denevan, 1992).

Mais le principal facteur justifiant ces tendances est la diminution de l’utilisation des terres par habitant (Fig. 2a).

Pour les cas « concave » et « linéaire », cette diminution a été suffisante pour compenser l’augmentation de la population entre 2000 et 1000 ans, mais pas après, d’où un rattrapage. Pour le cas « convexe », la diminution exponentielle de l’utilisation des terres a permis de contrebalancer l’augmentation exponentielle de la population au cours des derniers siècles.

La culture à grande échelle des prairies et steppes n’a pas eu lieu avant le début des années 1800, ce pourquoi la plupart des terres qui ont été défrichées pour l’agriculture à l’époque préindustrielle étaient encore boisées avant cette période.

Ainsi, avant la combustion des combustibles fossiles de l’ère industrielle, le défrichement des forêts a été la principale source anthropique d’augmentation du CO2 (Houghton, 1999).

Bien que l’augmentation exponentielle de la population mondiale (Fig. 1b) ne soit pas en lien direct avec l’augmentation précoce du CO2 (Fig. 1a), la prise en compte pendant l’holocène de la tendance vers une utilisation des terres par habitant plus faible (Fig. 2a) permet de lier les estimations de l’utilisation des terres (Fig. 2b) à l’augmentation du CO2 (Fig. 1a).

Dans ce cadre, les augmentations des concentrations de CO2 atmosphérique sont à appréhender en lien avec le taux de défrichement par habitant plutôt qu’avec le défrichement total. Les changements d’utilisation des terres par millénaire calculés à partir des tendances de la Fig. 2b sont présentés à la Fig. 2c.

Comme pour la tendance constatée pour le CO2 (Fig. 1a), les trois taux de défrichement montrent des taux de croissance plus rapides avant 2000 ans, suivies d’une stabilisation puis d’une diminution relative.

Par ailleurs, comme les premières exploitations agricoles étaient concentrées dans des vallées alluviales aux sols humides et fertiles, les forêts défrichées dans ces zones étaient plus riches en carbone que celles situées sur les flancs de collines et les pentes de montagnes, qui ont été défrichées ultérieurement.

Ainsi la prise en compte des variations de la densité du carbone dans les calculs conduirait à encore augmenter les émissions de CO2 au début de l’Holocène.

Une modélisation consolidée des tendances d’émissions de CO2 pendant l’Holocène nécessiterait d’effectuer des estimations exhaustives des changements d’utilisation des terres aux niveaux régionaux, comme celles de effectuées par Kaplan et al. (2009) pour l’Europe.

Ces modélisations nécessiteraient également des évaluations précises des liens entre les densités de population préindustrielles et le défrichement (et la récupération), les facteurs régionaux tels que le climat, la qualité des sols et la topographie (plaines alluviales vs versants), les facteurs culturels tels que les préférences en matière d’élevage, et les facteurs historiques tels que les échanges de variétés de cultures et de technologies découlant des premières rencontres coloniales.

En outre, l’évaluation de l’estimation des émissions et des concentrations de CO2 dans l’atmosphère en conséquence des changements d’utilisation des terres doit tenir compte du long temps de résidence du CO2 dans l’atmosphère (Joos et al., 2004 ; Archer, 2008).

En résumé, les tentatives précédentes d’analyse à posteriori du défrichement préindustriel fondées sur l’hypothèse de liens linéaires ou quasi-linéaires avec les populations passées sont susceptibles de sous-estimer l’impact des déforestations précoces.

Les estimations des défrichements passés doivent intégrer à minima la diminution importante et continue de l’utilisation des terres par habitant avant l’ère préindustrielle.

Sur la base de nos résultats, les historiques de défrichement qui intègrent les processus d’intensification de l’utilisation des terres offrent des estimations du rôle du défrichement précoce, et des émissions de CO2 liés, et donc de la trajectoire observée du CO2 préindustriel dans l’atmosphère, pertinents.


Nous remercions Dorian Fuller et Navin Ramankutty pour leurs commentaires sur une version antérieure, Robert Smith pour les graphiques, et Stephanie Pulley pour son aide dans les recherches d’archives. Le programme Paléoclimat de la division des sciences atmosphériques de la National Science Foundation a financé ce travail.