Investir dans la biodiversité, c’est investir pour l’ensemble de la société

Communiqué de Presse

Namur, le 15 novembre – Le cabinet de la Ministre de la Nature, Anne-Catherine Dalcq, a précisé aujourd’hui dans le Soir une réduction drastique du budget alloué par la Wallonie à la biodiversité (1). Des organisations issues de multiples secteurs, telles que des mutualités, des entreprises et des acteurs sociaux et environnementaux, appellent le Parlement à revoir la proposition du Gouvernement et à demander l’établissement d’un plan de financement pour arrêter et inverser la perte de biodiversité d’ici à 2030.

Ce matin, la Ministre de la Nature wallonne a clarifié l’impact du nouveau budget régional sur les moyens dédiés aux actions en faveur de la protection et la restauration de la biodiversité. En cette période de restrictions budgétaires, où des efforts sont attendus dans tous les secteurs, l’ampleur de la réduction du budget nature serait immense : près 75% du budget octroyé à ce secteur d’activités passeraient à la trappe.

Notre biodiversité, déjà en mauvaise santé

Nous avons besoin de la nature : elle participe au fonctionnement de notre économie, nous en dépendons pour produire nos biens et notre alimentation. Elle assure la purification de notre air et de l’eau et contribue à notre bonne santé (2). Elle offre même des solutions pour atténuer la crise climatique — en stockant le carbone — ainsi que des solutions pour faire face aux conséquences de cette crise, en limitant l’impact des inondations par exemple. C’est pourquoi restaurer la nature est un excellent investissement : une récente étude dans la zone naturelle de Demerbroeken (Flandre) indique ainsi que chaque euro investi en rapporte huit (3).

Pourtant, la biodiversité est aujourd’hui en déclin, et la Wallonie n’échappe pas à ce problème. Le dernier état de l’environnement wallon (4), publié en avril 2024, présentait à nouveau des chiffres alarmants : environ 95 % de nos habitats naturels sont en état défavorable.

Une réduction de 18 millions d’euros pour une politique déjà sous-financée, alors que des solutions existent

Malgré ça, le gouvernement wallon opte pour une réduction de près de 75% du budget alloué à la protection et la restauration de la biodiversité en Wallonie, en plus de la réduction des subventions facultatives qui impacteront les projets de protection. La Ministre de la Nature n’a pas encore clarifié le détail des réductions, mais au vu du montant annoncé, il est difficile d’imaginer qu’une coupe budgétaire de cette ampleur n’impacte pas les moyens déployés sur le terrain. (5)

Cette réduction arrive alors que les objectifs de biodiversité sont déjà sous-financés. Par rapport à ses voisins, la Wallonie peine à dédier suffisamment de fonds à la protection de la nature. En France par exemple, le budget alloué à la protection de la biodiversité est, au prorata des surfaces concernées, 13 fois plus élevé. Cette nécessité pour les autorités de notre pays d’investir davantage dans la protection de la nature avait également été épinglée par le Conseil supérieur des Finances en juillet dernier, qui appelait à “une attention accrue à la préservation et à la reconstruction du capital naturel dans les décisions d’investissement public”. (6)

Ce définancement semble d’ailleurs en contradiction avec les objectifs de la Déclaration de Politique Régionale (DPR) (7) dont : la volonté de passer de 1 à 5 % du territoire wallon sous statut de protection fort d’ici à 2030, la volonté de reforester la Wallonie, la poursuite des efforts en termes de communication, sensibilisation, vulgarisation et éducation relatifs à la protection de la biodiversité. Alors que la COP16 sur la biodiversité vient de se clôturer, cette décision va aussi à l’encontre des engagements que notre pays a pris dans ce cadre international, et auxquels la Wallonie doit contribuer, en particulier celui d’arrêter et d’inverser la perte de biodiversité d’ici à 2030.

Dans cette perspective, la Wallonie doit établir un plan de financement à 2030 qui fera état des réels besoins de financement pour atteindre ces objectifs de protection et de restauration de la biodiversité (8). Une piste concrète pour mobiliser les fonds nécessaires se trouve dans la redirection d’une partie des subventions fédérales allouées aux énergies fossiles, qui représentent environ 15 milliards d’euros/an et dont seuls 5,75% de ce montant seraient nécessaires pour combler l’ensemble du déficit de financement belge par rapport à nos engagements internationaux pour la biodiversité d’ici à 2030.

Tous les yeux sont tournés vers le Parlement wallon

La nature est l’affaire de toutes et tous. Sa bonne santé est nécessaire à la prospérité de notre région et de ses habitantes et habitants. Une telle réduction du budget qui devrait assurer sa protection aujourd’hui ne fera qu’augmenter la dette écologique pour nos générations futures. C’est pourquoi plus d’une quinzaine d’organisations issues de différents pans de la société civile ont signé ce communiqué. Tous les regards se tournent désormais vers le Parlement wallon. Celui-ci se devra d’étudier la proposition de budget du gouvernement, et l’interroger sur l’établissement d’un plan de financement régional pour arrêter et inverser la perte de biodiversité d’ici à 2030 ainsi que sur les pistes concrètes pour débloquer les fonds nécessaires pour répondre à nos engagements internationaux, atteindre les objectifs fixés dans la DPR et offrir un cadre de vie sain à ses citoyennes et à ces citoyens.

Signé par :
Canopea, Natagora, WWF, Ardenne & Gaume, Cercles des Naturalistes de Belgique, Coalition Climat, Exki,
Fédération des Parcs Naturels de Wallonie, Kaya, la Coalition belge des Ecopreneurs, La Mutualité chrétienne,
Les Mutualités Libres, Maison Dandoy, Nature & Progrès, Ligue Royale Belge pour la Protection des Oiseaux (LRBPO),
Realco, Société Royale Forestière de Belgique, Triodos, Unab

Notes de bas de page :

(1) L’article du Soir est disponible sur ce lien

(2) En signant la déclaration de Budapest (2023), la Belgique s’est d’ailleurs engagée à protéger et à restaurer la nature pour protéger la santé humaine.

(3) A la demande du WWF et de Natuurpunt, l’Institut flamand de recherche technologique (VITO) a réalisé une étude de cas évaluant le rapport coût-bénéfice de la restauration de la zone naturelle de Demerbroeken en Flandre.

(4) Les derniers diagnostics environnementaux wallons sont disponibles sur ce lien. Ils sont réalisés par le SPW ARNE.

(5) Ceux-ci ont notamment permis de renforcer et d’initier des politiques essentielles en termes de recherche et de monitoring de la biodiversité, de création et de gestion d’aires protégées, de restauration du maillage écologique (haies, alignements d’arbres, etc.), de projets soutenant l’implication des communes (Projet BiodiverCité, moyens complémentaires dédiés aux Parcs naturels, etc…) et des différents concernés – gestionnaires agricoles, forestier, architecte, etc – , ainsi que des projets de sensibilisation, et de gestion des espèces exotiques envahissantes ou des espèces en situation critique.

(6) Le rapport du Conseil supérieur des Finances est disponible sur ce lien.

(7) La Déclaration de Politique Régionale wallonne est disponible sur ce lien.

(8) L’accord de Kunming-Montréal sur la biodiversité préconise que les objectifs fixés à l’échelle nationale (et régionale, par les compétences environnementales des régions en Belgique) pour contribuer à arrêter et à inverser la perte de biodiversité au niveau mondial soient assortis d’un plan de financement.La Wallonie doit donc accompagner ses objectifs de biodiversité d’un plan de financement régional pour la biodiversité qui devra se baser sur un inventaire transparent des dépenses actuelles allouées à la biodiversité ainsi que sur une estimation du déficit à combler pour arriver aux objectifs et obligations internationales et européennes en matière de biodiversité d’ici 2030.



Écocide, climat : voter Blanco ?

Paul Blume

vers juin2024.eu / juin2024 le Blog

Fin décembre passé est apparu une offre électorale peu conventionnelle, le parti Blanco (https://blanco2024.be/fr/ ).

Le « parti Blanco« , c’est une formation de citoyens qui se dit « sans appartenance politique« , et dont l’objectif est de permettre le vote pour un siège « non attribué » via une modification de la Constitution. Il présentera une liste dans chacune des 11 circonscriptions électorales du pays pour les élections à la Chambre, en juin prochain …

RTBF – 26 décembre 2023

Objectif du parti, visibiliser les citoyens qui ne votent pas, votent blanc ou nul.

Au-delà des débats sur la modification de la Constitution proposée (*) et d’autres questions posées par cette initiative (*), il est maintenant possible d’exprimer une forme de rejet de projets politiques communs à l’ensemble de la classe politique belge.

Il devient envisageable, et cela dès les prochaines élections, d’exprimer un refus des volontés de croissance plus ou moins affirmées. Sans devoir boycotter le processus électoral, en exprimant un vote valable lors des prochains scrutins belges.

Bémol, le processus ne permettra pas d’identifier précisément les motivations. Les potentielles élues et élus s’engageant à ne pas participer aux débats… Blanco est bien le parti d’une seule proposition (*).

Reste que tous les voyants biodiversité et climat sont au rouge vif (*). Que la communauté scientifique (Giec, IPBES,…) hurle à l’extrême urgence. Et que le vote pour les offres politiques actuellement représentées induit inexorablement un soutien aux politiques écocidaires dominantes.

Marquer une rupture d’avec les partis traditionnels sur les politiques énergétiques, environnementales et climatiques est primordial (*).

Voter pour la réduction immédiate de l’utilisation des énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz) n’est aujourd’hui pas possible. Aucune formation politique ne le proposant.

C’est pourtant la mère des propositions en matière de climat. L’effort indispensable tournant selon les sources à minimum 5 % de réductions annuelles ! Un litre sur 20 minimum de consommé en moins par an dès 2024…

L’effort exigé pour éviter un climat invivable est considérable (*). Continuer de l’ignorer n’est pas crédible.

Voter Blanco pourrait-il être une façon de faire passer le message de l’écologie scientifique ?

A réfléchir.



Sauvegardons Neerpede

Un projet d’étang de baignade au cœur du Parc des Étangs de Neerpede met en danger la biodiversité

Josiane Van Obbergen

Le mouvement citoyen « Sauvegardons Neerpede » s’oppose au projet d’étang naturel de baignade sur l’un des 3 principaux étangs du Parc des Etangs de Neerpede, à Anderlecht.

Le 6 décembre 2021, le ministre bruxellois de l’Environnement Alain Maron a convoqué la presse pour annoncer la création du premier étang de baignade à Neerpede en 2024. Bruxelles-Environnement venait de publier une étude de faisabilité envisageant la transformation des étangs Mayfair ou Moyen en un étang « naturel » de baignade, et d’indiquer lequel serait le plus approprié à cette activité. C’est l’étang Moyen qui a été retenu.

L’étang Moyen constitue la partie centrale du futur Parc de Neerpede, situé dans le quartier de Neerpede, partie excentrée d’Anderlecht nichée dans le sud-ouest de Bruxelles. L’étang Moyen, l’étang Mayfair et le bassin d’orage Bruxelles Mobilité constituent le périmètre visé par le projet et occupent le centre de l’enfilade des étangs de Neerpede et de Marius Renard. Cette partie ne peut pas être isolée des autres étangs qui assurent ensemble d’équilibre écosystémique de ce couloir écologique. Cet endroit encore préservé de la ville, havre semi-sauvage de plans d’eau, de friches, de ruisseaux, de boisements, de champs, de prairies et cheminements déjà présents et praticables, remplit le rôle de poumon vert d’Anderlecht, en périphérie de Bruxelles.

Suivant Bruxelles-Environnement, l’enfilade fait partie du réseau écologique bruxellois et présente des zones à très haute valeur écologique, haute valeur biologique et valeur biologique importante. L’étang Moyen est majoritairement de valeur biologique importante.

Pour le mouvement citoyen « Sauvegardons Neerpede », à l’heure où l’importance de la biodiversité, l’importance de protéger la nature et l’importance de développer des zones vertes dans les quartiers n’en ayant pas, ne sont plus à démontrer, il est inconcevable de proposer une activité qui drainera une foule trop importante pour la préservation d’un tel espace vert.

La présence de 225 baigneurs simultanément ainsi que de toutes les personnes qui s’accumuleront aux abords de l’étang (2000 personnes par jour) pour profiter d’une aire de repos, tout au long de la journée, apporteront immanquablement des nuisances au site tout entier.

D’autre part, la présence massive de personnes entraînera un changement radical en transformant cet endroit paisible où chacun.e peut venir se ressourcer au contact de la nature en un endroit bruyant et hyper actif.

Le Plan Régional de Développement Durable (PRDD) adopté en 2018, a pour ambition d’apporter les réponses adéquates aux défis et enjeux que connaît Bruxelles en tant que territoire urbain.

Autour de l’étang de baignade de Neerpede, les aires de repos se situent pour certaines dans une zone définie comme étant un « site semi-naturel à protéger et à revaloriser ».

En 2020 et 2021, une phase test a été menée sur quelques jours, quelques heures et uniquement sur réservation. Cette phase test a démontré qu’une jauge réduite de 15 personnes devait être respectée pour préserver la biodiversité. Aujourd’hui, il est effectivement interpellant de constater que la jauge a été multipliée par 17 et que la préservation de la biodiversité a perdu de son intérêt.

La commune d’Anderlecht possède une piscine intérieure au Céria, une piscine en plein air, à côté du canal, au niveau du pont Marchant («Flow», projet géré par Pool is Cool), ouverte depuis 2021 pendant les mois d’été et la future piscine aux Abattoirs de Cureghem, sur le toit du bâtiment Manufacture. Bruxelles-Ville a également un projet de piscine naturelle au quai Béco.

Le permis d’urbanisme et d’environnement pour le projet d’étang de baignade a été déposé en décembre 2022. En mars 2023, l’enquête publique a été lancée. Celle-ci s’est terminée en avril de la même année. Le 15 mai 2023, l’avis de la Commission de Concertation a été publié : pas d’avis commun. Abstention de Bruxelles Environnement (le porteur du projet), avis défavorable de la commune d’Anderlecht et avis favorable d’URBAN (section Monuments et Sites et Urbanisme) sous conditions.

A partir de l’avis, le dossier repasse aux mains de la Région. Bruxelles Environnement a 6 mois pour revoir sa copie et doit répondre à chaque condition émise dans l’avis. Dans certains cas, ce délai peut être prolongé. Le collectif citoyen « Sauvegardons Neerpede » craint que l’administration régionale de l’Urbanisme passe outre et n’accorde un permis malgré tout.

En un mot, l’ambition régionale vise à rassembler les différentes zones en un tout cohérent, sur les 40 hectares du futur Parc de Neerpede. S’opposer à cette première phase est donc crucial pour la préservation de l’ensemble du site sur le long terme.

Le collectif citoyen « Sauvegardons Neerpede » a été co-fondé par Madame Yannick Laurent en décembre 2021 suite à l’annonce de Monsieur Alain Maron de l’ouverture du premier étang de baignade à Neerpede en 2024, comme si c’était un fait accompli.

Sauvegardons Neerpede s’oppose à la transformation de ce site du maillage vert et bleu en une zone récréative nuisible à la faune, à la flore et à la quiétude ambiante.

Il dénonce le détournement du Plan Opérationnel de Neerpede, datant de septembre 2020, à des fins récréatives de masse par pure ambition mégalomane. Malgré les dires de certains acteurs impliqués dans l’élaboration du projet, aucune concertation citoyenne et surtout riveraine n’a été organisée.

Sauvegardons Neerpede a lancé une pétition en ligne et papier (actuellement plus de 7000 signatures). Le mouvement est présent sur les réseaux sociaux. Des affiches et des communiqués de presse ont été diffusés. Des rencontres avec les porteurs du projet et la commune ont été planifiées et le seront encore.

Vu que rien n’est décidé encore, de nouveaux arguments sont en cours de développement ainsi qu’une éventuelle action au Conseil d’État. Sauvegardons Neerpede continue le combat. Parce que tous les espaces verts de Bruxelles encore intacts tissent la trame de la survie sur le long terme de toutes les espèces dont nous faisons partie. La nature nous sauve et non le contraire. Ne sacrifions par l’étang Moyen, futur martyr écologique, à l’autel d’un récréatif consumériste ! Neerpede est un lieu à préserver de toute urgence, avant qu’il ne soit trop tard.

Afin d’être informés des suites du dossier, vous pouvez vous abonner à la page Facebook de Sauvegardons Neerpede. Vous y trouverez également les moyens mis à disposition pour soutenir le collectif.


Documentation & contact :


Pour signer la pétition :

https://www.change.org/p/a-la-région-bruxelloise-sauvegardons-neerpede


Les Francs-Maçons belges en appellent à la prise de mesures fortes et rapides pour le climat et la biodiversité !

Une opinion d’Alain Cornet, Grand-Maître du Grand Orient de Belgique, Daniel Menschaert, Grand-Maître de Fédération belge de l’ordre maçonnique mixte international du Droit-Humain, Léon Gengoux, Grand Maître de la Grande Loge de Belgique, Raymonda Verdyck, Grande-Maîtresse de la Grande Loge Féminine de Belgique et Jan Vanherck, Président de la Confédération de Loges Lithos

Contribution externe parue dans la Libre du 15 juillet 2023

Le mercredi 12 juillet, le Parlement européen a adopté un texte de “Règlement de restauration de la nature” visant à préserver un minimum d’environnement naturel existant et à en restaurer d’autres. La préservation de ces espaces naturels est indispensable pour lutter efficacement contre le réchauffement climatique et donc pour garantir la survie de l’humanité. Nous pourrions nous en réjouir mais il est inquiétant de constater que la portée du texte, adopté par l’Assemblée, a été fortement affaiblie par de nombreux amendements lesquels affectent tant son efficacité que sa mise en œuvre.

La Franc-maçonnerie n’a pas pour objet, ni pour but d’exprimer une opinion collective, mais, lorsque le respect des valeurs humaines est en péril, lorsqu’une vie digne pour tous les humains risque de ne plus être assurée, lorsque la qualité de vie des générations futures est profondément obérée, le silence n’est plus de mise.

Agir ici et maintenant

Les Francs-Maçons travaillent à la réalisation d’un développement moral, intellectuel et spirituel le meilleur pour tous. Ils sont conscients que cela n’est possible que dans le cadre d’une humanité fraternellement organisée entre les êtres humains d’une part et entre ceux-ci et la nature dans son ensemble d’autre part. Agir ici et maintenant pour atteindre cet objectif est essentiel pour la vie future sur notre planète.

Dès lors, nous estimons qu’il est de notre devoir de nous adresser à tous ceux qui ont des décisions à prendre en la matière, aux niveaux des États et de l’Europe, afin qu’ils agissent sans délai et prennent les mesures indispensables pour assurer aux générations futures une vie décente et cela sans aucune distinction et quel que soit le lieu où celles-ci vivront.

Notre conscience d’êtres humains est heurtée

Notre conscience d’êtres humains est heurtée par toute tergiversation quant à la mise en œuvre de politiques de sauvegarde de la nature qui pourrait mettre en cause la survie de l’humanité. C’est pourquoi, à la suite du débat qui a eu lieu au Parlement européen, nous joignons notre voix à celles de tous ceux qui pensent que les enfants d’aujourd’hui et de demain sont notre véritable priorité. Ensemble, avec les citoyens du futur nous faisons partie de ce que le philosophe François Ost appelle une communauté temporelle. Nous estimons également que nous sommes tout aussi responsables à l’égard des autres espèces naturelles. Pas uniquement que notre propre survie en dépend. La science nous rappelle que nous partageons avec toute la matière de l’univers une histoire commune. Tout ce qui vit participe au mécanisme de régulation des écosystèmes.

Relever un défi existentiel pour l’humanité

Le monde scientifique s’accorde également pour affirmer qu’il faut prendre d’urgence des mesures drastiques pour enrayer le réchauffement climatique et aussi la destruction de la biodiversité. Seul un équilibre harmonieux entre l’Homme et son environnement pourra assurer la survie de l’humanité.

Nous restons persuadés qu’une large majorité des députés européens et de membres des gouvernements nationaux sont conscients que ces mesures sont indispensables, sauf à condamner des pans entiers de la société à tenter de survivre dans des environnements dévastés.

Le monde traverse de nombreuses crises – dont certaines sont précisément induites par la crise climatique – mais elles ne peuvent pas être un obstacle aux actions à mener pour relever le défi existentiel que l’humanité s’est lancée à elle-même.

Le Progrès ne doit plus être responsable d’une perte de sensibilité

Nous sommes conscients que les décisions sont difficiles à prendre, elles remettent inévitablement en question nos modes de vie, nos modes de production et de consommation, voire, des éléments importants de notre système économique. Les citoyens ne l’accepteront que s’ils constatent que leurs représentants leur proposent en même temps une alternative globale et positive, un projet de société reposant sur des principes de fraternité et d’égalité, où la nature serait considérée autrement que comme une ressource inépuisable. Une société où la définition du Progrès ne serait plus responsable d’une perte de sensibilité à l’égard des autres formes de vie car la crise écologique est également une crise de la sensibilité et une crise du sens des responsabilités individuelles et collectives. D’ailleurs, un tel projet de société pourrait être largement débattu dans la société elle-même, les citoyens devenant ainsi coresponsables des décisions à prendre. La démocratie n’en sortira que renforcée et grandie.


Cercles vicieux écologiques :

Pourquoi l’effondrement des écosystèmes peut se produire beaucoup plus tôt que prévu

John Dearing, Gregory Cooper et Simon Willcock, The Conversation

Source : Phys.org Traduction Deepl – Josette

Partout dans le monde, les forêts tropicales humides se transforment en savane ou en terres agricoles, la savane s’assèche et se transforme en désert, et la toundra glacée fond. En effet, des études scientifiques ont désormais enregistré des « changements de régime » de ce type dans plus de 20 types d’écosystèmes différents, où des points de basculement ont été franchis. Dans le monde entier, plus de 20 % des écosystèmes risquent de changer de régime ou de s’effondrer.

Ces effondrements pourraient se produire plus tôt qu’on ne le pense. L’homme soumet déjà les écosystèmes à de nombreuses pressions, que nous appelons « stress ». Si l’on ajoute à ces pressions une augmentation des phénomènes météorologiques extrêmes liés au climat, la date à laquelle ces points de basculement sont franchis pourrait être avancée de 80 %.


Cela signifie qu’un effondrement de l’écosystème que nous aurions pu espérer éviter jusqu’à la fin de ce siècle pourrait se produire dès les prochaines décennies. Telle est la sombre conclusion de nos dernières recherches, publiées dans Nature Sustainability.


La croissance de la population humaine, l’augmentation de la demande économique et les concentrations de gaz à effet de serre exercent des pressions sur les écosystèmes et les paysages pour qu’ils fournissent de la nourriture et maintiennent des services essentiels tels que l’eau propre. Le nombre d’événements climatiques extrêmes augmente également et ne fera qu’empirer.


Ce qui nous inquiète vraiment, c’est que les extrêmes climatiques pourraient frapper des écosystèmes déjà stressés, qui à leur tour transmettraient des stress nouveaux ou accrus à un autre écosystème, et ainsi de suite. Cela signifie qu’un écosystème qui s’effondre pourrait avoir un effet d’entraînement sur les écosystèmes voisins par le biais de boucles de rétroaction successives : un scénario de « cercle vicieux écologique » aux conséquences catastrophiques.


Combien de temps avant l’effondrement ?


Dans notre nouvelle recherche, nous voulions avoir une idée du niveau de stress que les écosystèmes peuvent supporter avant de s’effondrer. Pour ce faire, nous avons utilisé des modèles, c’est-à-dire des programmes informatiques qui simulent le fonctionnement futur d’un écosystème et sa réaction aux changements de circonstances.


Nous avons utilisé deux modèles écologiques généraux représentant les forêts et la qualité de l’eau des lacs, ainsi que deux modèles spécifiques à l’emplacement représentant la pêche dans le lagon de Chilika, dans l’État indien d’Odisha, et l’île de Pâques (Rapa Nui), dans l’océan Pacifique. Ces deux derniers modèles incluent explicitement les interactions entre les activités humaines et l’environnement naturel.


La principale caractéristique de chaque modèle est la présence de mécanismes de rétroaction, qui contribuent à maintenir l’équilibre et la stabilité du système lorsque les pressions sont suffisamment faibles pour être absorbées. Par exemple, les pêcheurs du lac Chilika ont tendance à préférer capturer des poissons adultes lorsque le stock de poissons est abondant. Tant qu’il reste suffisamment d’adultes pour se reproduire, la situation est stable.

Cependant, lorsque les pressions ne peuvent plus être absorbées, l’écosystème franchit brusquement un point de non-retour – le point de basculement – et s’effondre. À Chilika, cela peut se produire lorsque les pêcheurs augmentent les prises de poissons juvéniles en période de pénurie, ce qui compromet encore davantage le renouvellement des réserves de poissons.


Nous avons utilisé le logiciel pour modéliser plus de 70 000 simulations différentes. Dans les quatre modèles, les combinaisons de stress et d’événements extrêmes ont avancé la date du point de basculement prévu de 30 à 80 %.
Cela signifie qu’un écosystème dont l’effondrement est prévu dans les années 2090 en raison de l’augmentation progressive d’une seule source de stress, telle que les températures mondiales, pourrait, dans le pire des cas, s’effondrer dans les années 2030 si l’on tient compte d’autres facteurs tels que les précipitations extrêmes, la pollution ou une augmentation soudaine de l’utilisation des ressources naturelles.


Il est important de noter qu’environ 15 % des effondrements d’écosystèmes dans nos simulations se sont produits à la suite de nouveaux stress ou d’événements extrêmes, alors que le stress principal est resté constant. En d’autres termes, même si nous pensons gérer les écosystèmes de manière durable en maintenant constants les principaux niveaux de stress – par exemple, en régulant les captures de poissons – nous ferions mieux de garder un œil sur les nouveaux stress et les événements extrêmes.

Il n’y a pas de sauvetage écologique


Des études antérieures ont suggéré que les coûts importants liés au dépassement des points de basculement dans les grands écosystèmes se feront sentir à partir de la seconde moitié de ce siècle. Mais nos résultats suggèrent que ces coûts pourraient survenir bien plus tôt.


Nous avons constaté que la vitesse à laquelle le stress est appliqué est essentielle pour comprendre l’effondrement d’un système, ce qui est probablement pertinent pour les systèmes non écologiques également. En effet, la vitesse accrue de la couverture médiatique et des processus bancaires mobiles a récemment été invoquée pour augmenter le risque d’effondrement des banques. Comme l’a fait remarquer la journaliste Gillian Tett :


« L’effondrement de la Silicon Valley Bank a fourni une leçon terrifiante sur la manière dont l’innovation technologique peut changer la finance de manière inattendue (dans ce cas-ci, en intensifiant le regroupement numérique). Les récents krachs éclairs en offrent une autre. Toutefois, il s’agit probablement d’un petit avant-goût de l’avenir des boucles de rétroaction virales.


Mais la comparaison entre les systèmes écologiques et économiques s’arrête là. Les banques peuvent être sauvées tant que les gouvernements fournissent un capital financier suffisant dans le cadre de renflouements. En revanche, aucun gouvernement ne peut fournir le capital naturel immédiat nécessaire pour restaurer un écosystème effondré.


Il n’existe aucun moyen de restaurer des écosystèmes effondrés dans un délai raisonnable. Il n’y a pas de sauvetage écologique. Dans le jargon financier, nous devrons simplement encaisser le coup.



Pesticides et invertébrés du sol : Une évaluation des risques

Ci-dessous l’une des plus exhaustive étude sur les pesticides et micro-organismes invertébrés des sols, publiée par Frontiers in Environmental Science, évoquée récemment par Sébastien Lauwers, que je viens de traduire, et vous engage à lire jusqu’au bout. Édifiant, comme d’hab…

JM Poggi – Facebook – groupe Transition 2030 – 4 octobre 2021

Article original en Anglais : https://obsant.eu/veille/?iti=11009

Les sols sont sans doute les écosystèmes les plus complexes et les plus riches en biodiversité sur terre, contenant près d’un quart de la diversité de la planète (Ram, 2019).

Une poignée de terre contient environ de 10 à 100 millions d’organismes appartenant à plus de 5.000 taxons [espèces et/ou familles spécifiques] (Ramirez et al., 2015), dont seul un petit pourcentage a été décrit (Adams et Wall, 2000).

Une communauté fonctionnelle typique de micro-organismes du sol comprend des centaines à des milliers d’espèces de macroinvertébrés et nématodes, ainsi qu’une vaste abondance de micro-organismes, dont des centaines d’espèces fongiques et des milliers d’espèces bactériennes (Bardgett et van der Putten, 2014 ; Ram, 2019 ; Singh et al., 2019).

Les invertébrés du sol rendent une variété de services écosystémiques différents, essentiels à la durabilité de l’agriculture. La biodiversité du sol permet des fonctions écosystémiques auto-perpétuées qui alimentent des processus spécialisés tels que le maintien de la structure du sol, le cycle des nutriments, les transformations du carbone et la régulation des parasites et des maladies (Balvanera et al., 2006 ; Perrings et al., 2006 ; Kibblewhite et al., 2008 ; Chagnon et al., 2015). L’activité de fouissement des organismes du sol modifie la porosité du sol en augmentant l’aération, l’infiltration et la rétention d’eau, et en réduisant le compactage (Pisa et al., 2015 ; Ram, 2019).

Les vers de terre peuvent à eux seuls construire jusqu’à 8.900 km de canaux par hectare, diminuant l’érosion du sol de 50% via l’augmentation de la porosité du sol et de l’infiltration de l’eau (Blouin et al., 2013 ; Gaupp-Berghausen et al., 2015).

Les nutriments voyagent à travers les multiples couches du sol par le biais de butineuses, de tunneliers et d’insectes nichant au sol, notamment les coléoptères, les abeilles nichant au sol, les fourmis et les termites (Stork et Eggleton, 1992 ; Willis Chan et al, 2019), et les détritivores comme les nématodes, les collemboles, les vers de terre, les mille-pattes et les cloportes, transforment les matières en décomposition et les minéraux en formes utilisables, organisent le cycle des nutriments et augmentent la fertilité du sol (Stork et Eggleton, 1992 ; Kibblewhite et al., 2008 ; Ram, 2019).

Par exemple, les nématodes et les acariens permettent la minéralisation de l’azote en se nourrissant des racines fongiques et en stimulant et régulant l’activité microbienne (Stork et Eggleton, 1992). Les invertébrés morts se décomposent et ajoutent de l’azote au sol (Stork et Eggleton, 1992). Les invertébrés du sol forment également jusqu’à la moitié de tous les agrégats du sol en décomposant la litière et en libérant des plâtres et des fèces riches en éléments organiques (Stork et Eggleton, 1992).

La formation de ces grands agrégats du sol permet une plus grande séquestration du carbone du sol, et ces ingénieurs de l’écosystème jouent donc un rôle dans la compensation des émissions de combustibles fossiles et la lutte contre le changement climatique (Lal, 2004a, b ; Lavelle et al., 2006 ; Dirzo et al., 2014).

De nombreux invertébrés du sol jouent également un rôle dans la lutte contre les ravageurs agricoles. Les nématodes et les acariens sont utilisés pour cibler les bactéries liées aux maladies dans les cultures (Stork et Eggleton, 1992 ; Kibblewhite et al., 2008 ; Ram, 2019).

Les prédateurs et les parasitoïdes, tels que les coléoptères et les guêpes parasites, s’attaquent aux arthropodes qui nuisent à la production agricole (Stork et Eggleton, 1992 ; Gill et al., 2016), et les insectes herbivores du sol peuvent manger les graines des plantes indésirables de manière sélective par rapport aux graines des cultures, réduisant ainsi la propagation des mauvaises herbes agressives (Honek et al., 2003).

L’augmentation de la conversion des terres et l’intensification de l’agriculture accélèrent la perte de la biodiversité du sol et, par conséquent, ont contribué à la réduction d’environ 60% des services écosystémiques du sol (Díaz et al., 2006 ; Veresoglou et al., 2015 ; Singh et al., 2019).

De nombreux insectes qui dépendent du sol pour certaines parties de leur cycle de vie, comme les carabes et les abeilles nichant au sol, ainsi que les insectes et acariens terrestres en Amérique du Nord, ont fortement diminué au cours des dernières décennies (Forister et al., 2019 ; Sánchez-Bayo et Wyckhuys, 2019 ; van Klink et al., 2020 ; Sullivan et Ozman-Sullivan, 2021).

La perte d’habitat due à l’intensification de l’agriculture et à la pollution, principalement en conséquence des pesticides et des engrais agricoles de synthèse, est considérée comme le principal facteur déterminant du déclin récent des insectes et constitue une menace croissante (Hallmann et al., 2017 ; Forister et al., 2019 ; Seibold et al., 2019 ; Sánchez-Bayo et Wyckhuys, 2019 ; Miličić et al., 2020).

Dans une enquête menée en 2019 auprès des pays membres de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la surutilisation des mécanismes de contrôle chimique (par exemple, les pesticides, les antibiotiques, etc.) a été identifiée comme la pratique la plus impactante à l’origine de la perte de biodiversité du sol au cours des dix dernières années (FAO, 2020).

De 1992 à 2014, DiBartolomeis et al. ont constaté que l’utilisation accrue d’insecticides néonicotinoïdes et la persistance de ces insecticides dans l’environnement ont entraîné une augmentation, respectivement, de 48 et 4 fois de la charge de toxicité orale et de contact, pour les insectes dans les environnements agricoles en utilisant l’abeille européenne Apis mellifera L. comme espèce de substitution (DiBartolomeis et al., 2019).

L’étude s’est concentrée sur les abeilles domestiques car elles sont l’insecte non ciblé le plus étudié au sein des agroécosystèmes des États-Unis ; en fait, elles sont le seul invertébré terrestre pour lequel l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis (EPA) exige des tests lors de l’enregistrement des pesticides (Legal Information Institute, 2020). Cependant, les résultats de cette étude indiquent également une menace croissante pour l’ensemble des invertébrés du sol.

Les insecticides néonicotinoïdes ont représenté 92% de l’augmentation de la charge toxique pour les invertébrés (DiBartolomeis et al., 2019), et 60% de l’utilisation des néonicotinoïdes se fait par le biais de traitements de semences et d’applications au sol en 2011 (Jeschke et al., 2011).

On estime que les traitements de semences aux néonicotinoïdes sont utilisés dans plus de la moitié des surfaces de soja et dans quasi tout le maïs non biologique cultivé aux États-Unis (Douglas et Tooker, 2015 ; Mourtzinis et al., 2019). Étant donné que 80% ou plus des ingrédients actifs des traitements de semences aux néonicotinoïdes restent dans le sol (Sur et Stork, 2003 ; Alford et Krupke, 2017), les organismes du sol dans ces systèmes sont susceptibles d’être exposés à des doses élevées de ces insecticides.

Par ailleurs, l’utilisation à grande échelle de fongicides appliqués sur les semences présente un autre risque, car quasi tout le maïs des États-Unis est également traité avec des fongicides appliqués sur les semences (Lamichhane et al., 2019).

Outre les pesticides actuellement sur le marché, plusieurs nouvelles matières actives de pesticides appliqués sur les semences et sur les terres sont en cours d’homologation aux États-Unis, comme le fongicide pyrazolecarboxamide inpyrfluxam (U.S. EPA, 2020a), l’insecticide diamide tétraniliprole (U.S. EPA, 2020d) et le nouvel insecticide broflanilide (U.S. EPA, 2020c).

La tendance à une utilisation plus large des pesticides – à la fois individuellement et en combinaison avec d’autres ingrédients actifs – va probablement continuer à se développer. Si les organismes du sol sont particulièrement menacés par l’exposition via les applications directes sur les sols, ils peuvent également être exposés aux pesticides par d’autres voies, comme la dispersion des pulvérisations foliaires (Sánchez-Bayo, 2011), l’inclusion de pesticides dans l’eau d’irrigation (Sánchez-Bayo, 2011) ou l’absorption de pesticides dans les tissus végétaux qui finissent par retourner dans le sol par la sénescence des résidus de culture (Doublet et al., 2009).

Comme cette menace pour les organismes du sol augmente, il est important de s’efforcer d’avoir une compréhension plus complète des impacts de tous les pesticides sur les invertébrés du sol.

Le mot « pesticide » est un terme générique utilisé pour décrire un agent qui cible un ravageur – dans l’agriculture végétale, un ravageur est défini comme un organisme qui cause des dommages aux cultures par des dommages directs ou par la compétition pour les nutriments et l’eau – et comprend les insecticides, herbicides, fongicides et bactéricides, entre autres.

La plupart des articles de synthèse évaluant les impacts des pesticides sur les organismes du sol se sont concentrés sur les risques environnementaux de classes spécifiques de pesticides (Biondi et al., 2012 ; Pisa et al., 2015 ; Douglas et Tooker, 2016 ; Wood et Goulson, 2017), concernant des taxons spécifiques (da Silva Souza et al, 2014 ; Pelosi et al., 2014 ; Römbke et al., 2017), ou n’ont analysé que des données de laboratoire (Frampton et al., 2006), ou de terrain (Jänsch et al., 2006), ce qui complique la possibilité d’avoir une vision globale de la situation et des dangers, qui pourrait servir de guide à une politique générale en matière de pesticides.

À notre connaissance, il n’y a eu qu’une étude offrant un aperçu relativement complet des effets des pesticides sur une grande variété d’organismes du sol (Puglisi, 2012), qui s’est concentrée sur les micro-organismes du sol, en particulier bactéries et champignons.

Ici, notre objectif a été d’offrir un aperçu des effets d’un large type de pesticides sur les invertébrés du sol.

Compte tenu de la portée d’une telle étude, une attention particulière a été également accordée aux effets spécifiques parmi les différentes classes de pesticides, taxons et paramètres, ainsi qu’aux lacunes dans les données qui devraient être comblées.

Compte tenu des services écosystémiques clés rendus par les invertébrés du sol et de l’augmentation de l’utilisation de pesticides appliqués sur les semences et les sols, l’un de nos objectifs a été d’offrir un aperçu globalisant du danger global que représentent les pesticides pour les invertébrés du sol afin de déterminer s’il convient de les inclure dans l’évaluation réglementaire des risques écotoxicologiques pour garantir une estimation adéquate des dommages environnementaux. […]

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2021-05-04 Pesticides et invertébrés des terres : Une évaluation des risques, Tari Gunstone1, Tara Cornelisse1, Kendra Klein2, Aditi Dubey3 et Nathan Donley1, Frontiers in Environmental Science

1 Center for Biological Diversity, Portland, OR, États-Unis ; 2 Friends of the Earth US, Berkeley, CA, États-Unis ; 3 Département d’entomologie, Université du Maryland, College Park, College Park, MD, États-Unis.

Présentation

L’utilisation de pesticides agricoles et les dommages environnementaux qui y sont associés sont très répandus dans la majeure partie du monde. Les efforts visant à atténuer ces dommages ont été largement axés sur la réduction de la contamination de l’eau et de l’air par les pesticides, car le ruissellement et la dispersion dans l’air des pesticides sont les sources les plus importantes de diffusion des pesticides hors site.

Reste que la contamination du sol par les pesticides peut également avoir des conséquences néfastes sur l’environnement de manière plus générale.

Les pesticides sont souvent appliqués directement sur les terres sous forme de liquides et de granulés, mais aussi sous forme d’enrobages de semences, d’où l’importance de comprendre l’impact des pesticides sur les écosystèmes des terres.

Les sols contiennent une abondance d’organismes biologiquement diversifiés qui remplissent de nombreuses fonctions importantes, définissent le cycle des nutriments, le maintien de la structure du sol, la transformation du carbone et la régulation des parasites et des maladies.

De nombreux invertébrés terrestres ont décliné au cours des dernières décennies. La perte d’habitat et la pollution agrochimique due à l’intensification de l’agriculture ont été identifiées comme des facteurs majeurs.

Nous avons effectué ici une méta-analyse basée sur près de 400 études sur les effets des pesticides sur les micro-organismes invertébrés non ciblés, y compris en développement : œufs, larves ou espèces immatures dans le sol.

Cette étude englobe 275 espèces ou familles spécifiques de micro-organismes invertébrés du sol [nommés dans la suite de l’étude « taxons »] et 284 ingrédients actifs de pesticides différents et/ou combinaisons spécifiques d’ingrédients actifs.

Nous avons identifié et extrait les données pertinentes relatives aux paramètres suivants : mortalité, abondance, biomasse, comportement, reproduction, biomarqueurs biochimiques, croissance, richesse et diversité, et changements structurels. Il en est résulté une analyse de plus de 2.800 « paramètres testés » distincts, mesurés en tant que changement d’un paramètre spécifique suite à l’exposition d’un organisme spécifique à un pesticide spécifique. […]

En outre, nous discutons des tendances générales des effets parmi les classes de pesticides, taxons et paramètres. […] Notre examen indique que les pesticides de tous types présentent un danger évident pour les invertébrés du sol.

Les effets négatifs sont évidents dans les études de laboratoire et de terrain, pour toutes les classes de pesticides étudiées, et pour une grande variété d’organismes du sol et de paramètres.

La prévalence des effets négatifs dans nos résultats souligne la nécessité de prendre en compte les organismes du sol dans toute analyse de risque d’un pesticide susceptible de contaminer le sol, et d’atténuer tout risque significatif de manière à réduire spécifiquement les dommages causés aux organismes du sol et aux nombreux services écosystémiques importants qu’ils fournissent.

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Discussion

En examinant 394 études sur l’impact des pesticides sur les invertébrés du sol, nous avons constaté que les effets négatifs dominaient, avec 70,5% des 2.842 paramètres totaux testés entre les études de laboratoire et de terrain identifiant un impact négatif sur les organismes du sol en raison de l’exposition aux pesticides.

L’ensemble des autres classes de pesticides les plus étudiées (au nombre de 12, figure 2), autres que les herbicides synthétiques auxiniques, ont eu un effet négatif sur plus de 50% des paramètres testés qui ont été analysés.

Ces résultats indiquent qu’une grande variété d’invertébrés vivant dans le sol sont sensibles à tous les types de pesticides et confirment la nécessité pour les organismes de réglementation des pesticides de tenir compte des risques que ces derniers représentent pour les invertébrés et les écosystèmes du sol.

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Impacts par type de pesticide

Les insecticides étaient de loin le type de pesticide le plus étudié et, sans surprise, puisqu’ils sont conçus pour cibler les invertébrés, ils ont eu le plus grand impact négatif sur les invertébrés du sol de tous les types de pesticides analysés.

Nous avons constaté que les insecticides avaient systématiquement un effet négatif sur environ 60 à 85% de tous les paramètres testés parmi les taxons étudiés (tableau 1).

Les bourdons (Bombus spp.) et les taxons mixtes du sol constituaient les exceptions notables, mais ils étaient tout de même affectés négativement par les insecticides dans 54,2% et 40,9% des cas, respectivement.

Les herbicides et les fongicides, cependant, variaient considérablement en fonction du produit chimique, du taxon et de l’effet étudié, entraînant des effets négatifs sur 5% à 100% des paramètres testés dans les études examinées.

Une partie de cette variabilité est probablement due au fait que les études sur les impacts des herbicides et des fongicides sont moins nombreuses que celles effectuées sur les insecticides et que, par conséquent, très peu de paramètres ont été testés pour certains taxons (tableau 1).

Ces résultats indiquent qu’en général, les invertébrés du sol réagissent avec une plus grande variabilité dans leur sensibilité aux fongicides et aux herbicides qu’aux insecticides.

Les études répondant à nos critères de recherche se sont révélées être insuffisamment nombreuses pour permettre de dégager des tendances claires concernant l’impact des bactéricides sur les invertébrés du sol, probablement parce que nous n’avons pas inclus les recherches sur les micro-organismes comme les bactéries ou les champignons.

Les pourcentages d’effets négatifs des mélanges de pesticides varient entre 33,3% et 100%, la plupart ayant un impact négatif pour 40 à 60% des paramètres testés pour tous les taxons.

Nous avons constaté que les effets positifs étaient rares (1,4% dans l’ensemble) mais qu’ils se produisaient le plus souvent dans des études de terrain insistant sur l’application d’insecticides plus que d’autres types de pesticides. Ainsi un effet positif indique un avantage pour un organisme du sol qui se fait au détriment d’autres taxons du sol ou du fonctionnement de l’écosystème du sol. Par exemple, l’abondance de certains taxons du sol pourrait augmenter si un pesticide réduit les concurrents ou prédateurs, soit par mortalité, soit par émigration du secteur.

En conséquence, si certains effets ont été désignés comme « positifs » pour une espèce ou un taxon dans cette analyse, cela n’indique pas, ni n’est probable, que les pesticides ont eu un effet positif sur l’écosystème dans son ensemble.

Nos critères de recherche n’ont permis d’identifier que trois études qui ont testé la sensibilité des invertébrés du sol aux fumigants du sol couramment utilisés, notamment le 1,3-D, le dazomet, la chloropicrine et le métam-sodium. La plupart des études que nous avons trouvées sur les fumigants étudiaient la sensibilité d’organismes microbiens/fongiques ou d’organismes nuisibles cibles tels que les nématodes parasites des plantes et n’entraient pas dans le cadre de cet examen. Sur les neuf paramètres testés impliquant des fumigants, sept ont entraîné des effets négatifs sur les invertébrés du sol non ciblés. Le manque d’études disponibles sur les effets néfastes des fumigants appliqués au sol sur les invertébrés non ciblés indique qu’il s’agit d’un domaine qui nécessite davantage de recherches.

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Mélanges ou ingrédients actifs individuels

Peu d’études mesurent les effets des mélanges de pesticides par rapport aux ingrédients actifs individuels, bien que la recherche montre que les mélanges de résidus de pesticides dans le sol sont la règle plutôt que l’exception (Silva et al., 2019).

Quasi tout le maïs cultivé aux États-Unis est traité avec plusieurs pesticides (Douglas et Tooker, 2015 ; Lamichhane et al., 2019) et les mélanges de pesticides ont le potentiel d’augmenter la toxicité en raison d’interactions chimiques (Sgolastra et al., 2016).

Nous avons inclus des études sur les mélanges de pesticides dans notre analyse, qui, étonnamment, présentaient moins d’effets négatifs globaux que des pesticides uniques. Cela s’explique probablement par le fait que les études sur les mélanges ont été réalisées en grande majorité sur le terrain ou en milieu semi-naturel plutôt qu’en laboratoire. Cependant, parmi les études réalisées uniquement sur le terrain/semi-naturel, les mélanges de pesticides avaient dans nombre de cas un pourcentage d’effets négatifs plus élevé que toutes les classes de pesticides, à l’exception des insecticides (figure 1).

D’autres variables pourraient également contribuer au pourcentage d’effets négatifs globalement plus faible des mélanges. Par exemple, les études de mélanges sont souvent réalisées avec des concentrations de composants individuels dont on sait qu’ils ne produisent pas d’effet individuellement, afin de maximiser la capacité à identifier les effets interactifs (Kortenkamp, 2007). En outre, les résultats des expériences de mélange varient considérablement en fonction du type de pesticide analysé (voir la section Résultats).

Par conséquent, nous mettons en garde contre la comparaison du pourcentage d’effets négatifs pour les études de mélange avec ceux des types de pesticides individuels dans cette analyse.

En fin de compte, si l’on considère que l’exposition environnementale à des combinaisons de pesticides est la règle et non l’exception, le déficit de recherches sur les combinaisons de pesticides est une lacune importante dans la littérature scientifique qui, nous l’espérons, recevra une attention particulière à l’avenir.

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Études en laboratoire et sur le terrain

Dans l’ensemble, nous avons trouvé moins d’impacts négatifs des pesticides dans les études sur le terrain que dans les études en laboratoire.

L’une des raisons probables de ce résultat est que les concentrations de pesticides utilisées dans les études en laboratoire étaient généralement plus élevées, alors que les études sur le terrain appliquaient souvent des concentrations égales ou inférieures au taux d’utilisation recommandé.

Les concentrations plus élevées de pesticides sont plus souvent associées à des effets négatifs sur les organismes du sol (Puglisi, 2012). Par exemple, une étude sur les effets du pyriméthanil sur les Enchytraeids menée à travers deux laboratoires au Portugal et en Allemagne a trouvé des résultats contrastés en fonction de la concentration de pesticide testée (Bandow et al., 2016). En raison de la portée de cette revue, nous n’avons pas identifié les concentrations censées être rencontrées dans l’environnement pour chaque pesticide utilisé dans chaque étude.

Étant donné que les taux d’utilisation des pesticides et les méthodes d’application approuvées peuvent différer d’un pays à l’autre et d’une région à l’autre dans un même pays, une concentration de pesticide « pertinente sur le terrain » dans une région peut être sur- ou sous-représentative de celle attendue dans une autre région. Par conséquent, cette étude tient compte de la grande variété de concentrations d’exposition trouvées dans la littérature et se concentre sur l’identification des dangers, pas nécessairement des risques.

En outre, les variables environnementales non contrôlées et confondantes pourraient fournir une certaine capacité tampon pour les effets des pesticides dans les études sur le terrain et en condition semi-naturelle. Les conditions climatiques et les diverses variations saisonnières ou annuelles du milieu agricole en dehors de l’application des pesticides, comme les changements de système de culture ou l’irrigation, rendent difficile une évaluation exhaustive des effets des pesticides dans le cadre d’essais à court terme (Ewald et al., 2015 ; Pelosi et al., 2015).

Par exemple, l’imidaclopride appliqué sur du gazon en plaques sans irrigation a eu un impact significatif sur l’effet du pesticide sur les bourdons en quête de nourriture, alors que l’imidaclopride appliqué avec irrigation n’a pas eu d’impact (Gels et al., 2002).

Des différences significatives dans la structure de la communauté microbienne du sol ont été observées lorsque le pyriméthanil a été appliqué lors de fortes pluies par rapport à des conditions de sécheresse (Ng et al., 2014), et l’humidité a augmenté la sensibilité des collemboles à la lambda-cyhalothrine (Bandow et al., 2014).

Des substrats différents peuvent également déterminer la variation de la réponse des organismes au traitement pesticide (Velki et Ečimović, 2015), illustrée par les effets du phenmedipham sur la reproduction des Enchytraeid qui variaient fortement entre 18 sols différents testés (Amorim et al., 2005a). Alors que les études en laboratoire utilisent souvent un sol artificiel ou « naturel standardisé », les environnements de sols agricoles varient considérablement en termes de facteurs tels que la matière organique, la capacité de rétention d’eau et le pH (Amorim et al., 2005b)

En outre, les tests d’écotoxicologie en laboratoire peuvent utiliser du papier filtre de contact au lieu de sols, dans les quels les organismes du sol montrent généralement une sensibilité beaucoup plus élevée aux pesticides. Par exemple, la CL50 des vers de terre traités à la cyperméthrine dans du sol artificiels était de 9,83 mg/kg alors qu’elle était de 0,30 mg/kg sur du papier filtre de contact, qui n’est utilisé que pour les tests en laboratoire (Saxena et al., 2014).

Malgré l’avantage majeur des études sur le terrain qui sont menées dans des conditions plus réalistes que les études en laboratoire, il existe certains inconvénients à s’y fier exclusivement.

Comme la logistique complexe et la nature coûteuse des expériences sur le terrain peuvent conduire à des tailles d’échantillon plus faibles et à des situations moins aisément reproductibles, elles conduisent souvent à ne pas faire preuve d’une puissance statistique élevée. Cela peut conduire à des résultats statistiques très variables d’une étude à l’autre, même lorsque les effets globaux sont plus ou moins cohérents, ce qui amène les chercheurs à opter pour des interprétations mesurées (« conservatrices ») des résultats non significatifs dans les études de terrain à faible échelle (Douglas et Tooker, 2016).

Certains paramètres – comme la reproduction ou la croissance individuelle – ou des organismes plus petits ou moins abondants peuvent être difficiles à étudier sur le terrain. De plus, étant donné que les pesticides sont généralement approuvés pour une utilisation dans différentes régions dont les pratiques agricoles, la géographie, les précipitations, la température, la qualité de l’air, la contamination de fond du sol, la teneur en minéraux du sol, le pH et la matière organique sont très variables, les études de terrain réalisées dans une région peuvent ne pas être représentatives des effets dans une autre région.

Or la majorité des études de terrain que nous avons trouvées ont eu lieu en Europe et aux États-Unis, tandis que très peu d’études de terrain ont été menées dans d’autres pays et continents.

Les données provenant de ces régions tempérées pourraient surestimer ou au contraire sous-estimer le risque des pesticides pour les organismes du sol dans d’autres régions du monde, voire dans des sous-régions des pays étudiés.

Il peut être utile de contrôler en laboratoire un grand nombre de variables fluctuantes que l’on trouve dans les essais sur le terrain, et les deux types d’études doivent être considérés comme utiles pour identifier les dommages potentiels qui pourraient résulter de l’utilisation de pesticides dans ou près du sol.

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Critères d’évaluation

La catégorie des paramètres les plus sujets à effets sont les changements structurels, suivie de près par les biomarqueurs biochimiques, puis la reproduction, la mortalité, le comportement, la croissance, la richesse et la diversité, l’abondance et, enfin, la biomasse (tableau 2).

Tous les effets observables dans les micro-organismes sont précédés d’événements subcellulaires qui peuvent être mesurés par des tests de biomarqueurs biochimiques, mais tous les événements subcellulaires ne conduiront pas nécessairement à ces conséquences plus importantes. Par conséquent, on s’attendait à ce que le pourcentage d’effets négatifs des paramètres testés diminue progressivement, passant des effets biochimiques aux effets sublétaux, puis aux effets létaux et enfin aux changements plus importants (comme la perte de richesse et de diversité).

Ainsi, si la mortalité est largement étudiée, elle est souvent le paramètre le moins directement significatif ; par exemple, les tests de mortalité aiguë n’ont pas fourni les estimations de risque les plus sensibles pour les vers de terre dans 95% des cas (Frampton et al., 2006).

Au contraire, lorsqu’un organisme est engagé dans un processus de détoxification des polluants afin d’assurer sa survie, les fonctions normales telles que la reproduction, la croissance et les comportements d’alimentation ou de fouissement sont susceptibles de souffrir (Pelosi et al., 2014).

Par exemple, des vers de terre exposés à des fongicides à base de cuivre sont entrés en quiescence – une période pendant laquelle le développement est suspendu – afin de résister à la contamination, ce qui a entraîné une réduction significative de la biomasse (Bart et al., 2017).

La plupart des paramètres étudiés pour les organismes du sol ont fourni une indication claire de la nocivité, tandis que d’autres, comme le comportement d’évitement, nous informent de la réponse d’un organisme qui pourrait indiquer d’autres effets négatifs soit pour l’organisme, soit pour l’écosystème (Niemeyer et al., 2018).

Comportement clé dans les tests, les stratégies d’évitement des micro-organismes ont prouvé une forte réactivité et un seuil de sensibilité plus faible que les autres paramètres et ont été suggéré pour détecter la contamination du sol (Loureiro et al., 2005 ; Natal-da-Luz et al., 2008 ; Novais et al., 2010).

L’évitement représente 35% des paramètres de réaction dans notre analyse, et l’exposition aux pesticides a conduit à une augmentation des stratégies d’évitement dans 77% des 135 paramètres testés.

L’observation de l’évitement peut expliquer une réduction de l’abondance ou de la richesse des espèces dans un secteur donné.

En revanche, pour les taxons qui ne peuvent éviter les sols traités aux pesticides, les réductions d’abondance peuvent résulter d’une mortalité plus élevée.

Il peut également y avoir des faux négatifs dans les tests d’évitement ; par exemple, le diméthoate n’a pas provoqué de comportement d’évitement chez Folsomia candida, mais a provoqué un stress et/ou une paralysie qui a empêché tout mouvement (Pereira et al., 2013).

Par ailleurs, certains taxons comme les annélides et les isopodes possèdent des récepteurs chimiques qui leur permettent de détecter les pesticides et donc d’y répondre plus facilement que d’autres taxons (Loureiro et al., 2005 ; Amorim et al., 2008 ; Marques et al., 2009).

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Effets indirects

La recherche en toxicologie du sol a tendance à se concentrer sur les impacts de l’exposition directe et ignore largement les effets indirects sur les écosystèmes lorsque les organismes du sol sont touchés. Ainsi, notre étude n’a pu prendre en compte que les dommages directs et mesurés aux organismes du sol et ne tient pas compte des dommages supplémentaires causés aux écosystèmes par les effets indirects.

Par exemple, les herbicides ont eu un effet négatif plus important sur la dynamique des populations de petits arthropodes en modifiant la complexité structurelle, la composition et la nutrition de la litière de surface qu’en raison d’une toxicité directe (House et al., 1987).

En outre, les effets directs des pesticides sur les organismes du sol peuvent avoir des conséquences indirectes sur le fonctionnement de l’écosystème à plus grande échelle, notamment en contaminant ou en réduisant les sources de nourriture pour les vertébrés terrestres tels que les oiseaux (Hallmann et al., 2014 ; Gibbons et al., 2015), et en diminuant le rendement des cultures en perturbant les services de pollinisation (Reilly et al., 2020) et le contrôle biologique des ravageurs cibles (Douglas et al., 2015).

À titre d’exemple, la prédation des limaces par le coléoptère Chlaenius tricolor (Dejean) a été réduite de 33% après une exposition au thiaméthoxam, entraînant une augmentation de 67% de l’activité et de la densité des limaces, ce qui a entraîné une diminution de 19% et 5% de la densité et du rendement des cultures de soja, respectivement (Douglas et al., 2015).

L’importance de ces effets indirects des pesticides est sous-estimée et, lorsqu’ils ne sont pas pris en compte, peuvent entraîner une sous-estimation du risque posé par l’utilisation des pesticides.

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Persistance, utilisation récurrente et récupération

La persistance des pesticides dans le sol varie considérablement selon les conditions environnementales, comme le type de sol ou la température, et entre les différents pesticides, certaines classes particulières comme les néonicotinoïdes (Gibbons et al., 2015) et les triazines (Jablonowski et al., 2011) ayant des demi-vies dans le sol constamment longues.

Les taxons terriers du sol et ceux qui se développent dans le sol sont susceptibles d’être plus vulnérables aux effets des pesticides persistants dans le sol et aux conditions qui contribuent à leur persistance.

Certaines études de notre analyse ont montré que les invertébrés du sol se remettaient des effets négatifs après avoir été retirés du sol contaminé ou après une seule application de pesticide. Nous avons choisi de ne pas tenir compte de la récupération dans nos données car cela aurait considérablement augmenté la complexité de notre analyse, et sa pertinence dans le cadre de pratiques agricoles typiques est discutable compte tenu de la pratique répandue de traitements récurrents.

Par exemple, les champs agricoles de Grande-Bretagne ont reçu en moyenne 17,4 applications de pesticides par an en 2015 (Goulson et al., 2018). Le ministère de l’Agriculture des États-Unis estime que les pommes de Washington sont traitées avec une moyenne de 51 pesticides différents pour un total de 6 à 17 applications par an (USDA, 2016). Les pommes de la côte Est sont également traitées de 15 à 25 fois avec des pesticides tout au long d’une année (USDA, 2016).

Comme certains pesticides persistent dans le sol pendant des mois ou des années et que la perspective d’applications récurrentes de pesticides pendant la saison de croissance dans de nombreux champs est bien réelle, les organismes du sol ont une forte probabilité de ne pas se rétablir complètement comme ils pourraient le faire en laboratoire ou après une seule application dans un champ.

L’évolution des méthodes d’application des pesticides entraîne également une augmentation du risque de contamination du sol.

En raison des méfaits généralisés associés aux pesticides, des mesures d’atténuation sont de plus en plus adoptées aux États-Unis pour réduire la diffusion atmosphérique des pesticides. Il s’agit notamment de mesures susceptibles d’augmenter les dépôts effectifs sur les sols dans un secteur précis, comme l’augmentation de la taille des gouttelettes de pulvérisation, l’ajout d’adjuvants antidérive aux formulations et l’abaissement de la hauteur des rampes (U.S. EPA, 2016a).

En conjonction avec d’autres méthodes d’application de pesticides qui ont considérablement augmenté, comme le traitement des semences avec des pesticides (Hitaj et al., 2020), les sols agricoles sont de plus en plus exposés aux pesticides à des niveaux plus élevés. La tendance à délaisser les applications foliaires de pesticides au profit d’applications de pesticides dans les sols/les semences augmentera également l’exposition du sol tout au long de la saison de croissance.

Il a été établi que le rétablissement de la communauté des invertébrés du sol est lent et peut prendre plus de 15 ans (Menta, 2012). Par conséquent, si la récupération de certains de ces effets négatifs sublétaux est possible, elle dépend nécessairement de l’élimination rapide des pesticide dans les sols, suivie d’une période suffisante pour que la récupération puisse avoir lieu avant une autre application. Cela variera probablement considérablement d’un champ à l’autre.

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Représentation des organismes du sol

En observant les effets des pesticides sur les organismes du sol, les scientifiques et les organismes de réglementation ont eu tendance à se concentrer sur une poignée d’espèces de substitution qui sont propices à l’étude en laboratoire ou sur le terrain (Frampton et al., 2006 ; Banks et al., 2014).

La sélection des organismes du sol pour les études écotoxicologiques repose généralement sur l’aptitude d’un organisme à être étudié en laboratoire et sur sa valeur en tant que bioindicateur (Cortet et al., 1999). Un examen de Jänsch et al. (2006) a révélé que les études sur les pesticides concernant les invertébrés du sol sont fortement orientées vers les essais en laboratoire et que les organismes du sol sont choisis en fonction de leur facilité d’adaptation aux environnements d’essai plutôt que de leur pertinence écologique (Jänsch et al., 2006). Les vers de terre sont les organismes du sol les plus étudiés en écotoxicologie, en partie en raison de leur omniprésence dans les sols, de leur rôle central en tant qu’ingénieurs de l’écosystème et de la facilité avec laquelle ils sont étudiés (Luo et al., 1999 ; Jänsch et al., 2006 ; Bart et al., 2018).

Les Eisenia spp. sont particulièrement fréquentes dans les études ; cependant, elles ne sont pas naturellement présentes dans les agroécosystèmes et sont souvent moins sensibles aux pesticides que d’autres vers de terre, comme les Apporectodea spp. (Pelosi et al., 2013 ; Bart et al., 2018). Et les vers de terre sont moins sensibles aux pesticides que d’autres invertébrés du sol en général (Frampton et al., 2006 ; Jänsch et al., 2006 ; Daam et al., 2011), de sorte que des méthodes d’essai normalisées ont été développées pour différents taxons se prêtant également à des études en laboratoire : Folsomia candida (collembole), Enchytraeus albidus (ver de terre : Enchytraeidae), et Hypoaspis aculeifer (acarien : Acari) (Kula et Larink, 1997 ; Frampton et al., 2006 ; Jänsch et al., 2006).

Les études de terrain s’intéressent généralement à diverses communautés du sol, en se concentrant souvent sur les prédateurs bénéfiques comme les carabes (Carabidae) et les staphylins (Staphylinidae), des taxons plus grands qui sont plus faciles à capturer et à identifier. Néanmoins, la sensibilité des coléoptères varie fortement, souvent en fonction de leur taille et des variations saisonnières de leur cycle de vie. Par exemple, le diméthoate appliqué à des doses plus faibles a nui à des espèces plus petites comme les Carabidés, Agonum dorsale (Pontoppidan) et Bembidion sp, et le staphylinidé Tachyporus hypnorum F., tout en n’affectant pas les plus grands carabes comme Pterostichus melanarius (Illiger) et Calathus erratus (Sahlberg), et en ayant généralement des effets plus nocifs sur les coléoptères en automne qu’en été (Gyldenkñrne et al., 2000).

En général, les Protura, Diplura, Pseudoscorpionida, Symphyla et Pauropoda, plus petits et plus cryptiques, sont les taxons du sol les moins étudiés (Menta et Remelli, 2020).

Dans notre analyse, Protura, Pauropoda et Tardigrada n’ont été analysés chacun que dans une seule étude (Peck, 2009 ; Carrascosa et al., 2014 ; Vaj et al., 2014), et Symphyla et Diplura n’ont été analysés que dans le contexte de groupes d’organismes mixtes (Al-Haifi et al., 2006 ; Atwood et al., 2018). En outre, il y avait moins de 20 paramètres testés pour les guêpes parasites, les termites et les Myriapodes, y compris les mille-pattes et les centipèdes.

Les bourdons étaient couramment représentés dans les études de notre analyse, et pourtant comparativement moins négativement impactés par les insecticides que les autres taxons du sol. Cela peut s’expliquer par le fait qu’il y avait un plus grand nombre d’études de terrain sur les bourdons que sur les autres taxons du sol et, comme nous l’avons vu plus haut, les études de terrain ont tendance à révéler moins d’effets négatifs. Les pesticides, dominés par les insecticides et, en particulier, les néonicotinoïdes, ont eu un effet négatif sur environ 50 à 60% des paramètres testés chez les bourdons, notamment la survie, la reproduction, la fonction neurale et le comportement. Les bourdons sont l’un des rares taxons de notre analyse à passer une grande partie de leur vie au-dessus du sol, à nicher parfois au-dessus du sol et à être eusociaux.

Ainsi, le potentiel d’exposition dans les études sur les bourdons peut différer de celui des autres organismes du sol (Gradish et al., 2019). Les abeilles non-bombus nichant au sol, bien que moins étudiées, ont subi un impact négatif des néonicotinoïdes et d’autres insecticides à un taux plus typique des autres taxons dans notre analyse (c’est-à-dire 75-90%), ce qui suggère que les bourdons ne sont pas de bons substituts aux abeilles nichant au sol et les organismes du sol en général.

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La substitution dans la réglementation des pesticides

L’abeille européenne (Apis mellifera) est le seul invertébré terrestre pour lequel l’EPA (2018) exige des tests de toxicité des pesticides, et uniquement sur la base d’une exposition aiguë par contact (Legal Information Institute, 2020).

C’est le cas même pour les pesticides qui sont appliqués directement sur le sol. Lorsque des dommages aux pollinisateurs sont attendus, l’agence exigera souvent des études supplémentaires sur la toxicité chronique pour les abeilles domestiques et/ou des études sur les abeilles domestiques adultes et larvaires (U.S. EPA, 2016b). Des tests sur d’autres espèces d’abeilles (souvent Bombus terrestris L.) ou des études sur le terrain ou semi-terrain sont parfois, mais rarement, demandés (U.S. EPA, 2019b). Les abeilles domestiques ont des histoires de vie et des comportements uniques qui entraînent un risque d’exposition aux pesticides très différent de celui de la plupart des invertébrés, même si on les compare aux bourdons, membres de la même famille taxonomique qui partagent le trait très rare d’être eusociaux. Alors que les colonies de bourdons sont souvent constituées de < 500 individus nichant sous terre, les colonies d’abeilles domestiques de > 10.000 individus sont généralement maintenues dans des boîtes artificielles tel un animal agricole domestiqué (Gradish et al., 2019).

Par conséquent, le risque lié aux pesticides pour tous les invertébrés du sol aux États-Unis est essentiellement estimé par les dommages causés à une espèce qui n’entre généralement pas en contact avec le sol et ne partage aucune des mêmes voies d’exposition. Par exemple, la plupart des enrobages de graines de néonicotinoïdes finissent dans le sol, et les concentrations de néonicotinoïdes peuvent être radicalement plus élevées dans le sol que dans le pollen (Goulson, 2015 ; Willis Chan et al., 2019 ; Dubey et al., 2020 ; Main et al., 2020).

Non seulement A. mellifera est une espèce hautement spécialisée dont la sensibilité aux facteurs de stress chimiques n’est généralement pas représentative d’autres invertébrés terrestres (Hardstone et Scott, 2010), mais d’autres arthropodes diffèrent des abeilles mellifères dans leur calendrier saisonnier d’émergence, leur durée de vie, leur degré de socialité, leur comportement de nidification et de recherche de nourriture, et sont donc soumis à des voies et des niveaux d’exposition aux pesticides différents de ceux des abeilles mellifères – comme par le contact avec la cuticule ou la consommation de proies couvertes de sol. Par exemple, les bourdons dans les nids souterrains subissent une exposition par contact via les résidus sur les sols, y compris pour les larves en développement et les reines en hibernation (Gradish et al., 2019). Plus de 80% des abeilles, dont la grande majorité sont solitaires, nichent au sol (Anderson et Harmon-Threatt, 2019) et sont très exposées aux pesticides, car les femelles adultes passent la majeure partie de leur cycle de vie à construire des nids dans le sol (Willis Chan et al., 2019).

Ainsi, même pour les invertébrés du sol de la même superfamille que les abeilles domestiques, l’exposition aux résidus de pesticides dans le sol et l’eau des cellules du sol, et les dommages qu’ils causent, ne sont pas estimés de manière adéquate dans les évaluations actuelles des risques écologiques des pesticides de l’EPA.

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Implications pour la réglementation

Il ressort de ces données que, en tant qu’ensemble de poisons chimiques, les pesticides présentent un danger évident pour les invertébrés du sol. Une étude précédente a identifié des dangers similaires pour les microorganismes du sol (Puglisi, 2012).

Chaque pesticide individuel présente un profil de risque unique pour chaque espèce vivant dans le sol qui est exposée, en fonction de son potentiel d’exposition et de sa sensibilité. Cette étude confirme la nécessité d’utiliser des paramètres de santé du sol dans l’évaluation des risques réglementaires des pesticides afin d’évaluer la probabilité que l’utilisation des pesticides ait un impact négatif sur ces écosystèmes.

En raison du nombre considérable d’espèces et de paramètres qui peuvent être affectés par l’utilisation de pesticides et de la capacité limitée des chercheurs à tester toutes les situations, l’évaluation des risques liés aux pesticides dépend fortement des espèces de substitution qui sont utilisées pour évaluer de manière généralisable la toxicité à travers les taxons et, dans le cas du sol, à travers des écosystèmes entiers. […]

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Conclusion

Cet article constitue une revue complète des impacts des pesticides agricoles sur les invertébrés du sol. Nous avons constaté que l’exposition aux pesticides avait un impact négatif sur les invertébrés du sol pour 70,5% des 2.842 paramètres testés dans 394 études examinées.

Nous avons également identifié plusieurs grandes tendances et orientations pour les recherches futures.

Les insecticides ont été le type de pesticide le plus étudié et ont généralement eu des impacts négatifs plus importants sur les invertébrés du sol que les herbicides, les fongicides et les autres types de pesticides.

Les herbicides et les fongicides présentaient encore une forte proportion de résultats négatifs, mais les effets négatifs variaient beaucoup plus entre les différentes classes de pesticides et les taxons étudiés que pour les insecticides.

Moins d’études ont évalué les effets des mélanges de pesticides. Étant donné que les mélanges de pesticides sont plus souvent présents dans les sols agricoles que les ingrédients actifs individuels, il s’agit d’une lacune dans la littérature qui devrait être comblée.

Les études évaluant les impacts des pesticides utilisent souvent une gamme étroite d’espèces de substitution faciles à élever, à identifier ou à étudier, alors que les organismes plus petits et plus cryptiques sont rarement analysés. Dans certains cas, les organismes qui sont les plus étudiés sont connus pour être moins sensibles aux pesticides que d’autres organismes, ce qui suggère que nous avons une connaissance limitée de l’étendue des dommages causés par les pesticides.

La prévalence des effets négatifs dans nos résultats souligne la nécessité de représenter les organismes du sol dans toute analyse des risques d’un pesticide susceptible de contaminer le sol, et d’atténuer tout risque significatif de manière à réduire spécifiquement les dommages causés aux organismes du sol qui assurent d’importants services écosystémiques. L’Agence américaine de protection de l’environnement ne dispose pas d’exigences suffisantes en matière de tests ni d’outils pour quantifier le risque pour les organismes vivant dans le sol.

L’abeille européenne est le seul invertébré terrestre inclus dans les tests écotoxicologiques obligatoires des pesticides. La pratique consistant à utiliser l’abeille comme substitut sous-estime les dommages causés à de nombreux taxons et aboutit souvent à des efforts limités pour atténuer les effets des pesticides uniquement sur les abeilles et autres pollinisateurs, et non sur les organismes du sol.

Cette étude présente de nombreuses preuves que les pesticides constituent une menace sérieuse pour les invertébrés du sol et les services écosystémiques essentiels qu’ils fournissent.

Compte tenu de l’adoption généralisée et croissante des pesticides appliqués sur les semences et le sol, qui constituent une menace particulière pour les organismes du sol, nous soutenons fermement l’inclusion d’une analyse de la santé du sol dans le processus d’évaluation des risques des pesticides aux États-Unis.

Traduction : Jmp (base DeepL)

Des scientifiques de renom mettent en garde…

Traduction

Article paru dans The Guardian le 13 01 2021:
Top scientists warn of ‘ghastly future of mass extinction’ and climate disruption


Des scientifiques de renom mettent en garde contre « l’effroyable avenir au niveau de l’extinction de masse » et le dérèglement climatique.

Un nouveau rapport qui donne à réfléchir affirme que le monde ne saisit pas l’ampleur des menaces que constituent la perte de biodiversité et la crise climatique. La planète est confrontée à un « avenir épouvantable d’extinction de masse, de déclin sanitaire et de bouleversements climatiques », qui menacent la survie de l’humanité en raison de l’ignorance et de l’inaction, selon un groupe international de scientifiques. Ces derniers avertissent que les gens n’ont toujours pas saisi l’urgence des crises de la biodiversité et du climat.

Les 17 experts, dont le professeur Paul Ehrlich de l’université de Stanford, auteur de « La Bombe P » (The Population Bomb), et des scientifiques du Mexique, d’Australie et des États-Unis, affirment que la planète est dans un état bien pire que ce que la plupart des gens – même les scientifiques – pensent.

« L’ampleur des menaces qui pèsent sur la biosphère et toutes ses formes de vie – y compris l’humanité – est en fait si grande qu’elle est difficile à saisir, même pour des experts bien informés », écrivent-ils dans un rapport publié dans Frontiers in Conservation Science, qui fait référence à plus de 150 études détaillant les principaux défis environnementaux mondiaux.

Le délai entre la destruction du monde naturel et les impacts de ces actions signifie que les gens ne reconnaissent pas l’ampleur du problème, affirme le document. « [Le] courant dominant a du mal à saisir l’ampleur de cette perte, malgré l’érosion constante du tissu de la civilisation humaine ».

Le rapport avertit que les migrations de masse induites par le climat, les nouvelles pandémies et les conflits concernant les ressources seront inévitables si des mesures urgentes ne sont pas prises.

Nous n’appelons pas à la capitulation. Notre objectif est de fournir aux dirigeants une « douche froide » réaliste sur l’état de la planète, essentielle pour éviter un avenir horrible, ajoute le rapport.

Pour faire face à l’énormité du problème, il faut apporter des changements profonds au capitalisme mondial, à l’éducation et à l’égalité, indique le document. Il s’agit notamment d’abandonner l’idée d’une croissance économique perpétuelle, d’évaluer correctement les externalités environnementales, de mettre un terme à l’utilisation des combustibles fossiles, de limiter le lobbying des entreprises et d’autonomiser les femmes, affirment les chercheurs.

Le rapport est publié quelques mois après que le monde ait échoué à atteindre un seul objectif d’Aichi pour la biodiversité de l’ONU, créés pour enrayer la destruction du monde naturel. Il s’agit de la deuxième fois consécutive que les gouvernements ne réussissent pas à atteindre leurs objectifs de biodiversité sur dix ans. Cette semaine, une coalition de plus de 50 pays s’est engagée à protéger près d’un tiers de la planète d’ici 2030.

Selon un récent rapport des Nations Unies, un million d’espèces sont menacées d’extinction, dont beaucoup d’ici quelques décennies.

« La détérioration de l’environnement est infiniment plus menaçante pour la civilisation que le trumpisme ou la Covid-19 », a déclaré Paul Ehrlich au Guardian.

Dans « La Bombe P » (The Population Bomb), publié en 1968, Ehrlich met en garde contre l’explosion démographique imminente et les centaines de millions de personnes qui mourront de faim. Bien qu’il ait reconnu certaines erreurs au niveau du timing, il a déclaré qu’il s’en tenait à son message fondamental, à savoir que la croissance démographique et les niveaux élevés de consommation des nations prospères mènent à la destruction.

Il a déclaré au Guardian : « La croissancemania est la maladie fatale de la civilisation – elle doit être remplacée par des campagnes qui font de l’équité et du bien-être les objectifs de la société. Il faut arrêter de consommer de la merde. »

Les populations importantes et leur croissance continue entraînent la dégradation des sols et la perte de biodiversité, met en garde le nouveau document. « Plus de gens signifie que l’on fabrique plus de composés synthétiques et de plastiques jetables dangereux, dont beaucoup contribuent à la toxification croissante de la Terre. Cela augmente également les risques de pandémies qui alimentent des chasses toujours plus désespérées aux ressources rares ».

Les effets de l’urgence climatique sont plus évidents que la perte de biodiversité, mais la société ne parvient toujours pas à réduire les émissions, affirme le document. Si les gens comprenaient l’ampleur des crises, les changements politiques et les politiques menées pourraient répondre à la gravité de la menace.

« Notre point principal est qu’une fois que l’on réalise l’ampleur et l’imminence du problème, il devient clair que nous avons besoin de bien plus que des actions individuelles comme utiliser moins de plastique, manger moins de viande ou prendre moins l’avion. Notre point de vue est que nous avons besoin de grands changements systématiques et cela rapidement », a déclaré au Guardian le professeur Daniel Blumstein de l’Université de Californie à Los Angeles, qui a participé à la rédaction du document.

Le document cite un certain nombre de rapports clés publiés ces dernières années, à savoir :

  • le rapport du Forum économique mondial en 2020, qui a désigné la perte de biodiversité comme l’une des principales menaces pour l’économie mondiale ; (En)
  • le rapport d’évaluation globale de l’IPBES en 2019, qui indique que 70 % de la planète a été altérée par l’homme ; (En)
  • le rapport Planète vivante 2020 du WWF, qui indique que la population moyenne de vertébrés a diminué de 68 % au cours des cinq dernières décennies ; (En)
  • un rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) de 2018, qui indique que l’humanité a déjà dépassé le réchauffement climatique de 1°C par rapport aux niveaux préindustriels et qu’elle devrait atteindre un réchauffement de 1,5°C entre 2030 et 2052. (En)

Le rapport fait suite à des années d’avertissements sévères sur l’état de la planète de la part des plus grands scientifiques du monde, notamment une déclaration de 11.000 scientifiques en 2019 selon laquelle les gens seront confrontés à « des souffrances indicibles dues à la crise climatique » si des changements majeurs ne sont pas apportés. En 2016, plus de 150 climatologues australiens ont écrit une lettre ouverte au Premier ministre de l’époque, Malcolm Turnbull, pour demander des mesures immédiates de réduction des émissions. La même année, 375 scientifiques – dont 30 Prix Nobel – ont écrit une lettre ouverte au monde entier pour exprimer leur frustration face à l’inaction politique en matière de changement climatique.

Le professeur Tom Oliver, écologiste à l’Université de Reading, qui n’a pas participé au rapport, a déclaré qu’il s’agissait d’un résumé effrayant mais crédible des graves menaces qui pèsent sur la société si l’on continue comme si de rien n’était. « Les scientifiques doivent maintenant aller au-delà de la simple documentation du déclin environnemental et trouver les moyens les plus efficaces de catalyser l’action », a-t-il déclaré.

Le professeur Rob Brooker, responsable des sciences écologiques à l’Institut James Hutton, qui n’a pas participé à l’étude, a déclaré que celle-ci soulignait clairement la nature urgente des défis.

« Nous ne devrions certainement pas douter de l’ampleur des défis auxquels nous sommes confrontés et des changements que nous devons apporter pour les relever », a-t-il déclaré.