Japon, la triple catastrophe

Nicolas Stilmant

11 mars 2021

𝐈𝐥 𝐲 𝐚 𝐝𝐢𝐱 𝐚𝐧𝐬, 𝐥𝐞 𝐉𝐚𝐩𝐨𝐧 𝐜𝐨𝐧𝐧𝐚𝐢𝐬𝐬𝐚𝐢𝐭 𝐥𝐚 « 𝐭𝐫𝐢𝐩𝐥𝐞 𝐜𝐚𝐭𝐚𝐬𝐭𝐫𝐨𝐩𝐡𝐞 »

Le 11 mars 2011, l’archipel est secoué par le plus important séisme enregistré, de magnitude 9 sur l’échelle de Richter. 51 minutes plus tard, un tsunami frappe les côtes causant plus de 18 000 morts et provoquant des dégâts considérables.

La série noire se poursuit à la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. Le Tsunami inonde les circuits de refroidissement du réacteur. Dans les heures et les jours qui suivent, trois des quatre réacteurs (les réacteurs 1, 2 et 3) entrent en fusion et relâchent de grandes quantités de radioéléments dans l’environnement.

Une fatalité ? Ou une faiblesse structurelle ? En 1999, la centrale nucléaire du Blayais, en France, passe à deux doigts de la fusion d’un réacteur, quand la tempête Martin, causant une marée exceptionnelle, noie les circuits de refroidissement, tout comme à Fukushima 12 ans plus tard (1).

Le risque d’un accident nucléaire majeur a longtemps été sous-estimé. D’après les risques calculés, on estimait qu’avec 500 réacteurs en activité dans le monde, la fréquence des accidents majeurs devait être de 20 à 200 ans.

Je suis né en 1982 et, durant mon existence, j’ai connu la fusion de quatre réacteurs industriels (un à Tchernobyl et trois à Fukushima).

François Lévêque, professeur au Centre d’Economie Industrielle de Paris, en réponse à une surestimation du risque dans la presse, arrivait à la conclusion que le risque était tout de même 10 à 100 fois supérieurs à celui qui avait été estimé jusque-là.

Il en déduisait que le risque d’un accident majeur en Europe dans les trente prochaines années était de 72 %. (2)

Au-delà des conséquences sanitaires d’un tel accident (3), que l’écrivaine biélorusse Svetlana Alexievitch a décrit dans « La Supplication », le coût estimé de la catastrophe de Tchernobyl est de 235 milliards de dollars pour la seule Biélorussie. Pour le Japon, outre les 370 km² inhabitables, les 80 000 déplacés, les 2000 décès liés à la détresse psychologique des survivants (4), le coût estimé de la catastrophe de Fukushima est situé entre 71 et 250 milliards de dollars… pour l’instant.

Outre le risque d’accident, le nucléaire implique la gestion de déchets qui peuvent rester dangereux pendant plusieurs centaines de milliers, voire un million d’années (5). Quel est le coût d’une gestion de déchets sur un laps de temps aussi gigantesque ?

Les plus anciennes structures construites par la race humaine ont 6500 ans seulement… Nous n’avons jamais rien construit qui puisse résister 100 000 ans. Il y a 100 000 ans, aucune civilisation humaine n’existait. Où serons-nous dans 100 000 ans ? Quelle langue parlerons-nous ? Ce sont des questions auxquelles nous n’avons pas de réponses. Cependant, pour stocker les déchets, certains pays ont commencé à construire des sites d’enfouissement, sans savoir même si le symbole « nucléaire » aura encore du sens pour nos descendants dans 4 ou 5000 ans seulement. (6)

Le nucléaire a également un coût de production qui est élevé. On cite souvent des chiffres très bas pour le prix du kilowatt/h nucléaire… mais c’est oublier que les centrales ont été construites avec de l’argent public. Quand les centrales sont construites par le privé, comme à Flamandville en France, le coût estimé monte à 110-120 euros du MW, contre 60 euros pour l’éolien ou le photovoltaïque. (7)

C’est sans compter une fluctuation des prix de l’uranium, puisque, comme toutes les énergies combustibles, le nucléaire dépend d’importations et nous rend donc tributaire de pays tiers. D’autant que les ressources mondiales d’Uranium sont déjà en train de se tarir, puisqu’on consomme déjà, à l’heure actuelle, plus d’uranium que les mines n’en fournissent chaque année. (8)

Le temps de construction d’une centrale est très long. Les constructeurs avancent des durées de 5 à 7 ans, mais dans les faits, la liste des chantiers en cours laisse songeur. En France, Flamandville est en construction depuis 2007. En Finlande, un réacteur est en chantier depuis 2003. (9) Et il ne s’agit que de la construction en tant que telle, sans compter la demande de permis, les recours éventuels, etc.

Quand on sait que nous devons avoir réduit nos émissions de gaz à effet de serre de moitié pour 2030, dans 9 ans, cela met le nucléaire définitivement hors délai pour l’enjeu climatique.

D’ailleurs, quel est le poids réel du nucléaire ?

Pour la production d’électricité, il représente un peu plus de 10 % de la production mondiale. (10) Ce qui est moins que les énergies renouvelables, avec – il est vrai – des potentialités de l’hydraulique très élevées dans certains pays qui poussent le renouvelable à la hausse.

Fukushima nous l’a rappelé : le nucléaire n’est pas l’énergie miracle qu’on nous a vendue tout un temps. D’ailleurs, le concept même d’énergie miracle est un leurre…

Il n’y a aucune source de production d’énergie, même renouvelable, qui n’ait un coût économique, social et environnemental.

Il s’agit, pour chacune d’entre elles, de mesurer les avantages, les inconvénients et de voir si le coût est acceptable. Pour ma part, en ce qui concerne le nucléaire, c’est non !

Pour le reste, il ne faut pas se mentir. Nous ne maintiendrons pas le climat à un niveau acceptable pour la race humaine sans repenser nos consommations et les réduire.

Tout consommation d’énergie a un coût. Le pétrole, l’uranium, le gaz, ne sont pas inépuisables, même si nous devions continuer à les consommer sans nous soucier des alertes climatiques, nous atteindrions la pénurie avant la fin du siècle.

Avoir une vision durable de la société, c’est avant tout cela, mesurer nos consommations et évaluer nos investissements aujourd’hui pour que demain soit toujours soutenable pour les générations à venir.

(1) https://www.franceinter.fr/…/affaires-sensibles-08-juin…

(2) https://hal-mines-paristech.archives-ouvertes.fr/…/docu…

(3) https://www.who.int/…/05-09-2005-chernobyl-the-true…

https://mronline.org/…/how-many-cancers-did-chernobyl…/

(4) Sciences et Vie, mars 2021.

(5) https://www.ondraf.be/…/1-R%C3%A9sum%C3%A9%20non…

(6) https://www.youtube.com/watch?v=ovx6d34f6S4&t=3814s

(7) https://www.natura-sciences.com/…/prix-eolien…

https://www.lalibre.be/…/nucleaire-eolien-voici-le-cout…

(8) https://www.letemps.ch/…/penurie-venir-duranium…

https://www.science-et-vie.com/…/cuivre-or-zinc-platine…

(9) https://fr.wikipedia.org/…/Liste_de_r%C3%A9acteurs_nucl…

(10) https://www.iea.org/data-and-statistics?country=WORLD&fuel=Energy%20supply&indicator=ElecGenByFuel

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