Investir dans la biodiversité, c’est investir pour l’ensemble de la société

Communiqué de Presse

Namur, le 15 novembre – Le cabinet de la Ministre de la Nature, Anne-Catherine Dalcq, a précisé aujourd’hui dans le Soir une réduction drastique du budget alloué par la Wallonie à la biodiversité (1). Des organisations issues de multiples secteurs, telles que des mutualités, des entreprises et des acteurs sociaux et environnementaux, appellent le Parlement à revoir la proposition du Gouvernement et à demander l’établissement d’un plan de financement pour arrêter et inverser la perte de biodiversité d’ici à 2030.

Ce matin, la Ministre de la Nature wallonne a clarifié l’impact du nouveau budget régional sur les moyens dédiés aux actions en faveur de la protection et la restauration de la biodiversité. En cette période de restrictions budgétaires, où des efforts sont attendus dans tous les secteurs, l’ampleur de la réduction du budget nature serait immense : près 75% du budget octroyé à ce secteur d’activités passeraient à la trappe.

Notre biodiversité, déjà en mauvaise santé

Nous avons besoin de la nature : elle participe au fonctionnement de notre économie, nous en dépendons pour produire nos biens et notre alimentation. Elle assure la purification de notre air et de l’eau et contribue à notre bonne santé (2). Elle offre même des solutions pour atténuer la crise climatique — en stockant le carbone — ainsi que des solutions pour faire face aux conséquences de cette crise, en limitant l’impact des inondations par exemple. C’est pourquoi restaurer la nature est un excellent investissement : une récente étude dans la zone naturelle de Demerbroeken (Flandre) indique ainsi que chaque euro investi en rapporte huit (3).

Pourtant, la biodiversité est aujourd’hui en déclin, et la Wallonie n’échappe pas à ce problème. Le dernier état de l’environnement wallon (4), publié en avril 2024, présentait à nouveau des chiffres alarmants : environ 95 % de nos habitats naturels sont en état défavorable.

Une réduction de 18 millions d’euros pour une politique déjà sous-financée, alors que des solutions existent

Malgré ça, le gouvernement wallon opte pour une réduction de près de 75% du budget alloué à la protection et la restauration de la biodiversité en Wallonie, en plus de la réduction des subventions facultatives qui impacteront les projets de protection. La Ministre de la Nature n’a pas encore clarifié le détail des réductions, mais au vu du montant annoncé, il est difficile d’imaginer qu’une coupe budgétaire de cette ampleur n’impacte pas les moyens déployés sur le terrain. (5)

Cette réduction arrive alors que les objectifs de biodiversité sont déjà sous-financés. Par rapport à ses voisins, la Wallonie peine à dédier suffisamment de fonds à la protection de la nature. En France par exemple, le budget alloué à la protection de la biodiversité est, au prorata des surfaces concernées, 13 fois plus élevé. Cette nécessité pour les autorités de notre pays d’investir davantage dans la protection de la nature avait également été épinglée par le Conseil supérieur des Finances en juillet dernier, qui appelait à “une attention accrue à la préservation et à la reconstruction du capital naturel dans les décisions d’investissement public”. (6)

Ce définancement semble d’ailleurs en contradiction avec les objectifs de la Déclaration de Politique Régionale (DPR) (7) dont : la volonté de passer de 1 à 5 % du territoire wallon sous statut de protection fort d’ici à 2030, la volonté de reforester la Wallonie, la poursuite des efforts en termes de communication, sensibilisation, vulgarisation et éducation relatifs à la protection de la biodiversité. Alors que la COP16 sur la biodiversité vient de se clôturer, cette décision va aussi à l’encontre des engagements que notre pays a pris dans ce cadre international, et auxquels la Wallonie doit contribuer, en particulier celui d’arrêter et d’inverser la perte de biodiversité d’ici à 2030.

Dans cette perspective, la Wallonie doit établir un plan de financement à 2030 qui fera état des réels besoins de financement pour atteindre ces objectifs de protection et de restauration de la biodiversité (8). Une piste concrète pour mobiliser les fonds nécessaires se trouve dans la redirection d’une partie des subventions fédérales allouées aux énergies fossiles, qui représentent environ 15 milliards d’euros/an et dont seuls 5,75% de ce montant seraient nécessaires pour combler l’ensemble du déficit de financement belge par rapport à nos engagements internationaux pour la biodiversité d’ici à 2030.

Tous les yeux sont tournés vers le Parlement wallon

La nature est l’affaire de toutes et tous. Sa bonne santé est nécessaire à la prospérité de notre région et de ses habitantes et habitants. Une telle réduction du budget qui devrait assurer sa protection aujourd’hui ne fera qu’augmenter la dette écologique pour nos générations futures. C’est pourquoi plus d’une quinzaine d’organisations issues de différents pans de la société civile ont signé ce communiqué. Tous les regards se tournent désormais vers le Parlement wallon. Celui-ci se devra d’étudier la proposition de budget du gouvernement, et l’interroger sur l’établissement d’un plan de financement régional pour arrêter et inverser la perte de biodiversité d’ici à 2030 ainsi que sur les pistes concrètes pour débloquer les fonds nécessaires pour répondre à nos engagements internationaux, atteindre les objectifs fixés dans la DPR et offrir un cadre de vie sain à ses citoyennes et à ces citoyens.

Signé par :
Canopea, Natagora, WWF, Ardenne & Gaume, Cercles des Naturalistes de Belgique, Coalition Climat, Exki,
Fédération des Parcs Naturels de Wallonie, Kaya, la Coalition belge des Ecopreneurs, La Mutualité chrétienne,
Les Mutualités Libres, Maison Dandoy, Nature & Progrès, Ligue Royale Belge pour la Protection des Oiseaux (LRBPO),
Realco, Société Royale Forestière de Belgique, Triodos, Unab

Notes de bas de page :

(1) L’article du Soir est disponible sur ce lien

(2) En signant la déclaration de Budapest (2023), la Belgique s’est d’ailleurs engagée à protéger et à restaurer la nature pour protéger la santé humaine.

(3) A la demande du WWF et de Natuurpunt, l’Institut flamand de recherche technologique (VITO) a réalisé une étude de cas évaluant le rapport coût-bénéfice de la restauration de la zone naturelle de Demerbroeken en Flandre.

(4) Les derniers diagnostics environnementaux wallons sont disponibles sur ce lien. Ils sont réalisés par le SPW ARNE.

(5) Ceux-ci ont notamment permis de renforcer et d’initier des politiques essentielles en termes de recherche et de monitoring de la biodiversité, de création et de gestion d’aires protégées, de restauration du maillage écologique (haies, alignements d’arbres, etc.), de projets soutenant l’implication des communes (Projet BiodiverCité, moyens complémentaires dédiés aux Parcs naturels, etc…) et des différents concernés – gestionnaires agricoles, forestier, architecte, etc – , ainsi que des projets de sensibilisation, et de gestion des espèces exotiques envahissantes ou des espèces en situation critique.

(6) Le rapport du Conseil supérieur des Finances est disponible sur ce lien.

(7) La Déclaration de Politique Régionale wallonne est disponible sur ce lien.

(8) L’accord de Kunming-Montréal sur la biodiversité préconise que les objectifs fixés à l’échelle nationale (et régionale, par les compétences environnementales des régions en Belgique) pour contribuer à arrêter et à inverser la perte de biodiversité au niveau mondial soient assortis d’un plan de financement.La Wallonie doit donc accompagner ses objectifs de biodiversité d’un plan de financement régional pour la biodiversité qui devra se baser sur un inventaire transparent des dépenses actuelles allouées à la biodiversité ainsi que sur une estimation du déficit à combler pour arriver aux objectifs et obligations internationales et européennes en matière de biodiversité d’ici 2030.



Devenez des activistes !

Plus d’un millier de scientifiques spécialistes du climat exhortent le public à devenir des activistes

« Nous avons besoin de vous », déclare Scientist Rebellion, qui comprend les auteurs des rapports du GIEC sur les changements climatiques, alors que les diplomates se réunissent dans le cadre de la Cop28.

4 décembre 2023 – Damien Gayle – traduction deepl / Josette – voir l’article original sur The Guardian


Wolfgang Cramer a participé pour la première fois aux travaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) dans les années 90. Il a travaillé sur le deuxième rapport d’évaluation, publié en 1995, qui confirmait l’existence d’un dérèglement climatique d’origine anthropique. À cette époque, personne ne pouvait dire qu’il ne savait pas ce qui se passait.


Près de trois décennies plus tard, M. Cramer a fait partie de l’équipe scientifique internationale qui a préparé le sixième rapport du GIEC. La conclusion de ce rapport, rendue en mars dernier, lance à la civilisation humaine un sombre « dernier avertissement » : la biosphère est sur le point de subir des dommages irrévocables.

Aujourd’hui, alors que les diplomates se réunissent à Dubaï pour le 28e cycle de négociations sur le climat de la Cop, au cours d’une année qui devrait être la plus chaude jamais enregistrée et alors que les émissions de carbone continuent d’augmenter, M. Cramer est l’un des 33 auteurs du GIEC parmi les 1 447 scientifiques et universitaires qui ont signé une lettre ouverte appelant le public à prendre des mesures collectives pour éviter l’effondrement du climat.


« Nous sommes terrifiés », préviennent-ils. « Nous avons besoin de vous. »


« Où que vous soyez, devenez un défenseur ou un activiste du climat », implore la lettre, publiée lundi par Scientist Rebellion, un groupe d’activistes du climat. « Rejoignez ou créez des groupes qui militent en faveur de politiques visant à garantir un avenir meilleur. Contactez les groupes actifs dans votre région, renseignez-vous sur leurs réunions et participez-y.


« Si nous voulons créer un avenir vivable, l’action climatique doit cesser d’être quelque chose que les autres font pour devenir quelque chose que nous faisons tous. »


Cette lettre est envoyée alors que les délégués se réunissent aux Émirats arabes unis, un pays riche en pétrole, pour la Cop28. Ils y débattent de la question de savoir s’il convient d’ « éliminer » ou de « réduire progressivement » l’utilisation des combustibles fossiles émetteurs de gaz à effet de serre, qui sont la principale cause du dérèglement climatique. Un fonds a été créé pour les pays les plus pauvres, pour lesquels les catastrophes liées au climat sont déjà une réalité.

Wolfgang Cramer déclare que lui et ses collègues scientifiques étaient de plus en plus frustrés. Les gouvernements occidentaux, les gouvernements européens ont tendance à dire : « Oh, nous faisons déjà beaucoup » », a-t-il déclaré au Guardian. « Et oui, bien sûr, nous devons nous en féliciter, nous devons nous réjouir de chaque petit pas dans la bonne direction.


« Mais je pense que l’échec de la communication en ce moment est de parler suffisamment de l’inadéquation, de la déconnexion totale, entre les engagements que nous voyons de la part des gouvernements lors des Cop, et dans la mise en œuvre de leurs engagements à la maison, d’une part, et les objectifs clairs de l’accord de Paris, d’autre part. »


En amont de la Cop28, le Programme des Nations unies pour l’environnement a lancé un avertissement sévère selon lequel les politiques nationales de réduction du carbone sont si insuffisantes que le réchauffement de 3 °C (5,4 °F) par rapport aux niveaux préindustriels sera atteint au cours de ce siècle, soit le double de la limite de 1,5 °C (2,7 °F) qui, selon les accords de Paris sur le climat, permettrait d’éviter les effets les plus catastrophiques de l’effondrement du climat.

« Aucun pays n’agit dans le sens d’un réchauffement de 1,5°C », indique la lettre de Scientist Rebellion. « Poursuivre sur cette voie entraînera des souffrances indicibles. De grandes parties de notre planète deviendront inhabitables, créant des centaines de millions de réfugiés, des famines sans précédent et de graves conflits politiques ».


Mais « nous n’avons pas à nous résigner à cet avenir », insiste le rapport. « Les solutions existent, mais leur mise en œuvre dépend d’une « mobilisation à grande échelle de la société » pour vaincre les intérêts particuliers qui profitent du statu quo.


« Nous devons rapidement abandonner les combustibles fossiles, mais la Cop28 est présidée par le PDG d’une compagnie pétrolière, ce qui illustre l’influence profonde de ce pouvoir bien établi », ajoute la lettre.


Minal Pathak, professeure associée au centre mondial pour l’environnement et l’énergie de l’université d’Ahmedabad et autre signataire, était scientifique principal dans l’unité de soutien technique du groupe de travail III du sixième rapport du GIEC, qui portait sur l’atténuation de la dégradation du climat. Tout comme M. Cramer, elle s’est sentie frustrée par l’impuissance apparente des avertissements des scientifiques. Elle a déclaré au Guardian qu’elle était en fait en colère.

« À un moment donné, on aurait pu penser que la rédaction d’articles percutants dans des revues de grande qualité ou la publication de rapports de l’ONU étaient la solution pour établir des preuves », a-t-elle déclaré. « Mais apparemment, cela ne fonctionne pas, n’est-ce pas ? Ou ne fonctionne pas comme il le faudrait. Je suis vraiment, vraiment déçue de la façon dont les choses se passent. J’ai une fille adolescente et j’ai vu ce qui s’est passé pendant une décennie. Qu’est-ce qu’il faut faire, vraiment, pour agir ? »


Freiner ? Pas ma priorité…

Aasha Cinta, activiste
Jérôme Beitz, enseignant en sciences
Justine Foubert, logopède
Matteo Pisano, activiste de Youth for Climate
Samuel Melchior et Stéphane Vanden Eede, co-fondateurs du collectif Pakman

Ceci n’est pas un conte …

Il conduit droit vers le mur. Elle (la passagère) alerte. Les enfants, à l’arrière, n’éprouvent pas, dans leur chair, la gravité de la menace.

Elle demande :

  • Pourquoi tu ne freines pas ? » 

Il (le conducteur) répond : 

  • Les enfants me font confiance pour être à l’heure à la fête, voilà mon seul objectif ; ils attendent de moi que je tienne ma promesse. Tu n’as qu’à essayer de gagner leur confiance si tu penses que les enfants préféreraient arriver en vie. Ton discours catastrophiste ne les séduira jamais.
  • Prétends-tu que j’ai tort dans mon constat que nous allons droit vers la catastrophe ?
  • Non, je ne remets pas en question ce que tu me dis, tu as raison sur le fond. Mais, c’est moi qui conduis, j’ai entendu ton alerte et tu ne peux pas dire que je ne freine pas.
  • Mais tu ne freines pas assez fort ! Tu devrais freiner pied au plancher, il nous reste une fenêtre d’opportunité.
  • Si je freine en catastrophe, je risque d’abîmer mes pneus et la décélération brusque risque de secouer les enfants.
  • Mais, on n’a pas le choix, il faut accepter d’être bousculé. Je veux juste que nous restions tous en vie, s’il te plait.
  • Vous avez entendu à l’arrière ? Elle veut vous imposer des décisions au détriment du confort paisible que vous méritez, n’est-ce pas ? Évaluez la situation les enfants, sans prendre en compte nos avis. De mon côté, en toute impartialité et neutralité, nous agirons en fonction de vos délibérations.
  • Mais nous n’avons pas le temps. Freeeeeeeeeine !

Crash

Il n’a jamais avoué qu’il s’en foutait éperdument que les enfants soient à l’heure à la fête. Il souhaitait garder le volant, le contrôle. Il ne pouvait donc pas avouer que la passagère avait raison. Il les utilisait comme prétexte à son unique intérêt personnel : conserver à tout prix le pouvoir.

La passagère, consciente du danger, aurait peut-être dû prendre par la force sa place afin de leur sauver la vie. Malgré les appels à l’aide, les preuves d’une mort certaine si rien ne change, malgré les discussions paisibles et les interpellations directes et radicales, la trajectoire reste mortifère. L’obéissance à la décision du conducteur les a écrasés contre le mur; pour seule issue, ils étaient condamnés à la désobéissance.

Évidemment, ce n’est pas un crash soudain ! C’est la destruction progressive du vivant, c’est la terre de nos agriculteurs en 2020, c’est la vie des habitants le long de la Vesdre en 2021, ce sont les forêts en 2022, c’est l’air que l’on respire, c’est l’eau que l’on boit, c’est au Pakistan, en Libye, au Mexique, en Flandre occidentale, dans le nord de la France… C’est, cette société qui se meurt en plein burnout collectif, étranglée par un système financier cyniquement inhumain et menacée démocratiquement par les poussées ultralibérales, tout récemment en Argentine et aux Pays-bas, qui se nourrissent des pulsions de replis sur soi face à la migration climatique que notre confort occidental cause silencieusement.

Pour manifester, pour s’informer, cela prend du temps. Nous consentons d’être dépossédés de notre temps : il faut conduire les enfants au foot, étudier pour les examens, se vider la tête, abandonner son écran… Le vivant ? La biodiversité ? Le climat ? La lutte des classes ? Le vivre ensemble ? Certains diront “c’est important, oui… mais ce n’est pas ma priorité ! » On a tous mieux à faire de notre temps que de marcher pour une cause qui nous dépasse…

Comprenez-vous pourquoi on se bat ?

La tête dans le sable, notre déni collectif masque l’issue funeste. Mais si on retire les mains de nos yeux et de nos oreilles, on constatera que le mur devant nous se rapproche inéluctablement.

Sur la même route, Camille E. avait annoncé à tous les occupants de son bus que deux passagers, tirés au sort, allaient dialoguer avec Peter K. afin d’évaluer la situation et rapporter les faits aux passagers et rapidement voter une décision. Ainsi, ces deux passagers s’adressent aux autres de manière très claire : “Il y a un mur sur la route ; si nous ne freinons pas, nous mourrons et souffrirons”. Un vote à main levée est unanime et contraint Camille à un freinage d’urgence les secouant tous, tant le bus avait une vitesse au-delà des limites physiques pour leur sécurité.

Crash

Malgré de gros dégâts matériels et de nombreuses blessures lourdes, toutes les vies sont sauvées. Camille E. avait déjà commencé à ralentir doucement car elle avait conscience que ses responsabilités l’obligeaient à appliquer le principe de précaution.

Nous sommes toutes et tous des passagers et peu de nous sont conducteurs. Les passagers de ces véhicules à la course folle ont un certain pouvoir sur le conducteur, les inégalités font que certains sont à l’avant et que d’autres se trouvent tout au fond du bus. Des gardes violents bloquent parfois l’accès à la cabine, ce qui oblige ceux qui n’en ont pas à agir plus rapidement. Il est vital et urgent de libérer la parole, avec ses proches, sur les réseaux sociaux, dans les écoles, les centres culturels… La situation semble calme mais une seule question doit guider l’agenda de nos actions : on est toujours en vie mais pour combien de temps ?

Le jour où l’on aura la réponse à cette question, il sera probablement trop tard, la fenêtre d’opportunité ne sera plus qu’un regrettable souvenir. Alors, sortons vite de notre déni collectif ! Déplaçons rapidement ces conducteurs de leurs outils de pouvoir tant que cette fenêtre est encore ouverte, ne serait-ce que légèrement. Gardons en tête que cette réalité honteuse est la conséquence directe de la stratégie des industries fossiles et plus largement du système capitaliste. Mais surtout, ne commettons pas l’erreur de baisser les bras ! Car même si la situation est objectivement catastrophique, il est techniquement encore temps d’agir pour que notre avenir ressemble à celui du bus et non celui de la voiture.

Rendez-vous le 3 décembre dans les rues de Bruxelles !

Parce que c’est LA première priorité !


Un enjeu mondial pour la santé

Lettre ouverte de la communauté médicale et sanitaire mondiale à la COP28 sur les combustibles fossiles

https://cop28healthletter.com/french/

Cher président désigné de la COP, 

Cette année, les dirigeants mondiaux rassemblés aux EAU pour faire le point sur leurs engagements climatiques se concentreront pour la première fois sur une planification officiellement dédiée à la santé. Nous, les signataires de cette lettre, vous soutenons dans vos efforts de placer la santé au premier plan de la COP 28.

En tant que leaders mondiaux du domaine de la santé, nous nous engageons à offrir santé et bien-être à tous. Sans un climat sûr et stable, cet objectif est irréalisable. L’Accord de Paris a entériné le « droit à la santé » comme obligation essentielle de l’action climatique. Pourtant, les communautés, les professionnels de santé et les systèmes de santé du monde entier sont déjà confrontés aux conséquences préoccupantes de l’évolution du climat. La fréquence et la gravité des phénomènes météorologiques extrêmes induits par le changement climatique s’intensifient ; nombre de pays luttent contre les conséquences sanitaires des chaleurs extrêmes, de tempêtes inédites, d’inondations, de l’insécurité hydrique et alimentaire, des feux de forêt et du déplacement des populations. Pour que la COP 28 soit réellement une « COP de la santé », elle doit s’attaquer à la cause profonde de la crise climatique : la poursuite de l’extraction et de l’utilisation des combustibles fossiles, notamment le charbon, le pétrole et le gaz. Nous lançons un appel à la présidence de la COP 28 et aux dirigeants de tous les pays pour qu’ils s’engagent à accélérer la suppression progressive, juste et équitable des énergies fossiles, car il s’agit de la trajectoire qui déterminera la santé de tous. 

En mettant fin à notre dangereuse dépendance envers les énergies fossiles, nous améliorerons les perspectives de santé des générations futures et sauverons des vies. Il est essentiel de maintenir l’augmentation des températures mondiales en dessous de l’objectif de 1,5 °C de l’Accord de Paris pour garantir la santé et la prospérité économique de tous. Or, seule une suppression progressive rapide des combustibles fossiles nous permettra d’y parvenir. En limitant le réchauffement planétaire, cette suppression progressive des combustibles fossiles protégera notre santé des conséquences dévastatrices des événements extrêmes et empêchera de nouvelles dégradations écologiques et pertes de biodiversité. Si nous maintenons notre dépendance, les conséquences pour la santé seront désastreuses, tout comme la perte de ressources naturelles et de services écosystémiques cruciaux pour la santé des espèces humaines et non humaines. Nous mettrions donc en danger « One Health » (Une seule santé) et la santé de la planète.

Outre les conséquences du climat sur la santé, la pollution de l’air, en partie due à l’utilisation de combustibles fossiles, provoque 7 millions de décès prématurés chaque année. Le coût économique des conséquences de la pollution de l’air sur la santé s’élevait à plus de 8,1 mille milliards de dollars, soit 6,1 % du PIB mondial, en 2019. En améliorant la qualité de l’air, les gouvernements s’attaquent directement au fardeau que représentent de nombreux cancers, les maladies cardiaques, les troubles neurologiques comme les accidents vasculaires cérébraux, ainsi que les maladies respiratoires chroniques aiguës comme l’asthme ou la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). L’investissement dans les sources d’énergie propre permettra d’économiser chaque année des centaines de milliards de dollars en dépenses de santé associées à la pollution de l’air, tout en réduisant les pertes économiques issues des phénomènes météorologiques extrêmes dont les dommages s’élevaient à 253 milliards de dollars en 2021

Supprimer progressivement, entièrement et rapidement le recours aux combustibles fossiles s’avère la meilleure façon d’assurer la qualité de l’air, de l’eau et de l’environnement, sans laquelle nous ne pourrons vivre en bonne santé. Nous ne pouvons pas nous reposer sur des solutions inadéquates et peu fiables, comme le captage et stockage du carbone (CCS). Elles prolongent l’utilisation des énergies fossiles, sans générer immédiatement de réelles améliorations en termes de santé, comme une transition vers les énergies renouvelables le ferait. Les fausses solutions comme le CCS risquent d’accroître les émissions nocives, de faire pression sur la santé des communautés au fardeau disproportionné et de retarder notre avancée vers un réel progrès climatique.

La transition énergétique doit être juste et équitable pour tous. La transition vers un avenir d’énergies propres offre la possibilité de remédier aux injustices d’un système de dépendance aux énergies fossiles. Elle peut adopter une approche systématique et mettre l’accent sur la santé, l’attention aux autres et le bien-être de la communauté, en veillant à n’oublier personne. Les dirigeants du monde entier doivent s’assurer que tout le monde, y compris les États fragiles et les communautés les plus reculées et exclues, a accès à une énergie propre, résiliente, accessible, fiable, abordable et non polluante, mais aussi aux nouvelles technologies pour exploiter au mieux ces énergies. Une transition juste présente l’opportunité de réduire les inégalités de santé auxquelles sont confrontées les minorités et les communautés marginalisées, notamment lorsqu’il s’agit des conséquences sanitaires de l’utilisation actuelle des énergies fossiles et de notre dépendance. 

Le déverrouillage de financements s’avère décisif pour une transition juste et saine. Nous ne pourrons atteindre nos objectifs climatiques et sanitaires qu’en arrêtant d’investir dans les énergies fossiles pour privilégier les solutions avérées pour le climat et la santé. Chaque année, les pays dépensent des centaines de milliards de dollars pour subventionner l’industrie des énergies fossiles, alors que cet argent pourrait contribuer à la création d’un avenir sain. Les pays aux revenus élevés, les institutions financières de développement et le secteur privé doivent augmenter drastiquement leurs engagements — et les honorer — de favoriser les investissements dans les énergies propres, la qualité de l’air et le développement économique pour les communautés les plus touchées par le changement climatique et la pollution issue des combustibles fossiles.

Les intérêts du secteur des énergies fossiles n’ont pas leur place dans les négociations climatiques. Il faut interdire à l’industrie des énergies fossiles de poursuivre sa campagne décennale d’obstruction de l’action climatique aux négociations de la CNUCC et en dehors. Tout comme l’industrie du tabac n’a pas le droit de participer à la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac, il faut impérativement protéger la collaboration mondiale en matière de progrès climatique du lobbying, de la désinformation et des retards privilégiés par les intérêts de l’industrie.

Sans une action climatique ambitieuse, le fardeau des systèmes de santé et des professionnels de santé sera insurmontable. Les avancées de santé des dernières décennies auront été en vain, et nous verrons les conséquences nocives du changement climatique détruire toute chance d’avenir sûr, équitable et juste. 

En cette année extraordinaire, la santé étant pour la première fois au programme de la COP, nous vous sommons de faire réellement progresser le climat : engagez-vous en faveur de l’accélération d’une suppression progressive, juste et équitable des énergies fossiles ; présentez la transition énergétique renouvelable comme la trajectoire qui décidera de la santé de tous. 

Cordialement,

Dirigeants d’organisations mondiales de la santé (par ordre alphabétique)

Dr. Githinji Gitahi, CEO, Amref Health Africa

Dr. Pam Cipriano, President, International Council of Nurses

Dr. Salman Khan, Liaison Officer for Public Health Issues, International Federation of Medical Students’ AssocIations

Dr. Naveen Thacker, President, International Pediatric Association

Dr Christos Christou, International President, Médecins Sans Frontières

Dr. María del Carmen Calle Dávila, Executive Secretary, Organismo Andino du Salud (Andean Health Organization)

Prof. Luis Eugenio de Souza, President, World Federation for Public Health Associations

Dr. Lujain Alqodmani, President, World Medical Association

Leaders régionaux dans le domaine de la santé (par ordre alphabétique)

Dr. Mary T. Bassett, Director, FXB Center for Health and Human Rights, Harvard University

Dr. Fiona Godlee, Former Editor-in-chief of the British Medical Journal

Prof. (Dr.) Arvind Kumar, Chairman, Institute of Chest Surgery, Chest Onco Surgery and Lung Transplantation, Medanta Hospital, India

Dame Parveen Kumar, Emeritus Professor of Medicine and Education, Barts and The London School of Medicine and Dentistry

Dr. Lwando Maki, Secretary, Public Health Association of South Africa

Dr. Jemilah Mahmood, Executive Director, Sunway Center for Planetary Health – Malaysia

Dr. Kari C. Nadeau, MD, PhD, Chair of the Department of Environmental Health at Harvard School of Public Health

Prof. (Dr.) K Srinath Reddy, Past President of Public Health Foundation of India


Cette lettre est soutenue et approuvée par d’organisations nationales de santé :

AFRICA

Ong Zéro Décès en Donnant La Vie, Côte d’Ivoire

Dr. Agonafer Tekalenge, President, Ethiopian Public Health Association

Dr. Adeline Kimambo, Executive Secretary, Tanzania Public Health Association

African journal of gastroenterology and hepatology, Egypt

The Board of the Public Health Association of South Africa

Annals of Health Research – The Journal of the Medical and Dental Consultants Association of Nigeria, Nigeria

Nurses Across The Borders Humanitarian Initiative, Nigeria

Youth Advocacy and Development Network, Uganda

ASIA

Global Journal of Medicine and Public Health, India

Green Practice Japan, Japan

Health and Global Policy Institute, Japan

Khyber Medical University Journal, Pakistan

CENTRAL & SOUTH AMERICA

Dr. Vital Ribeiro, Chair, Associação Civil Projeto Hospitais Saudáveis, Brazil

Dr. Rosana Teresa Onocko Campos, President, Associação Brasileira de Saúde Coletiva, Brazil

ACT Health Promotion, Brazil

Health Hospitals Project, Brazil, US

Fundación Colombiana del Corazón, Colombia

Asociación Latinoamericana De Pediatría, Uruguay

EUROPE

Diederik Aarendonk, Forum Coordinator Global Health Organization Leadership, European Forum for Primary Care

Dr. Ansgar Gerhardus, Board Chair, German Public Health Association

Prof. Kevin Fenton, President, UK Faculty of Public Health

Dr Latifa Patel, Representative Body Chair, British Medical Association

Kamran Abassi, Editor-in-Chief, British Medical Journal

Dr. Richard Smith, Chair, UK Health Alliance on Climate Change

Sheila Sobrany, President, Royal College of Nursing

Diana Zeballos, Executive Secretary, Sustainable Health Equity Movement

EuroHealthNet, Belgium

Association of Basic Medical Sciences of Federation of Bosnia and Herzegovina, Bosnia and Herzegovina

International Federation of Medical Students’ Associations – Denmark, Denmark

KLUG – German Alliance on Climate Change and Health, Germany

Deutsche Gesellschaft für Epidemiolgie e. V, Germany

Galician Health Service, Spain

Tsubaki Diseño Slu, Spain

Swedish Doctors for the Environment, Sweden

Doctors for the Environment Switzerland, Switzerland

Health for Future Switzerland, Switzerland

Public Health Schweiz, Switzerland

International Society of Doctors for the Environment, Switzerland

Faculty of Medicine, University of Geneva, Switzerland

Santé En Transition, Réunion

Palliative Care Sustainability Network, UK

Greener Practice, UK

World Health Innovation Summit, UK

Ride For Their Lives, UK

OCEANIA

Dr. Kate Wylie, Executive Director, Doctors for the Environment Australia

Dr. Frances Peart, President & Board Chair, Climate and Health Alliance Australia

Veterinarians for Climate Action, Australia

NORTH AMERICA

Katie Huffling, DNP, Executive Director, Alliance of Nurses for Healthy Environments

Canadian Medical Association, Canada

Canadian Health Association for Sustainability and Equity, Canada

Canadian Association of Physicians For The Environment, Canada

Medical Society Consortium on Climate and Health, US

Climate Psychiatry Alliance, United States

Climate Health Now, United States

Michigan Clinicians for Climate Action, United States

Physicians for Social Responsibility/Sacramento, United States

Physicians for Social Responsibility Pennsylvania, United States

Carolina Advocates for Climate, Health, and Equity, United States

Greater Boston Physicians for Social Responsibility, United States

Washington Physicians for Social Responsibility, United States

Boston College Global Observatory on Planetary Health, United States

Georgia Clinicians For Climate Action, US

Climate and Health Foundation, US

Fundacion Plenitud, US

San Francisco Bay Physicians For Social Responsibility, US

Vermont Climate and Health Alliance, US

Solavida, US

Physicians For Social Responsibility – Florida Chapter, US   


Si votre organisation souhaite soutenir la lettre, veuillez utiliser ce formulaire.



Pour le démantèlement immédiat du complexe fossile

Carte blanche parue dans Le Soir

Par Paul Blume, Observatoire de l’Anthropocène; Cédric Chevalier, essayiste, Observatoire de l’Anthropocène; Kim Le Quang, Rise for Climate Belgium; Laurent Lievens, docteur en sociologie et chargé de cours, Observatoire de l’Anthropocène

Le philosophe Frédéric Lordon, grand disciple du philosophe Baruch Spinoza, a poursuivi sa réflexion sur les affects qui règlent les relations humaines, la société, la politique et le fonctionnement de l’Etat. En politique, chacun, chaque camp, chaque parti, cherche à affecter le reste du corps politique afin de le mobiliser, de le mettre en mouvement, dans une direction souhaitée, préférée. Les mots prononcés par les « leaders d’opinion », politiciens, les intellectuels, les activistes, les citoyens, les artistes, dans leurs discours, débats, œuvres d’art nous affectent plus ou moins intensément et nous mettent en mouvement. Les idées, en ce sens, gouvernent le monde, si elles sont capables d’affecter les corps, les puissances d’agir individuelles, dont le corps politique, la puissance de la multitude ou puissance publique, est l’émergence et se traduit dans l’institution de l’Etat mais aussi dans toute organisation composée de membres. Depuis plusieurs décennies, l’écologie scientifique, philosophique et politique a cherché à affecter le corps politique dans son champ d’intervention. Les scientifiques ont usé du langage de la science, prudent, modéré, circonspect, conservateur tandis que les philosophes usaient du langage de la philosophie, rigoureux, aride, conceptuel, tandis que les politiciens usaient du langage de la politique, ambigu, consensuel, cherchant à diviser ou rassembler, cherchant à dévoiler ou à cacher, tandis que les activistes et les artistes usaient du langage de l’activisme et de l’art, cherchant à choquer, à secouer, à bousculer pour provoquer un réveil, une conscience de l’urgence et une mobilisation citoyenne et politique à la hauteur de cette urgence. Ces discours se renforcent ou se déforcent mutuellement, s’affrontent, se composent et se décomposent. C’est ce qui fait l’histoire. Lentement, des lignes bougent, y compris dans les rédactions journalistiques. Mais la réaction, toujours en embuscade, cherche à contrecarrer ce mouvement naissant, cherche à conserver l’inertie du corps politique orientée dans une trajectoire insoutenable. Une lutte de visions du monde, de mots, de partis, de mouvements, est à l’œuvre et va déterminer le sort de millions, de milliards de vies, le détermine déjà. Certains accusent d’autres d’illusion et vice versa. Mais le monde ne connaîtra qu’une seule trajectoire. Sera-t-elle celle de l’effondrement ou celle de la métamorphose ?

Parmi les mots qu’il importe d’introduire dans le débat public, figure ceux de démantèlement immédiat du complexe fossile. Les mots sont forts : démantèlement, immédiat, complexe, fossile.

Qu’est-ce le complexe fossile ? Au sens large, c’est l’économie mondiale, dont le fonctionnement repose encore massivement sur les combustibles fossiles qui nous tuent littéralement, par la pollution de l’air, la catastrophe climatique, la destruction des écosystèmes, l’extractivisme, le consumérisme, et bien d’autres maux. Font partie du complexe fossile : le complexe automobile, le complexe agro-alimentaire, le complexe aérien (tourisme et marchandise), le complexe de la construction (immobilier et routier), le complexe naval (tourisme et marchandise), le complexe plastique, le complexe énergétique et bien sûr, le complexe pétrochimique lui-même, qui les fournit tous en combustibles fossiles. Au sens plus étroit, c’est l’industrie pétrochimique.

Pourquoi le mot complexe ? Il signifie « tissé ensemble » et décrit une manière de penser systémique, non mutilée, où on refuse d’analyser seulement certains morceaux de la réalité, en oubliant d’autres. Ainsi, il n’est pas adéquat de s’attaquer à l’industrie pétrochimique sans s’attaquer à notre usage collectif des combustibles fossiles puisque nous faisons partie du même système. Notre société, l’économie mondialisée est intimement tissée avec le complexe fossile. Impossible de conserver notre société sans les combustibles fossiles, nous n’avons le choix que de changer de société ou détruire l’habitabilité planétaire. Les scientifiques sont clairs : nous devons sortir de toute urgence du fossile.

Que signifie démantèlement ? Cela signifie qu’il faut non seulement refuser tout nouvel inverstissement dans l’infrastructure fossile (cela comprend les routes, les usines de moteurs thermiques, les terminaux gaziers, les centrales au gaz, et les pipelines mais aussi les usines de fabrication de plastiques et les élevages et productions céréalières dépendantes du pétrole et de ses dérivés), mais qu’il faut également fermer et déconstruire l’infrastructure fossile existante, puisqu’elle continue à consommer des combustibles fossiles et donc à émettre de mortels gaz à effet de serre. Une simple analogie : il ne s’agit pas d’ajouter une pompe à chaleur à côté de la chaudière au mazout en priant pour que ça marche, il faut déconnecter, retirer et démanteler la chaudière au mazout (dont les matières et pièces peuvent servir à fabriquer de nouvelles pompes à chaleur). Le démantèlement ne peut être instantané, il faudra des milliards d’heures de travail dans le monde pour démanteler l’infrastructure fossile et construire l’infrastructure économique soutenable. C’est un processus gigantesque qui ne peut pas prendre moins que plusieurs décennies. Jusqu’à présent, nous avons surtout ajouté des éléments soutenables sans retirer les éléments insoutenables. Il ne faut donc pas s’étonner que la situation climatique et écologique empire. Comme s’étonner qu’un alcoolique qui boit un peu d’eau en plus de son whiskey verrait sa santé continuer à se détériorer.

Que signifie immédiat ? Cela signifie que le démantèlement doit commencer aujourd’hui, immédiatement, bien qu’il s’agisse d’un processus de longue haleine, et qu’il doit se dérouler le plus rapidement possible, ce qui nécessite une mobilisation générale des citoyens et le passage des gouvernements et administrations en mode urgence, en mode « économie de guerre ». Chaque jour d’émissions de gaz à effet de serre se traduit par des morts supplémentaires. Tout retard est éthiquement injustifiable. Nous n’avons le choix que de démanteler le complexe fossile dès maintenant, sans attendre, pour minimiser le nombre total de victimes présentes et futures. Cela signifie concrètement que non seulement, on doit mettre fin aux chantiers de construction de nouvelle infrastructure fossile comme les centrales au gaz mais qu’on doit également démanteler une partie de l’industrie pétrochimique anversoise, une bonne partie des aéroports de Zaventem, Liège et Charleroi, ainsi qu’une bonne partie de notre industrie fossile, tout en reconvertissant les sites industriels, les bâtiments, les équipements, les machines, et les travailleurs à des activités économiques, des industries et des emplois soutenables, en suivant une logique de transition juste, où personne n’est laissé de côté. Tant que nous ne voyons aucun démantèlement en cours, nous ne sommes pas en transition et continuons à détruire l’habitabilité planétaire. Nous devons apprendre à retirer et pas seulement à ajouter.

En conclusion, voici 6 revendications à retenir pour un démantèlement immédiat du complexe fossile et la transition juste vers l’économie soutenable :

  1. Pas de nouveaux combustibles fossiles : pas de nouveaux financements publics ou privés, pas de nouveaux accords, licences, permis ou extensions. La mise à disposition d’un financement climatique suffisant et consensuel pour concrétiser cet engagement partout.
  2. Une élimination rapide, juste et équitable des infrastructures existantes, conformément à la résolution de plafonnement de température à 1,5 °C, et un plan mondial, notamment un traité de non-prolifération des combustibles fossiles, pour garantir que chaque pays prenne sa part de responsabilité.
  3. De nouveaux engagements de coopération internationale afin d’de déployer les soutiens financiers, sociaux et technologiques pour assurer l’accès aux énergies renouvelables, les plans de diversification économique, les plans de transition socialement juste, de sorte que chaque pays et chaque communauté puisse se passer rapidement des combustibles fossiles.
  4. Mettre fin à l’écoblanchiment et reconnaître que les compensations, la technologie de captage et de stockage du dioxyde de carbone (CSC) ou la géo-ingénierie sont des illusions.
  5. Tenir les pollueurs responsables de leurs dégâts et veiller à ce que les industries du charbon, du pétrole et du gaz paient des réparations pour les pertes et les préjudices causés au climat et aux populations, ainsi que pour la réhabilitation, l’assainissement et la transition au niveau local.
  6. Mettre fin au lobby réactionnaire des entreprises utilisant les combustibles fossiles : non aux entreprises qui rédigent les dispositions de l’action climatique, qui financent les négociations sur le climat ou qui compromettent la réponse mondiale apportée face au changement climatique.

Les Francs-Maçons belges en appellent à la prise de mesures fortes et rapides pour le climat et la biodiversité !

Une opinion d’Alain Cornet, Grand-Maître du Grand Orient de Belgique, Daniel Menschaert, Grand-Maître de Fédération belge de l’ordre maçonnique mixte international du Droit-Humain, Léon Gengoux, Grand Maître de la Grande Loge de Belgique, Raymonda Verdyck, Grande-Maîtresse de la Grande Loge Féminine de Belgique et Jan Vanherck, Président de la Confédération de Loges Lithos

Contribution externe parue dans la Libre du 15 juillet 2023

Le mercredi 12 juillet, le Parlement européen a adopté un texte de “Règlement de restauration de la nature” visant à préserver un minimum d’environnement naturel existant et à en restaurer d’autres. La préservation de ces espaces naturels est indispensable pour lutter efficacement contre le réchauffement climatique et donc pour garantir la survie de l’humanité. Nous pourrions nous en réjouir mais il est inquiétant de constater que la portée du texte, adopté par l’Assemblée, a été fortement affaiblie par de nombreux amendements lesquels affectent tant son efficacité que sa mise en œuvre.

La Franc-maçonnerie n’a pas pour objet, ni pour but d’exprimer une opinion collective, mais, lorsque le respect des valeurs humaines est en péril, lorsqu’une vie digne pour tous les humains risque de ne plus être assurée, lorsque la qualité de vie des générations futures est profondément obérée, le silence n’est plus de mise.

Agir ici et maintenant

Les Francs-Maçons travaillent à la réalisation d’un développement moral, intellectuel et spirituel le meilleur pour tous. Ils sont conscients que cela n’est possible que dans le cadre d’une humanité fraternellement organisée entre les êtres humains d’une part et entre ceux-ci et la nature dans son ensemble d’autre part. Agir ici et maintenant pour atteindre cet objectif est essentiel pour la vie future sur notre planète.

Dès lors, nous estimons qu’il est de notre devoir de nous adresser à tous ceux qui ont des décisions à prendre en la matière, aux niveaux des États et de l’Europe, afin qu’ils agissent sans délai et prennent les mesures indispensables pour assurer aux générations futures une vie décente et cela sans aucune distinction et quel que soit le lieu où celles-ci vivront.

Notre conscience d’êtres humains est heurtée

Notre conscience d’êtres humains est heurtée par toute tergiversation quant à la mise en œuvre de politiques de sauvegarde de la nature qui pourrait mettre en cause la survie de l’humanité. C’est pourquoi, à la suite du débat qui a eu lieu au Parlement européen, nous joignons notre voix à celles de tous ceux qui pensent que les enfants d’aujourd’hui et de demain sont notre véritable priorité. Ensemble, avec les citoyens du futur nous faisons partie de ce que le philosophe François Ost appelle une communauté temporelle. Nous estimons également que nous sommes tout aussi responsables à l’égard des autres espèces naturelles. Pas uniquement que notre propre survie en dépend. La science nous rappelle que nous partageons avec toute la matière de l’univers une histoire commune. Tout ce qui vit participe au mécanisme de régulation des écosystèmes.

Relever un défi existentiel pour l’humanité

Le monde scientifique s’accorde également pour affirmer qu’il faut prendre d’urgence des mesures drastiques pour enrayer le réchauffement climatique et aussi la destruction de la biodiversité. Seul un équilibre harmonieux entre l’Homme et son environnement pourra assurer la survie de l’humanité.

Nous restons persuadés qu’une large majorité des députés européens et de membres des gouvernements nationaux sont conscients que ces mesures sont indispensables, sauf à condamner des pans entiers de la société à tenter de survivre dans des environnements dévastés.

Le monde traverse de nombreuses crises – dont certaines sont précisément induites par la crise climatique – mais elles ne peuvent pas être un obstacle aux actions à mener pour relever le défi existentiel que l’humanité s’est lancée à elle-même.

Le Progrès ne doit plus être responsable d’une perte de sensibilité

Nous sommes conscients que les décisions sont difficiles à prendre, elles remettent inévitablement en question nos modes de vie, nos modes de production et de consommation, voire, des éléments importants de notre système économique. Les citoyens ne l’accepteront que s’ils constatent que leurs représentants leur proposent en même temps une alternative globale et positive, un projet de société reposant sur des principes de fraternité et d’égalité, où la nature serait considérée autrement que comme une ressource inépuisable. Une société où la définition du Progrès ne serait plus responsable d’une perte de sensibilité à l’égard des autres formes de vie car la crise écologique est également une crise de la sensibilité et une crise du sens des responsabilités individuelles et collectives. D’ailleurs, un tel projet de société pourrait être largement débattu dans la société elle-même, les citoyens devenant ainsi coresponsables des décisions à prendre. La démocratie n’en sortira que renforcée et grandie.


Faites entendre votre voix

Un projet des Territoires de la mémoire

Chaque élection rencontre le risque d’une émergence de partis d’extrême-droite, ce phénomène a pu s’observer ces dernières années à travers toute l’Europe… et la Belgique n’est pas épargnée. Mais au-delà de cette menace directe, chaque échéance électorale se confronte à la propagation de discours populistes, d’idées mettant à mal nos démocraties, et ce jusqu’au cœur de partis dits « classiques ».

Et puis il y a les citoyen·ne·s, parfois enthousiastes ou engagé·e·s, mais souvent désillusionné·e·s d’une représentation politique dans laquelle ils et elles ne se reconnaissent pas, d’un système qui laisse un sentiment d’impuissance.
C’est dans ce contexte que les Territoires de la Mémoire relanceront la campagne de sensibilisation Triangle Rouge, et au cœur de celle-ci, le projet Porte-Voix !

Porte-Voix ! , c’est l’envie de se faire entendre, de collecter la parole des citoyennes et des citoyens tout au long de l’année 2023 et de convertir ces paroles, nos revendications, nos exigences en quelque chose de beau.

Concrètement, les Territoires de la Mémoire souhaitent rassembler autour de ce projet une diversité de partenaires qui participeront à collecter les voix citoyennes et de les « esthétiser » par le biais d’ateliers artistiques afin qu’elles trouvent leur place dans une exposition collective qui verra le jour à l’aube des élections de 2024.

Enfin, nous souhaitons que ces voix soient réellement considérées, c’est pour cela que le projet devra s’achever sur une « phase d’influence « . En effet, nous souhaitons investir pleinement notre rôle de porte-voix en amplifiant les paroles qui nous seront confiées afin de les porter aux oreilles de nos représentant·e·s politiques et de faire vivre ces exigences citoyennes pendant et après cette période électorale.

Si vous aussi vous souhaitez participer avec vos publics à ce projet, n’hésitez pas à nous rejoindre !


Comment ?

Ci-dessous, une ébauche de la méthodologie que nous mettons en place avec nos groupes dans le cadre de ce projet.
Porte-Voix ! est un dispositif qui suscite l’expression et la créativité autour des enjeux de société, et qui s’intègre dans la Campagne Triangle Rouge.

Porte-Voix ! s’articule en 3 étapes :
  • Récolte de la parole, auprès de différents publics à travers des animations, des supports d’expressions variés, des techniques artistiques, autour de la phrase « Pour demain, j’exige… » → de février à décembre 2023
  • Création d’une exposition qui rassemble les productions écrites et créations réalisées → de mars à mai 2024 à la Cité Miroir
  • Construction d’une interpellation politique → de mars à juin 2024
Concrètement !
  • Avec les groupes, la démarche se passe en 2 étapes :

« Je m’informe, je découvre… « , à travers une exposition, une animation, un spectacle, etc. sur différentes thématiques.

« Je m’exprime autour de mes exigences pour demain… « , à travers un atelier d’écriture, un atelier créatif (typographique, collage, slam,…), des photos, des captations sons-vidéos…

  • Avec les individuels : interviews, dispositifs d’expression mobile.
Personne de contact ?

claraderhet@territoires-memoire.be ou 04/250 99 58


Face à l’Écocide planétaire, mettre fin au business-as-usual

Appel à la métamorphose urgente des sciences de gestion.

Lettre ouverte à la communauté universitaire
7 septembre 2022

Laurent Lievens

« Toute métamorphose paraît impossible avant qu’elle survienne. »1
Edgar Morin, 2008.

Suite aux nombreuses réactions à sa lettre, l’auteur vous dit Merci.

Aux ancien·ne·s, actuel·le·s et futur·e·s membres de la communauté universitaire, étudiant·e·s, collègues chercheur·e·s, professeur·e·s et membres du personnel administratif et technique, j’ai présenté tout récemment ma démission pour l’ensemble des cours en relation avec la Faculté des sciences de gestion de l’UCLouvain, la Louvain School of Management (LSM). Par cette lettre ouverte à la communauté universitaire, je souhaite faire usage public de la raison critique2, et lancer un appel urgent à l’action.

Durant ces vingt dernières années, j’ai servi loyalement, avec motivation et confiance, mon almamater, l’Université catholique de Louvain. Très tôt, j’ai fait partie des personnes inquiètes de la catastrophe écologique et humaine en gestation, avec la volonté de m’engager au service de la société. Après cinq années d’études aux Facultés universitaires catholiques de Mons (aujourd’hui l’UCLouvain FUCaM Mons), j’ai obtenu mon diplôme d’Ingénieur de gestion en 2007. J’ai également obtenu un Master en sciences et gestion de l’environnement auprès de l’Université libre de Bruxelles en 2009 ainsi qu’un Bachelier paramédical en psychomotricité relationnelle au Centre d’Enseignement Supérieur pour Adultes en 2020. Ces trois diplômes ont chacun été réussis avec grande distinction.

En 2015, j’ai présenté une thèse de doctorat3 en sciences politiques et sociales portant sur la pensée et le mouvement de la décroissance, qui a recueilli l’enthousiasme de l’ensemble du jury.
J’ai ensuite enseigné à l’UCLouvain comme chargé de cours invité dès 2015, donnant notamment les cours d’éthique de la communication, d’épistémologie, de compétences relationnelles, de compétences managériales, de responsabilité sociétale des entreprises. J’ai vécu de l’intérieur l’évolution de la Louvain School of Management et le développement de son organisation, de
son enseignement et de sa recherche. En ce mois de septembre 2022, ma thèse est parue sous la forme d’un livre intitulé « Décroissance et néodécroissance. L’engagement militant pour sortir de l’économisme écocidaire »4. Je suis également engagé au sein de la société à de multiples niveaux. Ma prise avec le réel – la terre, la matière, le vivant, le corps, l’autre – est aussi assurée
par mes activités extra-académique comme la menuiserie, le secourisme, la supervision d’équipes de soins, l’accompagnement thérapeutique, etc. Ainsi, nul ne peut me soupçonner de ne pas disposer de la légitimité nécessaire pour exprimer mon opinion critique sur l’état actuel de la LSM dans une perspective sociétale hic et nunc

Dans mon rôle d’étudiant, de chercheur et d’enseignant, j’ai cru jusqu’à aujourd’hui en la capacité de changement de la LSM face à la gigantesque accélération de l’évolution du monde. J’ai tenté, dans la mesure de mes modestes moyens, d’insuffler de l’intérieur une prise de conscience des mégaphénomènes scientifiquement avérés de l’Anthropocène 5, de la Grande Accélération6 et de l’Écocide. Par leur simple existence, ces mégaphénomènes imposent de facto de métamorphoser de toute urgence l’enseignement et la recherche, notamment dans les sciences de gestion.
Pourquoi ? Parce que ces mégaphénomènes constituent une menace existentielle pour l’humanité et une très large part du vivant. Parce qu’ils ébranlent les fondations épistémologiques de la connaissance, de la science et de l’université. Parce qu’ils démontrent que les sciences (économiques et) de gestion reposent sur des paradigmes épistémologiques obsolètes. Nous avons changé d’ère géologique et la condition humaine s’en trouve définitivement modifiée. Notre métaphysique et notre éthique doivent être actualisées d’urgence dans une biosphère qui se rebelle 7. L’action collective des êtres humains dans les organisations fait face à une incertitude radicale et à la nécessité d’un engagement éthique de portée existentielle. J’ai – avec d’autres – la conviction que le maintien du paradigme dominant en sciences de gestion équivaut donc aujourd’hui à une forme criminelle de dogmatisme et d’obscurantisme, contraire à l’esprit des Lumières.

Depuis 20 ans, j’ai vu dans l’institution universitaire un lieu de transmission et d’exploration de la raison critique – le pourquoi ? éthique de la philosophie –, de la capacité à élaborer une pensée complexe, de la mise en lien des savoirs dans la continuité du projet d’émancipation des Lumières. Je déplore aujourd’hui que ce projet d’émancipation ne soit plus au cœur de l’institution de la LSM, et que cette dernière passe radicalement à côté de l’urgence d’un changement de paradigme, dont l’ensemble de la société et du vivant ont pourtant besoin.
Désormais, je fais le constat inquiétant que la raison instrumentale – le comment ? technique de la science sans conscience – a pris une tournure de plus en plus totalitaire au sein de l’enseignement des sciences de gestion : les méthodes quantitatives, la finance de marché, le droit d’entreprise, la comptabilité, la gestion des « ressources » humaines, la logistique, l’informatique, la fiscalité, la micro et la macro-économie, le marketing tels qu’enseignés aujourd’hui sont des instruments qui servent des fins désormais illégitimes.

Le cadre capitaliste de notre civilisation – et sa version néolibérale actuelle – ainsi qu’une pensée hors sol, un réductionnisme maladif, une obsession du quantitatif et un déni des limites8, donnent lieu à un illimitisme forcené, une démesure extractiviste, productiviste et consumériste, une croissance délétère ainsi qu’une foi béate dans la technoscience salvatrice9. C’est à ce cadre-
là que contribuent les sciences de gestion, en étant parmi les instruments les plus efficaces de son expansion. Cette véritable mégamachine10 conduit obligatoirement une très large partie du vivant – dont l’humanité – aux effondrements. Il y a plus de 50 ans (!), le rapport Meadows 11 signifiait déjà l’impossibilité du maintien de ce système et depuis lors les consensus et alertes
scientifiques n’ont cessés d’abonder dans ce sens 12. Ce n’est pas une métaphore, nos forêts sont en train de brûler, nous passons de canicules et sécheresses en inondations, nos sols et nos eaux se stérilisent, les ressources alimentaires sont menacées, la fréquence des zoonoses explose, les écosystèmes s’effondrent… et nous regardons ailleurs. Sur 9 limites planétaires étudiées, 6 sont déjà dépassées13 : le climat, la biodiversité, les cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore, l’occupation des sols, l’utilisation mondiale de l’eau, la présence d’entités nouvelles (dont les plastiques) dans la biosphère. En 50 ans les populations de vertébrés (poissons, oiseaux, mammifères, amphibiens et reptiles) ont diminués de presque 70 % sur la planète14, essentiellement à cause des activités humaines. En 2017, 25 ans après un premier appel, quinze mille (!) scientifiques de 184 pays publiaient un second manifeste15 alertant de la trajectoire de collision de notre modèle sociétal avec le vivant si le business-as-usual était maintenu. L’ONU annonce entre 200 et 250 millions de réfugié·e·s climatiques dans le monde d’ici moins de 30 ans16. Nous avons vécu la plus grande pandémie mondiale depuis celle de 1918, dont les causes sont intimement liées à l’Écocide planétaire, au
point que nous sommes entrés dans l’ère des pandémies17. Nous assistons à la plus grande guerre sur le continent européen depuis la Seconde guerre mondiale, et la plus grande crise énergétique depuis le 1er choc pétrolier en 1973. Voilà les faits scientifiques, validés par la communauté scientifique internationale, selon la méthode scientifique. Les sciences économiques et de gestion ne peuvent continuer à les ignorer.

Mais les chiffres s’accumulent ad nauseam, l’ensemble de nos voyants passe au rouge et malgré les discours grandioses, les réactions sont anémiques. Du déni collectif s’accumulant depuis un demi-siècle ! Aujourd’hui, l’inertie nous tue en masse. D’éminents juristes de réputation internationale tentent de formuler un nouveau crime contre l’humanité, celui d’Écocide18, dont la gravité éthique pourrait être comparable à celle du crime de génocide. Face à la démesure de cette situation, la question de la résistance ou de la collaboration de chaque individu et de chaque organisation au business-as-usual est éthiquement inévitable. De plus en plus de citoyen·e·s, notamment parmi les plus diplômé·e·s, refusent désormais de travailler pour des organisations qu’ils et elles considèrent comme collaboratrices de l’Écocide en cours.

C’est donc d’abord et avant tout pour son inaction structurelle19 face à l’Écocide que je me dissocie aujourd’hui de la Louvain School of Management et démissionne de tous les cours reliés à cette Faculté. Si ma foi en le projet d’émancipation des Lumières porté par l’Université reste intact, et si je ne souhaite pas démissionner de l’UCLouvain à ce stade, je souhaite, par ma démission et cette lettre ouverte, manifester mon intention de ne plus collaborer à la trajectoire de déni et d’inaction de la LSM et lancer un appel à l’action. Mes motivations étant exposées, l’exercice public de la raison critique m’impose de me justifier par une argumentation faite de « réflexions soigneusement pesées et bien intentionnées sur ce qu’il y aurait d’erroné dans ce corps doctrinaire »20 .

Ainsi, la confiance que je portais à la LSM s’est lentement érodée vu son déni et son inaction, mais elle s’est franchement rompue suite à une réforme des programmes de cours qui sera implémentée dès cette rentrée 2022. Si cette réforme ne suffit pas à justifier à elle seule mon action, c’est clairement la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Ainsi, pour les trois années de bachelier totalisant 180 crédits ECTS, ceux attribués à la « formation pluridisciplinaire en sciences humaines » passent de 26 à 19 pour les étudiant·e·s en sciences de gestion et à 14 pour les étudiant·e·s en Ingéniorat de gestion. Une baisse quantitative conséquente, mais également qualitative : de cette coupe en règle, il ne restera à partir de cette rentrée plus aucun cours de philosophie, de sociologie, de sociologie des organisations, de psychologie, d’histoire économique et sociale, etc., pour ces étudiant·e·s. Mes interpellations écrites aux autorités – restées sans réelle réponse – et la consternation de plusieurs collègues (de la LSM et d’autres
Facultés) n’auront pas suscité la moindre remise en question de cette réforme.

Pourtant celle-ci n’est pas seulement un anachronisme complet vis-à-vis du monde réel – que nous avons décrit ci-dessus –, mais vient dramatiquement et en totale inconscience accentuer la trajectoire actuelle des programmes en sciences de gestion, sabotant les quelques cours encore susceptibles d’apporter un esprit critique vis-à-vis de l’idéologie managériale écocidaire. Nous touchons ici de très près ce que le sociologue et philosophe Edgar Morin nomme la haute crétinisation universitaire produisant, selon ses termes, un obscurantisme accru et une pensée mutilante.

C’est en effet l’organisation d’une destruction pure et simple d’une large part des fondements humanistes et critiques qui subsistaient encore péniblement au sein de ces formations. À la place, nos étudiant·e·s bénéficieront de cours directement axés sur la pratique gestionnaire (psychologie économique, éthique et RSE, informatique de gestion, etc.) et pour lesquels rien
n’indique la moindre contribution à une remise en question du paradigme gestionnaire dominant. La raison instrumentale devient ainsi peu à peu totalitaire, ayant réussi son autodafé contre la raison critique.

En cette rentrée 2022, j’ai donc de très sérieuses craintes face à l’avenir, en me souvenant être ici dans une Faculté de sciences de gestion, qui prétend former les futur·e·s cadres – les gestionnaires – de nos organisations : petites, moyennes et grandes entreprises, associations, collectivités territoriales, administrations, Régions et Communautés, État même puisque des ingénieurs de gestion occupent des fonctions ministérielles. Ce sont notamment celles et ceux qui demain dirigeront des équipes, orienteront des choix industriels, créeront des entreprises, mettront en œuvre les politiques publiques, planifieront l’innovation sociale et technique, assureront l’assemblage des ressources nécessaires à l’action collective, orienteront la vision des associations, seront confronté·e·s aux décisions stratégiques et opérationnelles de la gestion de toute organisation.

Combien d’étudiant·e·s subiront le formatage d’une raison instrumentale écocidaire, dénuée de toute raison critique ? Au vu de l’appareillage idéologique dont la LSM les dotera – totalement hors-sol et ignare des fonctionnements systémiques et complexes du vivant – je crains pour l’avenir de ces diplômé·e·s et redoute leur désemparement face aux risques sociétaux déjà bien
présents et à venir.

L’enjeu de la formation et de la recherche en sciences de gestion, vu le rôle décisionnaire au plus haut niveau que joue nombre de ses diplômés, et l’influence de nombre de ses académiques, est tout, sauf anecdotique face à l’Écocide.

Comme de plus en plus d’entre nous, en particulier parmi les jeunes étudiant·e·s et chercheur·e·s, je souffre d’écoanxiété. Jusqu’à quel niveau de dégradation du vivant (sociétés humaines y compris) faudra-t-il s’enfoncer pour s’émanciper d’une idéologie illimitiste toxique et quitter la trajectoire actuelle ? Encore combien de rapports, articles, appels, colloques, congrès, analyses,
avant de dépasser le déni, l’inertie et délaisser greenwashing et petits pas19 ? Encore combien de compromissions vis-à-vis des acteurs du business-as-usual, qui ont parfois pignon sur rue au sein de la LSM, avant de s’engager dans d’autres chemins et avec d’autres acteurs ?

Ce cursus universitaire ne m’apparaît à l’évidence plus comme une force progressiste, mais comme un lieu conservateur de reproduction de l’existant, pourtant mortifère, un lieu dévitalisé d’ajustement et de raffinement de la Mégamachine. En tant que scientifique et intellectuel, j’ai à cœur de prendre au sérieux ce que la communauté scientifique indique – même si je mesure que cette démarche n’est apparemment plus centrale chez les conceptrices et concepteurs de la réforme des programmes au sein de la LSM. La connaissance actuellement sérieuse – nourrie par les sciences de la Terre et du vivant, la physique et la thermodynamique,
l’approche systémique, etc. – indique que notre modèle sociétal détruit les conditions d’habitabilité de la planète. C’est donc à un changement radical – à la racine – que nous sommes confronté·e·s (la métamorphose telle que définie par Edgar Morin, et le fait de redevenir des Terrestres selon le philosophe Bruno Latour), et la politique des petits pas consistant à saupoudrer les formations de quelques vagues notions de développement durable, d’éthique appliquée ou de transition, en supprimant les cours qui incarnent la raison critique (philosophie, sociologie, histoire, etc.) n’a pas l’envergure requise pour cela. Elle sert au mieux à attirer le futur
employé idéal de l’industrie insoutenable et retarde une mutation complète des programmes de formation et de la recherche.

Cette réforme LSM s’apparente néanmoins à un symptôme d’aggravation plus qu’à la cause profonde de la maladie : les sciences économiques et de gestion – dans leurs fondements métaphysiques, épistémiques, éthiques, théoriques et pragmatiques – nécessitent d’urgence une profonde métamorphose pour quitter la trajectoire écocidaire et permettre de gouverner les organisations humaines avec intelligence dans l’Anthropocène. Face à l’échec manifeste de la LSM à s’autoréformer avec l’urgence et le sérieux requis, je prépare un ouvrage collectif de déconstruction-reconstruction afin de nourrir cette métamorphose. J’appelle dès lors toute personne désireuse d’y contribuer, qu’elle soit étudiante, chercheuse, professeure ou citoyenne, à s’associer à cet effort.

Étant donné l’exercice public de la raison critique que j’effectue par la présente, j’imagine mal continuer d’enseigner aux étudiant·e·s de cette Faculté en l’état actuel des choses. Afin de réaligner mes valeurs éthiques avec les faits réels, et préserver mon envie de transmettre les valeurs d’émancipation issues des Lumières, je fais le choix risqué de me démettre de mes fonctions pour me concentrer sur la métamorphose du système et ce, depuis l’extérieur.

Par ce choix que je pose et expose publiquement, je souhaite acter en tant que lanceur d’alerte : aucun diplôme n’a de sens sur une planète morte. Les Universités et l’ensemble des Facultés ont à mes yeux le devoir de se hisser à la hauteur du changement radical que requiert l’Écocide. Si une Faculté en particulier échoue à se réformer par la raison critique, les autres Facultés ont le devoir de faire revenir la brebis perdue au bercail. Si les sciences économiques et de gestion condensent le pire de la conservation de l’existant, les autres champs scientifiques ne sont pas exempts de toute critique. Là aussi, la raison instrumentale règne souvent en maître et a chassé une grande part de la raison critique. Par ailleurs, si la LSM échoue à se métamorphoser, c’est aussi le cas de l’immense majorité des écoles de gestion, et autres business schools, partout dans le monde. La responsabilité de la communauté universitaire dans le déni et l’inaction sociétale face à l’Écocide est donc pleine et entière. L’engagement public de toutes et tous est un devoir éthique. Il est urgent de se métamorphoser.

La destruction créatrice conceptualisée par le célèbre économiste Schumpeter semble notre dernier recours. Si le système échoue à s’autoréformer de l’intérieur – étant incapable de comprendre la nécessité de changer de système et non dans le système – alors gageons que des forces externes se chargeront de réaliser la métamorphose à laquelle les tenants de l’obscurantisme et du dogme se refusent. Déjà, de nombreux projets tels le campus de la transition et certaines formations entament cette bifurcation. Tôt ou tard, la LSM ne pourra y échapper. Les nouvelles générations d’étudiant·e·s et de chercheur·e·s sont en quête de sens. Si la LSM demeure un lieu de reproduction de l’existant, elle subira l’abandon de la communauté qui la fait exister. Et le plus tôt sera le mieux.

C’est donc moins aux éternel·le·s conservatrices et conservateurs de cet existant, qu’aux déviant·e·s – à la source de tous les progrès – que je m’adresse. La nouvelle génération d’universitaires va contribuer à changer le monde. En cette période de rentrée, j’appelle avec force les futur·e·s étudiant·e·s à faire un choix éclairé vis-à-vis des programmes de formation.
Au lieu de cours épars servant de vernis à la mode, exigez une connaissance réellement solide vis-à-vis des fonctionnements systémiques de la planète et du vivant dans toutes les formations.
Délaissez les cursus n’ayant pas un minimum d’auto-critique, d’épistémologie, de contextualisation historique et de réflexivité sur ses propres fondements paradigmatiques.
Fuyez les approches et institutions inféodées au business-as-usual et à ses représentants. Exigez de solides appuis vous permettant de penser de manière complexe, réflexive, (im)pertinente, rationnelle.

N’attendez pas la fin de votre formation – à l’image des étudiant·e·s de l’École polytechnique, d’AgroParisTech ou de l’École d’architecture de Versailles en juin dernier – pour découvrir avec une indignation légitime que ce cursus vous a doté d’une lecture du monde et d’outils en totale inadéquation avec le réel. Exercez une pression maximale, comme les étudiant·e·s rebelles de l’École des hautes études commerciales de Paris (HEC), appuyé·e·s par de nombreux et nombreuses alumnis, pour exiger un virage écologique ambitieux21.

Révoltez-vous dès la rentrée !

La recherche de la vérité et de la réflexivité est à la racine de la mission historique de l’Université.
Je vous encourage à vous hisser sur les branches les plus élevées du savoir, en cherchant à déployer l’arborescence des nouvelles connaissances indispensables pour exercer le métier de citoyen dans une époque étouffée par l’obscurantisme et le dogmatisme stériles. C’est l’idéal que je veux défendre pour ne pas renier les fondements de tout ce que, avec beaucoup d’autres, l’Université m’a légué. Rabelais écrivit il y a bien longtemps que science sans conscience n’est que ruine de l’âme. Depuis de trop nombreuses décennies, cette science sans conscience ruine l’habitabilité de l’unique planète connue pour abriter la vie.

Cher·e·s étudiant·e·s et futur·e·s étudiant·e·s, cher·e·s collègues membres de la communauté universitaire, je vous souhaite une belle rentrée académique, pleine d’audace critique. Il est encore temps de vous inscrire et d’œuvrer dans des Facultés qui ont un avenir et d’organiser la révolte dans celles qui sont tournées vers le passé. Je me révolte, donc nous sommes écrivait Albert Camus il y a plus de 70 ans22. Nous en sommes toujours là.

Laurent Lievens
Ingénieur de gestion, Sociologue, Psychomotricien
Chargé de cours invité (UCLouvain)
Chercheur in(ter)dépendant


1 Morin, E., (2008) La Méthode, Tome VI – Éthique, Opus Seuil, p. 2292.
2 Dans la filiation du philosophe Emmanuel Kant.
3 Lievens, L., (2015) La décroissance comme mouvement social ? Discussion théorique, perspective critique et analyse sociologique de l’action militante. PhD thesis at Institute of Analysis of Change in Contemporary and Historical Societies/Faculté des sciences économiques, sociales, politiques et de communication, Université Catholique de Louvain.
4 Lievens, L., (2022) Décroissance et néodécroissance. L’engagement militant pour sortir de l’économisme écocidaire, Presses universitaires de Louvain.
5 Crutzen, P.J., Stoermer, E.F., (2000) The “Anthropocene”, Global Change, NewsLetter, n° 41, p. 17-18. IGBP
6 Steffen, W. et al., (2005) The trajectory of the Anthropocene : The Great Acceleration, The Anthropocene Review, 2(1), pp. 81-98
7 Hamilton, C., (2017) Defiant Earth. The Fate of Humans in the Anthropocene, Wiley
8 Du fait de la résistance terrestre, biologique, matérielle, énergétique, humaine
9 Il suffit de voir la nouvelle doxa du tout numérique qui envahit même l’enseignement obligatoire, contre toute rationalité critique, alors qu’au-delà des conséquences sanitaires et cognitives, le numérique fait notamment exploser l’empreinte écologique, énergétique et matérielle.
10 Scheidler, F. (2020) La Fin de la mégamachine. Sur les traces d’une civilisation en voie d’effondrement, Seuil
11 Meadows, D., Meadows, D., Randers, J., and Behrens, W. (1972). The Limits to Growth : a Report for the Club of Rome’s Project on the Predicament of Mankind. Universe Book, New York
12 Meadows, D., Meadows, D., and Randers, J. (1992). Beyond the Limits : confronting global collapse. Envisioning a sustainable future. Chelsea Green Publishing, Vermont. [Voir également] Meadows, D., Meadows, D., and Randers, J. (2004). A synopsis. The Limits to growth : the 30 years update. Chelsea Green Publishing, Vermont
13 Steffen et al., (2015) Planetary boundaries: Guiding human development on a changing planet, Science. [Voir également] Wang-Erlandsson, L., Tobian, A., van der Ent, R.J. et al. (2022) A planetary boundary for green water. Nat Rev Earth Environ 3, 380–392.
14 Living Planet Report : Bending the curve of biodiversity loss, (2020), World Wide Fund for Nature
15 World Scientists’ Warning to Humanity: A Second Notice (2017), BioScience
16 Climat : 250 millions de nouveaux déplacés d’ici à 2050, selon le HCR, (2008), https://news.un.org
17 IPBES (2020) Workshop Report on Biodiversity and Pandemics of the Intergovernmental Platform on Biodiversity and Ecosystem Services. Daszak, P., das Neves, C., Amuasi, J., Hayman, D., Kuiken, T., Roche, B., Zambrana-Torrelio, C., Buss, P., Dundarova, H., Feferholtz, Y., Foldvari, G., Igbinosa, E., Junglen, S., Liu, Q., Suzan, G., Uhart, M., Wannous, C., Woolaston, K., Mosig Reidl, P., O’Brien, K., Pascual, U., Stoett, P., Li, H., Ngo, H. T., IPBES secretariat, Bonn, Germany
18 Voir notamment la Fondation Stop Ecocide, s’inspirant des travaux du juriste polonais Rafael Lemkin ayant inventé le terme « génocide » en 1944.
19 Il semble bien que les autorités de la LSM n’ont pas – malgré leurs constantes déclarations – de réelle conscience de ce que cela implique : sans remise en cause des fondements et des finalités des sciences de gestion, se doter d’un campus smart, vert, zéro déchet, avec des toilettes sèches et des machines à café équitables, des logements économes ou passifs, représente des ajustements marginaux.
20 Kant, E., (1784) Réponse à la question « Qu’est-ce que les Lumières ? »
21 https://www.novethic.fr/actualite/economie/isr-rse/sous-la-pression-des-etudiants-hec-prend-le-
necessaire-virage-ecologique-150850.html
22 Camus, A. (1951), L’Homme révolté, Gallimard


Pétition pour le bilan carbone obligatoire des projets industriels et immobiliers en Wallonie

proposé par Laetitia


Pour l’intégration obligatoire d’un bilan carbone dans le dossier des gros projets immobiliers et industriels !

Nous sommes un petit groupe de citoyens qui militons actuellement pour rendre obligatoire le bilan carbone complet pour les grands projets immobiliers et industriels en Wallonie.

Pour cela, nous utilisons le système de pétition officiel du Parlement, un processus citoyen prévu dans le cadre du droit de pétition (article 28 de la Constitution). L’objectif est d’atteindre 1000 signatures avant juillet pour obtenir une audition auprès de la Commission compétente. Les signataires doivent avoir plus de 16 ans, résider en Wallonie et s’identifier via la plateforme d’authentification fédérale (itsme, lecteur de carte ID + code PIN, ou token).

Lien : https://www.parlement-wallonie.be/pwpages?p=petition-detail&id=247

S’il est facile de trouver 1000 personnes qui soutiennent notre demande, il est plus difficile d’obtenir qu’elles signent effectivement. La procédure est complexe et en plusieurs étapes (se connecter, créer un compte, retourner à la pétition pour signer) et beaucoup de personnes ne vont pas jusqu’au bout, parfois sans le savoir.

Votre signature est d’autant plus précieuse, et nous vous remercions pour votre contribution !

Pourquoi signer cette pétition ?

À tous les niveaux de pouvoir, de l’Europe à la Région concernée, des engagements ont été pris pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de plus de moitié d’ici 2030 et atteindre la neutralité carbone (zéro émissions nettes) en 2050. Pour avoir une chance d’atteindre ces objectifs, il faut mettre en place rapidement des dispositifs contraignants qui permettent d’évaluer d’abord l’impact, puis la pertinence des aménagements et projets au regard de la trajectoire climatique visée. Or, il n’existe pour le moment aucune obligation en ce sens, et lorsqu’un bilan carbone est présenté, il exclut souvent le scope 3 (émissions indirectes), ce qui fait qu’un aéroport n’y compte pas les avions, qui sont pourtant sa première source d’émissions. 

Notre demande vise à combler ce manque, et sa mise en pratique permettra aux citoyens de mieux proposer des alternatives qui réduiraient les émissions de CO2 de ces projets.

C’est d’ailleurs ce qu’a fait l’association des Shifters avec le projet de PAD Médiapark à Bruxelles, et nous nous en inspirons.

the shifters bilan carbone

Bilan Carbone du projet PAD MédiaPark – pdf


Libérons l’eau

A l’initiative du réseau international de l’Agora des Habitants de la Terre et du politologue Riccardo Petrella.

CME Group, premier groupe financier mondial pour les contrats dérivés et qui gère la Bourse de Chicago, a lancé il y a un an les premiers contrats à terme sur le prix de l’eau, dépendant du Nasdaq Veles California Water Index, un indicateur du prix de l’eau lancé en 2018 dans l’État fédéral américain., avec un marché actuel d’environ 1,2 milliard de dollars.

Aux côtés du CME Group opère le fonds d’investissement privé le plus puissant du monde, Black Rock, qui gère aujourd’hui 9,5 trillions de dollars et qui est en fait la troisième puissance financière mondiale après les États-Unis et la Chine. La société Black Rock détient des participations actionnaires dans 18 mille entreprises à travers le monde. En France est présente dans le capital, entre 5 et 7%, de 22 sociétés du CAC40 ! En 2020, Black Rock a produit un rapport sur les risques représentés par la raréfaction croissante de l’eau pour le business des entreprises actives ou étroitement dépendantes de l’eau. Le conseil donné : « sauvez votre business en mettant l’eau (.son prix).. La Bourse de Chicago a suivi.

La décision, donc, a été prise par deux sujets privés financiers, américains USA, d’envergure mondiale, indépendamment de tout contact connu avec les autorités publiques, notamment les parlements. Par ailleurs, pourquoi les autorités publiques sont restées sans réagir ? Pourtant…..les conséquences seront très dévastatrices.

Une décision inacceptable

Soumettre l’eau à la spéculation financière, alors que 2,2 milliards de personnes n’ont toujours pas accès à l’eau potable, que 3 milliards de personnes ne disposent pas d’installations de base pour se laver les mains avec de l’eau et du savon, et que deux millions de décès y sont liés chaque année, ouvre des scénarios encore pires. Cela conduira inévitablement à la marginalisation des territoires, des populations, des petits agriculteurs et des petites entreprises, dans le cadre d’une crise globale des écosystèmes, du climat, de l’économie, de la société et de la santé.

L’eau est la mère de tous les droits, mais sa cotation en bourse rendra en fait inutile la résolution fondamentale de l’Assemblée générale des Nations unies de 2010 sur le droit universel à l’eau.
Le but de la mobilisation internationale des 7-9 décembre

À l’occasion de l’anniversaire de cette triste date, une grande mobilisation mondiale, de Bruxelles à Milan, en passant par Rome, Rio de Janeiro, Rosario, l’Argentine, la Patagonie chilienne, Paris et le Canada, luttera pour la libération de l’eau de la bourse.
Dans certaines villes, comme à Milan, Montréal, Paris, Rio de Janeiro, les manifestations publiques concerneront principalement es groupes économiques et financiers qui ont décidé de mettre l’’eau en bourse et qui font partie, dès lors, des prédateurs de la vie.

On exigera la sortie immédiate et définitive de l’eau de la Bourse.

Dans d’autres, comme Bruxelles, Rome, Rosario, les manifestation s’adresseront, surtout aux institutions publiques, en particulier aux parlements responsables, à ce jour, partout, de leur silence et absence. Pourquoi ne sont-ils pas intervenus pour empêcher la mise en bourse de l’eau ? Sont-ils complices des décisions prises par des entités privées, au mépris des droits à la vie (des humains e des autres espèces vivantes). ?

Au Parlement Européen , au Parlement italien, à la Camera fédéral brésilienne, à la Camera de l’État de Santa Fé en Argentine, ….. nous remettrons une lettre publique aux représentants élus des citoyens pour dénoncer le silence inacceptable des pouvoirs publics et leur incapacité à défendre ce bien commun vital qu’est l’eau et le droit à la vie de tous les habitants et êtres vivants sur Terre.

Nous exigeons :

– L’interdiction des transactions financières sur l’eau. Oui à la vie et non au profit ;
– L’interdiction de la cotation en bourse des entreprises du secteur de l’eau : zéro bourse pour l’eau, un bien commun et un service public mondial ;
– le rejet de la monétisation de la nature et la reconnaissance du droit des rivières, des mers, des lacs, des glaciers et de leurs systèmes écologiques à exister en tant que tels ;
– la substitution du principe « pollueur payeur » par le principe « polluer est interdit ».
– Des actions en justice contre les États qui ne préservent pas et ne garantissent pas la régénération de l’eau et de la vie, et qui laissent la protection du monde naturel à la monétisation de la nature.
– La fin du capitalisme prédateur des terres et des autres ressources de la planète ;
– La création d’un Conseil mondial des citoyens pour la sécurité commune de l’eau de la Terre et l’établissement de l’Assemblée mondiale de l’eau ;

Écrivez avec nous aux élus et aux représentants gouvernements qui doivent prendre des mesures immédiates et définitives pour sortir l’eau des marchés financiers, et éviter de devenir complices d’un crime écologique, social, sanitaire et économique sans précédent

Contact : riseforclimatebelgium@gmail.com
0499.43.93.50