3ieme guerre mondiale ?


Et si la troisième guerre mondiale avait déjà commencé ?. Au travers de cette hypothèse, Albin Wagener – Professeur d’université en Sciences du langage et Sciences de l’information et de la communication – évoque l’étrange période dystopique que nous vivons en ce premier quart du 21ième siècle. Sommes-nous déjà en guerre mondiale ?
Bonne lecture. ObsAnt

Reprise – texte publié le 3 février ici


Et si la troisième guerre mondiale avait déjà commencé ?

Albin Wagener (*)

A première vue, vous pourrez probablement penser que l’auteur de ces lignes est soit en train de traverser un épisode de déprime passagère nourri par un doomscrolling trop intensif, soit qu’il s’aventure bien loin de ses terrains d’expertise habituels. Les deux seraient inquiétants, cela va sans dire.

Pourtant, je souhaite que nous considérions un instant cette hypothèse, mais en oubliant ce que signifient pour nous les première et deuxième guerres mondiales. En d’autres termes, il s’agit d’ôter non seulement le prisme occidentalo-centré qui nous a permis de raconter les deux premières, et également de ne pas lire la situation du vingt-et-unième siècle avec la grille de lecture du vingtième – erreur hélas trop commode pour bon nombre de sujets. En effet, nous avons changé de siècle, et le siècle dans lequel nous nous trouvons voit une explosion de concepts le qualifier : anthropocène, accélérationisme, disruption digitale, ensauvagement, techno-fascisme… autant de termes qui redéfinissent un siècle, avec une vision générale peu optimiste.

Les différentes excroissances de nos sociétés, qui polluent d’une manière ou d’une autre notre rapport aux autres, aux médias, au système social et économique, ou tout simplement à nous-mêmes, semblent en réalité montrer qu’une guerre d’un tout nouveau genre a éclaté il y a quelques années déjà, et que nous n’en avons pas encore conscience – tout simplement parce que le théâtre des opérations n’a rien à voir avec les références atroces héritées du siècle dernier.

Source : https://cheezburger.com/9421135872/yeah-so-helpful

Le retournement récent des géants de la tech de la Silicon Valley, au moment où Donald Trump accédait à nouveau au pouvoir le 20 janvier 2025, constitue l’un des indices les plus importants. En effet, au moment même où le binôme de choc Trump/Musk accédait aux affaires de la première puissance mondiale, tels des Minus et Cortex sous acide et avec les codes de la valise nucléaire, Jeff Bezos et Mark Zuckerberg abandonnaient sans vergogne leur politique de diversité. Une manière éclatant de montrer que, depuis le début, les grands patrons de la tech n’ont soutenu les mouvements #BlackLivesMatter et autres #PrideMonth qu’à partir du moment où cela servait leurs intérêts commerciaux, et que ces mouvements étaient importants pour leurs clients.

Cela peut paraître évident et relativement anodin, si on le formule de cette manière. Mais en réalité, ce volte-face si abrupt, après une bonne quinzaine d’années d’engagements plus ou moins feints sur le sujet, montre tout simplement que les droits humains, le progrès social et la dignité citoyenne sont des concepts qui n’ont absolument ni intérêt, ni valeur, pour ces personnages. Le problème, c’est qu’entretemps, ces patrons nous ont rendus dépendants à leur plateforme, et se sont incrustés si profondément dans nos modes de vie et dans notre culture que nous sommes désormais cognitivement et affectivement liés à leurs produits.

Guerre cognitive

D’une certaine manière, la troisième guerre mondiale a commencé à partir du moment où nous avons laissé notre attention et notre cognition devenir le nouveau théâtre des opérations de nos agresseurs. Ces agresseurs ont toujours eu pour but de coloniser notre temps d’attention, quelle que soit notre classe sociale, notre inclinaison politique ou nos préférences. Et on aurait tort ici de ne viser que les réseaux sociaux, ce qui serait particulièrement commode.

https://medium.com/mind-talk/the-mental-tug-of-war-a-study-of-cognitive-dissonance-and-its-consequences-e709db3d5d61

Car évidemment, il ne s’agissait pas simplement de nous forcer à nous inscrire sur un réseau, d’y publier des photos ou de s’y faire des amis : il s’agissait de nous rendre dépendant à un tout nouveau mode de vie, entre commandes inopinées sur internet à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, discussions anodines transformées en micro-scandales et en cyber-harcèlement, nouvelles formes de séduction, captation de l’attention par des vidéos courtes conduisant à un reformatage cognitif, commandes vocales connectées colonisant nos espaces domestiques… absolument rien n’a échappé aux récents développements technologiques. Notre attention est devenue une ressource que l’on se dispute, et que nous vendons bien volontiers, pensant qu’il ne s’agit que de transactions anodines basées sur le divertissement.

Car dans ce pacte faustien, les avatars du divertissement suffisent à nous vendre n’importe quoi, à nous soumettre et à nous garder tranquilles, captifs dans ces petites bulles de facilité et de confort, qui après tout ne nous font pas réellement de mal. Et puis est-ce si grave d’offrir ainsi nos données personnelles, dont on n’avait pas réellement conscience avant cette époque ? En quoi cela pourrait-il être dangereux ?

Guerre environnementale

Tandis que nous sommes confits dans la douce quiétude de ce monde ultraconnecté aux services si agréables, et que notre terrain cognitif et affectif devenait désormais domestiqué, une autre guerre a pu ouvertement se déclencher : la guerre environnementale. Bien sûr, elle n’a pas démarré au vingt-et-unième siècle, loin s’en faut ; cela fait plusieurs décennies que les lobbies pétroliers et les politiques ultraconservateurs bataillent pour reculer les mesures permettant de lutter contre le changement climatique.

knowyourmeme.com

Mais cette fois, cela va plus loin : la guerre est menée au grand jour, à grands renforts de propos climatodénialistes ouvertement relayés dans des émissions à fort taux d’audience, alors même que les scandales sanitaires et environnementaux ne font que s’accumuler. Mais peu importe : le changement climatique est la faute des écologistes, les dégâts environnementaux sont la faute des agences chargées de surveiller l’environnement, et les catastrophes naturelles sont de la responsabilité des météorologues.

Cette guerre est menée contre ce qui nous fait vivre en tant qu’espèce et nous relie à tout le vivant : notre planète, tout simplement. Il ne s’agit pas ici que de réchauffement global, mais également de pollution environnementale ou d’agressions répétées et incessantes contre la biodiversité. Après avoir fait de notre mental leur meilleur allié, ces mêmes forces au capital important, dominantes économiquement, ont poursuivi leurs attaques contre notre monde – des attaques déjà largement entamées au moment des grandes colonisations occidentales du dix-neuvième siècle, avec le même sens aigu de l’impérialisme, du mépris pour tout ce qui n’est pas comme eux, et du goût du massacre.

Guerre médiatique

Mais pour garder captif notre espace mental, cognitif et affectif, et attaquer l’air que nous respirons, l’eau que nous buvons et la terre que nous cultivons, il était bien évidemment nécessaire de contrôler les canaux d’information qui nous auraient permis d’obtenir des informations objectives et des données fiables, susceptibles de nous faire réagir. Ici aussi, la guerre remonte à loin, mais elle a fini par prendre des proportions totalement incroyables depuis le début du vingt-et-unième siècle.

Cette guerre médiatique a permis d’abord d’installer un nouveau régime de parole : le régime de l’opinion. Ce régime n’a pas démarré au moment des réseaux sociaux, qui n’ont fait que l’amplifier : il trouve en réalité sa source dans les quelques talk shows un peu grossiers de la fin du siècle dernier, puis dans l’explosion des chaînes d’information en continu, qui exigent de ses invités des punchlines plus efficaces que de longues démonstrations savantes. Ainsi, dans ce régime de l’opinion, le scientifique expert ne peut rien contre l’éditorialiste toutologue, et le second parvient alors systématiquement a donner à son propos les atours d’une parole rationnelle et fondée, même et surtout lorsqu’elle n’est basée sur rien.

Outre cette reconfiguration des régimes de parole dans l’espace public, médiatique et donc démocratique, d’autres grandes fortunes ont décidé de faire main basse sur plusieurs titres et chaînes de télé, constituant d’immenses groupes de presse qui finissent par soutenir une idéologie dominante, capable de défendre les intérêts financiers, fiscaux et idéologiques des patrons en question. Ainsi, dans ce cas de figure, nous nous retrouvons face à une information qui n’est non pas savamment construite pour nous manipuler de manière grossière, mais qui est plutôt là pour diffuser une petite musique thématique incessante à laquelle nous finissons par nous habituer puis nous conformer, avec des avis sur l’actualité partagés par une majorité si large d’éditorialistes qu’ils doivent forcément avoir raison.

Guerre sociale

La guerre se joue également sur le terrain social. Pendant que nous sommes occupés à nous plonger dans le nid douillet de notre confort cognitif, que nous continuons à adopter des habitudes qui agressent notre environnement, et que nous cédons aux opinions dominantes de certains médias, les mêmes coupables démantèlent, avec plus ou moins de zèle et de subtilité, nos Etats – ou à tout le moins nos régimes de protection et de redistribution, qui permettent aux citoyens de vivre dignement et d’être de véritables acteurs de la démocratie.

https://www.coe.int/fr/web/compass/poverty

Car bien évidemment, il serait illusoire de penser que les patrons des lobbies pétroliers, les patrons des groupes de presse et les patrons de la tech n’aient pas les mêmes objectifs, à savoir : conserver un maximum de richesse de leur côté, les accumuler de manière toujours plus éhontée, année après année – et s’assurer qu’aucun Etat ni aucune politique trop humaniste ne viendra mettre son nez dans cette belle affaire. Ainsi, il faut donc peser suffisamment dans la vie politique des Etats, soit en finançant les programmes de ceux qui promettent de maintenir un système législatif et judiciaire suffisamment permissifs pour maintenir le grand déséquilibre capitaliste, soit désormais en prenant le contrôle de ces Etats – comme c’est le cas avec Elon Musk aux Etats-Unis.

Bien sûr, la brutalité face aux exploités n’a hélas pas attendu le vingt-et-unième siècle ; mais cette brutalité va s’accélérer, avec l’explosion des inégalités, de l’appauvrissement graduel de nos populations, et du sentiment de déclassement des classes moyennes supérieures – que l’on retournera facilement contre les classes qui se trouvent en-dessous d’elles. Et comme nous pouvons déjà le voir aux Etats-Unis, toutes les communautés les plus vulnérables en souffriront encore plus : femmes, personnes trans, enfants, personnes racisées, communautés LGBTQIA+ dans leurs ensemble, personnes handicapées – et je pourrais continuer tant la liste est longue. Ces discriminations vont s’accompagner d’une paupérisation grandissante et de l’articulation de fragmentations de plus en plus grandes entre ces communautés – alors que celles-ci auraient tout intérêt à s’unir pour se retourner contre leurs véritables ennemis.

La 3ème guerre mondiale a déjà commencé

Cette guerre s’attaque à 4 terrains distincts, de manière coordonnée : le terrain de l’intime (via la guerre cognitive), le terrain planétaire (via la guerre environnementale), le terrain de la circulation de l’information (via la guerre médiatique) et le terrain des structures sociales (via la guerre sociale). En d’autres termes, si nous ne repolitisons pas l’ensemble de ces espaces, et que nous théorisons et mettons en mouvement une lutte politique méthodique et intellectuellement fournie, nous risquons toujours de tomber dans les mêmes pièges et les mêmes écueils.

Car nous n’avons pas la puissance financière – et donc, de ce fait, pas la puissance d’influence capable de faire basculer un pays, une loi, une ligne éditoriale ou un code pour une nouvelle application. Si cette troisième guerre mondiale a déjà commencé, ce n’est pas tant par ses thématiques (dont certaines sont relativement anciennes) que par la concaténation de l’ensemble de ces terrains : nous sommes attaqués partout, en même temps, et cette guerre se joue désormais à un niveau trans-continental jamais atteints. Elle est menée par un tout petit pourcentage de la population mondiale contre l’intégralité de l’espèce humaine – et contre l’intégralité des espèces vivantes présentes sur la planète, cela va sans dire.

Dans cette guerre, nous n’avons pas vraiment d’alliés, mis à part nous mêmes. Nous sommes des milliards, certes, mais nous sommes faciles à berner, car l’intégralité des structures qui nous relient les uns aux autres, ainsi qu’à nous-mêmes, se retrouvent corrompues de manière brutale, insidieuse et indigne par des individus qui n’ont pour nous ni considération, ni reconnaissance, ni respect. Nous ne sommes que des instruments dans l’accroissement de leurs richesses. Nous sommes les munitions des armes qu’ils dirigent contre nous, comme les réseaux sociaux par exemple – au sein desquels nous sommes si prompts à nous diriger les uns contre les autres, au détour d’un commentaires, d’une republication ou d’un émoji mal placé.

https://outrider.org/climate-change/articles/climate-change-memes-are-helping-people-cope-eco-anxiety

Nous devons pouvoir faire autrement. Mais cela implique, entre autres, de faire probablement des choix radicaux sur l’ensemble de ces quatre théâtres d’opération. Des choix qui demandent sevrage, courage, et probablement une théorisation claire qui permet d’expliciter, de parler, de donner à comprendre et à apprendre auprès de nos pairs. Nous devons relier l’ensemble de ces problématiques, car en face, c’est donc bel et bien un fascisme d’un nouveau genre qui se dresse face à nous – une forme de radicalité violente, inhumaine et discriminatoire qui va désormais chercher, coûte que coûte, à nous imposer un ordre brutal.

Ils le feront en nous mettant en situation de surcharge mentale, en laissant brûler notre planète, en nous abreuvant d’informations fausses et en détruisant ce qui fait de nos sociétés, déjà si imparfaites et passablement injustes, des espaces de solidarité et de dignité. Bien sûr, il ne s’agit pas de dire que cette troisième guerre mondiale doive évacuer de l’esprit les guerres réelles et leurs atrocités qui se multiplient à travers le monde ; mais toutes ces guerres sont liées. Et dans tous ces cas de figure, des personnes réelles peuvent se retrouver privées de droit, en danger pour leur vie ou celle de leurs proches, obligées de survivre dans des situations de vulnérabilité inimaginables.

Cette guerre, c’est probablement l’enjeu de ce siècle. Parce que nous n’avons jamais aussi clairement vu nos ennemis. Ils ne sont jamais aussi clairement sortis du bois, préférant laisser les Etats en faillite au lieu de participer à leur sauvegarde – parce que leur but n’a jamais été l’équilibre économique des Etats, contrairement à ce que la bonne doxa néolibérale souhaite faire penser. Le but est de brûler l’intégralité de ce qu’ils peuvent brûler, tant qu’ils le peuvent encore, et d’amasser jusqu’aux derniers grammes de profit matériel, de l’ôter de nos mains, jusqu’à ce que nous ayons suffisamment de rage pour nous entretuer, mais pas assez d’énergie pour nous liguer contre eux.

Bibliographie

Delpech, Thérèse (2005). L’ensauvagement. Le retour de la barbarie au XXIè siècle. Grasset/Fasquelle.

Eco, Umberto (2017). Reconnaître le fascisme. Grasset.

Ertzscheid, Olivier (2017). L’appétit des géants. Pouvoir des algorithmes, ambitions des plateformes. C&F Editions.

Henschke, Adam (2025). Cognitive Warfare. Grey Matters in Contemporary Political Conflict. Routledge.

Malm, Andreas (2021). How to Blow Up a Pipeline : Learning to Fight in a World on Fire. Verso.

Piketty, Thomas (2013). Le Capital au XXIè siècle. Seuil.

Prévost, Thibault (2024). Les prophètes de l’IA. Pourquoi la Silicon Valley nous vend l’apocalypse. Lux.

Rosa, Hartmut (2005). Beschleunigung. Die Veränderung der Zeitstrukturen in der Moderne. Suhrkamp.

Stiegler, Bernard (2016). Dans la disruption. Comment ne pas devenir fou ? Les Liens qui libèrent.

Swartz, Aaron (2016). The Boy Who Could Change the World : The Writings of Aaron Swartz. The New Press.

Taylor, Mark C. (2014). Speed Limits. Where Time Went and Why We Have So Little Left. Yale University Press.

Traverso, Enzo (2017). Les nouveaux visages du fascisme. Textuel.

Wagener, Albin (2019). Système et discours. Peter Lang.

Wallenhorst, Nathanaël (2023). A critical theory for the anthropocene. Springer.

Zuboff, Shoshana (2019). The Age of Surveillance Capitalism: The Fight for a Human Future at the New Frontier of Power. PublicAffairs.




Les riches accumulent les richesses parce qu’ils savent ce qui les attend

L’effondrement est intégré dans leurs plans d’affaires


Les ultra-riches ont-ils une action coordonnée face aux risques systémiques d’effondrement ?

Voici le point de vue d’


Angus Peterson

deepltraduction Josette – original paru dans Medium

Les riches continuent de s’enrichir. Cela ne fait aucun doute. Mais ce que l’on oublie souvent de dire, c’est comment ils y parviennent, non seulement par l’exploitation habituelle, mais aussi en conduisant activement le monde vers la catastrophe tout en se protégeant des retombées.

Disons-le tout net : les ultra-riches ne se contentent pas d’accumuler des richesses ; ils les thésaurisent, stockant des fortunes à un rythme si effréné que le concept même d’argent en devient ridicule. Alors que le reste d’entre nous se fait sermonner sur la nécessité de réduire les dépenses – conduire moins, manger moins de viande, recycler, se contenter de moins – ils sécurisent leurs bunkers, achètent des îles isolées et élaborent des plans d’évacuation pour l’effondrement qu’ils sont en train d’accélérer.

Et ne vous y trompez pas, l’effondrement n’est pas qu’un lointain fantasme dystopique. Nous sommes déjà au cœur d’une polycrise : le changement climatique, la perte de biodiversité, la surexploitation des ressources, l’instabilité économique et la montée en puissance de l’autoritarisme se nourrissent les uns les autres comme une réaction en chaîne imparable. Pendant ce temps, les banques et les entreprises, qui pourraient financer les solutions, traînent les pieds ou font carrément obstruction au progrès, veillant à ce que le système continue de pencher en faveur de ceux qui ont déjà tout.

Les banques, par exemple, ont fait très peu de progrès en matière de financement d’infrastructures à faible émission de carbone. Elles font de vaines promesses d’investissements « verts », mais en réalité ? Les chiffres montrent un rythme de financement glacial qui est loin d’être suffisant pour éviter une catastrophe climatique. Et comme l’objectif de 1,5 °C a déjà été dépassé, cet échec ne relève pas seulement de l’incompétence, mais aussi de la complicité.

Mais les milliardaires ne s’inquiètent pas.

Pourquoi le feraient-ils ?

Ils gagnent plus de 100 millions de dollars par jour, une somme si énorme qu’elle défie l’entendement. En clair, si les milliardaires se souciaient réellement de l’humanité, ils auraient déjà résolu toutes les grandes crises mondiales. Le fait qu’ils ne l’aient pas fait vous dit tout ce que vous devez savoir.

L’inégalité des richesses n’est pas seulement un problème économique, c’est un problème existentiel.

Voici un calcul effrayant : au rythme actuel, la société est à moins d’une décennie de l’effondrement. Et lorsque cela se produira, les riches ne se soucieront pas de vous. Ils observeront la situation depuis leurs enceintes fortifiées, en sirotant des vins de luxe, tandis que les autres se battront pour des miettes.

Il ne s’agit pas simplement d’un capitalisme qui fait ce qu’il fait.

C’est la fin de la partie.

Et le pire ?

C’est le plan.

Les banques avancent à un rythme d’une lenteur exaspérante

S’il y a une chose sur laquelle on peut compter, c’est que les banques donneront toujours la priorité aux profits à court terme plutôt qu’à la survie de la planète. Elles adorent se présenter comme des institutions soucieuses du climat, en publiant des rapports ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) sur papier glacé et en prenant de grands engagements en faveur d’un « financement net zéro ».

Mais quand on regarde les chiffres, on s’aperçoit que les soi-disant progrès sont à peine perceptibles.

Une étude réalisée en 2024 sur les tendances mondiales en matière d’investissement bancaire a confirmé ce que beaucoup d’entre nous soupçonnaient déjà : les banques sont loin d’atteindre le niveau de financement nécessaire à la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Selon le rapport, un grand nombre d’institutions financières ne parviennent pas à réorienter leurs capitaux de manière significative pour les soustraire aux combustibles fossiles.

Les chiffres sont peu encourageants : moins de 7 % des actifs financiers mondiaux sont actuellement alignés sur une trajectoire de 1,5°C. Cela signifie que les banques jouent avec notre avenir et que nous sommes déjà en train de perdre.

L’objectif de 1,5 °C est mort (et les banques en sont complices)

Soyons clairs : nous avons déjà dépassé les 1,5 °C de réchauffement. L’objectif même qui obsède les négociations sur le climat depuis des années a été atteint, et pourtant, les institutions financières continuent d’agir comme si le temps jouait en notre faveur. Ce n’est pas le cas.

Au lieu d’augmenter les investissements dans les énergies vertes, les banques ont injecté des milliers de milliards dans les combustibles fossiles. Entre 2015 et 2021, 5,5 billions de dollars ont été investis dans des projets liés au pétrole, au gaz et au charbon. Cela représente six années de sabotage pur et simple, les banques souscrivant effectivement à la destruction du climat à un rythme qui éclipse leurs prétendues initiatives vertes.

Pire encore, les investissements dérisoires qu’elles réalisent dans les « infrastructures à faible émission de carbone » sont souvent truffés d’échappatoires. Les banques qualifient presque n’importe quoi d’investissement durable, qu’il réduise ou non les émissions.

Elles financent des projets de « capture du carbone » – des distractions coûteuses qui ne fonctionnent pas à grande échelle – au lieu de soutenir de vraies solutions comme l’expansion de l’énergie éolienne et solaire.

Elles écologisent leurs prêts en faveur des combustibles fossiles en prétendant qu’il s’agit de « projets de transition », alors qu’en réalité, il s’agit toujours de la même production d’énergie sale sous un autre nom.

Une mort lente à dessein

Si les plus grandes banques du monde voulaient vraiment éviter l’effondrement, elles déplaceraient des montagnes en ce moment même pour financer des infrastructures climatiques à grande échelle. Mais ce n’est pas le cas.

Et ce n’est pas une erreur, c’est un choix.

Elles ont fait les comptes. Ils savent parfaitement qu’un changement climatique non maîtrisé dévastera les plus pauvres et les plus vulnérables bien avant d’affecter les plus riches. Ainsi, de leur point de vue, se traîner les pieds n’est pas seulement une question de profits à court terme – il s’agit de préserver un système qui assure leur domination continue, même si le monde brûle.

Pendant ce temps, le reste d’entre nous assiste à l’accumulation des catastrophes climatiques – inondations engloutissant les villes, vagues de chaleur tuant des milliers de personnes, incendies de forêt réduisant les paysages en cendres – tandis que l’élite financière reste les bras croisés et continue d’encaisser les bénéfices.

À ce stade, il ne s’agit plus seulement de négligence. Il s’agit d’un effondrement prémédité.

Les milliardaires gagnent 100 millions de dollars par jour

Soyons clairs : si les milliardaires voulaient vraiment résoudre les problèmes du monde, ils auraient pu le faire hier. Au lieu de cela, ils accumulent les richesses à un rythme si effréné qu’il fait passer les rois médiévaux pour des êtres modestes.

Prenez le temps de réfléchir : les dix milliardaires les plus riches gagnent plus de 100 millions de dollars par jour, soit 4,1 millions de dollars par heure. Cela représente 70 000 dollars par minute. Toutes les soixante secondes, les milliardaires empochent plus que ce que la plupart des familles gagnent en un an. Et ils le font alors que les niveaux de pauvreté dans le monde sont restés exactement au même niveau qu’en 1990.

Le rapport d’Oxfam, intitulé « Takers, Not Makers », l’expose avec une clarté brutale : malgré les deux mille milliards de dollars qui s’ajoutent aux fortunes des milliardaires en une seule année, 44 % de l’humanité vit toujours sous le seuil de pauvreté. Et ce n’est pas parce qu' »il n’y a pas assez d’argent ». C’est parce que les ultra-riches siphonnent les ressources de la société à un rythme sans précédent, transformant ce qui pourrait être une prospérité partagée en réserves personnelles de richesses non dépensables.

Ils pourraient mettre fin à la pauvreté dans le monde, mais ils ne le feront pas

Si les milliardaires cessaient simplement d’accumuler des richesses pendant une journée – une seule – leur collecte quotidienne de 100 millions de dollars par personne pourrait financer des initiatives en matière de soins de santé, de logement et d’éducation dans le monde entier, qui permettraient de sauver des vies.

Mais ils ne le font pas.

Pourquoi ?

Parce que, pour eux, l’argent n’est pas un moyen d’atteindre une fin – c’est la fin. La richesse n’est pas une question de confort, mais de pouvoir. Et plus ils accumulent d’argent, moins nous avons de pouvoir.

Imaginez un peu : Si vous gagniez 1 000 dollars par jour, chaque jour, pendant les 315 000 prochaines années, vous ne seriez toujours pas aussi riche qu’Elon Musk ou Jeff Bezos. Même si les milliardaires perdaient 99 % de leur richesse du jour au lendemain, la plupart d’entre eux seraient toujours plus riches que 99 % des Américains.

Pendant ce temps, la classe ouvrière moyenne est invitée à « se serrer la ceinture » et à « travailler plus dur » pour faire face à la montée en flèche du coût de la vie. Les milliardaires ? Ils achètent les politiciens, écrasent les syndicats et échappent à l’impôt tout en convainquant le public que le « vrai problème », ce sont les immigrés, les programmes sociaux ou, d’une manière ou d’une autre, les travailleurs au salaire minimum qui réclament une rémunération équitable.

La richesse ne se gagne pas, elle s’extrait

Voici un petit secret : la plupart des milliardaires n’ont pas « gagné » leur richesse.

36 % de la richesse des milliardaires est héritée, ce qui signifie que près de la moitié des personnes les plus riches du monde sont tout simplement nées dans l’extrême richesse.

18 % proviennent de monopoles, c’est-à-dire de sociétés comme Amazon qui réduisent les salaires, éliminent la concurrence et dictent les prix.

6 % proviennent du copinage pur et simple, c’est-à-dire que les milliardaires exploitent leurs relations avec le gouvernement pour s’enrichir davantage.

Cela signifie qu’au moins 60 % de la richesse des milliardaires n’est pas gagnée. Et pourtant, le mythe persiste : on nous dit que les milliardaires « méritent » leur fortune, qu’ils sont des visionnaires, qu’ils travaillent plus dur que le reste d’entre nous.

Il faut se rendre à l’évidence :

La seule façon de devenir milliardaire est d’extraire la richesse de la classe ouvrière.

Les milliardaires ne créent pas, ils prennent : ils détournent la valeur des travailleurs sous-payés, achètent des politiques qui maintiennent les salaires à un bas niveau et truquent les marchés pour s’assurer que leur richesse continue de s’accroître tandis que la vôtre s’érode.

Et pourtant, leur machine de propagande fonctionne à merveille. La société est inondée de messages sur la « culture de l’effort », sur le travail acharné, sur l’adoption d’un « état d’esprit de milliardaire ». Ils veulent vous faire croire qu’avec suffisamment d’efforts, vous pourriez vous aussi devenir l’un d’entre eux.

Ce n’est pas le cas.

Statistiquement, vous avez des milliers de fois plus de chances d’être frappé par la foudre ou de mourir dans un accident d’avion que de devenir milliardaire. Le système n’est pas conçu pour élever les gens, il est conçu pour les maintenir au sol.

La classe des milliardaires sait que l’effondrement est imminent

Les 1 % les plus riches comprennent déjà ce qui se profile à l’horizon. C’est pourquoi ils ne financent pas des solutions climatiques, mais des plans d’évacuation. Ils construisent des bunkers souterrains, achètent des propriétés isolées en Nouvelle-Zélande et investissent dans des complexes de luxe « hors réseau » pour résister à la tempête qu’ils ont contribué à créer.

Pendant ce temps, ils continuent d’assécher l’économie, de resserrer leur emprise sur les ressources mondiales et de s’assurer que, lorsque l’effondrement se produira, ils seront les seuls à disposer d’un radeau de sauvetage.

Il ne s’agit pas d’un capitalisme qui a mal tourné. C’est ainsi qu’il a toujours été censé fonctionner.

L’inégalité des richesses va déchirer la société…

…et cela arrive plus vite que vous ne le pensez.

Il y a un moment où l’inégalité des richesses cesse d’être un simple problème économique pour devenir une véritable poudrière. Ce moment n’est plus à une décennie près, il est presque arrivé. Une étude du King’s College de Londres a révélé des chiffres effrayants : si les tendances actuelles se maintiennent, il faudra environ dix ans pour que l’effondrement de la société soit déclenché par la seule disparité des richesses.

Pensez-y.

Nous ne parlons pas de l’effondrement du climat, de l’épuisement des ressources ou de l’instabilité politique, bien que tous ces phénomènes s’accélèrent. Nous parlons de l’inégalité en soi qui atteint le niveau où les sociétés du monde entier commencent à s’effondrer.

Et pourquoi ne le feraient-elles pas ?

À l’heure actuelle, les 1 % les plus riches possèdent près de la moitié de toutes les richesses de la planète. Pendant ce temps, les salaires des travailleurs et des classes moyennes stagnent depuis plus de 40 ans, alors même que le coût de la vie monte en flèche.

À titre de comparaison, les 50 % les plus pauvres de l’humanité possèdent collectivement moins de 2 % de la richesse mondiale. Il ne s’agit pas d’une société qui fonctionne, mais d’un système sur le point de s’effondrer complètement.

Nous avons déjà vu cela (et ça ne finit jamais bien)

L’histoire regorge d’exemples de ce qui se passe lorsque la concentration des richesses atteint ce niveau.

– Rome s’est effondrée en raison d’une inégalité extrême.

– La Révolution française s’est déclenchée lorsque l’aristocratie a accaparé les ressources alors que le peuple mourait de faim.

– La Russie a explosé parce qu’une élite déconnectée a ignoré trop longtemps les souffrances des masses.

Même la révolution américaine a été programmée pour éviter une révolte de la classe ouvrière contre l’oligarchie de l’époque.

Et pourtant, les milliardaires d’aujourd’hui – assis sur une richesse si vaste qu’elle défie l’entendement – semblent penser qu’ils sont immunisés contre les leçons de l’histoire.

Ce n’est pas le cas.

Une société ne peut supporter qu’une quantité limitée d’extraction

Le problème n’est pas seulement que les riches accumulent des quantités obscènes de richesses, mais aussi qu’ils les extorquent à tous les autres à un rythme de plus en plus rapide.

Imaginez un peu :

– Les salaires réels sont en baisse depuis des décennies en raison de l’inflation et de la suppression des droits du travail par les entreprises.

– Le logement est devenu inabordable dans presque toutes les grandes villes, car les milliardaires et les sociétés d’investissement achètent des propriétés pour gonfler le marché.

– Les soins de santé restent un privilège, et non un droit, et des millions de personnes meurent chaque année de causes évitables, simplement parce qu’elles n’ont pas les moyens de se soigner.

– La sécurité de l’emploi a pratiquement disparu, remplacée par le travail à la carte et les emplois instables et mal rémunérés.

À un moment donné, les gens craquent. Ils se rendent compte qu’en travaillant plus dur, ils ne parviendront jamais à combler le fossé. Ils comprennent que leurs enfants grandissent dans un système qui leur offre des opportunités, une sécurité et un avenir pires que ceux de leurs parents. Et lorsqu’un nombre suffisant de personnes parviennent à cette prise de conscience, le contrat social se dissout entièrement.

Quand la société s’effondre, elle s’effondre partout

L’étude du King’s College estime que les effets de l’inégalité des richesses se feront sentir dans le monde entier d’ici dix ans. Il ne s’agit pas d’un problème propre à un pays ou à une économie, mais d’un effondrement systémique qui ne demande qu’à se produire.

– Les troubles civils exploseront à mesure que l’instabilité financière s’aggravera, les manifestations, les grèves et les émeutes devenant plus fréquentes et plus intenses.

– L’autoritarisme montera en flèche, les gouvernements réprimant la contestation pour protéger les intérêts des entreprises et des grandes fortunes.

– La polarisation politique s’accentuera, alimentée par la frustration, la désinformation et la croyance artificielle que les « guerres culturelles » sont plus importantes que l’injustice économique.

– Les inégalités s’aggraveront, car les riches réagiront en accumulant encore plus de richesses, mais aussi de ressources telles que la terre, l’eau et même des produits de première nécessité comme la nourriture et les médicaments.

Il ne s’agit pas d’une théorie du complot.

Ce n’est pas une hyperbole.

C’est une réalité qui se dessine déjà. Les milliardaires ont passé les deux dernières décennies à renforcer leurs positions, s’assurant que lorsque l’inévitable effondrement se produira, ils seront à l’abri, et pas vous.

La question n’est pas de savoir si la société va s’effondrer sous ce niveau d’inégalité.

La question est de savoir quand.

Ce qu’il faut retenir – L’effondrement n’est pas un défaut, c’est le plan.

Si vous êtes arrivé jusqu’ici, vous connaissez déjà la vérité : ce n’est pas le capitalisme qui échoue. C’est le capitalisme qui réussit exactement comme prévu.

Les riches ne se démènent pas pour éviter l’effondrement. Ils s’en réjouissent, car ils savent qu’ils seront les seuls à rester debout. Alors que le reste d’entre nous est invité à « se sacrifier » et à « se serrer la ceinture », les milliardaires construisent des bunkers, achètent des îles privées et accumulent des ressources en prévision de la dystopie qu’ils voient venir.

Et pourquoi ne le feraient-ils pas ? Ils ont construit ce système pour s’assurer que, lorsque tout s’effondrera, ils seront intouchables.

Le mythe du « bon milliardaire »

On nous sert des contes de fées sur les riches. On nous dit qu’au fond d’eux-mêmes, ils se sentent concernés – que peut-être l’un d’entre eux interviendra et nous « sauvera ». Que peut-être, juste peut-être, si nous les convainquons de « rendre la pareille », les choses changeront.

C’est un mensonge.

Si les milliardaires voulaient vraiment empêcher l’effondrement, ils pourraient mettre fin à la faim dans le monde demain et rester plus riches que 99,9 % de l’humanité. Ils pourraient financer de vraies solutions climatiques, construire des logements abordables et payer des salaires équitables – et ils ne le sentiraient même pas.

Mais ils ne le font pas.

Parce que leur objectif n’est pas de réparer le système. Leur but est d’en extraire le plus possible, le plus vite possible, avant que tout ne s’écroule.

Pourquoi la rhétorique « Plus de bébés » est une escroquerie

Récemment, les hommes politiques et les chefs d’entreprise ont crié à la baisse des taux de natalité. Ils supplient les gens d’avoir plus d’enfants, avertissant que sans une nouvelle génération de travailleurs, l’économie s’effondrera.

Ne soyez pas dupes.

Il ne s’agit pas de l’avenir de la société, mais de créer plus de travailleurs à exploiter avant l’effondrement. La classe dirigeante ne veut pas plus de bébés parce qu’elle se soucie des familles ou de la stabilité nationale. Elle veut une nouvelle réserve de main-d’œuvre, plus de corps à presser pour le profit, plus de travailleurs désespérés pour faire tourner sa machine à richesse juste un peu plus longtemps.

Tout cela fait partie de la même escroquerie : convaincre les gens que leurs difficultés économiques sont des échecs personnels plutôt que le résultat d’un système truqué. Leur faire croire que les milliardaires ont « gagné » leur richesse. Leur vendre le fantasme d’une mobilité ascendante tout en s’assurant qu’elle est hors de portée. Et quand tout s’effondre ?

Blâmer n’importe qui, sauf les vrais coupables.

La dure vérité : il n’a jamais été question de vous

Ce système n’a jamais été conçu pour le citoyen moyen. Les milliardaires, les conseils d’administration des entreprises et les hommes politiques qui ont conçu ce désastre ne sont pas seulement indifférents à votre souffrance, ils en tirent profit.

– Ils savaient que les banques n’allaient pas financer les solutions climatiques.

– Ils savaient que les milliardaires continueraient à thésauriser pendant que le reste du monde s’effondrerait.

– Ils savaient que l’inégalité des richesses atteindrait un point de rupture.

Et ils n’y ont pas mis fin. Parce qu’ils n’en ont jamais eu l’intention.

Et maintenant ?

C’est la question à se poser. Que se passe-t-il lorsque l’effondrement n’est plus une menace lointaine, mais une réalité quotidienne ?

Nous sommes sur le point de le découvrir.

Et ceux qui nous ont conduits là – ceux qui s’enrichissent à chaque seconde – comptent sur vous pour ne rien faire.



La Révolution papillon ?

Gil Duran

Reprise d’un post FB de Vincent Mignerot

Article majeur sur la Révolution Papillon, ou Dark Enlightenment, dystopie clairement en cours aux USA via le DOGE (nommé RAGE à l’origine) – à propos de laquelle certains tiraient la sonnette d’alarme dès 2014 concernant ses soutiens de la Silicon Valley (!) en adéquation ensuite avec le Project 2025 des chrétiens nationalistes.
Sa conclusion : « Le temps que la plupart des Américains comprennent ce qui se passe, le « reboot » – la destruction du gouvernement – pourrait déjà être achevé. »

Traduction de ‘Reboot’ Revealed: Elon Musk’s CEO-Dictator Playbook de Gil Duran

« Le Reboot » dévoilé : Le manuel du PDG-dictateur d’Elon Musk »

« En 2022, l’un des penseurs préférés de Peter Thiel a envisagé une deuxième administration Trump dans laquelle le gouvernement fédéral serait dirigé par un « PDG »

L’argument : En 2022, l’un des penseurs préférés de Peter Thiel a imaginé une deuxième administration Trump dans laquelle le gouvernement fédéral serait dirigé par un « PDG » qui ne serait pas Trump et a élaboré un cahier des charges sur la manière dont cela pourrait fonctionner.

Elon Musk le suit.

L’histoire : En 2012, Curtis Yarvin – le « philosophe maison » de Peter Thiel – a lancé un appel qu’il a baptisé RAGE : Mettre à la retraite tous les fonctionnaires. L’idée : Prendre le contrôle du gouvernement des États-Unis et vider la bureaucratie fédérale de sa substance. Il s’agit de remplacer les fonctionnaires par des loyalistes politiques qui rendraient des comptes à un chef d’entreprise que M. Yarvin compare à un dictateur.

« Si les Américains veulent changer leur gouvernement, ils devront surmonter leur phobie des dictateurs », a-t-il déclaré.

M. Yarvin, un programmeur de logiciels, a présenté cette idée comme un « redémarrage » du gouvernement.

Le DOGE d’Elon Musk n’est qu’une version remaniée de RAGE.

[ce qui est constaté] Il exige des démissions en masse, enferme les employés de carrière hors de leur bureau, menace de supprimer des départements entiers et prend le contrôle total des systèmes et programmes gouvernementaux sensibles.

DOGE = RAGE, masqué sous le vocable insipide de « l’efficacité ».

Mais la dépendance de Musk à l’égard du manuel de Yarvin va plus loin.

Dans un essai daté d’avril 2022, Yarvin a mis à jour RAGE en le décrivant comme une « révolution papillon ». Dans un essai sur son site payant Substack, il a imaginé une deuxième présidence Trump dans laquelle ce dernier permettrait une transformation radicale du gouvernement. Cette proposition semblera familière à tous ceux qui ont vu Musk faire des ravages au sein du gouvernement des États-Unis (USG) au cours des trois dernières semaines.

Ce qu’écrit Yarvin :

« Nous devons prendre le risque d’un redémarrage à pleine puissance – un redémarrage complet de l’USG [le gouvernement US]. Nous ne pouvons le faire qu’en donnant la souveraineté absolue à une seule organisation – avec à peu près les pouvoirs que les autorités d’occupation alliées détenaient au Japon et en Allemagne à l’automne 1945. Ce niveau de pouvoir d’urgence centralisé a fonctionné pour refonder une nation à l’époque, pour eux. Cela devrait donc fonctionner maintenant, pour nous ».

(La métaphore du « redémarrage à pleine puissance » vient de Star Trek et implique un processus risqué de redémarrage d’un vaisseau spatial fictif d’une manière qui pourrait provoquer une « implosion ». La métaphore de la Seconde Guerre mondiale présente le gouvernement fédéral comme un ennemi conquis, désormais contrôlé par une force extérieure.)

M. Yarvin a écrit qu’au cours d’un second mandat, M. Trump pourrait nommer une personne différente pour agir en tant que « PDG » de la nation. Ce PDG serait en mesure d’écraser le gouvernement fédéral, avec Trump en arrière-plan en tant que « président du conseil d’administration ».

Les métaphores clarifient l’idée principale : diriger le gouvernement comme une entreprise maffieuse plutôt que comme une institution publique soumise aux règles de la démocratie.

Trump lui-même ne serait pas le cerveau… Il ne sera pas le PDG. Il en serait le président du conseil d’administration et choisira le PDG (un cadre expérimenté). Ce processus, qui doit évidemment être télévisé, s’achèvera par son investiture, à l’issue de laquelle la transition vers le prochain régime commencera immédiatement.

Ce PDG apportera un nouveau style radical de leadership au gouvernement fédéral :

« Le PDG qu’il choisira dirigera le pouvoir exécutif sans aucune interférence du Congrès ou des tribunaux, et prendra probablement aussi le contrôle des gouvernements des États et des collectivités locales. La plupart des institutions importantes existantes, publiques et privées, seront fermées et remplacées par des systèmes nouveaux et efficaces. Trump contrôlera les performances de ce PDG, toujours à la télévision, et pourra le licencier si nécessaire. »

Cela vous rappelle quelque chose ?

Yarvin poursuit :

« Trump devrait constituer une armée de personnes prêtes à travailler pour son nouveau régime. Une fois qu’il aura gagné, cette « magnifique armée » de « ninjas idéologiquement formés » et fidèles à Trump sera lâchée sur la bureaucratie fédérale.

Il la lancera directement contre l’État administratif, sans s’embarrasser de nominations confirmées, mais en recourant à des nominations temporaires en fonction des besoins. Le travail de cette force de débarquement n’est pas de gouverner. Il s’agit de comprendre le gouvernement. Il s’agit de déterminer ce que l’administration Trump peut réellement faire – lorsqu’elle assumera les pleins pouvoirs constitutionnels accordés au chef de l’exécutif….

Le régime doit avoir la capacité de gouverner chaque institution qu’il ne démantèle pas. Le régime Trump n’est pas une mise à sac barbare des institutions américaines. Gengis Khan n’est pas dans le bâtiment ! Il s’agit d’un renouvellement systématique des institutions américaines. Aucune marque ni aucun bâtiment ne peut survivre. Mais le nouveau régime doit remplir les fonctions réelles de l’ancien, et idéalement les remplir beaucoup mieux. »

« De nombreuses institutions qui sont des organes nécessaires de la société devront être détruites. Ces organes devront être remplacés. Si elles n’ont pas déjà été remplacées au stade larvaire, ou même si elles l’ont été, à l’échelle, ces remplacements nécessiteront du personnel. »

Le gouvernement n’est pas la seule cible de cette prise de contrôle hostile, écrit Yarvin :

« Enfin, il ne suffit pas de disposer d’une armée de ninjas parachutistes, grands ou intelligents, pour s’introduire dans toutes les agences du pouvoir exécutif. De nombreuses institutions de pouvoir se trouvent en dehors du gouvernement proprement dit. Les ninjas devront également atterrir sur les toits de ces bâtiments – principalement le journalisme, le monde universitaire et les médias sociaux.

Le nouveau régime doit s’emparer de tous les points de pouvoir, sans tenir compte des protections papier. Tout peut être nationalisé – à condition que le nouveau régime dispose du personnel, de l’équipe de prix en quelque sorte, pour le nationaliser.

De nombreuses institutions qui sont des organes nécessaires de la société devront être détruites. Ces organes devront être remplacés. Si elles n’ont pas déjà été remplacées au stade larvaire, ou même si elles l’ont été, à l’échelle, ces remplacements nécessiteront du personnel. »

Yarvin a imaginé une équipe de fonctionnaires expérimentés et instruits qui seraient recrutés pour travailler au sein du nouveau régime.

Musk semble avoir des idées différentes. Comme le rapporte Vittoria Elliott de Wired, les principaux lieutenants de Musk au sein de DOGE (Destruction of Government by Elon) sont de très jeunes hommes sans aucune expérience gouvernementale.

(Lire « The Young, Inexperienced Engineers Aiding Elon Musk’s Government Takeover », et s’abonner à Wired, qui fait de l’excellent travail).

Yarvin n’est pas le seul à envisager une purge massive du gouvernement.

En 2021, J.D. Vance a fait l’éloge du travail de Yarvin et a appelé à une purge du gouvernement :

« Je pense que ce que Trump devrait faire, si j’avais un conseil à lui donner, c’est de licencier tous les fonctionnaires de niveau intermédiaire : Renvoyez tous les bureaucrates de niveau intermédiaire, tous les fonctionnaires de l’État administratif, et remplacez-les par des gens de chez nous. »

Comme Yarvin, Vance a comparé le gouvernement fédéral à un ennemi vaincu :

« Dé-nazification, dé-baathification … J’ai tendance à penser que nous devrions nous emparer des institutions de la gauche. Les retourner contre la gauche. Nous avons besoin d’un programme de dé-baathification, d’un programme de dé-woke-isation. »

Il a ajouté que M. Trump devrait défier toute décision de justice visant à stopper sa purge.

Baladji Srinivasan

L’idée d’une purge massive apparaît également dans les écrits de Balaji Srinivasan, dont les idées semblent principalement dérivées de celles de Yarvin. J’ai beaucoup écrit sur Srinivasan dans cette lettre d’information, je ne le citerai donc pas longuement ici.

[ 2021 – « Après que TechCrunch ait mentionné son discours dans un article explorant les liens entre les leaders technologiques de la Silicon Valley et le mouvement d’extrême droite Dark Enlightenment, Srinivasan a écrit dans un courriel au leader de Dark Enlightenment, Curtis Yarvin, « Si les choses s’enveniment, il pourrait être intéressant de lancer l’audience du Dark Enlightenment sur un seul journaliste vulnérable et hostile pour le dénoncer et le retourner avec des rapports hostiles envoyés à *leurs* annonceurs/amis/contacts ».

➡️ https://www.businessinsider.com/venture-capitalist-balaji… ]

Mais son idée principale, qu’il tient clairement de Yarvin, est une prise de contrôle des gouvernements par les entreprises, qui seront ensuite gérés comme des entreprises technologiques (en particulier, Twitter).

Tout comme Musk a pris le contrôle de Twitter et dépouillé les « Blue Checks » de leur statut, il va maintenant défroquer les fonctionnaires, les experts, et tous ceux qui sont loyaux envers la démocratie au lieu du régime actuel.

Bien entendu, le complot visant à détruire la bureaucratie fédérale a également un partenaire au sein de la fondation d’extrême droite Heritage Foundation.

Le Project 2025, qui est clairement en cours de mise en œuvre malgré les dénégations moqueuses des Républicains pendant la campagne de 2024, appelle également à une purge et à un démantèlement du gouvernement. Comme en a prévenu l’Association des employés du gouvernement fédéral en juillet dernier : « Que pourrait-il arriver à notre gouvernement et à la main-d’œuvre fédérale en 2025 ? Un groupe d’organisations conservatrices a un plan, et il n’est pas bon pour les employés fédéraux. »

Le plan est détaillé dans un projet appelé « Project 2025 », organisé par la Fondation Heritage (extrême droite) et soutenu par plus d’une centaine d’organisations conservatrices.

Il promet une reprise en main du système de contrôle et d’équilibre de notre pays afin de « démanteler l’État administratif », c’est-à-dire le fonctionnement des agences et des programmes fédéraux conformément à la législation et à la réglementation en vigueur, y compris un grand nombre de lois et de règlements qui régissent l’emploi au sein de l’administration fédérale.

Les lecteurs de longue date se souviendront peut-être qu’en septembre dernier, la Heritage Foundation et certains intérêts technologiques de San Francisco ont organisé une conférence intitulée « Reboot 2024 : La nouvelle réalité ».

La nouvelle réalité

Analyse : Ce qui semblait autrefois être une théorie marginale est aujourd’hui mis en œuvre par les puissances corporatives qui se sont entièrement emparées de notre gouvernement.

Bien qu’il y ait quelques différences mineures entre l’approche de Yarvin et celle de Musk, voici un résumé de ce qu’elles ont en commun :

1. Installer un PDG dictateur

* Le plan de Yarvin : Trump nomme un PDG pour diriger le pays comme une entreprise privée, en contournant le Congrès et les tribunaux.

* Les actions de Musk : Agit en tant que PDG fédéral, exige un contrôle unilatéral sur les programmes gouvernementaux sensibles, se positionnant comme un décideur non élu tandis que Trump reste dans l’ombre.

2. Purger la bureaucratie

* Le plan de Yarvin : « Retirer tous les employés du gouvernement » (RAGE) – licencier les fonctionnaires de carrière et les remplacer par des loyalistes.

* Les actions de Musk : La DOGE vide les équipes, exige des démissions en masse, enferme les employés dans les bureaux et menace de licenciements massifs au sein du gouvernement fédéral. Pendant ce temps, la DOGE recrute des jeunes hommes inexpérimentés qui doivent leur loyauté à Musk/Thiel.

3. Construire une armée loyaliste

* Le plan de Yarvin : Recruter une armée « idéologiquement formée » pour remplacer les experts et faire appliquer le nouveau régime.

* Les actions de Musk : S’entourer de jeunes loyalistes inexpérimentés qui appliquent sa volonté sans poser de questions. Le projet 2025 fournira également des cadres républicains pour diriger ce qui reste du gouvernement fédéral.

4-Démanteler les institutions démocratiques

* Le plan de Yarvin : Retirer le pouvoir aux agences fédérales, aux tribunaux et au Congrès, en centralisant l’autorité sous la branche exécutive.

* Les actions de Musk : Saper la crédibilité du gouvernement fédéral, minimiser le contrôle juridique et défier les autorités de régulation. Démanteler les agences et les fonctions gouvernementales sans plan de remplacement.

5. S’emparer du contrôle des médias et de l’information pour conserver le pouvoir

* Le plan de Yarvin : Prendre le contrôle du gouvernement, du journalisme, des universités et des médias sociaux pour contrôler les récits publics.

* Les actions de Musk : Acheter Twitter, licencier des journalistes, renforcer la propagande et promouvoir des récits marginaux tout en s’attaquant aux médias traditionnels. Diriger la prise de contrôle hostile de la technologie en tant que « PDG » de Trump.

Ai-je oublié quelque chose ?

Conclusion :

Il y a encore beaucoup à dire. Ce qui me surprend le plus, c’est la façon dont la presse politique omet généralement d’informer le public que Musk adopte une approche systématique, qui a été décrite dans des forums publics pendant des années.

(Certains organes de presse, comme le Washington Post et le Los Angeles Times, appartiennent à des milliardaires désireux de faire des courbettes à Musk et à Trump).

Nous assistons à la mise en œuvre méthodique d’une stratégie planifiée de longue date visant à transformer la démocratie américaine en une autocratie d’entreprise.

Le manuel a été écrit à la vue de tous et est maintenant suivi pas à pas.

Certains considèrent les Yarvins du monde entier comme des fous déséquilibrés, mais c’est justement là le problème. Ces types, avec leurs idées bizarres et dangereuses, sont allés très loin en 2025. Il suffit de regarder l’actualité.

Yarvin a présenté sa vision comme un scénario fictif ou improbable. Malheureusement, il semble que ce soit notre nouvelle réalité. L’incapacité de la presse à relier ces points n’est pas seulement un oubli journalistique – c’est un avertissement critique manqué sur le démantèlement systématique de la gouvernance démocratique.

Le temps que la plupart des Américains comprennent ce qui se passe, le « reboot » – la destruction du gouvernement – pourrait déjà être achevé. »



2025, comment tout s’effondre ?

Collectif

Il y aura dix ans au printemps qu’est paru « Comment tout peut d’effondrer »1 de Pablo Servigne2 et Raphaël Stevens3. Dix ans qu’est apparu le néologisme « collapsologie ».

Depuis, l’idée qu’une « polycrise »4 puisse mettre à mal notre société a fait son chemin. En décembre 2020, par exemple, un panel d’universitaires publie une lettre publique dont l’intitulé est on ne peut plus clair : « Seule une discussion sur l’effondrement permettra de s’y préparer »5.

Non seulement les risques systémiques annoncés par le rapport Meadows6 en 1972 s’avèrent effectifs, mais l’évolution exponentielle de la pression anthropique sur le climat et la nature fait ressentir ses effets de plus en plus concrètement et de façon irréversible7.

Pollution exponentielle de nos environnements (sols, eau, …) et perte tout aussi exponentielle de biodiversité s’accompagnent d’un chaos géopolitique qui annonce la complexité d’appréhension des décennies à venir.

Alors que « post-vérité » et désinformation assombrissent l’évaluation du futur proche, nous pensons que face à l’urgence et l’ampleur des polycrises qui nous arrivent, il est indispensable de relancer des débats collectifs sur des bases factuelles et scientifiques. De réfléchir aux possibles en s’écartant des complotismes, simplismes et pensées propagées à grande échelle à dessein pour favoriser des intérêts particuliers.

Comprendre, s’informer, penser de nouvelles formes d’adaptations au réel font partie des objectifs que se donne le groupe de réflexion « Ecologie21 »8.

Nous inaugurons notre tribune 2025 dans le cadre du blog de l’Observatoire de l’Anthropocène et reviendrons régulièrement vers vous pour contribuer à une pensée écologique mieux adaptée aux constats.

A bientôt.


1 https://obsant.eu/veille/?iti=137,152

2 https://obsant.eu/pablo-servigne/

3 https://obsant.eu/raphael-stevens/

4 https://obsant.eu/blog/2024/12/21/la-polycrise/

5 https://obsant.eu/blog/2020/12/08/seule-une-discussion-sur-leffondrement-permettra-de-sy-preparer/

6 https://obsant.eu/le-rapport-meadows/?iti=9,%208920,%20329

7 https://obsant.eu/blog/liste/?rch=%20blogoa%20focuscollaps%20irreversible

8 https://obsant.eu/ecologie21/



La Polycrise

Une cascade d’échecs : La polycrise définie

Au bord de l’effondrement

Angus Peterson (*)

deepltraduction Josette – original paru dans Medium

Une brève explication des crises mondiales simultanées.

J’ai beaucoup écrit sur la polycrise, mais surtout d’un point de vue environnemental/écologique. Si je postule que les éléments sous-jacents de chaque aspect de la polycrise découlent de la surexploitation des ressources, il y a en réalité beaucoup plus que cela.

Pour être clair, nous vivons à l’ère de la polycrise – une cacophonie de désastres imbriqués, une tempête parfaite des pires échecs de l’humanité convergeant en une seule réalité catastrophique. Il ne s’agit pas d’une seule crise. Il s’agit de tout, partout, en même temps, et la spirale se dirige vers nous plus vite que nous ne pouvons l’imaginer.

Le changement climatique, l’instabilité économique, la fragmentation politique, les pandémies et l’épuisement des ressources ne sont plus des problèmes isolés ; ils se combinent, s’amplifient et se nourrissent les uns des autres. Si vous pensiez que le chaos de la dernière décennie était le pire du pire, préparez-vous. Nous n’en sommes qu’au début.

La genèse d’un concept terrifiant

Le terme « polycrise » n’est pas une simple expression intellectuelle à la mode dans les chambres d’écho universitaires. Il trouve son origine dans les travaux du théoricien français Edgar Morin et de l’historien de l’économie Jean-François Rischard. Au début des années 2000, ils ont cherché un terme pour résumer l’idée selon laquelle les crises sont interconnectées d’une manière qui les exacerbe. La polycrise n’est pas seulement le fait d’avoir plusieurs problèmes en même temps ; c’est la façon dont ces crises se combinent pour créer quelque chose d’exponentiellement pire.

Soyons clairs : il ne s’agit pas d’une hyperbole. Un incendie de forêt n’est plus un simple incendie de forêt. Il s’agit d’une catastrophe liée au changement climatique, d’une catastrophe touchant la biodiversité, d’une urgence de santé publique et d’un cauchemar économique, le tout en même temps. Et comme ces crises interagissent, les systèmes conçus pour y faire face plient sous le poids de leur complexité.

La définition : qu’est-ce qu’une polycrise ?

Une polycrise est la convergence écrasante de crises qui sont interconnectées de telle sorte qu’elles ne peuvent être résolues. Il ne s’agit pas seulement d’une pandémie et d’un effondrement économique ; il s’agit de la façon dont la pandémie perturbe les chaînes d’approvisionnement, ce qui accélère l’inflation, déstabilise les systèmes politiques et alimente le désespoir économique.

La caractéristique d’une polycrise est que ces problèmes ne peuvent être résolus de manière isolée. S’attaquer à un aspect en aggrave souvent un autre. Par exemple, les tentatives visant à stabiliser l’économie en soutenant la production de combustibles fossiles ne font qu’aggraver la crise climatique, préparant le terrain pour de futures catastrophes.

Dans le monde d’aujourd’hui, tout est lié : la dégradation écologique, l’inégalité économique, l’instabilité géopolitique et la fragmentation sociale. C’est un nœud gordien que nous avons nous-mêmes créé, et il n’y a pas d’Alexandre pour le trancher.

Pourquoi la polycrise semble inarrêtable

La polycrise mondiale n’est pas seulement inévitable, elle s’accélère. Voici pourquoi :

Le dérèglement climatique : La Terre se réchauffe à un rythme sans précédent, alimentant des catastrophes telles que les incendies de forêt, les ouragans et les sécheresses. Aux États-Unis, les incendies de forêt dévorent désormais des villes entières, tandis que les sécheresses menacent la viabilité de l’agriculture en Californie, le grenier à blé du pays. L’élévation du niveau des mers rend déjà invivables des villes côtières comme Miami. Pourtant, au lieu de prendre des mesures énergiques, nous avons droit à des mesures progressives et à l’écoblanchiment des entreprises.

L’instabilité économique : L’inflation, la crise du logement et l’inégalité des richesses créent une économie fragile au bord de l’effondrement. Votre statut de membre de la classe moyenne ? Il ne tient plus qu’à un fil. La hausse des prix des produits de première nécessité, comme la nourriture et le logement, pèse sur les familles, tandis que les milliardaires accumulent des richesses à des niveaux jamais vus depuis l’âge d’or.

La fragmentation géopolitique : La guerre en Ukraine n’est qu’un exemple de la manière dont les luttes de pouvoir déstabilisent des régions entières. Ces conflits ont des effets en cascade, allant des crises de réfugiés à la montée en flèche des prix de l’énergie. Les États-Unis, bien qu’éloignés géographiquement, sont profondément liés aux marchés de l’énergie, aux engagements militaires et aux alliances géopolitiques.

La fragmentation sociale : La polarisation ronge le tissu social. La confiance dans les institutions s’est effondrée et la désinformation se répand plus vite que les faits. Vos enfants grandissent dans un monde où la vérité est contestée à chaque instant et où la société est de plus en plus divisée en chambres d’écho.

Les pandémies et les échecs de la santé publique : Le COVID-19 a été un coup de semonce, pas une anomalie. L’absence d’action coordonnée au niveau mondial a mis en évidence notre manque de préparation aux pandémies dans un monde interconnecté. Que se passera-t-il lorsque le prochain agent pathogène plus mortel apparaîtra ? Spoiler : ce ne sera pas bon.

La surpopulation : Avec 8,2 milliards d’habitants dans le monde, la polycrise touche une population bien plus importante qu’il y a un siècle. Et la situation ne fera qu’empirer, puisque nous devrions atteindre les 10 milliards d’ici 2060.

Les critiques : Ce concept est-il trop compliqué ?

L’idée de la polycrise ne fait pas l’unanimité. Ses détracteurs estiment qu’elle est trop vague, trop alarmiste et trop difficile à mettre en œuvre dans les discussions politiques. Certains la rejettent comme un exercice académique ou une excuse fataliste pour l’inaction. Ils affirment que nous réfléchissons trop à l’interconnexion et que nous devrions nous concentrer sur la résolution de problèmes discrets.

Mais il y a un hic : les solutions discrètes ne fonctionnent pas. Le changement climatique ne fait pas de pause pendant que nous nous attaquons à l’inégalité des revenus. Les pandémies n’attendent pas que nous rétablissions la confiance dans les institutions publiques. Le rejet des critiques ne fait que souligner l’impuissance de notre situation. En niant la complexité, ils s’assurent que les solutions ne seront jamais à la hauteur de l’ampleur du problème.

Les États-Unis ne sont pas immunisés

Si vous pensez que la polycrise est le problème de quelqu’un d’autre, détrompez-vous. Les États-Unis sont un microcosme de tout ce qui ne va pas au niveau mondial.

Les catastrophes climatiques : Des feux de forêt dans l’Ouest aux ouragans dans le Golfe, l’Amérique fait déjà l’expérience de la brutale réalité du changement climatique. La fumée des feux de forêt qui a récemment recouvert le Midwest et la côte Est était un aperçu effrayant d’un avenir où respirer de l’air pur sera un luxe.

Le désespoir économique : Malgré vos revenus relativement confortables, l’augmentation des coûts du logement, des soins de santé et de l’éducation érode la classe moyenne. Le rêve de laisser à vos enfants un monde meilleur ? Il est remplacé par la triste réalité d’une dette insurmontable et d’une économie qui s’effondre.

Le dysfonctionnement politique : Le blocage et la partisanerie ont rendu impossible toute action significative. La politique climatique ? Une plaisanterie. Les réformes économiques ? Mortes à l’arrivée. Le gouvernement est trop paralysé pour s’attaquer aux crises les plus importantes, laissant les familles livrées à elles-mêmes.

L’effritement de la société : La violence armée, les crimes de haine et la polarisation dominent les actualités. Vos enfants grandissent dans une Amérique où les exercices de tir actif font partie intégrante de la vie scolaire et où la civilité semble être une relique du passé.

Des solutions toutes faites : Pourquoi elles ne fonctionneront pas

N’y allons pas par quatre chemins : les solutions proposées à la polycrise sont un mélange de vœux pieux et de fantasmes irréalisables. Voici pourquoi :

La coopération mondiale : Les partisans de cette solution affirment que nous avons besoin d’une collaboration internationale sans précédent. Ont-ils regardé le monde récemment ? Les nations parviennent à peine à se mettre d’accord sur des accords commerciaux, sans parler de s’attaquer à une crise aussi complexe. L’accord de Paris ? Sans dents. Les sommets de la COP ? Des exercices de diplomatie performative.

L’innovation technologique : De la capture du carbone à la viande cultivée en laboratoire, les techno-optimistes placent leurs espoirs dans des percées qui sont toujours « au coin de la rue ». Pendant ce temps, les émissions continuent d’augmenter, la biodiversité de disparaître et l’horloge de tourner.

Le changement de comportement : L’idée selon laquelle les individus peuvent « consommer de manière responsable » pour sortir de la polycrise est risible. Vos sacs réutilisables et votre régime à base de plantes n’arrêteront pas la montée des eaux et n’inverseront pas la déforestation. C’est une distraction, pas une solution.

Des communautés résilientes : Si les initiatives locales sont louables, elles ne sont qu’une goutte d’eau dans l’océan par rapport à l’ampleur du problème. La construction de jardins communautaires n’arrêtera pas les ouragans et ne stabilisera pas les chaînes d’approvisionnement mondiales.

En vérité, la polycrise a dépassé notre capacité de réaction. Les systèmes qui ont créé ces crises sont les mêmes que ceux qui empêchent toute action significative. Le capitalisme, le nationalisme et l’individualisme – les piliers de la société moderne – sont incompatibles avec le niveau de coordination et de sacrifice nécessaire pour faire face à cette réalité.

Que nous réserve l’avenir ?

L’avenir ? Il est sombre. Les modèles climatiques prévoient des conditions météorologiques plus extrêmes, une raréfaction des ressources et des crises migratoires. Les économistes mettent en garde contre des récessions prolongées et des effondrements systémiques. Les politologues prévoient une montée de l’autoritarisme, les gouvernements luttant pour garder le contrôle. Le monde que vous laisserez à vos enfants sera plus pauvre, plus chaud et plus instable que celui dont vous avez hérité.

Ce n’est pas de l’alarmisme, c’est la réalité. La polycrise est là, et elle n’est pas près de disparaître. Vous pouvez choisir de l’ignorer, mais vous en subirez les conséquences. Elles se manifesteront sous la forme d’incendies qui étouffent le ciel, d’inondations qui emportent les maisons, d’effondrements économiques qui détruisent les moyens de subsistance et de troubles sociaux qui brisent les communautés.

À emporter – Bienvenue dans la polycrise

La polycrise n’est pas une menace lointaine ; c’est le trait caractéristique de notre époque. Elle touche tous les aspects de la vie, de l’air que respirent vos enfants à la stabilité de votre emploi et à la sécurité de votre foyer. Et non, il n’y a pas de solution miracle. C’est le monde que nous avons créé et dans lequel nous devons maintenant vivre.

Mais le plus effrayant est peut-être ceci : nous continuons à traiter la polycrise comme si elle était gérable, comme si nous avions le luxe d’avoir du temps, comme si le fait de bricoler allait d’une manière ou d’une autre la résoudre. Ce n’est pas le cas. La polycrise est un train fou, et il n’y a pas de conducteur aux commandes. La question n’est pas de savoir comment l’arrêter, mais comment y survivre. Ou si nous y survivrons tout court.



« Et pendant ce temps, à bord du Titanic… »

Laurent Lievens

Telle est la rengaine qui se rappelle à moi très souvent.

Elle me permet d’avoir un référentiel qui me paraît – jusqu’à preuve du contraire – ajusté afin de déceler l’important du futile, l’information du bruit, l’intelligence parmi la stupidité, celles et ceux qui entretiennent le déni des autres, etc.

C’est en quelque sorte une boussole nourrie par une vision large et systémique de l’état du réel.

Lorsqu’on me communique quelque chose, je recadre cette information en la plaçant mentalement à bord du Titanic afin d’éprouver son intérêt.

Par ce mécanisme, je perçois à quel point très très peu d’informations, d’actes, d’initiatives, de décisions son ajustés à une situation telle que celle du Titanic (qui a déjà heurté l’iceberg).

Cela me permet d’avoir un référentiel de gravité en quelque sorte, et de constater à quel point nous fonctionnons encore sans tenir compte sérieusement de l’incendie qui est au milieu du bâtiment.

Cela appelle donc surtout un changement de cadre de référence.

En quoi un cadre de référence adapté est fondamental?

On sait, notamment depuis les travaux de l’École de Palo-Alto (dans le champ thérapeutique, systémique et communicationnel), qu’une situation acquiert son sens en fonction du cadre dans laquelle elle prend place.

Mes actions pourront ainsi être ajustées ou totalement à coté de la plaque en fonction de ma bonne compréhension (ou pas) du cadre réel dans lequel je suis.

Par exemple, me promener tout nu en rue sera ainsi désajusté, car le cadre n’est pas celui d’une plage naturiste.

Autre exemple, continuer à se féliciter sincèrement de la croissance économique en période d’écocide témoigne d’une vision du réel périmée digne d’un économiste orthodoxe (oui ça existe encore…).

Le cadre est en quelque sorte le paysage mental dans lequel vous vivez, c’est ce qui filtrera toute votre réalité, qui viendra colorer toutes vos perceptions.

Autant dire que si vous ne comprenez rien au réel dans lequel vous vivez, vous vous comporterez de toute évidence à coté de la plaque (on vous diagnostiquera peut-être une pathologie mentale, c’est une autre manière de dire que votre carte mentale dysfonctionne).

Mes actes témoigneront ainsi de l’ajustement ou non de mon cadre mental, de ma perception du réel.

Observer les actes de l’autre, d’une organisation, d’une institution indiquera donc déjà pas mal d’informations sur sa perception ajustée ou non du cadre réel.

Disons-le directement, actuellement, la toute grande majorité est à coté de la plaque.

Tout l’enjeu réside donc dans les ingrédients qui vont servir à construire mon paysage mental, mon cadre de référence afin qu’il soit le plus proche du réel possible.

Et je pense que la méthode scientifique nous en fournit un gros contingent, à relier avec l’intuition, l’expérience etc., sans tout mélanger, sans faire de soupe mais en gardant une approche de la complexité à la Edgar Morin.

Délaisser le cadre proposé par l’asile de fous?

Donc, quel serait le cadre a priori le plus ajusté au réel? Quel réel?

Depuis plus d’un demi-siècle la méthode scientifique – la manière la plus puissante que l’humain ait inventé pour dire des choses non fausses jusqu’à preuve du contraire sur le réel – indique que l’humain est devenu une force quasi géologique (on parle d’Anthropocène) qui modifie (entendre: qui flingue), par ses choix de vie, tous les équilibre planétaires.

Nous constatons que le mode de vie (désiré et/ou réel) dominant reste une sorte d’american way of life, le mode de vie occidental, le package villa-SUV-smartphone-ClubMed, avec toutes ses variations culturelles.

Ce mode de vie écocidaire fonctionne sans doute lorsqu’on est 500 millions d’individus sur Terre, plus du tout lorsqu’on est 8 milliards. (Bah, les autres on en a rien à foutre non?)

Deux scénarios: soit l’on adopte – de toute urgence, pas dans 20 ans – un mode de vie totalement différent, soit l’on réduit drastiquement la population.

En l’état actuel, aucun signe n’atteste que nos institutions et organisations choisissent le premier (ou seraient seulement même en train d’y penser), nous faisant de facto suivre le deuxième, par inertie (lobotomisés avec des écrans, de la (pseudo-)intelligence artificielle, nourris avec du sucre dans des environnements dégueulasses, ça ne tiendra pas longtemps tout ça….).

Les promesses (des criminels de la « vallée du silicone » notamment) nous préparent un bel avenir tout-numérisé, enfin débarrassés de nos corps (on en rêve depuis les Lumières et les religions monothéistes), pour vivre un nouveau départ sur une autre planète. On peut douter qu’elle sera accessible à autre chose qu’aux nantis (nous faisant donc revenir au deuxième scénario). Nos pays « riches » sont en train de choisir de suicider le reste du vivant. Bref…

De manière schématique, le cadre le plus ajusté au réel et la manière de le percevoir me paraissent être actuellement ceci:

Notre modèle de société (Mégamachine) ne peut que détruire le vivant, menant (déjà) à des effondrements multiples. (Je vous renvoie aux différentes publications et interventions où j’ai largement développé cela.)

Évidemment, il ne faut pas entendre effondrement au singulier: ce n’est que dans les délires du cinéma qu’on voit un gros évènement unique. Ce qui est déjà en train de se passer ce sont des effondrements locaux et à d’autres échelles, des effondrements du vivant, des effondrements multiples et variés, une lente dégradation des conditions d’habitabilité de la planète pour nombre de vivants donc, humains y compris.

Je précise également ici que lorsqu’on parle de métamorphose, on parle – dans la langue de Palo-Alto – de changement de type 2, c’est à dire un changement de cadre, et pas un changement dans le même cadre (qui lui est appelé changement 1). Sur la base des constats scientifiques, seul un changement 2 est actuellement pertinent, c’est-à-dire un changement complet de cadre, de manières d’habiter le monde, de concevoir le réel, d’être en relation avec le vivant (humains y compris). Cela veut dire pour nous : une décroissance forte de notre niveau de vie, une baisse très conséquente de nos consommations d’énergie et de matière, un tout autre projet de société pour quitter la plaie technocratique.

Mais attention, ce n’est pas parce qu’un cadre est de toute évidence périmé qu’il sera abandonné. Nous avons l’exemple caricatural des économistes orthodoxes (c’est à dire une large part) dont les bases théoriques sont autant valables que l’astrologie. C’est joli, ça semble sérieux, y’a plein d’équations compliquées, mais c’est basé sur une construction idéologique dont le réel a démontré l’ineptie. Et même si je n’ai aucun problème avec l’usage d’une religion dès que cela peut contribuer à un monde un peu meilleurs, c’est quelque chose que cette théorie semble incapable d’atteindre. C’est pourtant toujours l’approche théorique dominante de la profession, preuve que l’humain est décidément très lourd à faire changer.

C’est tout le dossier (que je traiterai ailleurs) de ce qu’on nomme la pédagogie des catastrophes, et qui ne m’enchante pas. Elle indique qu’à l’échelle individuelle mais aussi collective, on ne changerait que lorsqu’on est au pied du mur, que lorsque l’on n’a plus le choix. Vous arrêterez vraiment de picoler uniquement après un accident de voiture dramatique p.ex.

Dit en langue de Palo-Alto, on n’accepte le changement 2 que lorsqu’on a épuisé tous les possibles changements 1.

Normal, un changement de ce type équivaut à la mort du système, à la fin de son fonctionnement pour entrer en latence, éventuellement se transformer pour éventuellement renaître sous une toute autre forme.

Mais autant dire que si nous attendons cela à l’échelle planétaire, il ne restera plus rien de vivant d’ici là.

Oui, ok, je sais, la vie continuera, comme cela s’est déjà passé. Pas besoin de me servir cet argument tarte-à-la-crème tellement pratique, mais un peu pauvre non?

En tout cas il n’enlève rien au gâchis phénoménal que l’humain est en train d’accomplir dans son œuvre de destruction du vivant. Et pour arriver à quoi au juste? Pour une noble cause j’imagine.. Ah oui, c’est vrai, pour pouvoir se filmer constamment, être à la mode, se fringuer, prendre l’avion pour faire des immondes selfies, commenter les commentaires des commentaires, être hyper-connectés, faire du ski en plein désert, rouler à 200kmh en voiture de sport, manger des burgers et des fraises, avoir son costume-cravatte, etc. Toutes ces tellement nobles causes qui élèvent l’humanité. Merci à vous!

Comme le dit si justement Aurélien Barrau, nous détruisons la vie, pour des activités qui sont, dans une très large proportion, intrinsèquement de la merde. Je ne l’aurais pas mieux dit.

Or, quel est le cadre habituel vis-à-vis de l’écocide?

Pour une bonne partie: cela n’existe même pas, tout va bien, nous sommes sur la voie du progrès, nous sommes le summum de l’évolution, etc. Continuons, tête baissée, droit dans mur.

Pour d’autres: nous avons perçu que quelque chose clochait, et nous pensons qu’on peut le réparer en modifiant quelques paramètres, une sorte d’écomodernisme gentil (c’est tout le blabla du développement durable, de la transition, des réformettes et autres niaiseries, contre lesquelles j’ai d’ailleurs tenté de lancer l’alerte là où j’œuvrais, sans succès apparemment). C’est tout le versant des petits ajustements de consommation, les touillettes en bambou FSC et plus en plastique, les panneaux solaires, le papier recyclé, etc. Bref, tout ce qui ne veut absolument pas mettre à l’arrêt la Mégamachine, qui pense qu’on peut s’en sortir en développant un bout de potager bio alors qu’une armée de rouleaux compresseurs détruisent l’ensemble des espaces autour d’eux. C’est en vérité l’aboutissement de l’atomisation de nos sociétés, du chacun pour soi, de la destruction de toute existence politique (au sens du politique, et non de la farce de la politique).

Je constate surtout que très peu d’organisations/institutions ont intégré ce cadre: il suffit de regarder leurs actions, leurs déclarations, leurs ambitions, bref, toute leur manière de se comporter. Celle-ci indique qu’elles n’ont pas perçu le réel et sont dans le business-as-usual, parfois un peu verdi, parfois un peu réellement écologisé, souvent greenwashé pour continuer de vendre leur came (merdique, car sinon pas besoin d’en faire des tonnes pour la vendre). Lorsqu’on a vraiment perçu l’incendie au milieu du bâtiment, on ne continue pas à discuter, à jouer du piano, à faire ce qu’on faisait il y a 3 minutes, on intègre cette information et on agit en conséquence, à moins d’être totalement idiot (ça existe), suicidaire (on est donc dans une sorte de folie), traumatisé (on se fait aider alors).

Simple exemple: combien d’entre elles ont relégué les outils des gafam à la poubelle pour n’utiliser que des systèmes d’exploitation/logiciels issus du libre? (vous savez, ce truc qu’on appelle Linux p.ex.)

… oui oui, un détail pour beaucoup, mais un détail plutôt signifiant au vu de la place (obscène) du numérique dans nos vies.

Au milieu de l’incendie, une personne refuse d’évacuer en prétextant que rester dans cette pièce, « c’est tellement pratique…tu comprends, impossible de changer »

Autre exemple « rigolo »: si une organisation francophone adore utiliser des formulations anglaises qui ne veulent rien dire mais qui font sérieux (du genre nous on fait du smart challenging future, ou encore du young leadership excellence, ou, nous œuvrons pour des produits fair-eco-conscious-bidule, – bref, vous avez compris – en général ça sent le pâté avarié. (Mais l’usage des mots n’est jamais anodin, c’est un autre dossier, mais ça en dit aussi beaucoup sur l’état d’esprit).

Bref, pure folie dès que l’on observe cela avec la lucidité du changement de cadre. Un jour une amie m’a déposé cette phrase à l’oreille: « la lucidité est la brûlure la plus forte, hormis celle du soleil ». Je ne sais plus d’où elle la tenait, mais cela m’avait touché.

On pourra sans doute avoir ici une hypothèse explicative du phénomène d’écoanxiété, relié à la colère et au sentiment de trahison qu’éprouvent notamment certains jeunes. Car dès lors qu’on est – même un peu – lucide sur ce cadre et que l’on constate l’idiotie des directions prises, la stupidité de beaucoup d’élites, l’arrogance des nombreux « sachants », la poursuite du business-as-usual, etc., on ne peut qu’être pris de rage et de désespoir. C’est pourtant souvent le signe d’un état de santé « normal » et adapté au réel.

Le Titanic comme métaphore

C’est là que j’en viens avec ma métaphore du Titanic. Elle me permet de me rappeler au mieux ce cadre d’une nécessaire et urgente métamorphose.

Comme toute métaphore, il s’agit bien entendu d’une figure de style qui donne du sens par analogie, non par exacte vérité. Nous ne sommes pas physiquement sur un bateau p.ex.

Mais elle me permet de ne pas oublier qu’il y a le feu au milieu du bâtiment, tandis que je croise presque uniquement des personnes qui n’en savent rien, qui s’en foutent, qui n’ont pas perçu les conséquences, qui pensent que nos ingénieurs vont/ont trouvé la solution miracle, bref, des personnes qui continuent de percevoir et d’agir comme s’il n’y avait pas le feu, souvent en toute bonne foi malheureusement. Si de plus en plus voient le feu, beaucoup pensent qu’avec leur gobelet d’eau ça ira (vous savez les conneries du colibri), beaucoup pensent que les ingénieurs sont en train d’inventer un feu qui ne tue pas, beaucoup pensent qu’il y a aussi des bons côtés au feu, etc.

Bon, que s’est-il passé avec ce foutu bateau? (pour un rappel historique, écouter cet excellent podcast, les parallèles avec notre monde son édifiants…)

  • Un gros bateau (une Mégamachine bien compliquée) fait la fierté de ses constructeurs,
  • se croit par extrême arrogance (d’ado attardé) insubmersible au point qu’il néglige les canots de secours en suffisance,
  • avec une force d’inertie gigantesque (une fois lancé, changer de direction, voire faire marche arrière prends plus de temps que disponible),
  • tape l’iceberg (car pas de jumelles, pas de vagues, n’écoute rien des alertes, … ),
  • met un sacré temps à y croire et à agir en conséquence,
  • « organise » l’évacuation d’une manière stupide (on dirait en mode « poulets sans têtes » dans notre jargon),
  • se retrouve avec un nombre gigantesque de cadavres (évitables).

Un beau gâchis donc!

Le naufrage prend un sacré bout de temps, avec un très long moment où il ne se passe presque rien chez les humains, le bateau pour sa part est bien en train de prendre l’eau sans arrêt et s’enfoncer inexorablement. C’est l’illustration de l’idée qu’un système tient en général plus longtemps que prévu, mais s’effondre aussi plus vite que prévu une fois l’effondrement débuté. (Vous savez, le fait de tenir tout l’hiver pour aller au boulot et puis de vous effondrer dans la grippe le premier jour de vacances). (voir cette reconstitution en temps réel)

Oui dans les cales du bateau il y avait bien des compartiments sensés isoler en cas de brèche, mais, c’est ballot ça, ils étaient interconnectés par au-dessus. Non? ça ne vous rappelle rien ça? L’idée qu’on met tout en lien, sur un même réseau (parce que c’est tellement pratique de connecter la banque, l’hôpital, la défense, les communications, les centrales; parce que c’est tellement nécessaire de pouvoir s’envoyer des photos de chats en temps réel, …, bref, vous avez compris l’imbécilité de ce qui nous subjugue souvent).

Comme l’idéologie de la toute puissance était présente tout au long de la conception et de la navigation, évidemment rien n’a été pensé, éprouvé, balisé en cas de naufrage. On se retrouve donc surpris, mettant un temps énorme à simplement changer d’idéologie – car le réel nous y contraint physiquement – ce qui ne peut que créer du trauma, ralentissant encore notre capacité à lire le réel et à agir adéquatement. Gageons même qu’avant sa survenue, l’idée même d’un naufrage est totalement inaudible pour les zélateurs du bateau; ne tentez même pas de les convaincre ils vous riront au nez. Et même après un réel naufrage, la capacité de déni fonctionnera à plein (vous savez, comme durant la crise de 2008, où on avait bien juré qu’on changerait la finance, qu’on régulerait le système économique, qu’on cadenasserait les comportements prédateurs pour que plus jamais cela n’arrive… hahahah la bonne blague).

Et ici on ne pose même pas la question de l’utilité d’un tel navire, du pourquoi ce voyage, de quel sens a tout cela.

On se retrouve donc à écraser les troisièmes classes, à laisser mourir un paquet de gens en remplissant les quelques canots à moitié. La pagaille donc, avec à la clé un sacré paquet de victimes tuées par l’idéologie et non la fatalité technique. De quoi tomber de sacré haut lorsqu’on plane sur les mirages du progrès, de la technologie, de l’illimitisme.

Un problème de riches, bien entendu…

Oui oui, évidemment avoir peur des effondrements révèle qu’on se considère comme en situation normale.

La peur du naufrage touche éventuellement les passagers d’un bateau qui flotte, … mais les déjà-naufragés, les précaires installés sur des radeaux, ou ceux qui ont une demi bouée ont une vision très différente de la notre.

De larges pans du vivant sont déjà effondrés, des peuples, sociétés, pays vivent déjà en situation d’effondrement, et tout notre bavardage sur comment s’en protéger, que faire pour ne pas, etc. sont assez futiles en regard de cela.

Mais même ici la métaphore du Titanic continue de fonctionner!

  • La première classe se goinfre, disserte, danse, pavane, et n’a rien senti du choc contre l’iceberg. Elle entretient des liens étroits avec le capitaine, qui appartient symboliquement à leur milieu. Ils savent tous que ce navire est le plus beau, le plus puissant, le plus fort, évidemment…, et rêvent d’en vendre aux autres pour les aider à se développer p.ex.
  • La deuxième classe vivant déjà dans un espace moins feutré (même si toujours bien hors-sol) a sans doute perçu quelque chose, mais est très occupée à lorgner sur la possibilité d’arriver en première classe un jour, et de ne surtout pas tomber en troisième classe. Pour info, si vous lisez ces lignes c’est que vous faites de toute évidence partie de cette deuxième classe. La troisième classe n’a pas de temps à perdre à lire cela, elle est en train de gérer le réel – loin du joli décor – dans lequel elle est.
  • C’est cette troisième classe qui est la plus proche du sol, et qui est déjà largement les pieds dans l’eau. Une partie est déjà morte noyée dans les premières cales inondées, tandis qu’une autre partie a de l’eau jusqu’à la taille, jusqu’au cou parfois. Cette classe sait et sent – dans sa chair, dans son être, dans sa réalité quotidienne – que le navire coule et qu’il y a de fortes chances qu’elle en crève. Elle existe partout, invisibilisée dans les pays « riches », bien visible dans des zones entières du monde.

Il y a donc un découplage total – et mortel – entre ceux qui savent, qui sentent, qui vivent le réel, et la catégorie – ridicule en nombre – qui a le plus de pouvoir d’action et de décision. La première et la deuxième classe refusent la moindre éventualité de mettre un terme à un mode de vie prédateur; les autres n’ont qu’à bouger. Cette première classe est d’ailleurs en train de tenter de s’immuniser contre tout naufrage, il suffit de penser aux survivalistes débiles qui se construisent des bunkers et achètent des îles, ou lorgnent sur une escapade sur une autre planète (s’ils pouvaient tenter d’aller s’établir sur le soleil, cela nous ferait déjà des vacances!).

C’est donc également un paradoxe: la deuxième classe, au lieu de se laisser fasciner par atteindre un jour la première classe, au lieu de se laisser divertir par les joujoux inoffensifs que la première classe lui sert (comme c’est chouette un casque VR, waouw la belle grosse bagnole, trop bien la finale de la coupe du monde, etc.) ferait bien mieux de porter le regard sur la troisième classe pour voir les effets réels et déjà présents de son mode de vie, et pour également apprendre à vivre ailleurs qu’en deuxième classe (et encore moins en première). Mais apparemment, nous sommes anthropologiquement câblés pour désirer monter à l’étage du dessus. Quand on vous dit que le changement est une métamorphose et pas un petit coup de peinture…

C’est bien beau, mais quand on a posé ce cadre, on fait quoi?

On s’assied, on respire.

Ce n’est pas une mince affaire de bouger un cadre de perception du réel, cela prend du temps et requiert de l’honnêteté avec soi-même, et un deuil vis-à-vis de ses anciennes conceptions.

… Et tant que la bascule n’est pas réellement faite en vous (pas qu’avec votre tête donc, mais de manière existentielle), tout ce qui est dit ici vous paraît sans doute inepte, exagéré, loufoque. C’est le propre d’un cadre de pensée de filtrer la réalité.

  • -ok si on est sur le Titanic, c’est un peu foutu non?
  • -oui c’est clair, on arrivera pas de l’autre coté sur ce bateau, il va falloir faire le deuil de ça
  • -mais donc y’a plus rien à faire…
  • -bah, ça dépend, tu peux t’asseoir par terre et attendre
  • -autant en profiter alors!
  • -oui c’est ça, va te goinfrer au buffet…

La tentation de tout refoutre sous le tapis est grande. On sait que de nombreux mécanismes existent pour préserver à tout prix sa vision du monde, retardant de facto toute action sérieuse.

Imaginez-vous: vous savez que la bateau va couler, qu’est-ce qu’il reste à faire?

Beaucoup de choses non?

Il n’y a aucune recette toute faite, mais vous pouvez poser des actes en fonction de ce qu’il se passe autour de vous, de qui vous êtes, de l’état dans lequel vous êtes. Vous allez agir en conséquence, de la manière la plus ajustée possible, et elle le sera uniquement si vous avez encodé que le naufrage est en cours. Et autour de vous, ce seront très certainement des poulets sans tête pendant un petit bout de temps. Peu importe leurs compétences, leurs qualités, leur intelligence, etc., ils seront à coté de la plaque par absence de lucidité sur le réel. Ils sont donc souvent dangereux pour eux et pour les autres (tout sauveteur le sait!).

Mais au-delà de choses à faire – dont on ne peut parler qu’en situation concrète – il y a surtout un comment être. Il y a à rester digne, à ne pas se vautrer dans la situation, à tenter d’élever – par votre dignité – toute l’humanité. Cela s’est toujours passé, de tout temps, dans des moments tragiques et difficiles.

  • Certaines personnes refusent.
  • Refusent de vendre l’autre.
  • Refusent de s’enrichir sur une situation.
  • Refusent de gagner une promotion.
  • Refusent ce job pourtant si bien payé.
  • Refusent d’écraser le voisin.
  • C’est rare.
  • Elles le font car elles savent qu’elles ne pourront plus se regarder en face après s’être corrompues dans la situation.
  • Elles le font, et en paient souvent le prix fort pour être sorties du troupeau.
  • Elles appliquent en quelque sorte une éthique des vertus plutôt qu’une éthique utilitariste (tellement en phase avec le capitalisme celle-là).

Nous ne sommes pas sur le Titanic, nous sommes dans un monde qui est en train de crever par nos actions et nos modes de vies puérils.

Il y a d’abord à rester digne, à faire que cela ne passe pas par moi, à ne pas être un Mr Smith.

Il y a à cesser de nuire et refuser de parvenir comme le dit si bien Corinne Morel-Darleux dans son essai.

Il y a à sortir des niaiseries du c’est par la joie qu’on se met en route, tellement rabâché dans les courants de développement personnel lucratif. Pensez-vous qu’on attend que les passagers soient joyeux et se décident d’avoir l’élan de contribuer à l’évacuation en toute bienveillance? On fait ce qu’il faut faire. Point. L’action est dictée par ce que la situation requiert, en lucidité. ET peut-être que dans l’action, il y aura des moments de joie, oui! j’espère que quelqu’un a fait une blague à la con sur au moins un des canots et que cela a pu faire rire les autres. La joie peut y être, mais c’est un sous-produit, pas le carburant de départ.

Et donc, « pendant ce temps sur le Titanic… »

Nous avons soulevé la nécessité de changement de type 2, de changement civilisationnel pour quitter la Mégamachine.

Nous sommes bien face à une situation dont la métaphore du Titanic est une illustration quasi parfaite: un sacré changement (d’imaginaire et d’action) est requis, faute de quoi le réel nous rattrapera dans des conditions très très éprouvantes, comme il commence à la faire.

Me rappeler mentalement que nous sommes sur le Titanic, me permet de distinguer l’important du futile, et de pouvoir évaluer l’état de lucidité d’une décision, d’une personne, d’un groupe, d’une organisation.

Cela me permet surtout de ne pas donner trop d’attention à ce qui n’en mérite pas.

Ainsi, la majeure partie des choses qui actuellement paraissent importantes, sérieuses, fondamentales, m’apparaissent – après ce tamis – stupides, stériles, futiles.

Une très large proportion de décisions prises sont totalement à coté de la plaque, et me font penser à des passagers qui se querelleraient pour décider de leur place à table, ou de l’équipage qui se réunirait pour décider du prochain sous-chef.

Tous leurs comportements indiquent – malgré eux – qu’ils n’ont toujours pas pris la mesure du réel.

Évidemment, je peux faire semblant de trouver cela important, mais si je le fais, c’est pour rejoindre l’autre, là où il se trouve. Je ne me fais pas avoir en pensant moi aussi que cela est fondamental.

C’est tout comme avec un tout petit lorsqu’il a perdu son nounours: vous vous mettez en lien avec lui en considérant l’importance de la chose pour lui. Et vous faites ce qu’un adulte doit faire.

Beaucoup semblent avoir perdus leurs nounours, au milieu de très peu d’adultes …



Du nucléaire comme dessert à Noël ?

Paul Blume

Fin des années 70, début des années 80, les mouvements anti-missiles animent les débats sur les risques liés au déploiement d’armes nucléaire spécifiques, susceptibles d’être réellement utilisées.

Avec une attention toute particulière pour les aspects sanitaires.

Le nucléaire militaire est alors une préoccupation citoyenne très présente dans les agendas politiques. Cela se comprend et l’importance de ces débats se vérifie avec l’histoire des traités de limitation des armements.

Bien que l’accident de Tchernobyl n’ait pas encore eu lieu , les anti-nucléaires « civil » développent déjà leurs arguments, dont  :

  • Le principe de précaution, le caractère hyper-capitalistique de la production nucléaire, les accidents, les conséquences de potentiels accidents sur l’environnement, les aspects sanitaires de ces risques, l’ingérable dossier des déchets, etc …

Au fil du temps, ce discours anti-nucléaire trouve écho dans la population belge pour en arriver en janvier 2003 à la Loi sur la sortie progressive de l’énergie nucléaire à des fins de production industrielle d’électricité.

L’événement est considéré alors comme une victoire par les écologistes belges.

Ce principe de sortie du nucléaire sera défendu « bec et ongles » comme le montre les deux encarts sous l’article (1, 2).

« Mais cela, c’était avant ». Depuis : crise énergétique majeure et retournement de veste.

Et c’est une ministre issue du mouvement écologique qui est à la manœuvre.

Les derniers développements ont le mérite de clarifier le dossier, la Belgique prolonge certaines centrales au minimum jusqu’en 2036.

A priori, changer de point de vue, retravailler ses doctrines peut être compris comme une adaptation aux réalités politiques. Et celles-ci sont de plus en plus complexes en matière de politiques énergétiques.

Le recours à la technologie nucléaire continue néanmoins de soulever de nombreuses et importantes questions.

Dont la principale – qui n’est pratiquement pas évoquée actuellement dans les débats – étant celle de la pertinence pour l’humanité de continuer à dissiper massivement de l’énergie (sous quelque forme que ce soit) pour soutenir des activités économiques engendrant d’innombrables détériorations, pour la plupart irréversibles, des conditions de vie sur Terre.

Posée autrement, c’est la question des réponses politiques à la réalité des effondrements en cours.

Cette question de l’Ecocide embarrasse d’autant plus les écologistes défenseurs d’une croissance verte, qu’elle est relayée par des scientifiques issus de disciplines diverses se revendiquant à la fois de l’Ecologie et de la Science.

Il y a un réel découplage entre les appareils politiques se revendiquant de l’Ecologie et les fondements scientifiques de celle-ci.

De la question du traitement de écocide en cours découle celle des réactances inévitables au déroulé de promesses de moins en moins crédibles.

Le futur se décline de plus en plus au présent. Les promesses de croissance vertueuse mais également de décroissance joyeuse ou de sobriété heureuse deviennent de moins en moins en crédibles.

Là également, les constats sont précis. Et vendre du rêve est toujours dangereux en politique. Surtout quand ils sont à l’évidence inatteignables.

Sans oublier, pour revenir au nucléaire civil, que les interrogations légitimes sur les risques induits par cette activité demeurent.

Le débat semble actuellement « plié » aux niveaux européen et mondial.

La volonté de relancer la construction de centrales est présente dans tous les caucus économico-politiques et étayée, y compris dans le cadre des débats autour du réchauffement climatique.

Mais, cet avenir que l’on essaie de nous vendre autour de plus de nucléaire et de renouvelables est-il crédible ?

La faisabilité fût-elle théorique d’un découplage entre l’usage des énergies fossiles et les énergies de substitution est-elle démontrée ?

Les questions demeurent.

Et quand bien même une forme de croissance serait-elle encore possible, serait-elle désirable ?

C’est l’une des questions posées par Aurélien Barrau dans « l’Hypothèse K ».

A mettre sous le sapin. A la place du nucléaire ? …


Selon diverses sources, le Gouvernement fédéral reporterait la décision de sortie du nucléaire après les élections de 2019. La décision finale serait alors postposée à 2021 ! « Ce nouveau retard est le pire scénario possible, tant pour des questions de sécurité liées à l’état de nos vieilles centrales, que d’approvisionnement énergétique. Rappelons à cet égard que la Belgique détient le triste record du nombre de jours d’indisponibilité de ses centrales pour des raisons imprévues ! » réagit le chef de groupe Ecolo à la Chambre, Jean-Marc Nollet.
Pour Ecolo, cette décision constituerait une nouvelle pantalonnade montrant Charles Michel courbant une fois de plus l’échine devant le véritable patron de ce gouvernement, Bart De Wever : « Alors que notre Premier Ministre a le soutien d’une large majorité de partis, y compris le sien, pour sortir du nucléaire, il s’écrase à nouveau platement devant la N-VA… le jour anniversaire des 15 ans du vote de la loi de sortie du nucléaire. Que de temps perdu en tergiversations ! », commente Patrick Dupriez, coprésident d’Ecolo.
C’était en effet il y a 15 ans que le Gouvernement arc-en-ciel votait la loi sur la sortie du nucléaire assortie d’un cap et d’un échéancier. En 2015, cette loi a été confirmée et 1/2 précisait la date à laquelle chaque centrale nucléaire devait être fermée, la dernière en 2025. « En reportant la décision, le Gouvernement envoie un signal extrêmement négatif à tous ceux qui veulent investir, et ils sont nombreux, dans une transition énergétique durable. Il y a un besoin énorme de clarté et de stabilité, » poursuit Patrick Dupriez. « Ce report rend en outre notre pays totalement vulnérable face aux choix et exigences que pourrait nous imposer le propriétaire des centrales, Engie, à l’approche de l’échéance de 2025. Au-delà des centrales vieillissantes, c’est aussi notre démocratie qui se fissure, » ajoute Patrick Dupriez.
Les écologistes appellent les partis de la majorité à respecter la loi et à maintenir leur position, soulignant qu’il y a un soutien suffisant au Parlement et dans la société pour aller de l’avant. C’est la raison pour laquelle Ecolo et Groen déposent aujourd’hui, via une résolution dans tous les parlements, le pacte énergétique tel qu’il a été négocié et approuvé par les 4 ministres de l’énergie de notre pays. Ce pacte prévoit clairement une sortie du nucléaire en 2025 et des investissements massifs dans l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables. « Nous espérons que les partenaires de la coalition ne seront plus pris en otage par la N-VA. Ce n’est que par une décision claire et sans délai que nous pourrons garantir un approvisionnement en énergie sûr, durable et abordable. Chaque année perdue par défaut de choix clair rend l’indispensable transition plus coûteuse et plus difficile,» concluent les écologistes.

Patrick Dupriez – Le 16 janvier 2018

L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE N’EST PAS LA SOLUTION
Par un courrier adressé au Gouvernement, Engie Electrabel remet sur la table la question de la prolongation des réacteurs nucléaires et veut même s’inviter dans la discussion gouvernementale à ce sujet. Les écologistes dénoncent cette initiative et invitent le monde politique belge à garder le cap vers la sortie du nucléaire.
« Engie Electrabel semble à son tour vouloir profiter de la situation sanitaire et économique dramatique de notre pays pour tenter d’imposer sa vision de notre avenir énergétique. C’est vraiment problématique d’une point de vue démocratique, avec un Gouvernement dont nous rappelons qu’il est minoritaire et chargé exclusivement de la gestion du Coronavirus », analyse Georges Gilkinet, chef de groupe Ecolo à la Chambre.
La sortie du nucléaire est inscrite dans la Loi depuis près de 20 ans et les alternatives au nucléaire existent et se développent depuis lors dans notre pays, avec des opérateurs économiques et citoyens ne demandant que le signal définitif et des actes clairs pour poursuivre et soutenir la transition.
« Le nucléaire n’est pas la solution, pas plus en période de crise qu’hier. Ce qui compte, c’est la Loi, pas un courrier d’Engie Electrabel. Les raisons qui justifient une sortie du nucléaire et rassemblent une majorité des forces démocratiques sont toujours aussi valables aujourd’hui », poursuit Georges Gilkinet.
« Plutôt que d’entretenir des solutions du passé, dangereuses et problématiques pour les générations futures, la priorité est d’accentuer les investissements dans l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables. Ce sont des options bien plus positives pour la création d’emplois et pour la capacité de résistance de notre économie à des chocs conjoncturels ou à une rupture dans les chaînes d’approvisionnement en matière première. L’énergie nucléaire n’est pas la solution. Nous devons regarder vers l’avenir plutôt que vers le passé », conclut Georges Gilkinet.
Les écologistes interpelleront dès que possible la Première Ministre Sophie Wilmès et le Gouvernement minoritaire pour l’appeler à garder le cap de la sortie du nucléaire.

Georges Gilkinet Chef de groupe à la Chambre et député fédéral – 16 avril 2020

Le « vacillement » des systèmes terrestres nous met en garde :

agissons maintenant, ou nous verrons disparaître notre paradis déjà dégradé.

George Monbiot

Deepl traduction : Josette – The ‘flickering’ of Earth systems is warning us: act now, or see our already degraded paradise lost – 31 octobre 2023

Lorsque Rishi Sunak a accordé 27 nouvelles licences en mer du Nord cette semaine, il ne pensait pas à la survie du monde vivant.

Le voyez-vous déjà ? L’horizon des systèmes terrestres – le point où nos systèmes planétaires basculent dans un nouvel équilibre, hostile à la plupart des formes de vie ? Je pense que oui. L’accélération soudaine des crises environnementales que nous avons connue cette année, associée à l’inutilité stratégique des puissants gouvernements, nous précipite vers le point de non-retour.

On nous dit que nous vivons la sixième extinction de masse. Mais il s’agit là d’un euphémisme. On parle d’extinctions massives parce que le signe le plus visible des cinq catastrophes précédentes de l’ère phanérozoïque (depuis l’apparition des animaux à corps dur) est la disparition des fossiles dans les roches. Mais leur disparition est le résultat de quelque chose d’encore plus grand. L’extinction de masse est un symptôme de l’effondrement des systèmes terrestres.

Dans le cas le plus extrême, l’extinction Permien-Trias, il y a 252 millions d’années – lorsque 90 % des espèces ont disparu -, les températures planétaires ont grimpé en flèche, la circulation de l’eau autour du globe s’est plus ou moins arrêtée, le sol a été dépouillé, les déserts se sont étendus sur une grande partie de la surface de la planète et les océans se sont désoxygénés et acidifiés de manière drastique. En d’autres termes, les systèmes terrestres ont basculé dans un nouvel état, inhabitable pour la plupart des espèces qu’ils abritaient.

Ce que nous vivons aujourd’hui, à moins que nous et nos gouvernements ne prenions des mesures soudaines et radicales, est le sixième grand effondrement des systèmes terrestres.

Dans de nombreux systèmes terrestres, nous observons désormais le type d’instabilité – que les théoriciens des systèmes appellent « vacillement » – qui pourrait suggérer qu’ils s’approchent d’un point de basculement. Selon un article publié cette année, la perte totale de la glace de mer de fin d’été dans l’Arctique est désormais acquise et pourrait se produire dès les années 2030. Ce phénomène est susceptible de déclencher des phénomènes météorologiques encore plus extrêmes dans l’hémisphère nord en raison de l’affaiblissement du courant-jet.

Dans l’Antarctique, la fonte de la glace de mer s’est considérablement accélérée au cours de l’été austral cette année, après quoi elle ne s’est étrangement pas rétablie au cours de l’hiver austral. Cela suggère un changement d’état de plus en plus rapide, qui pourrait entraîner l’effondrement en cascade des plates-formes de glace d’eau douce perchées au-dessus de la glace de mer, ce qui aurait des conséquences catastrophiques sur l’augmentation du niveau des mers à l’échelle mondiale.

La fonte, à son tour, semble affecter la circulation des courants dans l’océan Austral, qui a ralenti d’environ 30 % depuis les années 1990. Ce phénomène entrave le transfert de chaleur et de froid et réduit l’oxygénation. On observe des effets similaires dans l’hémisphère nord, où la fonte des glaces de l’Arctique a réduit la circulation dans l’Atlantique.

De nouvelles recherches menées en Amazonie ont mis en évidence ce que les scientifiques appellent des « signaux précurseurs » d’une « transition critique imminente ». La combinaison de la déforestation et du dérèglement climatique pourrait interrompre la circulation des précipitations dans le bassin, déclenchant un passage rapide de la forêt tropicale à la savane.

Les vastes puits de carbone que constituent les zones humides tropicales et les tourbières pergélisolées de l’Arctique semblent également s’approcher d’un point de basculement, comme le suggèrent les pics soudains de méthane, de dioxyde de carbone et d’oxyde nitreux. Ces zones font partie des réserves de carbone les plus importantes au monde, mais par le biais d’une rétroaction auto-accélérée classique, certaines d’entre elles se transforment maintenant en puissantes sources de gaz à effet de serre.

Le mois de juillet de cette année a été le plus chaud jamais enregistré. Le mois de septembre a battu le précédent record de 0,5 °C. Un article publié l’année dernière explique comment cette dégradation du climat pourrait entraîner un effondrement de la société. Par exemple, dans moins de 50 ans, un tiers de la population mondiale pourrait vivre dans des endroits aussi chauds que le sont aujourd’hui les zones les plus chaudes du Sahara, souvent dans des régions déjà très instables sur le plan politique. Et ce n’est pas le pire. L’une des conséquences possibles de l’augmentation des concentrations de dioxyde de carbone au cours de ce siècle est la disparition soudaine des couches de nuages stratocumulus, ce qui entraînerait un réchauffement supplémentaire de la surface de 8 °C environ.

Comme lors des précédents grands effondrements des systèmes terrestres, ces impacts se traduisent par la disparition d’espèces. Un article récent révèle que la population de 48 % des espèces de la planète diminue, tandis que celle de 3 % seulement augmente. Beaucoup plus d’espèces sauvages pourraient être en voie d’extinction que ce que l’on estimait jusqu’à présent. Si la disparition des espèces est le symptôme d’un effondrement systémique, il se pourrait que nous vivions déjà en sursis.

Rien de tout cela n’est certain, à moins que nous ne fassions en sorte qu’il en soit ainsi. Mais loin de s’attaquer à la plus grande crise que l’humanité ait jamais connue, nos gouvernements accélèrent le pas vers l’horizon. Par exemple, Rishi Sunak, qui n’était jusqu’à présent qu’un simple accident de parcours dans l’histoire politique du Royaume-Uni, semble maintenant avoir découvert son objectif : saccager la planète au nom du pouvoir des entreprises. Des sources gouvernementales affirment qu’il profitera du discours du roi de la semaine prochaine pour redoubler son attaque contre les politiques écologiques.

Lundi, son gouvernement a annoncé l’octroi de 27 nouvelles licences d’exploitation de pétrole et de gaz en mer du Nord. Le même jour, une étude publiée dans Nature Climate Change a révélé que le budget carbone restant – la quantité nette de dioxyde de carbone que l’homme peut encore émettre pour conserver une chance sur deux de ne pas dépasser 1,5 °C de réchauffement de la planète – sera épuisé en seulement six ans si l’on continue à faire comme si de rien n’était. Seule une décision d’urgence de laisser les combustibles fossiles dans le sol est susceptible d’empêcher le franchissement de ce seuil de température.

Chaque heure est désormais un moment « si seulement » : elle offre une meilleure chance d’éviter l’effondrement que l’heure qui suit. Aussi sinistre que soit notre époque sur Terre, les générations futures y verront un âge d’or. Un âge d’or de la vie sauvage, du temps clément, de la stabilité, de la prospérité, des possibilités d’agir. Notre monde vivant est une ombre grise de ce qu’il a été, mais un paradis vibrant en comparaison de ce qu’il sera. À moins que, à moins que.


Nous ne sommes pas encore condamnés

Le climatologue Michael Mann parle de notre dernière chance de sauver la civilisation humaine

Damian Carrington

Traduction deepl Josette – article original sur The Guardian

Le nouveau livre du célèbre scientifique américain examine 4 milliards d’années d’histoire du climat pour conclure que nous vivons un « moment fragile », mais qu’il est encore temps d’agir.

« Nous n’avons pas encore dépassé les limites d’une civilisation humaine viable, mais nous nous en approchons », déclare le professeur Michael Mann. « Si nous continuons [à émettre du carbone], les jeux sont faits ».


La crise climatique, qui provoque déjà des phénomènes météorologiques extrêmes et dévastateurs dans le monde entier, a engendré un « moment fragile », déclare l’éminent climatologue et communicateur dans son dernier livre, intitulé « Our Fragile Moment » (Notre moment fragile). Selon lui, il est encore possible de maîtriser la crise climatique, mais d’énormes obstacles politiques se dressent devant nous.


Michael Mann, de l’université de Pennsylvanie aux États-Unis, fait partie des climatologues les plus en vue depuis qu’il a publié, en 1999, le célèbre graphique en forme de crosse de hockey, qui montre comment les températures mondiales ont grimpé en flèche au cours du siècle dernier.

Pour comprendre la situation difficile dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui, Michael Mann a remonté l’histoire du climat de la Terre afin d’avoir une vision plus claire de notre avenir potentiel. « Nous disposons d’une période de 4 milliards d’années dont nous pouvons tirer des enseignements », a-t-il déclaré dans une interview au Guardian.


« Nous voyons des exemples de deux qualités qui s’affrontent, la fragilité et la résilience. D’une part, on trouve des mécanismes stabilisateurs qui existent dans le climat de la Terre, lorsque la vie elle-même a contribué à maintenir la planète dans des limites adaptées à la vie. Par exemple, la luminosité du soleil a augmenté de 30 % depuis l’apparition de la vie sur Terre, mais la vie a maintenu des températures adaptées.


« Mais il y a des exemples où le système terrestre a fait exactement le contraire, où il est devenu incontrôlable, et ce à cause de la vie elle-même », explique Michael Mann. Lors du grand épisode d’oxydation survenu il y a 2,7 milliards d’années, des bactéries primitives ont commencé à produire de l’oxygène, ce qui a entraîné la destruction du méthane, un puissant gaz à effet de serre présent dans l’atmosphère. « Cela nous a plongés dans une Terre boule de neige qui a failli tuer toute forme de vie. »


« Lorsque nous examinons tous ces épisodes passés, nous avons le sentiment que nous ne sommes pas encore condamnés – nous n’avons pas encore assuré notre extinction », ajoute-t-il. « Mais si nous continuons à dépendre des combustibles fossiles, nous sortirons de la zone de sécurité que nous indiquent les données de l’histoire de la Terre. C’est ce qui rend ce moment si fragile : nous sommes au bord du précipice ».

Selon Michael Mann, l’une des motivations du livre est la montée du catastrophisme climatique : « Nous n’avons pas vu la fin du déni climatique, mais il n’est tout simplement plus plausible, car les gens peuvent voir et ressentir que cela se produit. Les pollueurs se sont donc tournés vers d’autres tactiques et, ironiquement, l’une d’entre elles est le catastrophisme. S’ils peuvent nous convaincre qu’il est trop tard pour faire quoi que ce soit, pourquoi le faire ?


Michael Mann explique qu’il a remarqué que l’histoire du climat était instrumentalisée par les alarmistes. « L’idée que les extinctions massives du passé se traduisent par une extinction massive assurée aujourd’hui en raison, par exemple, d’un emballement du réchauffement dû au méthane [lors de la fonte du pergélisol] n’est pas vraie – la science ne le confirme pas.


Un réchauffement de 1,5 °C est déjà très grave, mais un réchauffement de 3 °C pourrait mettre fin à la civilisation.


Le sort de notre climat est en suspens, selon Michael Mann : « Il existe des preuves assez convaincantes du passé, combinées aux informations fournies par les modèles climatiques, qui montrent que si nous parvenons à maintenir le réchauffement en deçà de 1,5 °C, nous pourrons préserver cette période de fragilité. Mais si nous dépassons les 3 °C, il est probable que nous ne pourrons pas le faire. C’est entre les deux que nous jetons les dés ». Les politiques et actions actuelles en matière de climat conduiraient à un réchauffement d’environ 2,75 °C, tandis que la réalisation de tous les engagements et objectifs fixés à ce jour se traduirait par un réchauffement de 2 °C.

« La question est donc de savoir jusqu’à quel point nous sommes prêts à laisser la situation se dégrader », dit-il. « 1,5 °C est déjà très grave, mais 3 °C pourrait mettre fin à la civilisation. »

Les vagues de chaleur généralisées, les incendies de forêt et les inondations clairement liés au réchauffement planétaire ont donné un caractère d’urgence à l’appel à l’action, explique Michael Mann : « Mais l’urgence sans l’action ne fait que nous conduire au désespoir et au défaitisme. C’est ce que les pollueurs aimeraient, prendre tous ces militants du climat et les faire passer de la ligne de front à la ligne de touche ».


Il est possible de mettre fin à l’urgence climatique, affirme Michael Mann : « Nous savons que les obstacles au maintien du réchauffement en deçà des niveaux catastrophiques ne sont pas encore physiques ni technologiques, mais politiques. Mais il y a actuellement des obstacles politiques assez importants ».


« Ici, à Penn State, il y a tellement d’anxiété, de peur et de désespoir, et même de chagrin », dit-il. « Une partie de ces sentiments provient de l’idée erronée qu’il est physiquement trop tard et je veux dissiper cette idée. Mais une partie provient d’un cynisme compréhensible à l’égard de nos politiciens, et c’est un défi bien plus important. »


Son évaluation d’une victoire potentielle de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine de 2024 est sévère, la qualifiant « d’éloignement de la démocratie vers le fascisme, et il n’y a pas de voie vers une action climatique significative qui passe par le fascisme plutôt que par la gouvernance démocratique ».

« Nous devons sortir et voter, et les jeunes doivent sortir en grand nombre et voter », déclare Michael Mann. « Si nous le faisons, nous pourrons élire des hommes politiques qui agiront en notre nom, au lieu de se contenter d’approuver les pollueurs.


Le principal sommet des Nations unies sur le climat, la Cop28, débutera fin novembre et sera accueilli par les Émirats arabes unis, ce que Michael Mann qualifie de « très inquiétant ». Les Émirats arabes unis ont les troisièmes plus grands plans d’expansion pétrolière et gazière au monde, et le président de la Cop28 est également le PDG d’Adnoc, la compagnie pétrolière d’État des Émirats arabes unis.


Il n’y a pas de voie vers une action climatique significative qui passe par le fascisme plutôt que par la gouvernance démocratique.


« Il n’est pas normal de leur permettre d’adopter l’imprimatur de l’action climatique mondiale en accueillant la Cop28 », déclare Michael Mann. « C’est légitimer un comportement de leur part et de la part d’autres pays pétroliers qui est fondamentalement en contradiction avec la tâche qui nous attend. Je trouve cela très inquiétant.


Michael Mann est la cible privilégiée des négationnistes du climat depuis la publication du graphique en crosse de hockey. Il se montre cinglant à l’égard de la gestion par Elon Musk de la plateforme de médias sociaux X, anciennement appelée Twitter.

« Musk était considéré comme un héros de l’environnement, en raison de son rôle chez Tesla », explique M. Mann. « Mais de plus en plus, il a montré son vrai visage, son allégeance politique à Trump et au fascisme ».


« Twitter était une place publique mondiale, un forum pour communiquer sur la crise climatique », poursuit-il. « Ce que Musk a fait, c’est le transformer en un forum toxique pour la promotion du négationnisme climatique et de tout ce qui est mauvais dans le monde. C’est stupéfiant. » Michael Mann note que le prince Alwaleed bin Talal d’Arabie saoudite, l’un des « pires acteurs pétroliers », a joué un rôle de 1,9 milliard de dollars dans l’achat de Twitter par M. Musk.


Michael Mann a également souligné que le prince Alwaleed était l’un des principaux bailleurs de fonds de l’empire médiatique de Rupert Murdoch jusqu’en 2017. « Rupert Murdoch a utilisé son réseau mondial de médias pour promouvoir le négationnisme climatique et s’attaquer aux énergies renouvelables, ce qui correspond à son idéologie et aux intérêts de certains des puissants pétro-États, en particulier l’Arabie saoudite. »


Et si nous étions à l’automne 1939, goguenards ?

Bruno Colmant

reprise, avec l’accord de l’auteur, d’un post LinkEdIn

Si l’été est le moment du recul et de la réflexion, je suis, en vérité, pétrifié. Nous sommes face à des défis environnementaux existentiels, dont les conséquences sociales, économiques, migratoires et militaires sont d’une envergure qui nous dépasse. Cette réalité se conjugue à une anxiété sociale, qui reflète la dualisation croissante de la société. Car, ne l’oublions pas, bon pays, mauvais pays développé, la part de la population qui est sous le seuil de pauvreté dépasse 25 %. Et c’est honteusement un problème de riches, puisque 10 % de la population mondiale vit dans l’extrême pauvreté.

Tous, nous constatons que la réflexion longue a cédé le pas à la réaction immédiate, puisque le ressenti instantané prime sur la somme des savoirs. Alors, nous cherchons tous des apaisements éphémères, des images, des « likes », des étourdissements, des vertiges frivoles, des postures, bref, des futilités.

Après tout, ces scientifiques et autres moralisateurs ont peut-être raison, mais si l’avenir est aussi sombre, autant vivre et consommer intensément.

Et puis, ces intellectuels accablés sont fatigants, non ?

Mais faisons attention.

Très attention.

Pendant que nous nous réjouissons, certains façonnent notre futur.

Et ils le maquillent.

Je ne parle pas des dingues de la Silicon Valley qui veulent créer une humanité 2.0 tout en sécurisant des abris antiatomiques en Nouvelle-Zélande.

Je parle de ceux qui nous dirigent.

Et nous sommes peut-être à l’automne 1939, lors de la drôle de guerre. La mobilisation avait été décidée. Les paysans et les instituteurs, tous goguenards, attendaient leur retour aux champs et écoles.

Mais de sourdes forces furieuses s’animaient lentement, sans qu’on veuille les voir.

Alors, voilà, nous sommes peut-être en 1939. Et moi, je dis : l’Europe, la Belgique votent l’an prochain.

Et il est peut-être temps de s’impliquer.

Pas par procuration.

En action.

Stéphane Hessel avait écrit : « indignez-vous ».

Et comme un de mes amis journalistes me disait ce matin : « indignez-vous et impliquez-vous ».

références Bruno Colmant