« Et pendant ce temps, à bord du Titanic… »

Laurent Lievens

Telle est la rengaine qui se rappelle à moi très souvent.

Elle me permet d’avoir un référentiel qui me paraît – jusqu’à preuve du contraire – ajusté afin de déceler l’important du futile, l’information du bruit, l’intelligence parmi la stupidité, celles et ceux qui entretiennent le déni des autres, etc.

C’est en quelque sorte une boussole nourrie par une vision large et systémique de l’état du réel.

Lorsqu’on me communique quelque chose, je recadre cette information en la plaçant mentalement à bord du Titanic afin d’éprouver son intérêt.

Par ce mécanisme, je perçois à quel point très très peu d’informations, d’actes, d’initiatives, de décisions son ajustés à une situation telle que celle du Titanic (qui a déjà heurté l’iceberg).

Cela me permet d’avoir un référentiel de gravité en quelque sorte, et de constater à quel point nous fonctionnons encore sans tenir compte sérieusement de l’incendie qui est au milieu du bâtiment.

Cela appelle donc surtout un changement de cadre de référence.

En quoi un cadre de référence adapté est fondamental?

On sait, notamment depuis les travaux de l’École de Palo-Alto (dans le champ thérapeutique, systémique et communicationnel), qu’une situation acquiert son sens en fonction du cadre dans laquelle elle prend place.

Mes actions pourront ainsi être ajustées ou totalement à coté de la plaque en fonction de ma bonne compréhension (ou pas) du cadre réel dans lequel je suis.

Par exemple, me promener tout nu en rue sera ainsi désajusté, car le cadre n’est pas celui d’une plage naturiste.

Autre exemple, continuer à se féliciter sincèrement de la croissance économique en période d’écocide témoigne d’une vision du réel périmée digne d’un économiste orthodoxe (oui ça existe encore…).

Le cadre est en quelque sorte le paysage mental dans lequel vous vivez, c’est ce qui filtrera toute votre réalité, qui viendra colorer toutes vos perceptions.

Autant dire que si vous ne comprenez rien au réel dans lequel vous vivez, vous vous comporterez de toute évidence à coté de la plaque (on vous diagnostiquera peut-être une pathologie mentale, c’est une autre manière de dire que votre carte mentale dysfonctionne).

Mes actes témoigneront ainsi de l’ajustement ou non de mon cadre mental, de ma perception du réel.

Observer les actes de l’autre, d’une organisation, d’une institution indiquera donc déjà pas mal d’informations sur sa perception ajustée ou non du cadre réel.

Disons-le directement, actuellement, la toute grande majorité est à coté de la plaque.

Tout l’enjeu réside donc dans les ingrédients qui vont servir à construire mon paysage mental, mon cadre de référence afin qu’il soit le plus proche du réel possible.

Et je pense que la méthode scientifique nous en fournit un gros contingent, à relier avec l’intuition, l’expérience etc., sans tout mélanger, sans faire de soupe mais en gardant une approche de la complexité à la Edgar Morin.

Délaisser le cadre proposé par l’asile de fous?

Donc, quel serait le cadre a priori le plus ajusté au réel? Quel réel?

Depuis plus d’un demi-siècle la méthode scientifique – la manière la plus puissante que l’humain ait inventé pour dire des choses non fausses jusqu’à preuve du contraire sur le réel – indique que l’humain est devenu une force quasi géologique (on parle d’Anthropocène) qui modifie (entendre: qui flingue), par ses choix de vie, tous les équilibre planétaires.

Nous constatons que le mode de vie (désiré et/ou réel) dominant reste une sorte d’american way of life, le mode de vie occidental, le package villa-SUV-smartphone-ClubMed, avec toutes ses variations culturelles.

Ce mode de vie écocidaire fonctionne sans doute lorsqu’on est 500 millions d’individus sur Terre, plus du tout lorsqu’on est 8 milliards. (Bah, les autres on en a rien à foutre non?)

Deux scénarios: soit l’on adopte – de toute urgence, pas dans 20 ans – un mode de vie totalement différent, soit l’on réduit drastiquement la population.

En l’état actuel, aucun signe n’atteste que nos institutions et organisations choisissent le premier (ou seraient seulement même en train d’y penser), nous faisant de facto suivre le deuxième, par inertie (lobotomisés avec des écrans, de la (pseudo-)intelligence artificielle, nourris avec du sucre dans des environnements dégueulasses, ça ne tiendra pas longtemps tout ça….).

Les promesses (des criminels de la « vallée du silicone » notamment) nous préparent un bel avenir tout-numérisé, enfin débarrassés de nos corps (on en rêve depuis les Lumières et les religions monothéistes), pour vivre un nouveau départ sur une autre planète. On peut douter qu’elle sera accessible à autre chose qu’aux nantis (nous faisant donc revenir au deuxième scénario). Nos pays « riches » sont en train de choisir de suicider le reste du vivant. Bref…

De manière schématique, le cadre le plus ajusté au réel et la manière de le percevoir me paraissent être actuellement ceci:

Notre modèle de société (Mégamachine) ne peut que détruire le vivant, menant (déjà) à des effondrements multiples. (Je vous renvoie aux différentes publications et interventions où j’ai largement développé cela.)

Évidemment, il ne faut pas entendre effondrement au singulier: ce n’est que dans les délires du cinéma qu’on voit un gros évènement unique. Ce qui est déjà en train de se passer ce sont des effondrements locaux et à d’autres échelles, des effondrements du vivant, des effondrements multiples et variés, une lente dégradation des conditions d’habitabilité de la planète pour nombre de vivants donc, humains y compris.

Je précise également ici que lorsqu’on parle de métamorphose, on parle – dans la langue de Palo-Alto – de changement de type 2, c’est à dire un changement de cadre, et pas un changement dans le même cadre (qui lui est appelé changement 1). Sur la base des constats scientifiques, seul un changement 2 est actuellement pertinent, c’est-à-dire un changement complet de cadre, de manières d’habiter le monde, de concevoir le réel, d’être en relation avec le vivant (humains y compris). Cela veut dire pour nous : une décroissance forte de notre niveau de vie, une baisse très conséquente de nos consommations d’énergie et de matière, un tout autre projet de société pour quitter la plaie technocratique.

Mais attention, ce n’est pas parce qu’un cadre est de toute évidence périmé qu’il sera abandonné. Nous avons l’exemple caricatural des économistes orthodoxes (c’est à dire une large part) dont les bases théoriques sont autant valables que l’astrologie. C’est joli, ça semble sérieux, y’a plein d’équations compliquées, mais c’est basé sur une construction idéologique dont le réel a démontré l’ineptie. Et même si je n’ai aucun problème avec l’usage d’une religion dès que cela peut contribuer à un monde un peu meilleurs, c’est quelque chose que cette théorie semble incapable d’atteindre. C’est pourtant toujours l’approche théorique dominante de la profession, preuve que l’humain est décidément très lourd à faire changer.

C’est tout le dossier (que je traiterai ailleurs) de ce qu’on nomme la pédagogie des catastrophes, et qui ne m’enchante pas. Elle indique qu’à l’échelle individuelle mais aussi collective, on ne changerait que lorsqu’on est au pied du mur, que lorsque l’on n’a plus le choix. Vous arrêterez vraiment de picoler uniquement après un accident de voiture dramatique p.ex.

Dit en langue de Palo-Alto, on n’accepte le changement 2 que lorsqu’on a épuisé tous les possibles changements 1.

Normal, un changement de ce type équivaut à la mort du système, à la fin de son fonctionnement pour entrer en latence, éventuellement se transformer pour éventuellement renaître sous une toute autre forme.

Mais autant dire que si nous attendons cela à l’échelle planétaire, il ne restera plus rien de vivant d’ici là.

Oui, ok, je sais, la vie continuera, comme cela s’est déjà passé. Pas besoin de me servir cet argument tarte-à-la-crème tellement pratique, mais un peu pauvre non?

En tout cas il n’enlève rien au gâchis phénoménal que l’humain est en train d’accomplir dans son œuvre de destruction du vivant. Et pour arriver à quoi au juste? Pour une noble cause j’imagine.. Ah oui, c’est vrai, pour pouvoir se filmer constamment, être à la mode, se fringuer, prendre l’avion pour faire des immondes selfies, commenter les commentaires des commentaires, être hyper-connectés, faire du ski en plein désert, rouler à 200kmh en voiture de sport, manger des burgers et des fraises, avoir son costume-cravatte, etc. Toutes ces tellement nobles causes qui élèvent l’humanité. Merci à vous!

Comme le dit si justement Aurélien Barrau, nous détruisons la vie, pour des activités qui sont, dans une très large proportion, intrinsèquement de la merde. Je ne l’aurais pas mieux dit.

Or, quel est le cadre habituel vis-à-vis de l’écocide?

Pour une bonne partie: cela n’existe même pas, tout va bien, nous sommes sur la voie du progrès, nous sommes le summum de l’évolution, etc. Continuons, tête baissée, droit dans mur.

Pour d’autres: nous avons perçu que quelque chose clochait, et nous pensons qu’on peut le réparer en modifiant quelques paramètres, une sorte d’écomodernisme gentil (c’est tout le blabla du développement durable, de la transition, des réformettes et autres niaiseries, contre lesquelles j’ai d’ailleurs tenté de lancer l’alerte là où j’œuvrais, sans succès apparemment). C’est tout le versant des petits ajustements de consommation, les touillettes en bambou FSC et plus en plastique, les panneaux solaires, le papier recyclé, etc. Bref, tout ce qui ne veut absolument pas mettre à l’arrêt la Mégamachine, qui pense qu’on peut s’en sortir en développant un bout de potager bio alors qu’une armée de rouleaux compresseurs détruisent l’ensemble des espaces autour d’eux. C’est en vérité l’aboutissement de l’atomisation de nos sociétés, du chacun pour soi, de la destruction de toute existence politique (au sens du politique, et non de la farce de la politique).

Je constate surtout que très peu d’organisations/institutions ont intégré ce cadre: il suffit de regarder leurs actions, leurs déclarations, leurs ambitions, bref, toute leur manière de se comporter. Celle-ci indique qu’elles n’ont pas perçu le réel et sont dans le business-as-usual, parfois un peu verdi, parfois un peu réellement écologisé, souvent greenwashé pour continuer de vendre leur came (merdique, car sinon pas besoin d’en faire des tonnes pour la vendre). Lorsqu’on a vraiment perçu l’incendie au milieu du bâtiment, on ne continue pas à discuter, à jouer du piano, à faire ce qu’on faisait il y a 3 minutes, on intègre cette information et on agit en conséquence, à moins d’être totalement idiot (ça existe), suicidaire (on est donc dans une sorte de folie), traumatisé (on se fait aider alors).

Simple exemple: combien d’entre elles ont relégué les outils des gafam à la poubelle pour n’utiliser que des systèmes d’exploitation/logiciels issus du libre? (vous savez, ce truc qu’on appelle Linux p.ex.)

… oui oui, un détail pour beaucoup, mais un détail plutôt signifiant au vu de la place (obscène) du numérique dans nos vies.

Au milieu de l’incendie, une personne refuse d’évacuer en prétextant que rester dans cette pièce, « c’est tellement pratique…tu comprends, impossible de changer »

Autre exemple « rigolo »: si une organisation francophone adore utiliser des formulations anglaises qui ne veulent rien dire mais qui font sérieux (du genre nous on fait du smart challenging future, ou encore du young leadership excellence, ou, nous œuvrons pour des produits fair-eco-conscious-bidule, – bref, vous avez compris – en général ça sent le pâté avarié. (Mais l’usage des mots n’est jamais anodin, c’est un autre dossier, mais ça en dit aussi beaucoup sur l’état d’esprit).

Bref, pure folie dès que l’on observe cela avec la lucidité du changement de cadre. Un jour une amie m’a déposé cette phrase à l’oreille: « la lucidité est la brûlure la plus forte, hormis celle du soleil ». Je ne sais plus d’où elle la tenait, mais cela m’avait touché.

On pourra sans doute avoir ici une hypothèse explicative du phénomène d’écoanxiété, relié à la colère et au sentiment de trahison qu’éprouvent notamment certains jeunes. Car dès lors qu’on est – même un peu – lucide sur ce cadre et que l’on constate l’idiotie des directions prises, la stupidité de beaucoup d’élites, l’arrogance des nombreux « sachants », la poursuite du business-as-usual, etc., on ne peut qu’être pris de rage et de désespoir. C’est pourtant souvent le signe d’un état de santé « normal » et adapté au réel.

Le Titanic comme métaphore

C’est là que j’en viens avec ma métaphore du Titanic. Elle me permet de me rappeler au mieux ce cadre d’une nécessaire et urgente métamorphose.

Comme toute métaphore, il s’agit bien entendu d’une figure de style qui donne du sens par analogie, non par exacte vérité. Nous ne sommes pas physiquement sur un bateau p.ex.

Mais elle me permet de ne pas oublier qu’il y a le feu au milieu du bâtiment, tandis que je croise presque uniquement des personnes qui n’en savent rien, qui s’en foutent, qui n’ont pas perçu les conséquences, qui pensent que nos ingénieurs vont/ont trouvé la solution miracle, bref, des personnes qui continuent de percevoir et d’agir comme s’il n’y avait pas le feu, souvent en toute bonne foi malheureusement. Si de plus en plus voient le feu, beaucoup pensent qu’avec leur gobelet d’eau ça ira (vous savez les conneries du colibri), beaucoup pensent que les ingénieurs sont en train d’inventer un feu qui ne tue pas, beaucoup pensent qu’il y a aussi des bons côtés au feu, etc.

Bon, que s’est-il passé avec ce foutu bateau? (pour un rappel historique, écouter cet excellent podcast, les parallèles avec notre monde son édifiants…)

  • Un gros bateau (une Mégamachine bien compliquée) fait la fierté de ses constructeurs,
  • se croit par extrême arrogance (d’ado attardé) insubmersible au point qu’il néglige les canots de secours en suffisance,
  • avec une force d’inertie gigantesque (une fois lancé, changer de direction, voire faire marche arrière prends plus de temps que disponible),
  • tape l’iceberg (car pas de jumelles, pas de vagues, n’écoute rien des alertes, … ),
  • met un sacré temps à y croire et à agir en conséquence,
  • « organise » l’évacuation d’une manière stupide (on dirait en mode « poulets sans têtes » dans notre jargon),
  • se retrouve avec un nombre gigantesque de cadavres (évitables).

Un beau gâchis donc!

Le naufrage prend un sacré bout de temps, avec un très long moment où il ne se passe presque rien chez les humains, le bateau pour sa part est bien en train de prendre l’eau sans arrêt et s’enfoncer inexorablement. C’est l’illustration de l’idée qu’un système tient en général plus longtemps que prévu, mais s’effondre aussi plus vite que prévu une fois l’effondrement débuté. (Vous savez, le fait de tenir tout l’hiver pour aller au boulot et puis de vous effondrer dans la grippe le premier jour de vacances). (voir cette reconstitution en temps réel)

Oui dans les cales du bateau il y avait bien des compartiments sensés isoler en cas de brèche, mais, c’est ballot ça, ils étaient interconnectés par au-dessus. Non? ça ne vous rappelle rien ça? L’idée qu’on met tout en lien, sur un même réseau (parce que c’est tellement pratique de connecter la banque, l’hôpital, la défense, les communications, les centrales; parce que c’est tellement nécessaire de pouvoir s’envoyer des photos de chats en temps réel, …, bref, vous avez compris l’imbécilité de ce qui nous subjugue souvent).

Comme l’idéologie de la toute puissance était présente tout au long de la conception et de la navigation, évidemment rien n’a été pensé, éprouvé, balisé en cas de naufrage. On se retrouve donc surpris, mettant un temps énorme à simplement changer d’idéologie – car le réel nous y contraint physiquement – ce qui ne peut que créer du trauma, ralentissant encore notre capacité à lire le réel et à agir adéquatement. Gageons même qu’avant sa survenue, l’idée même d’un naufrage est totalement inaudible pour les zélateurs du bateau; ne tentez même pas de les convaincre ils vous riront au nez. Et même après un réel naufrage, la capacité de déni fonctionnera à plein (vous savez, comme durant la crise de 2008, où on avait bien juré qu’on changerait la finance, qu’on régulerait le système économique, qu’on cadenasserait les comportements prédateurs pour que plus jamais cela n’arrive… hahahah la bonne blague).

Et ici on ne pose même pas la question de l’utilité d’un tel navire, du pourquoi ce voyage, de quel sens a tout cela.

On se retrouve donc à écraser les troisièmes classes, à laisser mourir un paquet de gens en remplissant les quelques canots à moitié. La pagaille donc, avec à la clé un sacré paquet de victimes tuées par l’idéologie et non la fatalité technique. De quoi tomber de sacré haut lorsqu’on plane sur les mirages du progrès, de la technologie, de l’illimitisme.

Un problème de riches, bien entendu…

Oui oui, évidemment avoir peur des effondrements révèle qu’on se considère comme en situation normale.

La peur du naufrage touche éventuellement les passagers d’un bateau qui flotte, … mais les déjà-naufragés, les précaires installés sur des radeaux, ou ceux qui ont une demi bouée ont une vision très différente de la notre.

De larges pans du vivant sont déjà effondrés, des peuples, sociétés, pays vivent déjà en situation d’effondrement, et tout notre bavardage sur comment s’en protéger, que faire pour ne pas, etc. sont assez futiles en regard de cela.

Mais même ici la métaphore du Titanic continue de fonctionner!

  • La première classe se goinfre, disserte, danse, pavane, et n’a rien senti du choc contre l’iceberg. Elle entretient des liens étroits avec le capitaine, qui appartient symboliquement à leur milieu. Ils savent tous que ce navire est le plus beau, le plus puissant, le plus fort, évidemment…, et rêvent d’en vendre aux autres pour les aider à se développer p.ex.
  • La deuxième classe vivant déjà dans un espace moins feutré (même si toujours bien hors-sol) a sans doute perçu quelque chose, mais est très occupée à lorgner sur la possibilité d’arriver en première classe un jour, et de ne surtout pas tomber en troisième classe. Pour info, si vous lisez ces lignes c’est que vous faites de toute évidence partie de cette deuxième classe. La troisième classe n’a pas de temps à perdre à lire cela, elle est en train de gérer le réel – loin du joli décor – dans lequel elle est.
  • C’est cette troisième classe qui est la plus proche du sol, et qui est déjà largement les pieds dans l’eau. Une partie est déjà morte noyée dans les premières cales inondées, tandis qu’une autre partie a de l’eau jusqu’à la taille, jusqu’au cou parfois. Cette classe sait et sent – dans sa chair, dans son être, dans sa réalité quotidienne – que le navire coule et qu’il y a de fortes chances qu’elle en crève. Elle existe partout, invisibilisée dans les pays « riches », bien visible dans des zones entières du monde.

Il y a donc un découplage total – et mortel – entre ceux qui savent, qui sentent, qui vivent le réel, et la catégorie – ridicule en nombre – qui a le plus de pouvoir d’action et de décision. La première et la deuxième classe refusent la moindre éventualité de mettre un terme à un mode de vie prédateur; les autres n’ont qu’à bouger. Cette première classe est d’ailleurs en train de tenter de s’immuniser contre tout naufrage, il suffit de penser aux survivalistes débiles qui se construisent des bunkers et achètent des îles, ou lorgnent sur une escapade sur une autre planète (s’ils pouvaient tenter d’aller s’établir sur le soleil, cela nous ferait déjà des vacances!).

C’est donc également un paradoxe: la deuxième classe, au lieu de se laisser fasciner par atteindre un jour la première classe, au lieu de se laisser divertir par les joujoux inoffensifs que la première classe lui sert (comme c’est chouette un casque VR, waouw la belle grosse bagnole, trop bien la finale de la coupe du monde, etc.) ferait bien mieux de porter le regard sur la troisième classe pour voir les effets réels et déjà présents de son mode de vie, et pour également apprendre à vivre ailleurs qu’en deuxième classe (et encore moins en première). Mais apparemment, nous sommes anthropologiquement câblés pour désirer monter à l’étage du dessus. Quand on vous dit que le changement est une métamorphose et pas un petit coup de peinture…

C’est bien beau, mais quand on a posé ce cadre, on fait quoi?

On s’assied, on respire.

Ce n’est pas une mince affaire de bouger un cadre de perception du réel, cela prend du temps et requiert de l’honnêteté avec soi-même, et un deuil vis-à-vis de ses anciennes conceptions.

… Et tant que la bascule n’est pas réellement faite en vous (pas qu’avec votre tête donc, mais de manière existentielle), tout ce qui est dit ici vous paraît sans doute inepte, exagéré, loufoque. C’est le propre d’un cadre de pensée de filtrer la réalité.

  • -ok si on est sur le Titanic, c’est un peu foutu non?
  • -oui c’est clair, on arrivera pas de l’autre coté sur ce bateau, il va falloir faire le deuil de ça
  • -mais donc y’a plus rien à faire…
  • -bah, ça dépend, tu peux t’asseoir par terre et attendre
  • -autant en profiter alors!
  • -oui c’est ça, va te goinfrer au buffet…

La tentation de tout refoutre sous le tapis est grande. On sait que de nombreux mécanismes existent pour préserver à tout prix sa vision du monde, retardant de facto toute action sérieuse.

Imaginez-vous: vous savez que la bateau va couler, qu’est-ce qu’il reste à faire?

Beaucoup de choses non?

Il n’y a aucune recette toute faite, mais vous pouvez poser des actes en fonction de ce qu’il se passe autour de vous, de qui vous êtes, de l’état dans lequel vous êtes. Vous allez agir en conséquence, de la manière la plus ajustée possible, et elle le sera uniquement si vous avez encodé que le naufrage est en cours. Et autour de vous, ce seront très certainement des poulets sans tête pendant un petit bout de temps. Peu importe leurs compétences, leurs qualités, leur intelligence, etc., ils seront à coté de la plaque par absence de lucidité sur le réel. Ils sont donc souvent dangereux pour eux et pour les autres (tout sauveteur le sait!).

Mais au-delà de choses à faire – dont on ne peut parler qu’en situation concrète – il y a surtout un comment être. Il y a à rester digne, à ne pas se vautrer dans la situation, à tenter d’élever – par votre dignité – toute l’humanité. Cela s’est toujours passé, de tout temps, dans des moments tragiques et difficiles.

  • Certaines personnes refusent.
  • Refusent de vendre l’autre.
  • Refusent de s’enrichir sur une situation.
  • Refusent de gagner une promotion.
  • Refusent ce job pourtant si bien payé.
  • Refusent d’écraser le voisin.
  • C’est rare.
  • Elles le font car elles savent qu’elles ne pourront plus se regarder en face après s’être corrompues dans la situation.
  • Elles le font, et en paient souvent le prix fort pour être sorties du troupeau.
  • Elles appliquent en quelque sorte une éthique des vertus plutôt qu’une éthique utilitariste (tellement en phase avec le capitalisme celle-là).

Nous ne sommes pas sur le Titanic, nous sommes dans un monde qui est en train de crever par nos actions et nos modes de vies puérils.

Il y a d’abord à rester digne, à faire que cela ne passe pas par moi, à ne pas être un Mr Smith.

Il y a à cesser de nuire et refuser de parvenir comme le dit si bien Corinne Morel-Darleux dans son essai.

Il y a à sortir des niaiseries du c’est par la joie qu’on se met en route, tellement rabâché dans les courants de développement personnel lucratif. Pensez-vous qu’on attend que les passagers soient joyeux et se décident d’avoir l’élan de contribuer à l’évacuation en toute bienveillance? On fait ce qu’il faut faire. Point. L’action est dictée par ce que la situation requiert, en lucidité. ET peut-être que dans l’action, il y aura des moments de joie, oui! j’espère que quelqu’un a fait une blague à la con sur au moins un des canots et que cela a pu faire rire les autres. La joie peut y être, mais c’est un sous-produit, pas le carburant de départ.

Et donc, « pendant ce temps sur le Titanic… »

Nous avons soulevé la nécessité de changement de type 2, de changement civilisationnel pour quitter la Mégamachine.

Nous sommes bien face à une situation dont la métaphore du Titanic est une illustration quasi parfaite: un sacré changement (d’imaginaire et d’action) est requis, faute de quoi le réel nous rattrapera dans des conditions très très éprouvantes, comme il commence à la faire.

Me rappeler mentalement que nous sommes sur le Titanic, me permet de distinguer l’important du futile, et de pouvoir évaluer l’état de lucidité d’une décision, d’une personne, d’un groupe, d’une organisation.

Cela me permet surtout de ne pas donner trop d’attention à ce qui n’en mérite pas.

Ainsi, la majeure partie des choses qui actuellement paraissent importantes, sérieuses, fondamentales, m’apparaissent – après ce tamis – stupides, stériles, futiles.

Une très large proportion de décisions prises sont totalement à coté de la plaque, et me font penser à des passagers qui se querelleraient pour décider de leur place à table, ou de l’équipage qui se réunirait pour décider du prochain sous-chef.

Tous leurs comportements indiquent – malgré eux – qu’ils n’ont toujours pas pris la mesure du réel.

Évidemment, je peux faire semblant de trouver cela important, mais si je le fais, c’est pour rejoindre l’autre, là où il se trouve. Je ne me fais pas avoir en pensant moi aussi que cela est fondamental.

C’est tout comme avec un tout petit lorsqu’il a perdu son nounours: vous vous mettez en lien avec lui en considérant l’importance de la chose pour lui. Et vous faites ce qu’un adulte doit faire.

Beaucoup semblent avoir perdus leurs nounours, au milieu de très peu d’adultes …



Du nucléaire comme dessert à Noël ?

Paul Blume

Fin des années 70, début des années 80, les mouvements anti-missiles animent les débats sur les risques liés au déploiement d’armes nucléaire spécifiques, susceptibles d’être réellement utilisées.

Avec une attention toute particulière pour les aspects sanitaires.

Le nucléaire militaire est alors une préoccupation citoyenne très présente dans les agendas politiques. Cela se comprend et l’importance de ces débats se vérifie avec l’histoire des traités de limitation des armements.

Bien que l’accident de Tchernobyl n’ait pas encore eu lieu , les anti-nucléaires « civil » développent déjà leurs arguments, dont  :

  • Le principe de précaution, le caractère hyper-capitalistique de la production nucléaire, les accidents, les conséquences de potentiels accidents sur l’environnement, les aspects sanitaires de ces risques, l’ingérable dossier des déchets, etc …

Au fil du temps, ce discours anti-nucléaire trouve écho dans la population belge pour en arriver en janvier 2003 à la Loi sur la sortie progressive de l’énergie nucléaire à des fins de production industrielle d’électricité.

L’événement est considéré alors comme une victoire par les écologistes belges.

Ce principe de sortie du nucléaire sera défendu « bec et ongles » comme le montre les deux encarts sous l’article (1, 2).

« Mais cela, c’était avant ». Depuis : crise énergétique majeure et retournement de veste.

Et c’est une ministre issue du mouvement écologique qui est à la manœuvre.

Les derniers développements ont le mérite de clarifier le dossier, la Belgique prolonge certaines centrales au minimum jusqu’en 2036.

A priori, changer de point de vue, retravailler ses doctrines peut être compris comme une adaptation aux réalités politiques. Et celles-ci sont de plus en plus complexes en matière de politiques énergétiques.

Le recours à la technologie nucléaire continue néanmoins de soulever de nombreuses et importantes questions.

Dont la principale – qui n’est pratiquement pas évoquée actuellement dans les débats – étant celle de la pertinence pour l’humanité de continuer à dissiper massivement de l’énergie (sous quelque forme que ce soit) pour soutenir des activités économiques engendrant d’innombrables détériorations, pour la plupart irréversibles, des conditions de vie sur Terre.

Posée autrement, c’est la question des réponses politiques à la réalité des effondrements en cours.

Cette question de l’Ecocide embarrasse d’autant plus les écologistes défenseurs d’une croissance verte, qu’elle est relayée par des scientifiques issus de disciplines diverses se revendiquant à la fois de l’Ecologie et de la Science.

Il y a un réel découplage entre les appareils politiques se revendiquant de l’Ecologie et les fondements scientifiques de celle-ci.

De la question du traitement de écocide en cours découle celle des réactances inévitables au déroulé de promesses de moins en moins crédibles.

Le futur se décline de plus en plus au présent. Les promesses de croissance vertueuse mais également de décroissance joyeuse ou de sobriété heureuse deviennent de moins en moins en crédibles.

Là également, les constats sont précis. Et vendre du rêve est toujours dangereux en politique. Surtout quand ils sont à l’évidence inatteignables.

Sans oublier, pour revenir au nucléaire civil, que les interrogations légitimes sur les risques induits par cette activité demeurent.

Le débat semble actuellement « plié » aux niveaux européen et mondial.

La volonté de relancer la construction de centrales est présente dans tous les caucus économico-politiques et étayée, y compris dans le cadre des débats autour du réchauffement climatique.

Mais, cet avenir que l’on essaie de nous vendre autour de plus de nucléaire et de renouvelables est-il crédible ?

La faisabilité fût-elle théorique d’un découplage entre l’usage des énergies fossiles et les énergies de substitution est-elle démontrée ?

Les questions demeurent.

Et quand bien même une forme de croissance serait-elle encore possible, serait-elle désirable ?

C’est l’une des questions posées par Aurélien Barrau dans « l’Hypothèse K ».

A mettre sous le sapin. A la place du nucléaire ? …


Selon diverses sources, le Gouvernement fédéral reporterait la décision de sortie du nucléaire après les élections de 2019. La décision finale serait alors postposée à 2021 ! « Ce nouveau retard est le pire scénario possible, tant pour des questions de sécurité liées à l’état de nos vieilles centrales, que d’approvisionnement énergétique. Rappelons à cet égard que la Belgique détient le triste record du nombre de jours d’indisponibilité de ses centrales pour des raisons imprévues ! » réagit le chef de groupe Ecolo à la Chambre, Jean-Marc Nollet.
Pour Ecolo, cette décision constituerait une nouvelle pantalonnade montrant Charles Michel courbant une fois de plus l’échine devant le véritable patron de ce gouvernement, Bart De Wever : « Alors que notre Premier Ministre a le soutien d’une large majorité de partis, y compris le sien, pour sortir du nucléaire, il s’écrase à nouveau platement devant la N-VA… le jour anniversaire des 15 ans du vote de la loi de sortie du nucléaire. Que de temps perdu en tergiversations ! », commente Patrick Dupriez, coprésident d’Ecolo.
C’était en effet il y a 15 ans que le Gouvernement arc-en-ciel votait la loi sur la sortie du nucléaire assortie d’un cap et d’un échéancier. En 2015, cette loi a été confirmée et 1/2 précisait la date à laquelle chaque centrale nucléaire devait être fermée, la dernière en 2025. « En reportant la décision, le Gouvernement envoie un signal extrêmement négatif à tous ceux qui veulent investir, et ils sont nombreux, dans une transition énergétique durable. Il y a un besoin énorme de clarté et de stabilité, » poursuit Patrick Dupriez. « Ce report rend en outre notre pays totalement vulnérable face aux choix et exigences que pourrait nous imposer le propriétaire des centrales, Engie, à l’approche de l’échéance de 2025. Au-delà des centrales vieillissantes, c’est aussi notre démocratie qui se fissure, » ajoute Patrick Dupriez.
Les écologistes appellent les partis de la majorité à respecter la loi et à maintenir leur position, soulignant qu’il y a un soutien suffisant au Parlement et dans la société pour aller de l’avant. C’est la raison pour laquelle Ecolo et Groen déposent aujourd’hui, via une résolution dans tous les parlements, le pacte énergétique tel qu’il a été négocié et approuvé par les 4 ministres de l’énergie de notre pays. Ce pacte prévoit clairement une sortie du nucléaire en 2025 et des investissements massifs dans l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables. « Nous espérons que les partenaires de la coalition ne seront plus pris en otage par la N-VA. Ce n’est que par une décision claire et sans délai que nous pourrons garantir un approvisionnement en énergie sûr, durable et abordable. Chaque année perdue par défaut de choix clair rend l’indispensable transition plus coûteuse et plus difficile,» concluent les écologistes.

Patrick Dupriez – Le 16 janvier 2018

L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE N’EST PAS LA SOLUTION
Par un courrier adressé au Gouvernement, Engie Electrabel remet sur la table la question de la prolongation des réacteurs nucléaires et veut même s’inviter dans la discussion gouvernementale à ce sujet. Les écologistes dénoncent cette initiative et invitent le monde politique belge à garder le cap vers la sortie du nucléaire.
« Engie Electrabel semble à son tour vouloir profiter de la situation sanitaire et économique dramatique de notre pays pour tenter d’imposer sa vision de notre avenir énergétique. C’est vraiment problématique d’une point de vue démocratique, avec un Gouvernement dont nous rappelons qu’il est minoritaire et chargé exclusivement de la gestion du Coronavirus », analyse Georges Gilkinet, chef de groupe Ecolo à la Chambre.
La sortie du nucléaire est inscrite dans la Loi depuis près de 20 ans et les alternatives au nucléaire existent et se développent depuis lors dans notre pays, avec des opérateurs économiques et citoyens ne demandant que le signal définitif et des actes clairs pour poursuivre et soutenir la transition.
« Le nucléaire n’est pas la solution, pas plus en période de crise qu’hier. Ce qui compte, c’est la Loi, pas un courrier d’Engie Electrabel. Les raisons qui justifient une sortie du nucléaire et rassemblent une majorité des forces démocratiques sont toujours aussi valables aujourd’hui », poursuit Georges Gilkinet.
« Plutôt que d’entretenir des solutions du passé, dangereuses et problématiques pour les générations futures, la priorité est d’accentuer les investissements dans l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables. Ce sont des options bien plus positives pour la création d’emplois et pour la capacité de résistance de notre économie à des chocs conjoncturels ou à une rupture dans les chaînes d’approvisionnement en matière première. L’énergie nucléaire n’est pas la solution. Nous devons regarder vers l’avenir plutôt que vers le passé », conclut Georges Gilkinet.
Les écologistes interpelleront dès que possible la Première Ministre Sophie Wilmès et le Gouvernement minoritaire pour l’appeler à garder le cap de la sortie du nucléaire.

Georges Gilkinet Chef de groupe à la Chambre et député fédéral – 16 avril 2020

Le « vacillement » des systèmes terrestres nous met en garde :

agissons maintenant, ou nous verrons disparaître notre paradis déjà dégradé.

George Monbiot

Deepl traduction : Josette – The ‘flickering’ of Earth systems is warning us: act now, or see our already degraded paradise lost – 31 octobre 2023

Lorsque Rishi Sunak a accordé 27 nouvelles licences en mer du Nord cette semaine, il ne pensait pas à la survie du monde vivant.

Le voyez-vous déjà ? L’horizon des systèmes terrestres – le point où nos systèmes planétaires basculent dans un nouvel équilibre, hostile à la plupart des formes de vie ? Je pense que oui. L’accélération soudaine des crises environnementales que nous avons connue cette année, associée à l’inutilité stratégique des puissants gouvernements, nous précipite vers le point de non-retour.

On nous dit que nous vivons la sixième extinction de masse. Mais il s’agit là d’un euphémisme. On parle d’extinctions massives parce que le signe le plus visible des cinq catastrophes précédentes de l’ère phanérozoïque (depuis l’apparition des animaux à corps dur) est la disparition des fossiles dans les roches. Mais leur disparition est le résultat de quelque chose d’encore plus grand. L’extinction de masse est un symptôme de l’effondrement des systèmes terrestres.

Dans le cas le plus extrême, l’extinction Permien-Trias, il y a 252 millions d’années – lorsque 90 % des espèces ont disparu -, les températures planétaires ont grimpé en flèche, la circulation de l’eau autour du globe s’est plus ou moins arrêtée, le sol a été dépouillé, les déserts se sont étendus sur une grande partie de la surface de la planète et les océans se sont désoxygénés et acidifiés de manière drastique. En d’autres termes, les systèmes terrestres ont basculé dans un nouvel état, inhabitable pour la plupart des espèces qu’ils abritaient.

Ce que nous vivons aujourd’hui, à moins que nous et nos gouvernements ne prenions des mesures soudaines et radicales, est le sixième grand effondrement des systèmes terrestres.

Dans de nombreux systèmes terrestres, nous observons désormais le type d’instabilité – que les théoriciens des systèmes appellent « vacillement » – qui pourrait suggérer qu’ils s’approchent d’un point de basculement. Selon un article publié cette année, la perte totale de la glace de mer de fin d’été dans l’Arctique est désormais acquise et pourrait se produire dès les années 2030. Ce phénomène est susceptible de déclencher des phénomènes météorologiques encore plus extrêmes dans l’hémisphère nord en raison de l’affaiblissement du courant-jet.

Dans l’Antarctique, la fonte de la glace de mer s’est considérablement accélérée au cours de l’été austral cette année, après quoi elle ne s’est étrangement pas rétablie au cours de l’hiver austral. Cela suggère un changement d’état de plus en plus rapide, qui pourrait entraîner l’effondrement en cascade des plates-formes de glace d’eau douce perchées au-dessus de la glace de mer, ce qui aurait des conséquences catastrophiques sur l’augmentation du niveau des mers à l’échelle mondiale.

La fonte, à son tour, semble affecter la circulation des courants dans l’océan Austral, qui a ralenti d’environ 30 % depuis les années 1990. Ce phénomène entrave le transfert de chaleur et de froid et réduit l’oxygénation. On observe des effets similaires dans l’hémisphère nord, où la fonte des glaces de l’Arctique a réduit la circulation dans l’Atlantique.

De nouvelles recherches menées en Amazonie ont mis en évidence ce que les scientifiques appellent des « signaux précurseurs » d’une « transition critique imminente ». La combinaison de la déforestation et du dérèglement climatique pourrait interrompre la circulation des précipitations dans le bassin, déclenchant un passage rapide de la forêt tropicale à la savane.

Les vastes puits de carbone que constituent les zones humides tropicales et les tourbières pergélisolées de l’Arctique semblent également s’approcher d’un point de basculement, comme le suggèrent les pics soudains de méthane, de dioxyde de carbone et d’oxyde nitreux. Ces zones font partie des réserves de carbone les plus importantes au monde, mais par le biais d’une rétroaction auto-accélérée classique, certaines d’entre elles se transforment maintenant en puissantes sources de gaz à effet de serre.

Le mois de juillet de cette année a été le plus chaud jamais enregistré. Le mois de septembre a battu le précédent record de 0,5 °C. Un article publié l’année dernière explique comment cette dégradation du climat pourrait entraîner un effondrement de la société. Par exemple, dans moins de 50 ans, un tiers de la population mondiale pourrait vivre dans des endroits aussi chauds que le sont aujourd’hui les zones les plus chaudes du Sahara, souvent dans des régions déjà très instables sur le plan politique. Et ce n’est pas le pire. L’une des conséquences possibles de l’augmentation des concentrations de dioxyde de carbone au cours de ce siècle est la disparition soudaine des couches de nuages stratocumulus, ce qui entraînerait un réchauffement supplémentaire de la surface de 8 °C environ.

Comme lors des précédents grands effondrements des systèmes terrestres, ces impacts se traduisent par la disparition d’espèces. Un article récent révèle que la population de 48 % des espèces de la planète diminue, tandis que celle de 3 % seulement augmente. Beaucoup plus d’espèces sauvages pourraient être en voie d’extinction que ce que l’on estimait jusqu’à présent. Si la disparition des espèces est le symptôme d’un effondrement systémique, il se pourrait que nous vivions déjà en sursis.

Rien de tout cela n’est certain, à moins que nous ne fassions en sorte qu’il en soit ainsi. Mais loin de s’attaquer à la plus grande crise que l’humanité ait jamais connue, nos gouvernements accélèrent le pas vers l’horizon. Par exemple, Rishi Sunak, qui n’était jusqu’à présent qu’un simple accident de parcours dans l’histoire politique du Royaume-Uni, semble maintenant avoir découvert son objectif : saccager la planète au nom du pouvoir des entreprises. Des sources gouvernementales affirment qu’il profitera du discours du roi de la semaine prochaine pour redoubler son attaque contre les politiques écologiques.

Lundi, son gouvernement a annoncé l’octroi de 27 nouvelles licences d’exploitation de pétrole et de gaz en mer du Nord. Le même jour, une étude publiée dans Nature Climate Change a révélé que le budget carbone restant – la quantité nette de dioxyde de carbone que l’homme peut encore émettre pour conserver une chance sur deux de ne pas dépasser 1,5 °C de réchauffement de la planète – sera épuisé en seulement six ans si l’on continue à faire comme si de rien n’était. Seule une décision d’urgence de laisser les combustibles fossiles dans le sol est susceptible d’empêcher le franchissement de ce seuil de température.

Chaque heure est désormais un moment « si seulement » : elle offre une meilleure chance d’éviter l’effondrement que l’heure qui suit. Aussi sinistre que soit notre époque sur Terre, les générations futures y verront un âge d’or. Un âge d’or de la vie sauvage, du temps clément, de la stabilité, de la prospérité, des possibilités d’agir. Notre monde vivant est une ombre grise de ce qu’il a été, mais un paradis vibrant en comparaison de ce qu’il sera. À moins que, à moins que.


Nous ne sommes pas encore condamnés

Le climatologue Michael Mann parle de notre dernière chance de sauver la civilisation humaine

Damian Carrington

Traduction deepl Josette – article original sur The Guardian

Le nouveau livre du célèbre scientifique américain examine 4 milliards d’années d’histoire du climat pour conclure que nous vivons un « moment fragile », mais qu’il est encore temps d’agir.

« Nous n’avons pas encore dépassé les limites d’une civilisation humaine viable, mais nous nous en approchons », déclare le professeur Michael Mann. « Si nous continuons [à émettre du carbone], les jeux sont faits ».


La crise climatique, qui provoque déjà des phénomènes météorologiques extrêmes et dévastateurs dans le monde entier, a engendré un « moment fragile », déclare l’éminent climatologue et communicateur dans son dernier livre, intitulé « Our Fragile Moment » (Notre moment fragile). Selon lui, il est encore possible de maîtriser la crise climatique, mais d’énormes obstacles politiques se dressent devant nous.


Michael Mann, de l’université de Pennsylvanie aux États-Unis, fait partie des climatologues les plus en vue depuis qu’il a publié, en 1999, le célèbre graphique en forme de crosse de hockey, qui montre comment les températures mondiales ont grimpé en flèche au cours du siècle dernier.

Pour comprendre la situation difficile dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui, Michael Mann a remonté l’histoire du climat de la Terre afin d’avoir une vision plus claire de notre avenir potentiel. « Nous disposons d’une période de 4 milliards d’années dont nous pouvons tirer des enseignements », a-t-il déclaré dans une interview au Guardian.


« Nous voyons des exemples de deux qualités qui s’affrontent, la fragilité et la résilience. D’une part, on trouve des mécanismes stabilisateurs qui existent dans le climat de la Terre, lorsque la vie elle-même a contribué à maintenir la planète dans des limites adaptées à la vie. Par exemple, la luminosité du soleil a augmenté de 30 % depuis l’apparition de la vie sur Terre, mais la vie a maintenu des températures adaptées.


« Mais il y a des exemples où le système terrestre a fait exactement le contraire, où il est devenu incontrôlable, et ce à cause de la vie elle-même », explique Michael Mann. Lors du grand épisode d’oxydation survenu il y a 2,7 milliards d’années, des bactéries primitives ont commencé à produire de l’oxygène, ce qui a entraîné la destruction du méthane, un puissant gaz à effet de serre présent dans l’atmosphère. « Cela nous a plongés dans une Terre boule de neige qui a failli tuer toute forme de vie. »


« Lorsque nous examinons tous ces épisodes passés, nous avons le sentiment que nous ne sommes pas encore condamnés – nous n’avons pas encore assuré notre extinction », ajoute-t-il. « Mais si nous continuons à dépendre des combustibles fossiles, nous sortirons de la zone de sécurité que nous indiquent les données de l’histoire de la Terre. C’est ce qui rend ce moment si fragile : nous sommes au bord du précipice ».

Selon Michael Mann, l’une des motivations du livre est la montée du catastrophisme climatique : « Nous n’avons pas vu la fin du déni climatique, mais il n’est tout simplement plus plausible, car les gens peuvent voir et ressentir que cela se produit. Les pollueurs se sont donc tournés vers d’autres tactiques et, ironiquement, l’une d’entre elles est le catastrophisme. S’ils peuvent nous convaincre qu’il est trop tard pour faire quoi que ce soit, pourquoi le faire ?


Michael Mann explique qu’il a remarqué que l’histoire du climat était instrumentalisée par les alarmistes. « L’idée que les extinctions massives du passé se traduisent par une extinction massive assurée aujourd’hui en raison, par exemple, d’un emballement du réchauffement dû au méthane [lors de la fonte du pergélisol] n’est pas vraie – la science ne le confirme pas.


Un réchauffement de 1,5 °C est déjà très grave, mais un réchauffement de 3 °C pourrait mettre fin à la civilisation.


Le sort de notre climat est en suspens, selon Michael Mann : « Il existe des preuves assez convaincantes du passé, combinées aux informations fournies par les modèles climatiques, qui montrent que si nous parvenons à maintenir le réchauffement en deçà de 1,5 °C, nous pourrons préserver cette période de fragilité. Mais si nous dépassons les 3 °C, il est probable que nous ne pourrons pas le faire. C’est entre les deux que nous jetons les dés ». Les politiques et actions actuelles en matière de climat conduiraient à un réchauffement d’environ 2,75 °C, tandis que la réalisation de tous les engagements et objectifs fixés à ce jour se traduirait par un réchauffement de 2 °C.

« La question est donc de savoir jusqu’à quel point nous sommes prêts à laisser la situation se dégrader », dit-il. « 1,5 °C est déjà très grave, mais 3 °C pourrait mettre fin à la civilisation. »

Les vagues de chaleur généralisées, les incendies de forêt et les inondations clairement liés au réchauffement planétaire ont donné un caractère d’urgence à l’appel à l’action, explique Michael Mann : « Mais l’urgence sans l’action ne fait que nous conduire au désespoir et au défaitisme. C’est ce que les pollueurs aimeraient, prendre tous ces militants du climat et les faire passer de la ligne de front à la ligne de touche ».


Il est possible de mettre fin à l’urgence climatique, affirme Michael Mann : « Nous savons que les obstacles au maintien du réchauffement en deçà des niveaux catastrophiques ne sont pas encore physiques ni technologiques, mais politiques. Mais il y a actuellement des obstacles politiques assez importants ».


« Ici, à Penn State, il y a tellement d’anxiété, de peur et de désespoir, et même de chagrin », dit-il. « Une partie de ces sentiments provient de l’idée erronée qu’il est physiquement trop tard et je veux dissiper cette idée. Mais une partie provient d’un cynisme compréhensible à l’égard de nos politiciens, et c’est un défi bien plus important. »


Son évaluation d’une victoire potentielle de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine de 2024 est sévère, la qualifiant « d’éloignement de la démocratie vers le fascisme, et il n’y a pas de voie vers une action climatique significative qui passe par le fascisme plutôt que par la gouvernance démocratique ».

« Nous devons sortir et voter, et les jeunes doivent sortir en grand nombre et voter », déclare Michael Mann. « Si nous le faisons, nous pourrons élire des hommes politiques qui agiront en notre nom, au lieu de se contenter d’approuver les pollueurs.


Le principal sommet des Nations unies sur le climat, la Cop28, débutera fin novembre et sera accueilli par les Émirats arabes unis, ce que Michael Mann qualifie de « très inquiétant ». Les Émirats arabes unis ont les troisièmes plus grands plans d’expansion pétrolière et gazière au monde, et le président de la Cop28 est également le PDG d’Adnoc, la compagnie pétrolière d’État des Émirats arabes unis.


Il n’y a pas de voie vers une action climatique significative qui passe par le fascisme plutôt que par la gouvernance démocratique.


« Il n’est pas normal de leur permettre d’adopter l’imprimatur de l’action climatique mondiale en accueillant la Cop28 », déclare Michael Mann. « C’est légitimer un comportement de leur part et de la part d’autres pays pétroliers qui est fondamentalement en contradiction avec la tâche qui nous attend. Je trouve cela très inquiétant.


Michael Mann est la cible privilégiée des négationnistes du climat depuis la publication du graphique en crosse de hockey. Il se montre cinglant à l’égard de la gestion par Elon Musk de la plateforme de médias sociaux X, anciennement appelée Twitter.

« Musk était considéré comme un héros de l’environnement, en raison de son rôle chez Tesla », explique M. Mann. « Mais de plus en plus, il a montré son vrai visage, son allégeance politique à Trump et au fascisme ».


« Twitter était une place publique mondiale, un forum pour communiquer sur la crise climatique », poursuit-il. « Ce que Musk a fait, c’est le transformer en un forum toxique pour la promotion du négationnisme climatique et de tout ce qui est mauvais dans le monde. C’est stupéfiant. » Michael Mann note que le prince Alwaleed bin Talal d’Arabie saoudite, l’un des « pires acteurs pétroliers », a joué un rôle de 1,9 milliard de dollars dans l’achat de Twitter par M. Musk.


Michael Mann a également souligné que le prince Alwaleed était l’un des principaux bailleurs de fonds de l’empire médiatique de Rupert Murdoch jusqu’en 2017. « Rupert Murdoch a utilisé son réseau mondial de médias pour promouvoir le négationnisme climatique et s’attaquer aux énergies renouvelables, ce qui correspond à son idéologie et aux intérêts de certains des puissants pétro-États, en particulier l’Arabie saoudite. »


Et si nous étions à l’automne 1939, goguenards ?

Bruno Colmant

reprise, avec l’accord de l’auteur, d’un post LinkEdIn

Si l’été est le moment du recul et de la réflexion, je suis, en vérité, pétrifié. Nous sommes face à des défis environnementaux existentiels, dont les conséquences sociales, économiques, migratoires et militaires sont d’une envergure qui nous dépasse. Cette réalité se conjugue à une anxiété sociale, qui reflète la dualisation croissante de la société. Car, ne l’oublions pas, bon pays, mauvais pays développé, la part de la population qui est sous le seuil de pauvreté dépasse 25 %. Et c’est honteusement un problème de riches, puisque 10 % de la population mondiale vit dans l’extrême pauvreté.

Tous, nous constatons que la réflexion longue a cédé le pas à la réaction immédiate, puisque le ressenti instantané prime sur la somme des savoirs. Alors, nous cherchons tous des apaisements éphémères, des images, des « likes », des étourdissements, des vertiges frivoles, des postures, bref, des futilités.

Après tout, ces scientifiques et autres moralisateurs ont peut-être raison, mais si l’avenir est aussi sombre, autant vivre et consommer intensément.

Et puis, ces intellectuels accablés sont fatigants, non ?

Mais faisons attention.

Très attention.

Pendant que nous nous réjouissons, certains façonnent notre futur.

Et ils le maquillent.

Je ne parle pas des dingues de la Silicon Valley qui veulent créer une humanité 2.0 tout en sécurisant des abris antiatomiques en Nouvelle-Zélande.

Je parle de ceux qui nous dirigent.

Et nous sommes peut-être à l’automne 1939, lors de la drôle de guerre. La mobilisation avait été décidée. Les paysans et les instituteurs, tous goguenards, attendaient leur retour aux champs et écoles.

Mais de sourdes forces furieuses s’animaient lentement, sans qu’on veuille les voir.

Alors, voilà, nous sommes peut-être en 1939. Et moi, je dis : l’Europe, la Belgique votent l’an prochain.

Et il est peut-être temps de s’impliquer.

Pas par procuration.

En action.

Stéphane Hessel avait écrit : « indignez-vous ».

Et comme un de mes amis journalistes me disait ce matin : « indignez-vous et impliquez-vous ».

références Bruno Colmant


Cercles vicieux écologiques :

Pourquoi l’effondrement des écosystèmes peut se produire beaucoup plus tôt que prévu

John Dearing, Gregory Cooper et Simon Willcock, The Conversation

Source : Phys.org Traduction Deepl – Josette

Partout dans le monde, les forêts tropicales humides se transforment en savane ou en terres agricoles, la savane s’assèche et se transforme en désert, et la toundra glacée fond. En effet, des études scientifiques ont désormais enregistré des « changements de régime » de ce type dans plus de 20 types d’écosystèmes différents, où des points de basculement ont été franchis. Dans le monde entier, plus de 20 % des écosystèmes risquent de changer de régime ou de s’effondrer.

Ces effondrements pourraient se produire plus tôt qu’on ne le pense. L’homme soumet déjà les écosystèmes à de nombreuses pressions, que nous appelons « stress ». Si l’on ajoute à ces pressions une augmentation des phénomènes météorologiques extrêmes liés au climat, la date à laquelle ces points de basculement sont franchis pourrait être avancée de 80 %.


Cela signifie qu’un effondrement de l’écosystème que nous aurions pu espérer éviter jusqu’à la fin de ce siècle pourrait se produire dès les prochaines décennies. Telle est la sombre conclusion de nos dernières recherches, publiées dans Nature Sustainability.


La croissance de la population humaine, l’augmentation de la demande économique et les concentrations de gaz à effet de serre exercent des pressions sur les écosystèmes et les paysages pour qu’ils fournissent de la nourriture et maintiennent des services essentiels tels que l’eau propre. Le nombre d’événements climatiques extrêmes augmente également et ne fera qu’empirer.


Ce qui nous inquiète vraiment, c’est que les extrêmes climatiques pourraient frapper des écosystèmes déjà stressés, qui à leur tour transmettraient des stress nouveaux ou accrus à un autre écosystème, et ainsi de suite. Cela signifie qu’un écosystème qui s’effondre pourrait avoir un effet d’entraînement sur les écosystèmes voisins par le biais de boucles de rétroaction successives : un scénario de « cercle vicieux écologique » aux conséquences catastrophiques.


Combien de temps avant l’effondrement ?


Dans notre nouvelle recherche, nous voulions avoir une idée du niveau de stress que les écosystèmes peuvent supporter avant de s’effondrer. Pour ce faire, nous avons utilisé des modèles, c’est-à-dire des programmes informatiques qui simulent le fonctionnement futur d’un écosystème et sa réaction aux changements de circonstances.


Nous avons utilisé deux modèles écologiques généraux représentant les forêts et la qualité de l’eau des lacs, ainsi que deux modèles spécifiques à l’emplacement représentant la pêche dans le lagon de Chilika, dans l’État indien d’Odisha, et l’île de Pâques (Rapa Nui), dans l’océan Pacifique. Ces deux derniers modèles incluent explicitement les interactions entre les activités humaines et l’environnement naturel.


La principale caractéristique de chaque modèle est la présence de mécanismes de rétroaction, qui contribuent à maintenir l’équilibre et la stabilité du système lorsque les pressions sont suffisamment faibles pour être absorbées. Par exemple, les pêcheurs du lac Chilika ont tendance à préférer capturer des poissons adultes lorsque le stock de poissons est abondant. Tant qu’il reste suffisamment d’adultes pour se reproduire, la situation est stable.

Cependant, lorsque les pressions ne peuvent plus être absorbées, l’écosystème franchit brusquement un point de non-retour – le point de basculement – et s’effondre. À Chilika, cela peut se produire lorsque les pêcheurs augmentent les prises de poissons juvéniles en période de pénurie, ce qui compromet encore davantage le renouvellement des réserves de poissons.


Nous avons utilisé le logiciel pour modéliser plus de 70 000 simulations différentes. Dans les quatre modèles, les combinaisons de stress et d’événements extrêmes ont avancé la date du point de basculement prévu de 30 à 80 %.
Cela signifie qu’un écosystème dont l’effondrement est prévu dans les années 2090 en raison de l’augmentation progressive d’une seule source de stress, telle que les températures mondiales, pourrait, dans le pire des cas, s’effondrer dans les années 2030 si l’on tient compte d’autres facteurs tels que les précipitations extrêmes, la pollution ou une augmentation soudaine de l’utilisation des ressources naturelles.


Il est important de noter qu’environ 15 % des effondrements d’écosystèmes dans nos simulations se sont produits à la suite de nouveaux stress ou d’événements extrêmes, alors que le stress principal est resté constant. En d’autres termes, même si nous pensons gérer les écosystèmes de manière durable en maintenant constants les principaux niveaux de stress – par exemple, en régulant les captures de poissons – nous ferions mieux de garder un œil sur les nouveaux stress et les événements extrêmes.

Il n’y a pas de sauvetage écologique


Des études antérieures ont suggéré que les coûts importants liés au dépassement des points de basculement dans les grands écosystèmes se feront sentir à partir de la seconde moitié de ce siècle. Mais nos résultats suggèrent que ces coûts pourraient survenir bien plus tôt.


Nous avons constaté que la vitesse à laquelle le stress est appliqué est essentielle pour comprendre l’effondrement d’un système, ce qui est probablement pertinent pour les systèmes non écologiques également. En effet, la vitesse accrue de la couverture médiatique et des processus bancaires mobiles a récemment été invoquée pour augmenter le risque d’effondrement des banques. Comme l’a fait remarquer la journaliste Gillian Tett :


« L’effondrement de la Silicon Valley Bank a fourni une leçon terrifiante sur la manière dont l’innovation technologique peut changer la finance de manière inattendue (dans ce cas-ci, en intensifiant le regroupement numérique). Les récents krachs éclairs en offrent une autre. Toutefois, il s’agit probablement d’un petit avant-goût de l’avenir des boucles de rétroaction virales.


Mais la comparaison entre les systèmes écologiques et économiques s’arrête là. Les banques peuvent être sauvées tant que les gouvernements fournissent un capital financier suffisant dans le cadre de renflouements. En revanche, aucun gouvernement ne peut fournir le capital naturel immédiat nécessaire pour restaurer un écosystème effondré.


Il n’existe aucun moyen de restaurer des écosystèmes effondrés dans un délai raisonnable. Il n’y a pas de sauvetage écologique. Dans le jargon financier, nous devrons simplement encaisser le coup.



Le dernier des Ecolos ?

Paul Blume

Belgique. Dans la tribu des Ecolos, appelons le cohérent.

Celui pour qui le néo-libéralisme reste du néo-libéralisme. Qui se refuse de qualifier de « vert » ce qui est gris. Qui garde le bagage théorique issu du rapport Meadows comme grille d’analyse du réel.

Président des verts au parlement européen, il n’aura pas hésité à affirmer : «L’Europe a saboté son label vert avant même qu’il soit opérationnel».

Philippe Lamberts, tout juste soixantenaire, a annoncé ne pas se représenter aux élections européennes de l’année prochaine.

LIMIT – 12 mai 2023

Quand on regarde ses prises de positions ces dernières années – sélection – deux évidences sautent aux yeux.

D’abord, la cohérence. Pas de compromis avec la science. Souplesse d’esprit, mais ancrage permanent dans le réel.

Ensuite, l’isolement au sein de sa famille politique belge. Sur les questions fondamentales, en tout cas.

Dans le même tempo que ses prises de positions sur la taxonomie européenne, une ministre fédérale Groen portait l’idée de remplacer le nucléaire par du gaz avant de finir par concéder que la Belgique choisira et le gaz, et le nucléaire.

Sa contribution à la critique de la croissance (ex : Beyond Growth) côtoie l’enthousiasme d’une autre ministre fédérale Groen pour les solutions techno-centrées et la croissance.

Et que dire du silence de la ministre fédérale du Climat ? Philippe Lamberts aurait-il accepté d’occuper un tel poste pour ne rien en faire ?

Plus largement, malheureusement, on peut poser la question : mais où sont les militantes et militants d’Ecolo ?

Pour reparler Climat, comment se peut-il que les structures associatives actives dans ce domaine voient aussi peu de soutien du peuple Ecolo depuis le début de la participation au gouvernement belge ?

Ce qui semble se profiler, c’est un choix sociétal collectif résolument éco-libéral. Probablement plus porteur électoralement que décroissance et sobriété. Mais, est-ce encore de l’écologie ?

Dans l’interview accordée par Philippe Lamberts à Limit, la frontière entre la défense du vivant et le caractère suicidaire des options actuelles est très bien décrite.

A quand le sursaut des écologistes belges ?


𝘜𝘯𝘦 𝘉𝘳𝘶̂𝘭𝘢𝘯𝘵𝘦 𝘐𝘯𝘲𝘶𝘪𝘦́𝘵𝘶𝘥𝘦

Bruno Colmant, Renaissance du Livre, 2023, 178 pages.

Fiche de lecture – Raphaël Goblet

Voir la page Bruno Colmant

𝐁𝐫𝐮𝐧𝐨 𝐂𝐨𝐥𝐦𝐚𝐧𝐭 n’est pas le premier venu : intellectuel de haut vol, doté d’une culture impressionnante, il est l’auteur de plus de 80 ouvrages et une myriade d’articles, économiques principalement. Pour son pedigree, trop long à développer ici, je vous renvoie vers votre moteur de recherche favori, sachez tout de même qu’il est économiste, fiscaliste, chargé de cours dans plusieurs universités, qu’il a travaillé pour plusieurs banques et a même présidé la bourse de Bruxelles (en plein crash de 2008).

J’avoue que pendant longtemps, je ne me suis guère intéressé à sa pensée (bien que je l’aie souvent entendu, vu, lu rapidement dans divers médias), jusqu’à ce je l’entende dans le très bon podcast « Septante minutes avec » (https://www.youtube.com/watch?v=GxjqPhHOmG4), puis chez Vincent Kanté dans l’excellent Limit il y a 5 mois (https://www.youtube.com/watch?v=l3GehCd6XC4).Il n’y va pas avec le dos de la cuillère, et m’a totalement bluffé en avouant tout de go « Je me suis trompé : le néolibéralisme, que j’ai défendu pendant longtemps, est une illusion, une tromperie » (je paraphrase).Waouh !

Lui qui a défendu, jusqu’au cœur des institutions bancaires et financières, des principes qui me semblaient contraires à l’environnement et à l’humain, le voilà qui fait volte-face, avec une sincérité et un aplomb désarçonnant. J’ai toujours eu tendance à accorder un plus grand crédit à ceux qui critiquaient des systèmes dont ils faisaient (ou avaient fait) partie (dont l’excellentissime Bernard Lietaer par exemple, pour rester dans le thème), qu’à ceux qui y jetaient un regarde extérieur…

Et donc j’ai décidé de me pencher sur son dernier bouquin (le premier que je lis de lui), « Une Brûlante Inquiétude ». Je n’ai pas été déçu ! Le bouquin commence même par des propos assez violents, qui sonnent comme un mea culpa assumé et sincère (p.21-22): « 𝐽𝑒 𝑐𝑟𝑎𝑖𝑛𝑠 𝑞𝑢𝑒 𝑛𝑜𝑢𝑠 𝑛𝑒 𝑠𝑜𝑦𝑜𝑛𝑠, 𝑐𝑜𝑚𝑚𝑒 𝑒𝑛 1937, 𝑎̀ 𝑙’𝑎𝑢𝑏𝑒 𝑑𝑒 𝑔𝑖𝑔𝑎𝑛𝑡𝑒𝑠𝑞𝑢𝑒𝑠 𝑏𝑎𝑠𝑐𝑢𝑙𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡𝑠 𝑠𝑜𝑐𝑖𝑒́𝑡𝑎𝑢𝑥, 𝑛𝑜𝑡𝑎𝑚𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑐𝑙𝑖𝑚𝑎𝑡𝑖𝑞𝑢𝑒𝑠 𝑒𝑡 𝑒𝑛𝑣𝑖𝑟𝑜𝑛𝑛𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡𝑎𝑢𝑥. […] 𝐿𝑒 𝑛𝑒́𝑜𝑙𝑖𝑏𝑒́𝑟𝑎𝑙𝑖𝑠𝑚𝑒 𝑎𝑛𝑔𝑙𝑜-𝑠𝑎𝑥𝑜𝑛 𝑑𝑒 𝑅𝑜𝑛𝑎𝑙𝑑 𝑅𝑒𝑎𝑔𝑎𝑛 𝑒́𝑡𝑎𝑖𝑡 𝑢𝑛𝑒 𝑝𝑟𝑜𝑠𝑡𝑖𝑡𝑢𝑒́𝑒, 𝑢𝑛 𝑡𝑟𝑖𝑠𝑡𝑒 𝑚𝑒𝑛𝑠𝑜𝑛𝑔𝑒 𝑒𝑡 𝑢𝑛𝑒 𝑖𝑙𝑙𝑢𝑠𝑖𝑜𝑛 𝑚𝑎𝑛𝑖𝑝𝑢𝑙𝑒́𝑒. […] 𝐸𝑡 𝑙𝑜𝑟𝑠𝑞𝑢𝑒 𝑗𝑒 𝑟𝑒𝑙𝑖𝑠 𝑙𝑒𝑠 𝑝𝑜𝑠𝑡𝑢𝑙𝑎𝑡𝑠 𝑑𝑢 𝑛𝑒́𝑜𝑙𝑖𝑏𝑒́𝑟𝑎𝑙𝑖𝑠𝑚𝑒 𝑑𝑒𝑠 𝑎𝑛𝑛𝑒́𝑒𝑠 1980, 𝑝𝑟𝑜𝑚𝑢 𝑝𝑎𝑟 𝑢𝑛𝑒 𝑡𝑒𝑐ℎ𝑛𝑜𝑐𝑟𝑎𝑡𝑖𝑒 𝑠𝑝𝑒́𝑐𝑢𝑙𝑎𝑡𝑖𝑣𝑒, 𝑎𝑢𝑥𝑞𝑢𝑒𝑙𝑠 𝑗’𝑎𝑖 𝑝𝑜𝑢𝑟𝑡𝑎𝑛𝑡 𝑐𝑟𝑢, 𝑗𝑒 𝑚𝑒 𝑑𝑖𝑠 𝑎𝑢𝑗𝑜𝑢𝑟𝑑’ℎ𝑢𝑖 : 𝑞𝑢𝑒𝑙𝑙𝑒 𝑣𝑢𝑙𝑔𝑎𝑟𝑖𝑡𝑒́ 𝑖𝑛𝑡𝑒𝑙𝑙𝑒𝑐𝑡𝑢𝑒𝑙𝑙𝑒 ! 𝑄𝑢𝑒𝑙𝑙𝑒 𝑝𝑎𝑢𝑣𝑟𝑒𝑡𝑒́ 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑝𝑒𝑛𝑠𝑒́𝑒 ! […]. 𝐶’𝑒́𝑡𝑎𝑖𝑡 𝑢𝑛𝑒 𝑖𝑚𝑝𝑜𝑠𝑡𝑢𝑟𝑒. »

Paf ! Le ton est donné, avec ce regard en arrière sans concession. Il y oppose tout de suite une proposition pour l’avenir : l’Europe, seule piste crédible à ses yeux, et le retour de l’État, comme devant mieux répartir les revenus vers les plus démunis, mais aussi restaurer sa puissance et soustraire les aspects sociaux et environnementaux aux lois du marché. Il explique que c’est cela qui l’a poussé à écrire ce bouquin, en rupture avec les idées qu’il a pu défendre il y a 20 ans.

𝗟𝗲 𝗿𝗲𝘁𝗼𝘂𝗿 𝗱𝗲 𝗹’𝗲́𝘁𝗮𝘁 𝘀𝘁𝗿𝗮𝘁𝗲̀𝗴𝗲.

Bruno Colmant explique ensuite comment il est arrivé à la conclusion qu’il fallait un « retour de l’état stratège » : dans un contexte de mondialisation et d’interdépendance croissantes des pays, basée sur une économie de marché néolibérale, il apparaît de plus en plus certain que nous courons à la catastrophe dans les 5 années qui viennent. Pour tenter d’éviter le pire – ou en tout cas de l’amortir, l’état devrait se soustraire aux intérêts et lobbies privés, qui détruisent les structures collectives, qui « font obstacle à la logique d’un marché pur et sans friction » : « 𝐶’𝑒𝑠𝑡 𝑢𝑛 𝑒́𝑡𝑎𝑡 𝑑𝑜𝑛𝑡 𝑙𝑒𝑠 𝑟𝑒𝑝𝑟𝑒́𝑠𝑒𝑛𝑡𝑎𝑛𝑡𝑠 𝑠𝑜𝑛𝑡 𝑑𝑖𝑠𝑡𝑎𝑛𝑡𝑠 𝑑𝑒 𝑡𝑜𝑢𝑡 𝑐𝑜𝑛𝑓𝑙𝑖𝑡 𝑑’𝑖𝑛𝑡𝑒́𝑟𝑒̂𝑡 𝑒𝑡 𝑑𝑒 𝑡𝑜𝑢𝑡𝑒 𝑐𝑜𝑟𝑟𝑢𝑝𝑡𝑖𝑜𝑛, 𝑟𝑒𝑠𝑝𝑒𝑐𝑡𝑢𝑒𝑢𝑥, ℎ𝑢𝑚𝑏𝑙𝑒𝑠, 𝑚𝑜𝑑𝑒𝑠𝑡𝑒𝑠, 𝑒𝑡 𝑎̀ 𝑙’𝑒́𝑐𝑜𝑢𝑡𝑒, 𝑒𝑚𝑝𝑟𝑒𝑖𝑛𝑡𝑠 𝑑𝑒 𝑚𝑜𝑟𝑎𝑙𝑖𝑡𝑒́ 𝑒𝑡 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑐𝑜𝑛𝑠𝑐𝑖𝑒𝑛𝑐𝑒 𝑑𝑒𝑠 𝑙𝑖𝑚𝑖𝑡𝑒𝑠, 𝑐’𝑒𝑠𝑡-𝑎̀-𝑑𝑖𝑟𝑒 𝑡𝑟𝑒̀𝑠 𝑙𝑜𝑖𝑛 𝑑𝑒𝑠 𝑒𝑛𝑓𝑖𝑒́𝑣𝑟𝑒́𝑠 𝑎𝑝𝑝𝑟𝑒𝑛𝑡𝑖𝑠 𝑠𝑜𝑟𝑐𝑖𝑒𝑟𝑠 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑝𝑜𝑙𝑖𝑡𝑖𝑞𝑢𝑒 𝑚𝑒́𝑔𝑎𝑙𝑜𝑚𝑎𝑛𝑖𝑎𝑞𝑢𝑒 » (p.28).

Il va plus loin : c’est un état au service d’un projet démocratique, soucieux de faire participer les citoyens, capable d’anticipation, d’actions transversales de long terme, capable de coordonner et de planifier avec le secteur privé, protecteur, qui assure un juste partage, qui assure une veille économique, et j’en passe… ça ressemble, en effet, à ce que tout citoyen pourrait attendre d’un état, mais donc nous sommes manifestement bien loin par les temps qui courent.

Cet état « idéalisé » se serait perdu, fourvoyé, alors qu’il plongeait il y a quarante ans dans un contexte d’économie de marché anglo-saxonne, allant de paire avec un changement structurel des relations entre capital et travail : la sur-importance donnée au capital, devenu plus mobile que le travail, a provoqué d’énormes disparités économiques, sociales, climatiques et environnementales, contre lesquelles « 𝑙𝑒𝑠 𝑝𝑒𝑢𝑝𝑙𝑒𝑠 𝑠’𝑖𝑛𝑠𝑢𝑟𝑔𝑒𝑛𝑡 𝑒𝑛 𝑒́𝑏𝑟𝑎𝑛𝑙𝑎𝑛𝑡 𝑝𝑎𝑟𝑓𝑜𝑖𝑠 𝑙𝑒𝑠 𝑒́𝑡𝑎𝑡𝑠 𝑞𝑢𝑖 𝑛𝑒 𝑙𝑒𝑠 𝑜𝑛𝑡 𝑝𝑎𝑠 𝑝𝑟𝑜𝑡𝑒́𝑔𝑒́𝑠 𝑐𝑜𝑛𝑡𝑟𝑒 𝑙𝑒𝑠 𝑓𝑜𝑟𝑐𝑒𝑠 𝑑𝑢 𝑚𝑎𝑟𝑐ℎ𝑒́ ».

Mais attention, Bruno Colmant se revendique malgré tout capitaliste, mais il ajoute que le capitalisme fonctionne quand « 𝑙𝑒 𝑚𝑎𝑟𝑐ℎ𝑒́ 𝑒𝑡 𝑙𝑎 𝑟𝑒̀𝑔𝑙𝑒 𝑑𝑒 𝑑𝑟𝑜𝑖𝑡 𝑠𝑜𝑛𝑡 𝑙’𝑎𝑣𝑒𝑟𝑠 𝑒𝑡 𝑙𝑒 𝑟𝑒𝑣𝑒𝑟𝑠 𝑑’𝑢𝑛𝑒 𝑚𝑒̂𝑚𝑒 𝑝𝑖𝑒̀𝑐𝑒. […] 𝑆𝑖 𝑙’𝑒𝑓𝑓𝑖𝑐𝑎𝑐𝑖𝑡𝑒́ 𝑒́𝑐𝑜𝑛𝑜𝑚𝑖𝑞𝑢𝑒 𝑑𝑢 𝑐𝑎𝑝𝑖𝑡𝑎𝑙𝑖𝑠𝑚𝑒 𝑛’𝑒𝑠𝑡 𝑝𝑙𝑢𝑠 𝑎̀ 𝑝𝑟𝑜𝑢𝑣𝑒𝑟, 𝑙𝑎 𝑟𝑒́𝑝𝑎𝑟𝑡𝑖𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑠𝑜𝑐𝑖𝑎𝑙𝑒 𝑑𝑒 𝑠𝑒𝑠 𝑏𝑖𝑒𝑛𝑓𝑎𝑖𝑡𝑠 𝑒𝑥𝑖𝑔𝑒 𝑑𝑒𝑠 𝑝𝑜𝑢𝑣𝑜𝑖𝑟𝑠 𝑝𝑜𝑙𝑖𝑡𝑖𝑞𝑢𝑒𝑠 𝑎𝑑𝑒́𝑞𝑢𝑎𝑡𝑠 » (p.33). Une sorte de capitalisme social ? Voilà une question à lui poser… Pour lui, donc, le capitalisme exige une régulation étatique, ce que refuse le néo-libéralisme, et ce qu’il justifie longuement dans les pages qui suivent (je ne vais quand même pas spoiler la totalité du bouquin).

𝐋𝐚 𝐜𝐫𝐢𝐬𝐞 𝐝𝐞 𝟐𝟎𝟎𝟖.

2008, tout le monde s’en souvient, et l’année de cette fameuse crise des Subprimes (il retrace brièvement les événements, mais si vous voulez quelque chose de plus exhaustif, je vous invite à lire « Illusion Financière » de Gaël Giraud, donc j’ai écrit une longue note de lecture ici : https://etatdurgence.ch/blog/livres/illusion-financiere/). A ce moment, Bruno Colmant est président de la Bourse de Bruxelles et siège au comité de direction de la Bourse de New York… Il consacre d’ailleurs un livre à cet événement (que je n’ai pas lu) : « 2008, l’année du Krash », chez De Boek & Larcier.

Il semble qu’un déclic soit apparu à l’occasion de cette crise : « 𝑃𝑎𝑠𝑠𝑎𝑔𝑒𝑟𝑠 𝑐𝑙𝑎𝑛𝑑𝑒𝑠𝑡𝑖𝑛𝑠 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑣𝑎𝑔𝑢𝑒 𝑛𝑒́𝑜𝑙𝑖𝑏𝑒́𝑟𝑎𝑙𝑒 𝑑𝑒𝑝𝑢𝑖𝑠 𝑞𝑢𝑎𝑟𝑎𝑛𝑡𝑒 𝑎𝑛𝑠, 𝑛𝑜𝑢𝑠 𝑟𝑒́𝑎𝑙𝑖𝑠𝑜𝑛𝑠 𝑞𝑢𝑒 𝑐𝑒 𝑐𝑎𝑝𝑖𝑡𝑎𝑙𝑖𝑠𝑚𝑒 𝑎𝑛𝑔𝑙𝑜-𝑠𝑎𝑥𝑜𝑛 𝑛’𝑒𝑠𝑡 𝑝𝑎𝑠 𝑐𝑜𝑚𝑝𝑎𝑡𝑖𝑏𝑙𝑒 𝑎𝑣𝑒𝑐 𝑙𝑒𝑠 𝑒𝑛𝑔𝑎𝑔𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡𝑠 𝑝𝑟𝑜𝑚𝑖𝑠 𝑝𝑎𝑟 𝑛𝑜𝑠 𝑒́𝑡𝑎𝑡𝑠 𝑠𝑜𝑐𝑖𝑎𝑢𝑥 » (p.41). Dans les pages suivantes, il explique de quoi est faite cette incompatibilité entre néolibéralisme et état social, pour en venir à la conclusion tout cela nous a amené au bord de bouleversements incontrôlés, qui risquent bien de nous tuer, sauf à revenir à la raison : les limites planétaires nous indiquent que nos désirs sont inatteignables…

Il poursuit sur une critique de l’Euro, pas dans sa légitimité, mais bien dans le cadre de sa mise en œuvre : c’eût été une très belle idée, mais « 𝑚𝑎𝑙ℎ𝑒𝑢𝑟𝑒𝑢𝑠𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡, 𝑙’𝐸𝑢𝑟𝑜 𝑛𝑒 𝑠’𝑒𝑠𝑡 𝑝𝑎𝑠 𝑎𝑐𝑐𝑜𝑚𝑝𝑎𝑔𝑛𝑒́ 𝑑’𝑢𝑛𝑒 𝑝𝑜𝑙𝑖𝑡𝑖𝑞𝑢𝑒 𝑖𝑛𝑑𝑢𝑠𝑡𝑟𝑖𝑒𝑙𝑙𝑒 𝑒𝑢𝑟𝑜𝑝𝑒́𝑒𝑛𝑛𝑒 𝑐𝑜ℎ𝑒́𝑟𝑒𝑛𝑡𝑒, 𝑎𝑢 𝑚𝑜𝑡𝑖𝑓 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑠𝑢𝑝𝑒́𝑟𝑖𝑜𝑟𝑖𝑡𝑒́ 𝑑𝑒́𝑐𝑖𝑠𝑖𝑜𝑛𝑛𝑒𝑙𝑙𝑒 𝑑𝑒𝑠 𝑚𝑎𝑟𝑐ℎ𝑒́𝑠. 𝐶𝑜𝑚𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑢𝑛𝑒 𝑡𝑒𝑙𝑙𝑒 𝑚𝑦𝑜𝑝𝑖𝑒 𝑎-𝑡-𝑒𝑙𝑙𝑒 𝑝𝑢 𝑎𝑐𝑐𝑎𝑏𝑙𝑒𝑟 𝑙𝑒𝑠 𝑑𝑖𝑝𝑙𝑜𝑚𝑎𝑡𝑒𝑠 𝑞𝑢𝑖 𝑜𝑛𝑡 𝑛𝑒́𝑔𝑜𝑐𝑖𝑒́ 𝑙𝑎 𝑚𝑜𝑛𝑛𝑎𝑖𝑒 𝑢𝑛𝑖𝑞𝑢𝑒 ? » (p.57).

L’état fut donc « 𝑑𝑒́𝑝𝑜𝑢𝑖𝑙𝑙𝑒́ 𝑑𝑒 𝑠𝑒𝑠 𝑝𝑟𝑒́𝑟𝑜𝑔𝑎𝑡𝑖𝑣𝑒𝑠 𝑑’𝑖𝑛𝑣𝑒𝑠𝑡𝑖𝑠𝑠𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑒𝑡 𝑑𝑒 𝑔𝑢𝑖𝑑𝑎𝑔𝑒 𝑑𝑒𝑠 𝑒́𝑐𝑜𝑛𝑜𝑚𝑖𝑒𝑠 » (p.58), mais en plus il a été contraint à des équilibres budgétaires, ce qui a provoqué selon lui un « laminage » des investissements publics, tout cela parce qu’il existe deux sortes de déficits publics (expansionniste et récessif, je vous laisse lire le bouquin pour les détails, Giraud en parle également dans Illusion Financière), qui ont été confondus bien à tort par la pensée néolibérale, et la BCE d’en prendre pour son grade dans la foulée !

Concernant les événements récents en Europe (la guerre en Ukraine), je ne suis pas étonné de lire qu’il considère cela comme un facteur aggravant (et non comme une cause). Il la considère d’ailleurs comme « 𝑢𝑛𝑒 𝑙𝑒𝑛𝑡𝑒 𝑔𝑢𝑒𝑟𝑟𝑒 𝑑𝑒 𝑑𝑒́𝑠𝑒𝑠𝑝𝑜𝑖𝑟 𝑑’𝑢𝑛 𝑚𝑜𝑛𝑑𝑒 𝑞𝑢𝑖 𝑠’𝑒́𝑝𝑢𝑖𝑠𝑒 » (p.62).

Le constat du contexte pour les années qui viennent est sans appel, et parfaitement clairvoyant, je trouve : nous nous dirigeons vers des pénuries d’énergie, une hausse des prix alimentaires, une baisse de pouvoir d’achat, une rancœur sociale croissante, une baisse de compétitivité des entreprises, des faillites, du chômage. L’état devra, obligatoirement, creuser un déficit budgétaire, et la BCE n’aura pas grand pouvoir d’action. Car, souligne-t-il bien à propos, « 𝑙𝑎 𝑐𝑟𝑜𝑖𝑠𝑠𝑎𝑛𝑐𝑒 𝑟𝑒𝑞𝑢𝑖𝑒𝑟𝑡, 𝑎̀ 𝑐𝑜𝑢𝑟𝑡 𝑡𝑒𝑟𝑚𝑒, 𝑑𝑒 𝑙’𝑒́𝑛𝑒𝑟𝑔𝑖𝑒 […] 𝑎𝑙𝑜𝑟𝑠 𝑞𝑢’𝑖𝑙 𝑓𝑎𝑢𝑡, 𝑒𝑛 𝑚𝑒̂𝑚𝑒 𝑡𝑒𝑚𝑝𝑠, 𝑖𝑚𝑝𝑒́𝑟𝑎𝑡𝑖𝑣𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑟𝑒𝑠𝑡𝑎𝑢𝑟𝑒𝑟 𝑑𝑒𝑠 𝑒́𝑞𝑢𝑖𝑙𝑖𝑏𝑟𝑒𝑠 𝑐𝑙𝑖𝑚𝑎𝑡𝑖𝑞𝑢𝑒𝑠 𝑒𝑡 𝑒𝑛𝑣𝑖𝑟𝑜𝑛𝑛𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡𝑎𝑢𝑥 » (p.65).

Alors, que faire ? Partir à la reconquête de la démocratie ? Oui, mais elle est menacée par la croissance des inégalités (on le voit d’ailleurs un peu partout, les extrêmes montent en grade ). Pour lui, « 𝑙𝑒 𝑑𝑒́𝑐𝑜𝑢𝑟𝑎𝑔𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑐𝑖𝑣𝑖𝑞𝑢𝑒 𝑒𝑠𝑡 𝑖𝑛𝑐𝑜𝑛𝑡𝑒𝑠𝑡𝑎𝑏𝑙𝑒 » (p.67). Et d’ajouter « 𝑂𝑟, 𝑙’𝑒́𝑡𝑎𝑡 𝑠𝑡𝑟𝑎𝑡𝑒̀𝑔𝑒 𝑛𝑒 𝑝𝑒𝑢𝑡 𝑟𝑒́𝑠𝑢𝑙𝑡𝑒𝑟 𝑞𝑢𝑒 𝑑’𝑢𝑛 𝑙𝑜𝑛𝑔 𝑝𝑟𝑜𝑐𝑒𝑠𝑠𝑢𝑠 𝑒́𝑙𝑒𝑐𝑡𝑜𝑟𝑎𝑙 𝑐𝑜𝑛𝑠𝑢𝑙𝑡𝑎𝑡𝑖𝑓, 𝑐𝑎𝑟 𝑖𝑙 𝑓𝑎𝑢𝑡 𝑐𝑜𝑛𝑐𝑖𝑙𝑖𝑒𝑟 𝑝𝑎𝑟𝑡𝑎𝑔𝑒 𝑒𝑡 𝑗𝑢𝑠𝑡𝑖𝑐𝑒 » (p.68). Comment lui donner tort, mais comment y croire encore… n’a-t-on pas déjà passé la frontière (au moment où j’écris le gouvernement français vient de passer son 11ème 49.3 concernant la réforme des retraites).

𝐓𝐨𝐮𝐬 𝐚𝐭𝐨𝐦𝐢𝐬𝐞́𝐬 ?

Le néolibéralisme anglo-saxon est pointé directement du doigt par l’auteur : « 𝐿𝑒 𝑚𝑜𝑑𝑒̀𝑙𝑒 𝑛𝑒́𝑜𝑙𝑖𝑏𝑒́𝑟𝑎𝑙 𝑒𝑛𝑡𝑟𝑒𝑡𝑖𝑒𝑛𝑡 𝑙’𝑖𝑛𝑡𝑟𝑎𝑛𝑞𝑢𝑖𝑙𝑙𝑖𝑡𝑒́ 𝑚𝑜𝑟𝑎𝑙𝑒 𝑒𝑡 𝑠𝑜𝑐𝑖𝑒́𝑡𝑎𝑙𝑒 𝑞𝑢𝑒 𝑠𝑒𝑢𝑙𝑒 𝑙𝑎 𝑐𝑜𝑛𝑠𝑜𝑚𝑚𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑝𝑒𝑢𝑡 𝑎𝑝𝑎𝑖𝑠𝑒𝑟 » (p.69). En effet, il sous-tend que chacun d’entre nous devienne un microcapitaliste, mu par son seul intérêt et sa prospérité individuelle, et donc que la « 𝑐𝑜𝑛𝑠𝑐𝑖𝑒𝑛𝑐𝑒 𝑝𝑜𝑙𝑖𝑡𝑖𝑞𝑢𝑒 𝑑𝑖𝑠𝑝𝑎𝑟𝑎𝑖̂𝑡 𝑎𝑢 𝑝𝑟𝑜𝑓𝑖𝑡 𝑑’𝑢𝑛 𝑠𝑒𝑢𝑙 𝑑𝑒́𝑠𝑖𝑟 𝑑𝑒 𝑐𝑜𝑛𝑠𝑜𝑚𝑚𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑖𝑛𝑠𝑎𝑡𝑖𝑎𝑏𝑙𝑒 ». Nous serions donc dans une forme d’atomisation des individus, destinés à être une valeur mobilière se fondant dans la logique de marché. Dans ce contexte, « 𝑙’𝑒́𝑡𝑎𝑡 𝑑𝑜𝑖𝑡 𝑟𝑒𝑠𝑡𝑒𝑟 𝑢𝑛 𝑟𝑒𝑝𝑒̀𝑟𝑒, 𝑎𝑣𝑎𝑛𝑡 𝑞𝑢’𝑖𝑙 𝑛𝑒 𝑠𝑜𝑖𝑡 𝑖𝑛𝑠𝑡𝑟𝑢𝑚𝑒𝑛𝑡𝑎𝑙𝑖𝑠𝑒́ 𝑑𝑒 𝑚𝑎𝑛𝑖𝑒̀𝑟𝑒 𝑝𝑜𝑝𝑢𝑙𝑖𝑠𝑡𝑒 » (p.71). Ma question étant, encore une fois : n’est-il pas déjà trop tard ?

𝐔𝐧 𝐚𝐮𝐭𝐫𝐞 𝐫𝐞́𝐜𝐢𝐭 𝐩𝐨𝐮𝐫 𝐩𝐚𝐲𝐞𝐫 𝐧𝐨𝐭𝐫𝐞 𝐝𝐞𝐭𝐭𝐞 𝐞́𝐜𝐨𝐥𝐨𝐠𝐢𝐪𝐮𝐞 ?

De nos jours, la notion de récit est devenue centrale dans beaucoup de discours touchant à la transition, les bascules, les effondrements. Bruno Colmant semble également – même s’il n’appelle pas cela comme ça – en être partisan : pour lui, il faut absolument reformuler un projet de société : nous sommes actuellement dans « 𝑙’𝑒́𝑡𝑎𝑡 𝑠𝑝𝑒𝑐𝑡𝑎𝑐𝑙𝑒, 𝑒𝑡 𝑐𝑒𝑙𝑎 𝑑𝑜𝑖𝑡 𝑐𝑒𝑠𝑠𝑒𝑟 » (p.73), d’autant qu’une lourde contrainte nous tombe dessus : la dette écologique. « 𝑁𝑜𝑢𝑠 𝑎𝑣𝑜𝑛𝑠 𝑖𝑛𝑣𝑒𝑟𝑠𝑒́ 𝑙𝑒 𝑠𝑒𝑛𝑠 𝑑𝑢 𝑡𝑒𝑚𝑝𝑠 𝑒𝑡 𝑙𝑒 𝑓𝑢𝑡𝑢𝑟 𝑛𝑜𝑢𝑠 𝑝𝑟𝑒́𝑠𝑒𝑛𝑡𝑒𝑟𝑎 𝑙𝑒 𝑝𝑟𝑖𝑥 𝑑𝑒 𝑠𝑜𝑛 𝑒𝑚𝑝𝑟𝑢𝑛𝑡. 𝑀𝑜𝑛 𝑖𝑛𝑡𝑢𝑖𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑒𝑠𝑡 𝑞𝑢𝑒 𝑛𝑜𝑠 𝑠𝑜𝑐𝑖𝑒́𝑡𝑒́𝑠 𝑠’𝑖𝑛𝑠𝑐𝑟𝑖𝑣𝑒𝑛𝑡 𝑑𝑎𝑛𝑠 𝑢𝑛𝑒 𝑎𝑚𝑏𝑖𝑣𝑎𝑙𝑒𝑛𝑐𝑒 𝑠𝑐ℎ𝑖𝑧𝑜𝑝ℎ𝑟𝑒́𝑛𝑖𝑞𝑢𝑒. 𝐸𝑙𝑙𝑒𝑠 𝑎𝑐𝑐𝑒́𝑙𝑒̀𝑟𝑒𝑛𝑡 𝑙𝑒𝑢𝑟𝑠 𝑒𝑚𝑝𝑟𝑢𝑛𝑡𝑠 𝑎𝑢 𝑓𝑢𝑡𝑢𝑟 𝑡𝑜𝑢𝑡 𝑒𝑛 𝑟𝑒𝑠𝑠𝑒𝑛𝑡𝑎𝑛𝑡 𝑎𝑢 𝑓𝑜𝑛𝑑 𝑑’𝑒𝑙𝑙𝑒𝑠-𝑚𝑒̂𝑚𝑒𝑠 𝑙’𝑖𝑚𝑚𝑖𝑛𝑒𝑛𝑐𝑒 𝑑𝑒 𝑙𝑒𝑢𝑟 𝑓𝑖𝑛𝑖𝑡𝑢𝑑𝑒 » (p.73).

Autant dire que le « récit » dominant notre société, le néolibéralisme, a fait son temps, bien malhonnêtement, nous plongeant dans le désarroi face à un défi, une catastrophe imminente : « 𝐋𝐞 𝐜𝐚𝐭𝐚𝐜𝐥𝐲𝐬𝐦𝐞 𝐞𝐧𝐯𝐢𝐫𝐨𝐧𝐧𝐞𝐦𝐞𝐧𝐭𝐚𝐥 ». Son constat est limpide :« 𝐿’𝑒́𝑐𝑜𝑠𝑝ℎ𝑒̀𝑟𝑒 𝑒𝑠𝑡 𝑑𝑒́𝑠𝑡𝑎𝑏𝑖𝑙𝑖𝑠𝑒́𝑒 𝑝𝑎𝑟 𝑛𝑜𝑠 𝑚𝑜𝑑𝑒𝑠 𝑑𝑒 𝑝𝑟𝑜𝑑𝑢𝑐𝑡𝑖𝑜𝑛, 𝑑𝑒 𝑐𝑜𝑛𝑠𝑜𝑚𝑚𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑒𝑡 𝑑𝑒 𝑔𝑎𝑠𝑝𝑖𝑙𝑙𝑎𝑔𝑒. 𝐶𝑒 𝑐𝑜𝑛𝑠𝑡𝑎𝑡 𝑒𝑠𝑡 𝑡𝑒𝑟𝑟𝑖𝑓𝑖𝑎𝑛𝑡, 𝑐𝑎𝑟 𝑙’ℎ𝑎𝑏𝑖𝑡𝑎𝑏𝑖𝑙𝑖𝑡𝑒́ 𝑑𝑒 𝑝𝑙𝑎𝑛𝑒̀𝑡𝑒 𝑒𝑠𝑡 𝑒𝑛 𝑗𝑒𝑢. 𝐿𝑎 𝑑𝑒𝑡𝑡𝑒 𝑐𝑙𝑖𝑚𝑎𝑡𝑖𝑞𝑢𝑒 𝑒𝑡 𝑒𝑛𝑣𝑖𝑟𝑜𝑛𝑛𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡𝑎𝑙𝑒 𝑑𝑒𝑣𝑖𝑒𝑛𝑡 𝑒𝑥𝑖𝑔𝑖𝑏𝑙𝑒 𝑒𝑡 𝑢𝑛 𝑐𝑜𝑚𝑝𝑡𝑒 𝑎̀ 𝑟𝑒𝑏𝑜𝑢𝑟𝑠 𝑙𝑒́𝑡ℎ𝑎𝑙 𝑒𝑠𝑡 𝑑𝑜𝑛𝑐 𝑒𝑛𝑔𝑎𝑔𝑒́. 𝐿𝑒 𝑐ℎ𝑎𝑛𝑔𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑐𝑙𝑖𝑚𝑎𝑡𝑖𝑞𝑢𝑒 𝑎𝑛𝑡ℎ𝑟𝑜𝑝𝑖𝑞𝑢𝑒, 𝑐’𝑒𝑠𝑡-𝑎̀-𝑑𝑖𝑟𝑒 𝑐𝑟𝑒́𝑒́ 𝑝𝑎𝑟 𝑙𝑒𝑠 ℎ𝑢𝑚𝑎𝑖𝑛𝑠, 𝑝𝑜𝑢𝑟𝑟𝑎𝑖𝑡 𝑒𝑛𝑡𝑟𝑎𝑖̂𝑛𝑒𝑟 𝑢𝑛 𝑒𝑓𝑓𝑜𝑛𝑑𝑟𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑠𝑜𝑐𝑖𝑒́𝑡𝑒́ ℎ𝑢𝑚𝑎𝑖𝑛𝑒 » (p.75).

Mais pourquoi diable tous les économiques n’ont pas encore compris ça !!! Il liste une série de défis qui nous attendent , d’échéances bien connues, pour expliciter l’évidence même : « 𝑖𝑙 𝑒𝑠𝑡 𝑑𝑜𝑛𝑐 𝑠𝑖𝑚𝑝𝑙𝑒 𝑑𝑒 𝑐𝑜𝑛𝑐𝑙𝑢𝑟𝑒 𝑞𝑢’𝑢𝑛𝑒 𝑒́𝑐𝑜𝑛𝑜𝑚𝑖𝑒 𝑞𝑢𝑖 𝑑𝑖𝑚𝑖𝑛𝑢𝑒 𝑙’𝑒𝑚𝑝𝑟𝑒𝑖𝑛𝑡𝑒 𝑒́𝑐𝑜𝑙𝑜𝑔𝑖𝑞𝑢𝑒 𝑑𝑒 𝑠𝑒𝑠 𝑚𝑒𝑚𝑏𝑟𝑒𝑠 𝑎𝑢𝑔𝑚𝑒𝑛𝑡𝑒 𝑙𝑒 𝑐𝑎𝑝𝑖𝑡𝑎𝑙 𝑒́𝑐𝑜𝑙𝑜𝑔𝑖𝑞𝑢𝑒 𝑑𝑒𝑠 𝑔𝑒́𝑛𝑒́𝑟𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛𝑠 𝑓𝑢𝑡𝑢𝑟𝑒𝑠 » (p.78), et cela est inatteignable sans une reprise en main étatique ! Certes il aurait pu, comme nombre de ses pairs, parier sur la technologie, mais clairvoyant, il affirme que miser sur ce seul aspect relève de la pensée magique (ouf !).

Il associe l’échec écologique passé et actuel à notre rapport aux valeurs artificielles plutôt qu’à la valeur immatérielle et incalculable de notre environnement :« 𝑁𝑜𝑢𝑠 𝑠𝑜𝑚𝑚𝑒𝑠 𝑟𝑖𝑐ℎ𝑒𝑠 𝑑’𝑢𝑛 𝑠𝑦𝑚𝑏𝑜𝑙𝑒, 𝑚𝑎𝑖𝑠 𝑝𝑎𝑢𝑣𝑟𝑒𝑠 𝑑‘𝑢𝑛𝑒 𝑡𝑒𝑟𝑟𝑒. […] 𝑒́𝑟𝑒𝑖𝑛𝑡𝑒𝑟 𝑢𝑛𝑒 𝑛𝑎𝑡𝑢𝑟𝑒 𝑐𝑜𝑛𝑡𝑟𝑒 𝑢𝑛𝑒 𝑐𝑜𝑛𝑣𝑒𝑛𝑡𝑖𝑜𝑛, 𝑙𝑎 𝑚𝑜𝑛𝑛𝑎𝑖𝑒, 𝑑𝑜𝑛𝑡 𝑙𝑎 𝑟𝑒́𝑚𝑢𝑛𝑒́𝑟𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑒𝑠𝑡 𝑢𝑛 𝑡𝑒𝑚𝑝𝑠 𝑞𝑢𝑖 𝑑𝑒𝑣𝑟𝑎𝑖𝑡 𝑒̂𝑡𝑟𝑒 𝑔𝑟𝑎𝑡𝑢𝑖𝑡, 𝑒𝑡 𝑑𝑜𝑛𝑐 𝑢𝑛 𝑒́𝑐ℎ𝑒𝑐 𝑎𝑏𝑦𝑠𝑠𝑎𝑙 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑝𝑒𝑛𝑠𝑒́𝑒 𝑣𝑜𝑖𝑟𝑒 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑐𝑖𝑣𝑖𝑙𝑖𝑠𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 » (p.84).

Il lance un avertissement clair au monde politique, identique à celui que j’ai souvent entendu expliquer aux élus par Arthur Keller: « 𝐷𝑒𝑠 𝑝𝑜𝑝𝑢𝑙𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛𝑠 𝑝𝑜𝑢𝑟𝑟𝑎𝑖𝑒𝑛𝑡 𝑠𝑒 𝑟𝑒𝑡𝑜𝑢𝑟𝑛𝑒𝑟 𝑣𝑖𝑜𝑙𝑒𝑚𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑐𝑜𝑛𝑡𝑟𝑒 𝑙𝑒𝑠 𝐸𝑡𝑎𝑡𝑠 𝑞𝑢𝑖 𝑛’𝑎𝑢𝑟𝑜𝑛𝑡 𝑝𝑎𝑠 𝑒́𝑡𝑒́ 𝑠𝑢𝑓𝑓𝑖𝑠𝑎𝑚𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑣𝑖𝑠𝑖𝑜𝑛𝑛𝑎𝑖𝑟𝑒𝑠 ». Et un nouvel aveu survient : il n’est plus possible, comme il l’a cru trop longtemps, de dissocier économie et écologie (séparation pourtant bien ancrée dans les théories économiques au moins depuis Jean-Baptiste Say), et il n’est pas non plus possible de laisser les marchés se réguler et gérer ce « cataclysme environnemental », car ils ne sont guère outillés pour cela, et ne sont d’ailleurs pas construits dans ce but.

Selon l’auteur, « 𝐼𝑙 𝑠𝑒𝑟𝑎𝑖𝑡 𝑝𝑒𝑢𝑡-𝑒̂𝑡𝑟𝑒 𝑢𝑡𝑖𝑙𝑒 𝑑’𝑖𝑛𝑣𝑒𝑛𝑡𝑒𝑟 𝑢𝑛 𝑛𝑜𝑢𝑣𝑒𝑎𝑢 𝑠𝑦𝑠𝑡𝑒̀𝑚𝑒 𝑐𝑜𝑚𝑝𝑡𝑎𝑏𝑙𝑒 𝑞𝑢𝑖 𝑖𝑛𝑡𝑒̀𝑔𝑟𝑒 𝑙𝑒𝑠 𝑡𝑟𝑜𝑖𝑠 𝑓𝑎𝑐𝑡𝑒𝑢𝑟𝑠 𝑑𝑒 𝑝𝑟𝑜𝑑𝑢𝑐𝑡𝑖𝑜𝑛, 𝑎̀ 𝑠𝑎𝑣𝑜𝑖𝑟 𝑙𝑒 𝑐𝑎𝑝𝑖𝑡𝑎𝑙, 𝑙𝑒 𝑡𝑟𝑎𝑣𝑎𝑖𝑙, 𝑒𝑡 𝑙𝑎 𝑛𝑎𝑡𝑢𝑟𝑒 » (p.92). Diantre, comment n’y avons-nous pas pensé avant ? C’est une critique formulée, répétée, martelée par de très nombreux penseurs, écologistes, quelques rares économistes depuis au moins 50 années. Bon, on dit qu’il n’est jamais trop tard, mais pour le coup, j’ai la nette impression que si. Dommage…

D’après moi, il subsiste malgré tout une incohérence chez l’auteur, que j’aurai sans doute l’occasion d’éclaircir lors d’une rencontre : il écrit un raisonnement qui me laisse dubitatif (p.94): 1. Le capitalisme est le seul système économique expansionniste de l’histoire : s’il ne se développe pas, il s’effondre. 2. La lutte contre le changement climatique n’est pas compatible avec une croissance infinie. Je ne comprend dès lors pas comment l’auteur peut se définir comme profondément capitaliste, tout en étant aussi clairvoyant sur les catastrophes qui nous tombent dessus… D’ailleurs, Bruno Colmant parle d’un retour aux communs nécessaire, sous l’égide d’un état stratège bien sûr !

Pour plus de détails sur la question, j’en parle dans ma note de lecture de Gaël Giraud déjà cité plus haut (Illusion Financières), mais également dans ma note de « La tragédie des communs » de Garett Hardin, disponible ici : https://etatdurgence.ch/blog/livres/la-tragedie-des-communs/.

Il parle tout de même de « ligoter l’économie de marché aux contraintes climatiques et environnementales » : bon, à part préparer et pratiquer une décroissance, je ne vois pas comment on va y arriver, et ce n’est pas précisément un concept capitaliste orthodoxe.

D’ailleurs, il y vient :« 𝐹𝑎𝑢𝑡-𝑖𝑙 𝑎𝑙𝑜𝑟𝑠 𝑝𝑙𝑎𝑖𝑑𝑒𝑟 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑙𝑎 𝑑𝑒́𝑐𝑟𝑜𝑖𝑠𝑠𝑎𝑛𝑐𝑒 ? 𝐿𝑜𝑛𝑔𝑡𝑒𝑚𝑝𝑠, 𝑗’𝑎𝑖 𝑐𝑜𝑚𝑏𝑎𝑡𝑡𝑢 𝑐𝑒𝑡𝑡𝑒 𝑖𝑑𝑒́𝑒. 𝐴𝑢𝑗𝑜𝑢𝑟𝑑’ℎ𝑢𝑖, 𝑗𝑒 𝑐𝑟𝑜𝑖𝑠 𝑞𝑢’𝑢𝑛 𝑑𝑒́𝑏𝑎𝑡 𝑐𝑖𝑡𝑜𝑦𝑒𝑛 𝑒𝑠𝑡 𝑛𝑒́𝑐𝑒𝑠𝑠𝑎𝑖𝑟𝑒, 𝑐𝑎𝑟 𝑖𝑙 𝑝𝑒𝑢𝑡 𝑝𝑒𝑢𝑡-𝑒̂𝑡𝑟𝑒 𝑠𝑎𝑢𝑣𝑒𝑟 𝑛𝑜𝑠 𝑠𝑜𝑐𝑖𝑒́𝑡𝑒́𝑠 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑐𝑟𝑜𝑖𝑠𝑠𝑎𝑛𝑐𝑒 » (p.100).

Bingo ! Je vous laisse découvrir les 3 voies qu’il identifie pour une décroissance, car ce n’est pas le sujet du livre, sachez qu’il cite tout de même Timothée Parrique de manière plutôt élogieuse. Il n’est cependant pas très optimiste quant à la réalité politique : « 𝑀𝑎𝑖𝑠 𝑗𝑒 𝑐𝑟𝑎𝑖𝑛𝑠 𝑞𝑢𝑒 𝑙’𝑎𝑚𝑏𝑖𝑔𝑢𝑖̈𝑡𝑒́, 𝑣𝑜𝑖𝑟𝑒 𝑙’ℎ𝑦𝑝𝑜𝑐𝑟𝑖𝑠𝑖𝑒, 𝑑𝑒𝑠 𝑡𝑟𝑖𝑏𝑢𝑛𝑠 𝑝𝑜𝑙𝑖𝑡𝑖𝑞𝑢𝑒𝑠 𝑐𝑜𝑛𝑑𝑢𝑖𝑠𝑒 𝑎̀ 𝑝𝑟𝑜𝑚𝑜𝑢𝑣𝑜𝑖𝑟 𝑙𝑎 𝑐𝑟𝑜𝑖𝑠𝑠𝑎𝑛𝑐𝑒 𝑣𝑒𝑟𝑡𝑒, 𝑠𝑎𝑛𝑠 𝑙𝑎 𝑑𝑒́𝑓𝑖𝑛𝑖𝑟, 𝑐𝑜𝑚𝑚𝑒 𝑝𝑟𝑒́𝑡𝑒𝑥𝑡𝑒 𝑎̀ 𝑙’𝑒́𝑣𝑖𝑡𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑑’𝑢𝑛𝑒 𝑐𝑜𝑛𝑓𝑟𝑜𝑛𝑡𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑎̀ 𝑢𝑛 𝑑𝑒́𝑏𝑎𝑡 𝑐𝑖𝑡𝑜𝑦𝑒𝑛 » (p.101).

Je trouve que c’est tout à fait ça : le monde politique, à quelques exceptions près bien entendu, a trop d’intérêts dans le système actuel que pour fournir l’effort nécessaire à le remettre en question. Il n’est pas outillé pour cela, et ne désire sans doute pas s’outiller (c’est mon avis personnel, pas celui de l’auteur).

𝐈𝐥 𝐲 𝐚 𝐜𝐚𝐩𝐢𝐭𝐚𝐥𝐢𝐬𝐦𝐞 𝐞𝐭 𝐜𝐚𝐩𝐢𝐭𝐚𝐥𝐢𝐬𝐦𝐞 ?

Selon Bruno Colmant, il n’y a pas un capitalisme unique et monolithique, mais bien des capitalismes, en dehors de ses influences anglo-saxonnes et néolibérales :

• Le capitalisme Rhénan, d’abord, provenant d’Allemagne de l’Ouest : il s’agit de promouvoir un concept d’économie sociale de marché. Puisant dans l’ordolibéralisme, la mission économique de l’état serait de maintenir un cadre normatif permettant la concurrence libre, non faussée entre les entreprises. Ce concept découle aussi de l’école économique de Fribourg, pour laquelle l’état doit créer un cadre institutionnel propice à l’économie et maintenir un niveau sain de concurrence.

• Le modèle scandinave, qui postule la promotion d’un état providence qui soutiendrait le libre-échange.Nous serions donc passés, dans les années 80/90 d’un capitalisme Rhénan à un capitalisme anglo-saxon, et donc d’un capitalisme de partage à un modèle d’accumulation et spéculatif, fondé sur 4 axiomes (il donne la référence de Pierre-Yves Gomez) : l’existence d’une économie de marché, une transparence des marchés, l’alignement des intérêts entre les facteurs de production (travail et capital), et l’efficience des marchés… autant dire que ça ne peut pas fonctionner, les postulats n’étant qu’une expérience de pensée, rien de plus (mon avis personnel encore une fois).

Plus grave encore, cela implique que l’état doive se retirer puisque le secteur privé peut mieux apprécier les choses…

Aujourd’hui, la frontière entre l’état et le marché est devenue plutôt flou : des entreprises sont plus puissantes que les états, et l’état n’est plus qu’une technostructure imbriquée dans le marché, destinée à faciliter l’optimisation de celui-ci.Bruno Colmant en revient donc à l’idée de proposer un autre récit pour les états : un nouveau projet de société partagé, solidaire, dans un cadre moral bienveillant et respectueux des contraintes environnementales. Pour ma part, ok je signe des deux mains, mais il va y avoir un sacré nombre de défis avant d’y parvenir !

𝐅𝐫𝐚𝐜𝐭𝐮𝐫𝐞𝐬.

« 𝐽𝑒 𝑐𝑟𝑎𝑖𝑛𝑠 𝑞𝑢𝑒 𝑙𝑒𝑠 𝑒́𝑙𝑖𝑡𝑒𝑠 𝑝𝑜𝑙𝑖𝑡𝑖𝑞𝑢𝑒𝑠 𝑒𝑡 𝑒́𝑐𝑜𝑛𝑜𝑚𝑖𝑞𝑢𝑒𝑠 𝑐𝑜𝑛𝑡𝑒𝑚𝑝𝑜𝑟𝑎𝑖𝑛𝑒𝑠 𝑎𝑖𝑒𝑛𝑡, 𝑝𝑎𝑟 𝑐𝑦𝑛𝑖𝑠𝑚𝑒 𝑜𝑢 𝑖𝑛𝑑𝑖𝑓𝑓𝑒́𝑟𝑒𝑛𝑐𝑒, 𝑝𝑒𝑟𝑑𝑢 𝑙’𝑒́𝑐𝑜𝑢𝑡𝑒, 𝑙𝑎 𝑐𝑜𝑚𝑝𝑟𝑒́ℎ𝑒𝑛𝑠𝑖𝑜𝑛 𝑒𝑡 𝑙’𝑖𝑛𝑡𝑒𝑟𝑎𝑐𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑠𝑢𝑓𝑓𝑖𝑠𝑎𝑛𝑡𝑒 𝑎𝑣𝑒𝑐 𝑢𝑛𝑒 𝑝𝑎𝑟𝑡𝑖𝑒 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑝𝑜𝑝𝑢𝑙𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛, 𝑝𝑟𝑒́𝑐𝑎𝑟𝑖𝑠𝑒́𝑒 𝑒𝑡 𝑚𝑎𝑟𝑔𝑖𝑛𝑎𝑙𝑖𝑠𝑒́𝑒 𝑠𝑜𝑢𝑠 𝑑𝑖𝑓𝑓𝑒́𝑟𝑒𝑛𝑡𝑠 𝑎𝑛𝑔𝑙𝑒𝑠 𝑒𝑡 𝑑𝑜𝑛𝑡 𝑙𝑒𝑠 𝑟𝑒́𝑎𝑙𝑖𝑡𝑒́𝑠 𝑑𝑒𝑣𝑖𝑒𝑛𝑛𝑒𝑛𝑡 𝑖𝑛𝑎𝑢𝑑𝑖𝑏𝑙𝑒𝑠 » (p.111). Voilà qui résonne pas mal actuellement, au vu de ce que l’on voit dans les différents gouvernements européens et les contestations populaires régulières qui y sont associées…

Pour lui, « 𝑑𝑒𝑠 𝑝𝑎𝑛𝑠 𝑒𝑛𝑡𝑖𝑒𝑟𝑠 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑝𝑜𝑝𝑢𝑙𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑣𝑖𝑣𝑒𝑛𝑡 𝑢𝑛 𝑑𝑒́𝑐𝑟𝑜𝑐ℎ𝑎𝑔𝑒 […], 𝑙𝑒𝑠 𝑟𝑒́𝑠𝑒𝑎𝑢𝑥 𝑠𝑜𝑐𝑖𝑎𝑢𝑥 𝑒𝑛𝑓𝑙𝑒𝑛𝑡 𝑙𝑒𝑠 𝑝𝑢𝑙𝑠𝑖𝑜𝑛𝑠 𝑛𝑎𝑟𝑐𝑖𝑠𝑠𝑖𝑞𝑢𝑒𝑠 𝑑𝑒 𝑝𝑒𝑟𝑠𝑜𝑛𝑛𝑒𝑠 𝑞𝑢𝑖 𝑑𝑒𝑣𝑖𝑒𝑛𝑛𝑒𝑛𝑡 𝑚𝑎𝑙ℎ𝑒𝑢𝑟𝑒𝑢𝑠𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑙𝑒𝑠 𝑣𝑖𝑐𝑡𝑖𝑚𝑒𝑠 𝑑’𝑢𝑛𝑒 𝑒́𝑐𝑜𝑛𝑜𝑚𝑖𝑒 𝑖𝑟𝑟𝑎𝑑𝑖𝑎𝑛𝑡𝑒, 𝑚𝑎𝑖𝑠 𝑖𝑛𝑎𝑐𝑐𝑒𝑠𝑠𝑖𝑏𝑙𝑒 » (p.111). Or il parle de déni de cette réalité : « 𝑢𝑛 𝑑𝑒́𝑛𝑖 𝑑𝑒 𝑡𝑜𝑢𝑠 𝑙𝑒𝑠 𝑑𝑒́𝑓𝑖𝑠, 𝑞𝑢𝑒𝑙𝑙𝑒 𝑞𝑢𝑒 𝑠𝑜𝑖𝑡 𝑙𝑒𝑢𝑟 𝑛𝑎𝑡𝑢𝑟𝑒, 𝑐𝑜𝑚𝑚𝑒 𝑠𝑖 𝑙𝑒𝑠 𝑔𝑜𝑢𝑣𝑒𝑟𝑛𝑎𝑛𝑡𝑠 𝑛𝑜𝑢𝑠 𝑙𝑎𝑖𝑠𝑠𝑎𝑖𝑒𝑛𝑡 𝑔𝑙𝑖𝑠𝑠𝑒𝑟, 𝑡𝑒𝑙𝑠 𝑑𝑒𝑠 𝑠𝑜𝑚𝑛𝑎𝑚𝑏𝑢𝑙𝑒𝑠, 𝑣𝑒𝑟𝑠 𝑙𝑒𝑠 𝑝𝑙𝑢𝑠 𝑔𝑟𝑎𝑛𝑑𝑠 𝑝𝑒́𝑟𝑖𝑙𝑠 : 𝑒𝑛𝑣𝑖𝑟𝑜𝑛𝑛𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡𝑎𝑙, 𝑒́𝑐𝑜𝑛𝑜𝑚𝑖𝑞𝑢𝑒, 𝑓𝑖𝑛𝑎𝑛𝑐𝑖𝑒𝑟, 𝑠𝑜𝑐𝑖𝑎𝑙, 𝑚𝑒́𝑑𝑖𝑐𝑎𝑙, 𝑒𝑡𝑐 » (p.112). « 𝑇𝑜𝑢𝑡𝑒 𝑢𝑛𝑒 𝑝𝑎𝑟𝑡𝑖𝑒 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑝𝑜𝑝𝑢𝑙𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑛’𝑒𝑠𝑡 𝑝𝑎𝑠 𝑐𝑎𝑝𝑎𝑏𝑙𝑒 𝑑𝑒 𝑗𝑜𝑢𝑖𝑟 𝑑’𝑢𝑛𝑒 𝑣𝑖𝑒 𝑑𝑒́𝑐𝑒𝑛𝑡𝑒 ℎ𝑜𝑟𝑠 𝑑𝑢 𝑠𝑢𝑟𝑒𝑛𝑑𝑒𝑡𝑡𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡, 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑝𝑟𝑒́𝑐𝑎𝑟𝑖𝑡𝑒́ 𝑜𝑢 𝑚𝑒̂𝑚𝑒 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑝𝑎𝑢𝑣𝑟𝑒𝑡𝑒́ 𝑠𝑡𝑟𝑢𝑐𝑡𝑢𝑟𝑒𝑙𝑙𝑒 𝑒𝑡 𝑒𝑚𝑝𝑟𝑖𝑠𝑜𝑛𝑛𝑎𝑛𝑡𝑒 », dit-il p.114.Et cela car nos sociétés, et l’état, ne parvient plus à effectuer correctement le partage des gains de productivité. On le voit d’ailleurs dans nombre d’études récentes : les fruits de la croissance ne profitent plus à grand monde à part les déjà très riches… et ça a été particulièrement le cas pendant et après les confinements où la fortune des plus riches a littéralement explosé !

Bruno Colmant nous offre un joli historique des différents faits politiques et économiques qui se sont succédé (démantèlement des accords de Bretton Woods, le consensus de Washington, le traité de Maastricht et autres) pour conclure d’une jolie manière son chapitre : « 𝐿𝑒 𝑝𝑜𝑢𝑣𝑜𝑖𝑟 𝑝𝑜𝑙𝑖𝑡𝑖𝑞𝑢𝑒 𝑎 𝑠𝑢𝑏𝑡𝑖𝑙𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑝𝑒𝑟𝑑𝑢 𝑠𝑜𝑛 𝑎𝑡𝑡𝑟𝑖𝑏𝑢𝑡 𝑝𝑜𝑙𝑖𝑡𝑖𝑞𝑢𝑒 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑠𝑒 𝑡𝑟𝑎𝑛𝑠𝑓𝑜𝑟𝑚𝑒𝑟 𝑒𝑛 𝑡𝑒𝑐ℎ𝑛𝑜𝑠𝑡𝑟𝑢𝑐𝑡𝑢𝑟𝑒, 𝑞𝑢𝑒 𝑙’𝑜𝑛 𝑑𝑒𝑣𝑟𝑎𝑖𝑡 𝑚𝑒̂𝑚𝑒 𝑞𝑢𝑎𝑙𝑖𝑓𝑖𝑒𝑟 𝑑’𝑒́𝑐𝑜𝑠𝑦𝑠𝑡𝑒̀𝑚𝑒 𝑜𝑝𝑎𝑞𝑢𝑒, 𝑖𝑚𝑏𝑟𝑖𝑞𝑢𝑒́𝑒 𝑑𝑎𝑛𝑠 𝑙𝑒 𝑚𝑎𝑟𝑐ℎ𝑒́ 𝑒𝑡 𝑑𝑒𝑠𝑡𝑖𝑛𝑒́𝑒 𝑎̀ 𝑒𝑛 𝑓𝑎𝑐𝑖𝑙𝑖𝑡𝑒𝑟 𝑙𝑎 𝑚𝑢𝑡𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑒𝑡 𝑙’𝑜𝑝𝑡𝑖𝑚𝑖𝑠𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑐𝑜𝑛𝑠𝑡𝑎𝑛𝑡𝑒𝑠. 𝐿𝑒𝑑𝑖𝑡 𝑚𝑎𝑟𝑐ℎ𝑒́ 𝑑𝑖𝑔𝑒̀𝑟𝑒 𝑑’𝑎𝑢𝑡𝑎𝑛𝑡 𝑝𝑙𝑢𝑠 𝑙𝑎 𝑠𝑝ℎ𝑒̀𝑟𝑒 𝑝𝑜𝑙𝑖𝑡𝑖𝑞𝑢𝑒 𝑞𝑢𝑒 𝑙𝑒𝑠 𝑝𝑟𝑖𝑛𝑐𝑖𝑝𝑎𝑢𝑥 𝑎𝑡𝑡𝑟𝑖𝑏𝑢𝑡𝑠 𝑑𝑒 𝑙’𝑒́𝑡𝑎𝑡, 𝑎̀ 𝑐𝑜𝑚𝑚𝑒𝑛𝑐𝑒𝑟 𝑝𝑎𝑟 𝑙𝑎 𝑚𝑜𝑛𝑛𝑎𝑖𝑒, 𝑠𝑜𝑛𝑡 𝑑𝑒́𝑠𝑜𝑟𝑚𝑎𝑖𝑠 𝑠𝑢𝑏𝑜𝑟𝑑𝑜𝑛𝑛𝑒́𝑠 𝑎̀ 𝑢𝑛 𝑜𝑟𝑑𝑟𝑒 𝑚𝑎𝑟𝑐ℎ𝑎𝑛𝑑 𝑠𝑢𝑝𝑒́𝑟𝑖𝑒𝑢𝑟. » (p.120).

S’en suit un court chapitre, sensiblement basé sur les mêmes constats, sur l’affaissement du sentiment européen, qu’il déplore. Là où l’Europe aurait pu être un beau projet de cohésion économique, fiscale, industrielle, monétaire, sociale, elle a été récupérée elle aussi par la sphère néolibérale, la coupant plus encore de l’adhésion des populations. Il fustige ensuite la manière dont l’Euro a été développé, pensé, dépouillant les états de pouvoir de contrôler leurs prix : cette monnaie a été bâtie sur le postulat que les facteurs de production allaient s’ajuster à l’introduction d’un nouvel étalon monétaire. Bien que, selon lui, un retour en arrière serait catastrophique et impensable, il n’y va pas par quatre chemins :« 𝐿𝑒𝑠 𝑟𝑒𝑠𝑝𝑜𝑛𝑠𝑎𝑏𝑙𝑒𝑠 𝑝𝑜𝑙𝑖𝑡𝑖𝑞𝑢𝑒𝑠 𝑞𝑢𝑖 𝑜𝑛𝑡 𝑚𝑎𝑙 𝑐𝑟𝑒́𝑒́ 𝑙’𝐸𝑢𝑟𝑜 𝑝𝑜𝑟𝑡𝑒𝑛𝑡 𝑢𝑛𝑒 𝑟𝑒𝑠𝑝𝑜𝑛𝑠𝑎𝑏𝑖𝑙𝑖𝑡𝑒́ 𝑑𝑒𝑣𝑎𝑛𝑡 𝑙’ℎ𝑖𝑠𝑡𝑜𝑖𝑟𝑒 » (p.135).

Il voit une issue favorable tout de même à la condition d’un aboutissement d’une véritable union budgétaire assortie d’une union bancaire (qu’on appelle visiblement le « Saut Fédéral »), et donc un revirement idéologique fondé sur la solidarité (avis personnel : c’est pas demain la veille).

𝐆𝐨𝐮𝐯𝐞𝐫𝐧𝐞𝐫, 𝐜’𝐞𝐬𝐭 𝐩𝐫𝐞́𝐯𝐨𝐢𝐫.

Le monde politique s’en prend, soyons clair, plein la gueule. Pas gratuitement, mais basé sur des constats de dysfonctionnements graves et structurels. Pour Bruno Colmant, nous avons besoin d’ « 𝑒́𝑙𝑒𝑣𝑒𝑟 𝑑𝑒 𝑞𝑢𝑒𝑙𝑞𝑢𝑒𝑠 𝑎𝑛𝑛𝑒́𝑒𝑠 𝑙’ℎ𝑜𝑟𝑖𝑧𝑜𝑛 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑑𝑒́𝑐𝑖𝑠𝑖𝑜𝑛 𝑝𝑜𝑙𝑖𝑡𝑖𝑞𝑢𝑒 » et de l’ouvrir à « 𝑙’𝑎𝑝𝑝𝑜𝑟𝑡 𝑎𝑐𝑎𝑑𝑒́𝑚𝑖𝑞𝑢𝑒 𝑒𝑡 𝑠𝑐𝑖𝑒𝑛𝑡𝑖𝑓𝑖𝑞𝑢𝑒 ». En fait il s’agit surtout de « 𝑟𝑒𝑠𝑡𝑎𝑢𝑟𝑒𝑟 𝑙𝑒 𝑐𝑢𝑙𝑡𝑒 𝑑𝑒 𝑙’𝑖𝑛𝑡𝑒́𝑟𝑒̂𝑡 𝑐𝑜𝑙𝑙𝑒𝑐𝑡𝑖𝑓 » (p.139).

Il n’existe selon lui pas de chemin bien défini, mais d’avoir comme principe directeur de « 𝑠𝑢𝑏𝑜𝑟𝑑𝑜𝑛𝑛𝑒𝑟 𝑡𝑜𝑢𝑡𝑒 𝑎𝑐𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑝𝑜𝑙𝑖𝑡𝑖𝑞𝑢𝑒 𝑎̀ 𝑙’𝑖𝑛𝑡𝑒𝑙𝑙𝑖𝑔𝑒𝑛𝑐𝑒 𝑑𝑢 𝑑𝑖𝑎𝑙𝑜𝑔𝑢𝑒 𝑒𝑡 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑣𝑖𝑠𝑖𝑜𝑛 » (p.139 toujours).

Mon avis perso : autant dire qu’il faut alors enlever des téléphones de nos élus non seulement le controversé TikTok mais l’ensemble des réseaux sociaux de toute urgence (vous vous souvenez, la politique spectacle qui doit cesser vite, voir plus haut). Il donne quelques exemples d’états stratèges, montrant qu’ils sont devenus moins vulnérables (sans être immunisés) aux forces du marché.

Mais il va plus loin que ça :« 𝑅𝑒́𝑡𝑟𝑜𝑠𝑝𝑒𝑐𝑡𝑖𝑣𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡, 𝑖𝑙 𝑛’𝑦 𝑎 𝑞𝑢’𝑢𝑛𝑒 𝑚𝑒́𝑑𝑖𝑜𝑐𝑟𝑒 𝑐𝑜𝑟𝑟𝑒́𝑙𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑒𝑛𝑡𝑟𝑒 𝑙’𝑎𝑐𝑐𝑒́𝑙𝑒́𝑟𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑒́𝑐𝑜𝑛𝑜𝑚𝑖𝑞𝑢𝑒 𝑑’𝑢𝑛 𝑝𝑎𝑦𝑠 𝑒𝑡 𝑙’𝑎𝑑𝑜𝑝𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑑’𝑢𝑛 𝑚𝑜𝑑𝑒̀𝑙𝑒 𝑛𝑒́𝑜𝑙𝑖𝑏𝑒́𝑟𝑎𝑙. 𝐶’𝑒𝑠𝑡 𝑙’𝑢𝑛𝑒 𝑑𝑒𝑠 𝑚𝑢𝑙𝑡𝑖𝑝𝑙𝑒𝑠 𝑟𝑎𝑖𝑠𝑜𝑛𝑠 𝑞𝑢𝑖 𝑚𝑒 𝑝𝑜𝑢𝑠𝑠𝑒𝑛𝑡 𝑎̀ 𝑢𝑛 𝑠𝑐𝑒𝑝𝑡𝑖𝑐𝑖𝑠𝑚𝑒 𝑐𝑟𝑜𝑖𝑠𝑠𝑎𝑛𝑡 𝑞𝑢𝑎𝑛𝑡 𝑎̀ 𝑙𝑎 𝑟𝑒́𝑢𝑠𝑠𝑖𝑡𝑒 𝑑𝑢 𝑛𝑒́𝑜𝑙𝑖𝑏𝑒́𝑟𝑎𝑙𝑖𝑠𝑚𝑒 𝑎𝑛𝑔𝑙𝑜-𝑠𝑎𝑥𝑜𝑛 » (p.142).

𝐀𝐥𝐨𝐫𝐬, 𝐨𝐧 𝐟𝐚𝐢𝐭 𝐪𝐮𝐨𝐢 ? 𝐐𝐮𝐞𝐥𝐥𝐞𝐬 𝐩𝐫𝐨𝐩𝐨𝐬𝐢𝐭𝐢𝐨𝐧𝐬 𝐜𝐨𝐧𝐜𝐫𝐞̀𝐭𝐞𝐬 ?

J’ai toujours été embarrassé par les bouquins qui fustigent ceci, cela, puis laissent le lecteur hébété, sans aucune piste. C’est juste pas constructif, ça rajoute de l’angoisse à l’angoisse, laissant entendre qu’il n’y a rien à proposer, ou au pire que c’est au lecteur – souvent bien désarmé – de trouver des solutions. Bruno Colmant formule des propositions, des pistes de réflexions. Certes, quelques-unes sont plus une expérience de pensée, un arc-en-ciel rempli de licornes rieuses (et il en faut : la formulation de nouveaux récits passe aussi par là), mais néanmoins il se plie à l’exercice !

Je vous livre, pêle-mêle, les éléments évoqués : chacun jugera de la pertinence ou de la faisabilité de ses propositions. Remarquez qu’il n’assène jamais d’alternative comme étant une solution magique : il propose au débat, et c’est le genre de chose que j’aime…

j’ai déjà lu des bouquins où les auteurs prétendent savoir ce qu’il faut faire, et c’est catastrophique : souvent technosolutionniste, ou totalement hors-sol. Je ne vous donne même pas les noms.

Mais Bruno Colmant n’est pas de ceux-là, il est cohérent avec son discours et soumet ses idées au débat public. J’ai trouvé pas mal de propositions assez révolutionnaires de la part d’un économiste influent, ayant pignon sur rue ! Et pour ça, je lui dis MERCI !

• L’état ne peut plus abandonner sans contrôle ses attributs régaliens (normes, monnaie, …) au profit d’une économie de marché.• Nous devons entrer dans une ère de démocratie participative, voire mieux : délibérative !

• L’éthique doit revenir au centre des intérêts. Elle a été réduite à la sphère privée (avec les dérives sur les réseaux sociaux qu’on connaît).

• DU LOURD, p.145 : « 𝑗𝑒 𝑐𝑟𝑜𝑖𝑠 𝑞𝑢𝑒 𝑙𝑎 𝑡𝑟𝑎𝑛𝑠𝑖𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑒𝑛𝑣𝑖𝑟𝑜𝑛𝑛𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡𝑎𝑙𝑒 𝑣𝑎 𝑝𝑎𝑠𝑠𝑒𝑟 𝑝𝑎𝑟 𝑢𝑛 𝑟𝑒𝑛𝑜𝑛𝑐𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑎̀ 𝑢𝑛𝑒 𝑝𝑎𝑟𝑡𝑖𝑒 𝑑𝑢 𝑟𝑒𝑛𝑑𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑑𝑢 𝑐𝑎𝑝𝑖𝑡𝑎𝑙, 𝑒𝑡 𝑞𝑢’𝑖𝑙 𝑓𝑎𝑢𝑑𝑟𝑎, 𝑑𝑎𝑛𝑠 𝑢𝑛 𝑝𝑟𝑒𝑚𝑖𝑒𝑟 𝑡𝑒𝑚𝑝𝑠, 𝑞𝑢𝑒 𝑙𝑒𝑠 𝑒𝑛𝑡𝑟𝑒𝑝𝑟𝑖𝑠𝑒𝑠 𝑠𝑜𝑖𝑒𝑛𝑡 𝑑’𝑎𝑢𝑡𝑜𝑟𝑖𝑡𝑒́ 𝑑𝑒́𝑝𝑜𝑠𝑠𝑒́𝑑𝑒́𝑒𝑠 𝑑’𝑢𝑛𝑒 𝑝𝑎𝑟𝑡𝑖𝑒 𝑑𝑒 𝑙𝑒𝑢𝑟𝑠 𝑝𝑟𝑜𝑓𝑖𝑡𝑠 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑓𝑖𝑛𝑎𝑛𝑐𝑒𝑟 𝑙𝑒𝑠 𝑎𝑑𝑎𝑝𝑡𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛𝑠 𝑠𝑜𝑐𝑖𝑒́𝑡𝑎𝑙𝑒𝑠 ».

• Il faut partager les gains de productivité entre les 3 facteurs de production : capital, travail, nature.

• Internaliser de manière autoritaire les externalités négatives (pollutions, destructions, épuisement du capital de départ) dans les coûts de production des biens et des services (ce qui pose d’après moi des problèmes d’équité d’accès et de « pouvoir d’achat », car les prix vont monter, c’est évident).

• Faire émerger les communs (enfin ! il cite Giraud !).

• Considérer le protectionnisme au niveau Européen.• Avancer dans la souveraineté énergétique (bon, la commission en cours chez nos amis français montre bien que ça n’a pas été le cas depuis longtemps, et qu’on n’est pas prêt d’y revenir 😛).

Note importante sur l’énergie : à l’instar de Vincent Mignerot et bien d’autres, Bruno Colmant semble convaincu d’une chose qui me semble essentielle : « 𝐽𝑒 𝑛𝑒 𝑐𝑟𝑜𝑖𝑠 𝑝𝑎𝑠 𝑞𝑢’𝑖𝑙 𝑠𝑜𝑖𝑡 𝑟𝑎𝑖𝑠𝑜𝑛𝑛𝑎𝑏𝑙𝑒 𝑑’𝑒𝑛𝑣𝑖𝑠𝑎𝑔𝑒𝑟 100% 𝑑’𝑒́𝑛𝑒𝑟𝑔𝑖𝑒𝑠 𝑟𝑒𝑛𝑜𝑢𝑣𝑒𝑙𝑎𝑏𝑙𝑒𝑠 𝑎𝑣𝑎𝑛𝑡 𝑑𝑒𝑢𝑥 𝑔𝑒́𝑛𝑒́𝑟𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛𝑠. 𝐸𝑛 𝑙’𝑒́𝑡𝑎𝑡 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑠𝑖𝑡𝑢𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛, 𝑐𝑜𝑛𝑡𝑒𝑚𝑝𝑜𝑟𝑎𝑖𝑛𝑒, 𝑙’𝑖𝑛𝑣𝑒𝑠𝑡𝑖𝑠𝑠𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑑𝑎𝑛𝑠 𝑑𝑒𝑠 𝑒́𝑛𝑒𝑟𝑔𝑖𝑒𝑠 𝑟𝑒𝑛𝑜𝑢𝑣𝑒𝑙𝑎𝑏𝑙𝑒𝑠 𝑖𝑛𝑡𝑒𝑟𝑚𝑖𝑡𝑡𝑒𝑛𝑡𝑒𝑠 𝑐𝑜𝑛𝑑𝑢𝑖𝑡 𝑎̀ 𝑢𝑛 𝑟𝑒𝑐𝑜𝑢𝑟𝑠 𝑎𝑐𝑐𝑟𝑢 𝑎̀ 𝑑𝑒𝑠 𝑒́𝑛𝑒𝑟𝑔𝑖𝑒𝑠 𝑓𝑜𝑠𝑠𝑖𝑙𝑒𝑠 𝑙𝑜𝑟𝑠𝑞𝑢’𝑖𝑙 𝑛’𝑦 𝑎 𝑝𝑎𝑠 𝑠𝑢𝑓𝑓𝑖𝑠𝑎𝑚𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑑𝑒 𝑣𝑒𝑛𝑡 𝑜𝑢 𝑑𝑒 𝑆𝑜𝑙𝑒𝑖𝑙. 𝐸𝑡 𝑡𝑜𝑢𝑡𝑒𝑠 𝑙𝑒𝑠 𝑒́𝑡𝑢𝑑𝑒𝑠 𝑖𝑛𝑑𝑖𝑞𝑢𝑒𝑛𝑡 𝑞𝑢’𝑖𝑙 𝑒𝑠𝑡 𝑎𝑐𝑡𝑢𝑒𝑙𝑙𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑖𝑚𝑝𝑜𝑠𝑠𝑖𝑏𝑙𝑒 𝑑𝑒 𝑟𝑒𝑛𝑐𝑜𝑛𝑡𝑟𝑒𝑟 𝑙𝑒𝑠 𝑏𝑒𝑠𝑜𝑖𝑛𝑠 𝑑’𝑒́𝑛𝑒𝑟𝑔𝑖𝑒 𝑢𝑛𝑖𝑞𝑢𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑝𝑎𝑟 𝑑𝑒𝑠 𝑠𝑜𝑢𝑟𝑐𝑒𝑠 𝑟𝑒𝑛𝑜𝑢𝑣𝑒𝑙𝑎𝑏𝑙𝑒𝑠 » (p.148-149).

• Il faut un état qui ne soit plus capturé par la particratie, dissociée de toute écoute de la population.

• Sortir de la logique des intérêts comparatifs (Ricardo) : redévelopper des compétences domestiques.

• Dompter l’économie numérique (la rendre maitrisable) : au lieu d’essayer de taxer les géants du web, exiger des compensations industrielles en terme d’emploi et de financement des infrastructures qu’elles utilisent (routes, réseau électrique, services postaux, …)

• Un redéploiement de l’enseignement, y compris en formation continue.• Ressusciter un appétit d’entreprendre dans le cadre d’une méritocratie solidaire.

• Revaloriser les salaires les plus bas, surtout dans les services à la personne et le non marchand.• Imaginer un impôt dont la justice et l’équité entrainent le consentement : égalité, certitude, commodité, économie (Adam Smith). Conditionner l’impôt à l’empreinte climatique et environnementale.

• Démarchandiser les services publics essentiels.

• Evoluer vers un capitalisme de coordination proche du modèle Rhénan (voir plus haut).

D’autres possibilités lui posent encore questions :

• Taxer le capital et les plus-values

• Etudier les possibilités et bénéfices d’une allocation universelle.

Quoi qu’il en soit de tout cela, il y a un préalable : « 𝑖𝑙 𝑓𝑎𝑢𝑡 𝑟𝑒𝑠𝑡𝑎𝑢𝑟𝑒𝑟 𝑛𝑜𝑠 𝑑𝑒́𝑚𝑜𝑐𝑟𝑎𝑡𝑖𝑒𝑠 𝑑𝑎𝑛𝑠 𝑙𝑒 𝑠𝑒𝑛𝑠 𝑑’𝑢𝑛𝑒 𝑒́𝑐𝑜𝑢𝑡𝑒 𝑐𝑜𝑙𝑙𝑒𝑐𝑡𝑖𝑣𝑒 𝑞𝑢𝑖 𝑝𝑒𝑟𝑚𝑒𝑡𝑡𝑒 𝑑𝑒 𝑓𝑜𝑟𝑚𝑢𝑙𝑒𝑟 𝑑𝑒𝑠 𝑝𝑟𝑜𝑗𝑒𝑡𝑠 𝑑𝑒 𝑠𝑜𝑐𝑖𝑒́𝑡𝑒́. 𝐿𝑒 𝑑𝑒́𝑓𝑖𝑐𝑖𝑡 𝑑𝑒 𝑑𝑒́𝑚𝑜𝑐𝑟𝑎𝑡𝑖𝑒, 𝑝𝑟𝑒́𝑎𝑙𝑎𝑏𝑙𝑒 𝑎̀ 𝑙’𝑖𝑛𝑠𝑡𝑎𝑢𝑟𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑑’𝑢𝑛 𝑒́𝑡𝑎𝑡 𝑠𝑡𝑟𝑎𝑡𝑒̀𝑔𝑒, 𝑝𝑜𝑟𝑡𝑒 𝑒𝑛 𝑙𝑢𝑖 𝑢𝑛 𝑎𝑣𝑒𝑟𝑡𝑖𝑠𝑠𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 » (p.171).

𝐂𝐨𝐧𝐜𝐥𝐮𝐬𝐢𝐨𝐧 𝐝𝐞 𝐁𝐫𝐮𝐧𝐨 𝐂𝐨𝐥𝐦𝐚𝐧𝐭.

Y’a pas photo, pas besoin de paraphraser, je vous mets quelques phrases :

• « 𝑁𝑜𝑠 𝑡𝑒𝑚𝑝𝑠 𝑟𝑒́𝑣𝑒̀𝑙𝑒𝑛𝑡 𝑙𝑎 𝑓𝑖𝑛 𝑑’𝑢𝑛 𝑚𝑜𝑑𝑒̀𝑙𝑒 » (p.173).

• « 𝑁𝑜𝑢𝑠 𝑛𝑜𝑢𝑠 𝑝𝑟𝑒́𝑐𝑖𝑝𝑖𝑡𝑜𝑛𝑠, 𝑐𝑎𝑟 𝑛𝑜𝑢𝑠 𝑛𝑒 𝑐𝑜𝑚𝑝𝑟𝑒𝑛𝑜𝑛𝑠 𝑝𝑎𝑠 𝑙𝑎 𝑠𝑦𝑠𝑡𝑒́𝑚𝑎𝑡𝑖𝑐𝑖𝑡𝑒́ 𝑑𝑒𝑠 𝑝𝑟𝑜𝑏𝑙𝑒̀𝑚𝑒𝑠 » (p.174), au sens « systémique ».

• « 𝐿𝑒 𝑡𝑒𝑚𝑝𝑠 𝑛𝑜𝑢𝑠 𝑒𝑠𝑡 𝑑𝑜𝑛𝑐 𝑐𝑜𝑚𝑝𝑡𝑒́ 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑟𝑒́𝑒𝑛𝑔𝑎𝑔𝑒𝑟 𝑙𝑒𝑠 𝑐𝑖𝑡𝑜𝑦𝑒𝑛𝑠 𝑑𝑎𝑛𝑠 𝑢𝑛 𝑐𝑜𝑛𝑡𝑟𝑎𝑡 𝑠𝑜𝑐𝑖𝑎𝑙 𝑒𝑡 𝑒𝑛𝑣𝑖𝑟𝑜𝑛𝑛𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡𝑎𝑙 𝑠𝑜𝑙𝑖𝑑𝑎𝑖𝑟𝑒, 𝑐𝑎𝑟 𝑐𝑒 𝑞𝑢𝑖 𝑒𝑠𝑡 𝑒𝑛 𝑗𝑒𝑢, 𝑐’𝑒𝑠𝑡 𝑙𝑎 𝑝𝑎𝑖𝑥 𝑒𝑡 𝑙𝑎 𝑏𝑖𝑒𝑛𝑣𝑒𝑖𝑙𝑙𝑎𝑛𝑐𝑒 𝑠𝑜𝑐𝑖𝑎𝑙𝑒𝑠, 𝑒𝑡 𝑏𝑖𝑒𝑛 𝑠𝑢̂𝑟 𝑛𝑜𝑠 𝑑𝑒𝑠𝑐𝑒𝑛𝑑𝑎𝑛𝑡𝑠 » (p.175).

• « 𝑁𝑜𝑠 𝑔𝑜𝑢𝑣𝑒𝑟𝑛𝑎𝑛𝑡𝑠 𝑑𝑜𝑖𝑣𝑒𝑛𝑡 𝑒́𝑐𝑜𝑢𝑡𝑒𝑟 𝑙𝑒𝑠 𝑝𝑙𝑎𝑖𝑛𝑡𝑒𝑠 𝑝𝑜𝑝𝑢𝑙𝑎𝑖𝑟𝑒𝑠 𝑒𝑡 𝑎𝑔𝑖𝑟 𝑑𝑒 𝑚𝑎𝑛𝑖𝑒̀𝑟𝑒 𝑎𝑝𝑎𝑖𝑠𝑎𝑛𝑡𝑒 𝑝𝑙𝑢𝑡𝑜̂𝑡 𝑞𝑢𝑒 𝑑𝑒 𝑠’𝑒́𝑡𝑜𝑢𝑟𝑑𝑖𝑟 𝑑𝑎𝑛𝑠 𝑑𝑒𝑠 𝑡𝑜𝑢𝑟𝑏𝑖𝑙𝑙𝑜𝑛𝑠 𝑚𝑒́𝑑𝑖𝑎𝑡𝑖𝑞𝑢𝑒𝑠 𝑛𝑎𝑟𝑐𝑖𝑠𝑠𝑖𝑞𝑢𝑒𝑠 𝑒𝑡 𝑐𝑎𝑐𝑜𝑝ℎ𝑜𝑛𝑖𝑞𝑢𝑒𝑠 » (p.175).

• Il nous faut « 𝑟𝑒́𝑝𝑎𝑟𝑡𝑖𝑟 𝑎𝑢𝑡𝑟𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑙𝑒 𝑝𝑜𝑢𝑣𝑜𝑖𝑟, 𝑙𝑒𝑠 𝑟𝑒𝑠𝑠𝑜𝑢𝑟𝑐𝑒𝑠 𝑒𝑡 𝑟𝑒𝑓𝑜𝑛𝑑𝑒𝑟 𝑙𝑒 𝑐𝑜𝑛𝑡𝑟𝑎𝑡 𝑠𝑜𝑐𝑖𝑎𝑙, 𝑟𝑒𝑛𝑓𝑜𝑟𝑐𝑒𝑟 𝑙𝑎 𝑝𝑎𝑟𝑡𝑖𝑐𝑖𝑝𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑑𝑒𝑠 𝑗𝑒𝑢𝑛𝑒𝑠 𝑒𝑡 𝑝𝑟𝑒𝑛𝑑𝑟𝑒 𝑒𝑛 𝑐𝑜𝑚𝑝𝑡𝑒 𝑙𝑒𝑠 𝑔𝑒́𝑛𝑒́𝑟𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛𝑠 𝑓𝑢𝑡𝑢𝑟𝑒𝑠 𝑑𝑎𝑛𝑠 𝑙𝑒𝑠 𝑑𝑒́𝑐𝑖𝑠𝑖𝑜𝑛𝑠 𝑝𝑜𝑙𝑖𝑡𝑖𝑞𝑢𝑒𝑠, 𝑒𝑡 𝑓𝑜𝑢𝑟𝑛𝑖𝑟 𝑑’𝑎𝑣𝑎𝑛𝑡𝑎𝑔𝑒 𝑑’𝑖𝑛𝑣𝑒𝑠𝑡𝑖𝑠𝑠𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡𝑠 𝑝𝑢𝑏𝑙𝑖𝑐𝑠 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑚𝑖𝑒𝑢𝑥 𝑔𝑒́𝑟𝑒𝑟 𝑙𝑒𝑠 𝑐ℎ𝑜𝑐𝑠 𝑒𝑡 𝑙𝑒𝑠 𝑐𝑟𝑖𝑠𝑒𝑠 𝑚𝑜𝑛𝑑𝑖𝑎𝑙𝑒𝑠 » (p.176).• Remettre au centre de tout « 𝑙𝑒 𝑐𝑢𝑙𝑡𝑒 𝑑𝑒 𝑙’𝑖𝑛𝑡𝑒́𝑟𝑒̂𝑡 𝑔𝑒́𝑛𝑒́𝑟𝑎𝑙 » (p.176).

• « 𝐼𝑙 𝑓𝑎𝑢𝑡 𝑞𝑢’𝑎𝑢 𝑟𝑖𝑠𝑞𝑢𝑒 𝑑𝑒 𝑙’𝑖𝑚𝑝𝑜𝑝𝑢𝑙𝑎𝑟𝑖𝑡𝑒́, 𝑙𝑒𝑠 𝑑𝑖𝑟𝑖𝑔𝑒𝑎𝑛𝑡𝑠 𝑑𝑒́𝑚𝑜𝑐𝑟𝑎𝑡𝑖𝑞𝑢𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑒́𝑙𝑢𝑠 𝑟𝑒𝑙𝑒̀𝑣𝑒𝑛𝑡 𝑑𝑒 𝑝𝑙𝑢𝑠𝑖𝑒𝑢𝑟𝑠 𝑎𝑛𝑛𝑒́𝑒𝑠 𝑙𝑒𝑢𝑟 𝑣𝑖𝑠𝑖𝑜𝑛 𝑝𝑜𝑙𝑖𝑡𝑖𝑞𝑢𝑒 » (p.177).

• « 𝐼𝑙 𝑓𝑎𝑢𝑡 𝑎𝑢𝑠𝑠𝑖 𝑞𝑢𝑒 𝑙𝑒𝑠 𝑡𝑒𝑛𝑒𝑢𝑟𝑠 𝑑𝑒 𝑙𝑒́𝑔𝑖𝑡𝑖𝑚𝑖𝑡𝑒́𝑠 𝑐𝑖𝑡𝑜𝑦𝑒𝑛𝑛𝑒𝑠 […] 𝑝𝑜𝑟𝑡𝑒𝑛𝑡 𝑙𝑎 𝑣𝑜𝑖𝑥 𝑑𝑒 𝑐𝑜𝑛𝑠𝑡𝑟𝑢𝑐𝑡𝑖𝑜𝑛𝑠 ℎ𝑢𝑚𝑎𝑛𝑖𝑠𝑡𝑒𝑠. 𝐿𝑒𝑢𝑟 𝑠𝑖𝑙𝑒𝑛𝑐𝑒 𝑠𝑒𝑟𝑎𝑖𝑡 𝑐𝑜𝑢𝑝𝑎𝑏𝑙𝑒 𝑒𝑡 𝑙𝑒 𝑝𝑖𝑒̀𝑔𝑒 𝑑𝑒 𝑙’ℎ𝑖𝑠𝑡𝑜𝑖𝑟𝑒, 𝑐𝑜𝑚𝑚𝑒 𝑒𝑛 1937 » (p.177).

Pour terminer, et souligner le sens de la formule de l’auteur, je vous laisse avec quelques-uns de ses derniers mots, que je partage, et qui rejoint la plupart des conclusions de mes notes de lectures (p.178) :

« 𝐶’𝑒𝑠𝑡 𝑙𝑎 𝑓𝑖𝑛 𝑑’𝑢𝑛 𝑚𝑜𝑑𝑒̀𝑙𝑒. 𝐶’𝑒𝑠𝑡 𝑢𝑛 𝑐ℎ𝑜𝑐 𝑑𝑒 𝑐𝑖𝑣𝑖𝑙𝑖𝑠𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛. 𝑈𝑛𝑒 𝑏𝑟𝑖𝑠𝑢𝑟𝑒. 𝑁𝑜𝑡𝑟𝑒 𝑐𝑜𝑛𝑓𝑜𝑟𝑡 𝑒́𝑡𝑎𝑖𝑡 𝑒𝑛 𝑝𝑎𝑟𝑡𝑖𝑒 𝑖𝑛𝑑𝑢. 𝑁𝑜𝑠 𝑡𝑒𝑚𝑝𝑠 𝑠𝑜𝑛𝑡 𝑐𝑒𝑢𝑥 𝑑’𝑢𝑛 𝑏𝑜𝑢𝑙𝑒𝑣𝑒𝑟𝑠𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑠𝑡𝑟𝑢𝑐𝑡𝑢𝑟𝑒𝑙. […] 𝐿𝑒 𝑛𝑒́𝑜𝑙𝑖𝑏𝑒́𝑟𝑎𝑙𝑖𝑠𝑚𝑒 𝑛𝑜𝑢𝑠 𝑎 𝑎𝑛𝑒𝑠𝑡ℎ𝑒́𝑠𝑖𝑒́𝑠 𝑑𝑎𝑛𝑠 𝑙𝑒 𝑚𝑒𝑛𝑠𝑜𝑛𝑔𝑒 𝑑𝑢 𝑝𝑟𝑜𝑔𝑟𝑒̀𝑠 […] 𝐽𝑒 𝑛𝑒 𝑣𝑎𝑖𝑠 𝑝𝑎𝑠 𝑟𝑒𝑠𝑡𝑒𝑟 𝑎𝑠𝑠𝑖𝑠. 𝑁𝑜𝑢𝑠 𝑛’𝑎𝑙𝑙𝑜𝑛𝑠 𝑝𝑎𝑠 𝑟𝑒𝑠𝑡𝑒𝑟 𝑎𝑠𝑠𝑖𝑠 ».


𝗣𝗼𝘂𝗿 𝗮𝗹𝗹𝗲𝗿 𝗽𝗹𝘂𝘀 𝗹𝗼𝗶𝗻, 𝗾𝘂𝗲𝗹𝗾𝘂𝗲𝘀 𝗰𝗼𝗻𝘀𝗲𝗶𝗹𝘀 𝗹𝗲𝗰𝘁𝘂𝗿𝗲 :

– « Au cœur de la Monnaie, Systèmes monétaires, inconscient collectif, archétypes et tabous », Bernard Lietaer, 2011, éditions Yves Michel.- « Halte à la toute-puissance des banques », Bernard Lietaer, 2012, éditions Odile Jacob.

– « La Tragédie des Communs », Garrett Hardin, 2018, PUF (ma note de lecture ici : https://etatdurgence.ch/…/chro…/la-tragedie-des-communs/).

– « Illusion Financière, des subprimes à la transition écologique », Gaël Giraud, 2012, éditions de l’atelier (ma note de lecture ici : https://etatdurgence.ch/blog/livres/illusion-financiere/).

– « Les conséquences du capitalisme, du mécontentement à la résistance », Noam Chomsky & Marv Waterstone, 2021, Luxediteur, collection Futur Proche (ma note de lecture ici : https://etatdurgence.ch/…/les-consequences-du-capitalisme/).

– « Les 5 stades de l’Effondrement, manuel du survivant », Dimitry Orlov, 2013, Culture & Racines (ma note de lecture ici : https://etatdurgence.ch/…/les-5-stades-de-leffondrement/).


Recherche alternatives politiques au suicide collectif

Paul Blume

S’il était encore besoin de citer les raisons de s’inquiéter de l’avenir des sociétés humaines, la liste serait énorme.

En résumé : des pollutions de toutes tailles, de produits variés, à doses macro-industrielles qui mettent en péril la vie elle-même. Une pseudo-transition énergétique qui s’accompagne d’une croissance inespérée pour les investisseurs de projets d’exploitations de ressources fossiles. Et un greenwashing à hauteur inimaginée qui portent les politiques dits « verts » à soutenir la croissance économique à sauce libérale voir libertarienne. Entre autres.

Force est de constater que ce chemin vers l’anéantissement de notre existence est soutenu par une majorité de citoyennes et citoyens. Les explications multiples et diverses de cette réalité ne font que cacher une réalité dérangeante : une évidente propension à opter pour un suicide dans la joie consumériste plutôt qu’une sobriété salvatrice.

Pour celles et ceux qui s’inquiètent des réalités systémiques et de leurs impacts de plus en plus visibles, il est souvent douloureux d’essayer d’en partager les récits.

Traités de pessimistes au mieux, raillés pour ne pas faire une confiance absolue dans la technologie et dans la capacité intrinsèque de l’humanité à trouver des « solutions », un mur de plus en plus épais semble les séparer des gens dits normaux.

Sauf qu’au delà du respect que l’on peut porter à celles et ceux qui souhaitent quitter la vie collectivement, quelles qu’en soient les raisons ou les biais cognitifs, il est plus que temps que le choix de donner une chance au vivant en général et à la résilience humaine en particulier redevienne LE sujet principal.

Il est également temps que les femmes et les hommes en souffrance de solastalgie, éco-anxiété ou autres formes de dépressions liées aux constats du réel prennent en compte que ce sont leurs pensées qui sont porteuses d’avenir. Les suicidaires sont dans l’autre camp. Et, pour l’instant, ils sont victorieux.

Les moments heureux partagés dans toute une séries de projets dits de « transition » portant sur l’alimentation, l’énergie, l’entraide, etc … permettent d’expérimenter un potentiel alternatif réel.

Une résistance quotidienne à l’apocalypse selon Saint-Profit se met doucement en place.

Reste à trouver des relais politiques. Ou, à tout le moins, de tenter de définir un comportement collectif alternatif à la relance de l’économie de croissance par le soutien aux fossiles et aux technologies réputées indispensables pour ladite croissance.

Ce qui s’est révélé de manière évidente ces dernières années, c’est la disparition progressive et continue du caractère alternatif de l’écologie politique représentée.

Le prochain rendez-vous électoral européen sera-t-il l’occasion de voir enfin apparaître des relais politiques potentiels à la sauvegarde de la vie ?

Si ce n’est pas le cas, faute de temps par exemple, espérons qu’une expression salvatrice se mette enfin en place. L’important étant moins les résultats électoraux que l’idée même d’afficher une pensée non-suicidaire.


Pouvoir d’achat et pouvoir de nuisance

Paul Blume

Entre l’exigence de diminuer la pression de l’économie sur le vivant et les difficultés de plus en plus apparentes à garder une croissance, fut-elle « verte », le débat sur la question sociale ne peut plus être abordé de la même façon qu’au siècle passé.

Classiquement, les revendications des organisations mutuellistes, syndicales et plus largement de défense des droits sociaux reposent sur une exigence de protection des plus démunis et l’accès à plus d’égalité dans la répartition des fruits de la croissance, à plus de performance collective en termes d’accès au logement, l’alimentation, la santé, la culture, etc…

Cette histoire des luttes pour une justice sociale intègre peu d’éléments « externes » telles les conditions écologiques et environnementales ou les relations de l’humanité au vivant.

Mais le vivant se rappelle à nous. Détériorer son environnement à la vitesse de l’industrialisation moderne se paie cher. Quel que soit le modèle social en usage.

La question climatique illustre bien les contradictions de cette guerre que nous menons contre la nature.

Chaque point de croissance s’accompagne d’émissions de gaz à effet de serre supplémentaires et nous rapproche de conditions de vie insoutenables pour nous, humains, mais également pour l’ensemble du vivant.

Dans le concret, les riches émettent proportionnellement beaucoup plus que les plus démunis.

L’exigence de justice sociale n’en est donc que plus exacerbée.

De là à ne pas prendre en compte les risques systémiques qui menacent la vie elle-même, il y a une marge à ne pas franchir. Sous peine d’alimenter les feux d’une croissance mortifère.

Il est temps d’interroger le sacro-saint pouvoir d’achat. Acheter, c’est aussi participer à la mécanique consumériste qui tue.

Le pouvoir d’achat est aussi un pouvoir de nuisance.

Ce constat ne remet pas en cause l’exigence d’équité. Mais bien les moyens utilisés pour y parvenir.

Il n’est plus possible de vivre dans le paradigme du ruissellement. « Toutes et tous plus riches chaque jour » n’est plus envisageable.

Si l’on veut être équitable dans une période de déplétion, il est impératif d’établir des objectifs clairs.

Que veut-on ? Permettre à plus de ménages d’accéder aux vacances en avion ou s’attaquer enfin au sans-abrisme ?

Mettre la priorité sur l’amélioration des conditions de vie des moins nantis implique dorénavant de toucher directement à la répartition des résultats … de la décroissance. Voulue ou subie.

Ce débat reste un impensé des organisations sociales et c’est catastrophique.

Après des décennies de refus par celles-ci d’envisager des socles minimaux universels d’accès à une existence décente, nous affrontons en mauvaise posture les contraintes à la baisse sur la consommation globale.

Les multiples contradictions révélées par la crise actuelle de l’énergie mettent en exergue ces « impossibles » que la majorité des citoyens semblent ne pas vouloir prendre en compte.

L’exigence d’un maintien des prix des énergies fossiles en-dessous d’un certain seuil se comprend facilement au regard des contraintes subies par les ménages et les entreprises.

Cela n’empêche que prendre en compte le caractère inéluctable d’une sobriété croissante est indispensable.

A peine les prix se tassent-ils que certaines agglomérations envisagent de rallumer l’éclairage de nuit.

Le phénomène est le même que celui des résistances à la réduction de la vitesse au volant.

Une recherche permanente d’accroissement du « confort » que seules les contraintes économiques parviennent à ralentir.

Et pourtant nous ressentons déjà les conséquences sur nos vies du réchauffement climatique. Sans évoquer la biodiversité, la perte de capacité de production des sols, les conséquences sanitaires des pollutions multiples, etc …

Toutes ces considérations n’indiquent pas comment faire. Singulièrement dans le cadre des revendications salariales qui animent cette fin d’année.

Il est pourtant plus qu’urgent de réfléchir aux conséquences extra-économiques de nos comportements et revendications.

Nous sommes en état de guerre contre nos propres intérêts vitaux. Et le consumérisme est une arme d’autodestruction redoutable.

Il ne s’agit pas d’un conflit entre fin du mois et fin du monde. Mais d’un débat indispensable pour nos valeurs de solidarité et d’entraide à un moment de l’histoire ou la vie devient chaque jour plus difficile.

Revendiquer une croissance du pouvoir d’achat sans penser comment diminuer le pouvoir global de nuisance est contre productif.

Que faire alors ? Surtout, ne pas éluder la question.

veille : pouvoir achat