Sans Transition

Une nouvelle histoire de l’énergie

Jean-Baptiste Fressoz


Une lecture essentielle 

Ce livre est né d’un malaise ressenti à la lecture des histoires générales de l’énergie. Alors que le charbon vient de connaître un immense essor sur la plupart des continents, des ouvrages universitaires de référence sur le sujet racontent encore des histoires de transition entre systèmes énergétiques. …

Dès les premiers mots, le challenge est posé. L’auteur nous propose un autre regard sur l’histoire des énergies. Et cela commence par l’évocation de l’évolution des consommations de chaque ressource énergétique, dans l’ensemble de leurs usages.

Fortement documenté, l’ouvrage permet de prendre la mesure des progressions de différentes ressources. En valeurs absolues. Et de comparer les enseignements de leurs visualisations avec la présentation de mêmes sources en valeurs relatives.

L’évolution en symbiose des différentes sources d’énergies s’impose et amène l’auteur à retracer pas à pas la genèse du récit de l’évolution en phases qui domine pourtant encore à ce jour.

Nous entrons alors dans l’histoire passionnante des analyses et prospectives qui se sont succédé et les impacts sur certains choix politiques majeurs.

Pour finir, on suit les influences directes des débats énergétiques sur le débat climatique. Cheminement qui révèle quelques parcours individuels marquants dans le fonctionnement du GIEC et questionne la méthodologie de travail de certains groupes en son sein.

Une lecture indispensable pour celles et ceux qui s’intéressent à l’énergie, aux prospectives globales et au Climat.

Paru au Seuil – écocène


Documentation : obsant


Pour le démantèlement immédiat du complexe fossile

Carte blanche parue dans Le Soir

Par Paul Blume, Observatoire de l’Anthropocène; Cédric Chevalier, essayiste, Observatoire de l’Anthropocène; Kim Le Quang, Rise for Climate Belgium; Laurent Lievens, docteur en sociologie et chargé de cours, Observatoire de l’Anthropocène

Le philosophe Frédéric Lordon, grand disciple du philosophe Baruch Spinoza, a poursuivi sa réflexion sur les affects qui règlent les relations humaines, la société, la politique et le fonctionnement de l’Etat. En politique, chacun, chaque camp, chaque parti, cherche à affecter le reste du corps politique afin de le mobiliser, de le mettre en mouvement, dans une direction souhaitée, préférée. Les mots prononcés par les « leaders d’opinion », politiciens, les intellectuels, les activistes, les citoyens, les artistes, dans leurs discours, débats, œuvres d’art nous affectent plus ou moins intensément et nous mettent en mouvement. Les idées, en ce sens, gouvernent le monde, si elles sont capables d’affecter les corps, les puissances d’agir individuelles, dont le corps politique, la puissance de la multitude ou puissance publique, est l’émergence et se traduit dans l’institution de l’Etat mais aussi dans toute organisation composée de membres. Depuis plusieurs décennies, l’écologie scientifique, philosophique et politique a cherché à affecter le corps politique dans son champ d’intervention. Les scientifiques ont usé du langage de la science, prudent, modéré, circonspect, conservateur tandis que les philosophes usaient du langage de la philosophie, rigoureux, aride, conceptuel, tandis que les politiciens usaient du langage de la politique, ambigu, consensuel, cherchant à diviser ou rassembler, cherchant à dévoiler ou à cacher, tandis que les activistes et les artistes usaient du langage de l’activisme et de l’art, cherchant à choquer, à secouer, à bousculer pour provoquer un réveil, une conscience de l’urgence et une mobilisation citoyenne et politique à la hauteur de cette urgence. Ces discours se renforcent ou se déforcent mutuellement, s’affrontent, se composent et se décomposent. C’est ce qui fait l’histoire. Lentement, des lignes bougent, y compris dans les rédactions journalistiques. Mais la réaction, toujours en embuscade, cherche à contrecarrer ce mouvement naissant, cherche à conserver l’inertie du corps politique orientée dans une trajectoire insoutenable. Une lutte de visions du monde, de mots, de partis, de mouvements, est à l’œuvre et va déterminer le sort de millions, de milliards de vies, le détermine déjà. Certains accusent d’autres d’illusion et vice versa. Mais le monde ne connaîtra qu’une seule trajectoire. Sera-t-elle celle de l’effondrement ou celle de la métamorphose ?

Parmi les mots qu’il importe d’introduire dans le débat public, figure ceux de démantèlement immédiat du complexe fossile. Les mots sont forts : démantèlement, immédiat, complexe, fossile.

Qu’est-ce le complexe fossile ? Au sens large, c’est l’économie mondiale, dont le fonctionnement repose encore massivement sur les combustibles fossiles qui nous tuent littéralement, par la pollution de l’air, la catastrophe climatique, la destruction des écosystèmes, l’extractivisme, le consumérisme, et bien d’autres maux. Font partie du complexe fossile : le complexe automobile, le complexe agro-alimentaire, le complexe aérien (tourisme et marchandise), le complexe de la construction (immobilier et routier), le complexe naval (tourisme et marchandise), le complexe plastique, le complexe énergétique et bien sûr, le complexe pétrochimique lui-même, qui les fournit tous en combustibles fossiles. Au sens plus étroit, c’est l’industrie pétrochimique.

Pourquoi le mot complexe ? Il signifie « tissé ensemble » et décrit une manière de penser systémique, non mutilée, où on refuse d’analyser seulement certains morceaux de la réalité, en oubliant d’autres. Ainsi, il n’est pas adéquat de s’attaquer à l’industrie pétrochimique sans s’attaquer à notre usage collectif des combustibles fossiles puisque nous faisons partie du même système. Notre société, l’économie mondialisée est intimement tissée avec le complexe fossile. Impossible de conserver notre société sans les combustibles fossiles, nous n’avons le choix que de changer de société ou détruire l’habitabilité planétaire. Les scientifiques sont clairs : nous devons sortir de toute urgence du fossile.

Que signifie démantèlement ? Cela signifie qu’il faut non seulement refuser tout nouvel inverstissement dans l’infrastructure fossile (cela comprend les routes, les usines de moteurs thermiques, les terminaux gaziers, les centrales au gaz, et les pipelines mais aussi les usines de fabrication de plastiques et les élevages et productions céréalières dépendantes du pétrole et de ses dérivés), mais qu’il faut également fermer et déconstruire l’infrastructure fossile existante, puisqu’elle continue à consommer des combustibles fossiles et donc à émettre de mortels gaz à effet de serre. Une simple analogie : il ne s’agit pas d’ajouter une pompe à chaleur à côté de la chaudière au mazout en priant pour que ça marche, il faut déconnecter, retirer et démanteler la chaudière au mazout (dont les matières et pièces peuvent servir à fabriquer de nouvelles pompes à chaleur). Le démantèlement ne peut être instantané, il faudra des milliards d’heures de travail dans le monde pour démanteler l’infrastructure fossile et construire l’infrastructure économique soutenable. C’est un processus gigantesque qui ne peut pas prendre moins que plusieurs décennies. Jusqu’à présent, nous avons surtout ajouté des éléments soutenables sans retirer les éléments insoutenables. Il ne faut donc pas s’étonner que la situation climatique et écologique empire. Comme s’étonner qu’un alcoolique qui boit un peu d’eau en plus de son whiskey verrait sa santé continuer à se détériorer.

Que signifie immédiat ? Cela signifie que le démantèlement doit commencer aujourd’hui, immédiatement, bien qu’il s’agisse d’un processus de longue haleine, et qu’il doit se dérouler le plus rapidement possible, ce qui nécessite une mobilisation générale des citoyens et le passage des gouvernements et administrations en mode urgence, en mode « économie de guerre ». Chaque jour d’émissions de gaz à effet de serre se traduit par des morts supplémentaires. Tout retard est éthiquement injustifiable. Nous n’avons le choix que de démanteler le complexe fossile dès maintenant, sans attendre, pour minimiser le nombre total de victimes présentes et futures. Cela signifie concrètement que non seulement, on doit mettre fin aux chantiers de construction de nouvelle infrastructure fossile comme les centrales au gaz mais qu’on doit également démanteler une partie de l’industrie pétrochimique anversoise, une bonne partie des aéroports de Zaventem, Liège et Charleroi, ainsi qu’une bonne partie de notre industrie fossile, tout en reconvertissant les sites industriels, les bâtiments, les équipements, les machines, et les travailleurs à des activités économiques, des industries et des emplois soutenables, en suivant une logique de transition juste, où personne n’est laissé de côté. Tant que nous ne voyons aucun démantèlement en cours, nous ne sommes pas en transition et continuons à détruire l’habitabilité planétaire. Nous devons apprendre à retirer et pas seulement à ajouter.

En conclusion, voici 6 revendications à retenir pour un démantèlement immédiat du complexe fossile et la transition juste vers l’économie soutenable :

  1. Pas de nouveaux combustibles fossiles : pas de nouveaux financements publics ou privés, pas de nouveaux accords, licences, permis ou extensions. La mise à disposition d’un financement climatique suffisant et consensuel pour concrétiser cet engagement partout.
  2. Une élimination rapide, juste et équitable des infrastructures existantes, conformément à la résolution de plafonnement de température à 1,5 °C, et un plan mondial, notamment un traité de non-prolifération des combustibles fossiles, pour garantir que chaque pays prenne sa part de responsabilité.
  3. De nouveaux engagements de coopération internationale afin d’de déployer les soutiens financiers, sociaux et technologiques pour assurer l’accès aux énergies renouvelables, les plans de diversification économique, les plans de transition socialement juste, de sorte que chaque pays et chaque communauté puisse se passer rapidement des combustibles fossiles.
  4. Mettre fin à l’écoblanchiment et reconnaître que les compensations, la technologie de captage et de stockage du dioxyde de carbone (CSC) ou la géo-ingénierie sont des illusions.
  5. Tenir les pollueurs responsables de leurs dégâts et veiller à ce que les industries du charbon, du pétrole et du gaz paient des réparations pour les pertes et les préjudices causés au climat et aux populations, ainsi que pour la réhabilitation, l’assainissement et la transition au niveau local.
  6. Mettre fin au lobby réactionnaire des entreprises utilisant les combustibles fossiles : non aux entreprises qui rédigent les dispositions de l’action climatique, qui financent les négociations sur le climat ou qui compromettent la réponse mondiale apportée face au changement climatique.

La multiplication des éoliennes, panneaux solaires et véhicules électriques ne résoudra pas notre problème énergétique

Gail Tverberg

Traduction – Jmp (base DeepL) – article original :
Ramping up wind turbines, solar panels and electric vehicles can’t solve our energy problem

Nombreux sont ceux qui pensent que multiplier les éoliennes, panneaux solaires et véhicules électriques pourrait résoudre les problèmes énergétiques, mais je ne suis pas d’accord. Ces équipements, auxquels s’ajoutent les batteries, les stations de recharge, les réseaux et les nombreuses autres structures nécessaires à leur fonctionnement, sont d’une extrême complexité.

Si des systèmes d’un relativement faible niveau de complexité, comme un barrage hydroélectrique, peuvent parfois aider à résoudre des problèmes énergétiques, il n’est pas possible d’imaginer que des niveaux de complexité toujours plus élevés soient toujours réalisables.

Selon l’anthropologue Joseph Tainter (https://fr.wikipedia.org/wiki/Joseph_Tainter), dans son célèbre ouvrage intitulé « The collapse of complex societies » (https://www.amazon.com/Collapse-Complex…/dp/052138673X), l’accroissement de la complexité conduit à un rendement décroissant. Autrement dit, les innovations les plus intéressantes tendent à être développées en premier ; les innovations ultérieures ont tendance à être moins utiles, quand l’accroissement de complexité induite entraine un coût énergétique trop élevé par rapport au bénéfice apporté.

Dans ce texte, je discuterai plus en détail de la complexité. Je vais également présenter des preuves que l’économie mondiale a peut-être déjà atteint les limites de la complexité. En outre, je vais montrer que la mesure communément admise du « rendement de l’investissement énergétique » (EROEI) (https://www.sciencedirect.com/…/energy-return-on…) se rapporte à l’utilisation directe de l’énergie, plutôt qu’à l’énergie incorporée dans des systèmes complexes. En conséquence, les valeurs d’EROEI tendent à faire penser que les innovations telles que les éoliennes, les panneaux solaires et les VE sont plus performantes qu’elles ne le sont réellement. D’autres mesures similaires à l’EROEI conduisent à des erreurs similaires.

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1/ Dans cette vidéo avec Nate Hagens, Joseph Tainter explique comment l’énergie et la complexité ont tendance à croître simultanément, dans ce que Tainter appelle la spirale énergie-complexité : https://www.youtube.com/watch?v=undp6sgCIX4

Figure 1. The Energy-Complexity Spiral from 2010 presentation called The Energy-Complexity Spiral by Joseph Tainter.

Selon Tainter, l’énergie et la complexité se construisent l’une avec l’autre. Au début, un accroissement de complexité peut être nécessaire pour répondre à une économie en croissance en permettant l’adoption des énergies disponibles. Mais cette complexité croissante implique des rendements décroissants, puisque les solutions les plus faciles et les plus intéressantes sont trouvées en premier. Lorsque les avantages relatifs d’une complexité croissante deviennent trop faibles par rapport à l’énergie supplémentaire requise, le résultat global tend vers un effondrement – ce qui, selon lui, équivaut à une « perte rapide de complexité ».

Une complexité croissante peut aboutir à des biens et services moins coûteux par divers mécanismes :

– des économies d’échelle sont réalisées grâce à des investissements lourds, donc à des entreprises plus grandes ;

– La mondialisation permet de disposer de matières premières et des énergies alternatives, d’une main-d’œuvre moins chère ;

– l’éducation supérieure et une spécialisation accrue favorisent l’innovation ;

– les améliorations technologiques permettent de réduire le coût de fabrication des biens ;

– les améliorations technologiques permettent une optimisation des coûts d’usage, comme des économies de carburant pour les véhicules, de manière permanente.

Pourtant, étrangement, dans la pratique, la complexité croissante tend à entraîner une augmentation de la consommation de carburant, plutôt qu’une diminution. C’est ce que l’on appelle le paradoxe de Jevons. Si les produits sont moins chers, davantage de personnes peuvent se permettre de les acheter et de les utiliser, de sorte que la consommation totale d’énergie tend à être plus importante.

2/ Dans la même vidéo, Tainter décrit la complexité comme quelque chose qui structure et organise un système.

La raison pour laquelle je considère que l’électricité produite par les éoliennes et les panneaux solaires exigent des solutions beaucoup plus complexes que, par exemple, l’électricité produite par les centrales hydroélectriques ou les centrales à combustibles fossiles, est que la production de ces équipements est loin d’être en mesure de répondre directement aux exigences des systèmes électriques actuels. Par exemple les productions électriques éolienne et solaire ont besoin de systèmes complexes pour résoudre les problèmes d’intermittence.

Avec la production hydroélectrique, l’eau est facilement contenue derrière un barrage. Souvent, une partie de cette eau peut être stockée en vue d’une utilisation ultérieure pour répondre aux pics de demande. L’eau accumulée en amont du barrage alimente des turbines, de telle manière que la production électrique est directement compatible avec les impératifs du courant alternatif. Pour cette même raison, l’électricité produite par un barrage hydroélectrique peut s’ajouter facilement aux différents systèmes de production d’électricité disponibles.

En revanche, la production électrique des éoliennes et panneaux solaires nécessite beaucoup plus d’assistance, autrement dit une plus grande complexité, pour être compatible avec les exigences des systèmes de consommation d’électricité. L’électricité produite par les éoliennes a tendance à être très désorganisée. Elle n’est produite qu’en fonction d’un timing qui lui est propre, fonction du vent.

L’électricité produite par les panneaux solaires est organisée, qui répond mieux aux exigences des systèmes de consommation d’électricité, mais par exemple, n’est pas directement compatible avec les impératifs du courant alternatif.

Un problème majeur est que les besoins électriques pour le chauffage sont importants en hiver alors que l’électricité solaire est inversement disponible en été ; pendant que la disponibilité du vent est irrégulière. Des batteries peuvent être ajoutées, mais elles ne peuvent amortir les écarts de production que sur très court terme, quelques jours au mieux.

Au final les différentiels entre offre et demande doivent être lissés par des systèmes parallèles censés être utilisés à minima ; les systèmes « de secours » le plus communément utilisé étant les centrales fonctionnant au gaz naturel, puis celles au pétrole ou au charbon…

Ce qui suppose de doubler le système énergétique électrique, ce qui a un coût plus élevé que celui qu’aurait l’un ou l’autre système exploité seul, à plein temps.

Par exemple, il faut maintenir des centrales électriques au gaz naturel, incluant les infrastructures liées, gazoducs et systèmes de stockage, même si l’électricité produite dans ce cadre n’est utilisée qu’une partie de l’année. Un tel système combiné nécessite des experts dans tous les domaines, notamment en rapport à l’intégration des réseaux électriques, la production de gaz naturel, la réparation des éoliennes et des panneaux solaires, ou encore la fabrication et l’entretien des batteries. Et tout cela nécessite des systèmes de formation adaptés et des échanges internationaux, parfois avec des pays hostiles.

Je considère également que les véhicules électriques sont complexes. Un problème majeur posé par la transition vers les VE est que l’économie aura également besoin d’un double système – pour les moteurs à combustion interne et les véhicules électriques – pendant de très nombreuses années. Les véhicules électriques nécessitent des batteries fabriquées à partir d’éléments provenant du monde entier. Ils ont également besoin d’un maillage de stations de recharge, d’autant que les besoins de recharge sont fréquents.

3/ Tainter souligne que la complexité a un coût énergétique, mais que ce coût est pratiquement impossible à mesurer (https://www.youtube.com/watch?v=undp6sgCIX4)

Les besoins énergétiques sont cachés dans de nombreux domaines. Par exemple, pour avoir un système organisé complexe, nous avons besoin d’un système financier. Le coût de ce système ne peut pas être rajouté. Nous avons besoin de routes modernes, d’infrastructures et d’un système de lois. Le coût d’un gouvernement attribué à ces services ne peut être facilement discerné. Un système de plus en plus complexe a besoin d’éducation pour le soutenir, mais ce coût est également difficile à mesurer. De plus, comme nous le notons ailleurs, le fait d’avoir des systèmes doubles ajoute d’autres coûts qui sont difficiles à mesurer ou à prévoir.

L’engrenage énergie-complexité ne peut pas se poursuivre indéfiniment dans une économie. Celle-ci peut atteindre des limites au moins de trois façons :

[a] L’extraction de ressources de toutes catégories est d’abord effectuée dans les endroits les plus propices. Les puits de pétrole sont d’abord effectués dans des zones où le pétrole est facile à extraire et à proximité des zones de population ; les mines de charbon dans des endroits où le charbon est de même facile à extraire et où les coûts de transport vers les utilisateurs sont faibles ; les mines de lithium, de nickel, de cuivre et d’autres minéraux sont d’abord installées dans les endroits où les filons sont les plus rentables.

Mais le coût de la production d’énergie finit par augmenter, au lieu de diminuer, en raison des rendements décroissants. Le pétrole, le charbon et les produits énergétiques deviennent plus chers. Les éoliennes, les panneaux solaires et les batteries des véhicules électriques ont également tendance à devenir plus chers, car le coût des minéraux nécessaires à leur fabrication augmente. L’ensemble des produits énergétiques, y compris les « énergies renouvelables », ont tendance à devenir moins rentables.

En fait, de nombreux rapports (https://www.wsj.com/…/bps-ceo-plays-down-renewables…) indiquent que le coût de production des éoliennes (https://www.woodmac.com/…/wind-industry-faces-a…/) et des panneaux solaires (https://cen.acs.org/…/US-solar-polysilicon…/100/i33) a augmenté en 2022, rendant la fabrication de ces équipements non rentable. La hausse des prix des produits industriels ou la baisse de la rentabilité de ceux qui les produisent pourraient mettre un terme à la croissance de la demande.

[b] La population humaine a tendance à continuer d’augmenter si les réserves de nourriture et autres sont suffisantes, mais l’offre de terres arables reste presque constante. Ces deux contraintes exercent une pression sur la société pour qu’elle produise un flux continu d’innovations qui permettront d’augmenter la quantité de nourriture par hectare.

Mais ces innovations finissent par avoir un rendement décroissant, ce qui rend plus difficile la possibilité que la production alimentaire soit en mesure de suivre la croissance de la population.

Parfois, la variabilité des régimes climatiques met en exergue le fait que les disponibilités alimentaires sont à la limite du niveau minimum depuis de nombreuses années. La croissance est alors bridée par la flambée des prix des denrées alimentaires et/ou la mauvaise santé des travailleurs soumis à un régime alimentaire inadapté.

[c] La croissance de la complexité atteint des limites, alors que les innovations les plus précoces tendent à être les plus productives. Par exemple, l’électricité ne peut être inventée qu’une seule fois, tout comme l’ampoule électrique. La croissance et la mondialisation sont bridés au delà d’un certain seuil.

Je pense que la dette fait partie de la question de la complexité. À un moment donné, la dette et les intérêts liés ne pourront plus être remboursés. L’enseignement supérieur (indispensable compte tenu d’un haut niveau de spécialisation) atteint ses limites lorsque les travailleurs ne trouvent pas d’emplois avec des salaires suffisamment élevés pour compenser le coût des études, si ce n’est tout simplement de quoi vivre décemment.

4/ Selon Tainter, si l’approvisionnement en énergie disponible se réduit, le système est condamné à se simplifier.

En général, une économie se développe pendant une centaine d’années, atteint les limites de la complexité énergétique, puis s’effondre en quelques années.

Cet effondrement peut se produire de différentes manières. Une forme de gouvernement peut s’effondrer, référence par exemple à l’effondrement du gouvernement central de l’Union soviétique en 1991 qui peut s’interpréter comme une forme d’effondrement à un niveau inférieur de simplicité. Ou cela peut se traduire par la volonté d’un pays d’en conquérir un autre (ce qui peut inclure des problèmes de complexité énergétique), en vue de prendre le contrôle du gouvernement et des ressources du pays cible ; ou encore par un effondrement financier.

Selon Tainter, la simplification ne se produit généralement pas de manière délibérée. Il fournit un exemple de simplification délibérée à travers l’Empire byzantin au 7e siècle. Disposant de moins de ressources pour financer l’armée, il a abandonné certains postes éloignés et a ciblé une approche moins coûteuse pour maintenir les postes de défense restants.

5/ À mon avis, il est facile pour les calculs EROEI (et autres calculs similaires) de surestimer les avantages des systèmes énergétiques complexes.

L’un des principaux points soulevés par le Tainter dans la conférence mentionnée ci-dessus [vidéo] est que la complexité a un coût énergétique, mais que le coût énergétique de cette complexité est pratiquement impossible à mesurer. Il fait également remarquer que si l’intégration d’un niveau de complexité croissant est séduisant, son coût global tend à augmenter avec le temps. Et les modèles ont tendance à éluder les infrastructures et autres éléments requis, offerts par le système global, qui déterminent la possibilité de l’émergence d’une nouvelle source d’approvisionnement énergétique hautement complexe.

L’énergie nécessaire à la complexité étant difficile à mesurer de manière systémique, les modes de calcul de l’EROEI (https://www.sciencedirect.com/…/energy-return-on…) relatifs aux systèmes complexes auront tendance à énoncer que les formes complexes de production d’électricité, telles que l’éolien et le solaire, consomment moins d’énergie (ont un EROEI plus élevé) qu’elles ne le font en réalité.

Le problème est que les calculs EROEI ne prennent en compte que les coûts directs de l’« investissement énergétique ». Par exemple, les calculs ne sont pas conçus pour intégrer les données en lien avec le coût énergétique plus élevé d’un système doublé, chacun étant pour partie sous-utilisé pendant certaines périodes. Les coûts annuels ne seront pas nécessairement réduits de manière proportionnelle.

Dans la vidéo en lien, Joseph Tainter présente l’évolution de l’EROEI du pétrole dans le temps. Ce type d’analyse ne pose pas de problème, les niveau de complexité étant similaires, à fortiori si elle évite la comparaison avec la relativement récente technique de fracking, ce que fait Tainter. En revanche, comparer les EROEI de différents types d’énergie et différents niveaux de complexité peut facilement conduire à des conclusions erronées.

6/ L’économie mondiale actuelle semble d’ores et déjà se diriger à pas feutrés vers une simplification, ce qui suggère que la tendance vers une plus grande complexité a déjà dépassé son niveau maximum, compte tenu du manque de disponibilité de produits énergétiques bon marché.

Je m’interroge sur l’émergence d’une simplification dans le commerce, en particulier le commerce international, car le transport maritime (qui utilise très généralement des produits pétroliers) devient très coûteux. Cela pourrait être considéré comme un type de simplification, en réponse à l’absence d’un approvisionnement suffisant en énergie bon marché.

Figure 2. Trade as a percentage of world GDP, based on data of the World Bank.

D’après la figure 2 (https://i0.wp.com/…/Trade-as-percentage-of-world-GDP…), le commerce international en pourcentage du PIB a atteint un pic en 2008. Depuis lors, on observe une tendance générale à la baisse des échanges, ce qui indique que l’économie mondiale a eu tendance à se rétracter, du moins d’une certaine manière, lorsqu’elle a atteint les limites des prix élevés.

Un autre exemple de tendance à la baisse de la complexité est la chute des inscriptions dans les collèges et universités de premier cycle aux États-Unis depuis 2010 (https://i0.wp.com/…/US-undergraduate-part-time-full…). D’autres données montrent que les inscriptions dans le premier cycle ont presque triplé entre 1950 et 2010, de sorte que l’évolution vers une tendance à la baisse après 2010 représente un tournant majeur.

Figure 3. Total number of US full-time and part-time undergraduate college and university students, according to the National Center for Education Statistics.

La raison pour laquelle ces évolutions sont un problème est que les collèges et les universités ont des dépenses fixes colossales. Les systèmes éducatifs doivent notamment entretenir les bâtiments et les terrains, rembourser des dettes, et financer des professeurs permanents qu’ils se doivent de garder dans la plupart des cas même si le nombre d’élèves diminue. Ils peuvent dans certains cas proposer des pensions qui peuvent ne pas être entièrement financés par les élèves, ce qui ajoute une autre pression sur les coûts.

Selon les membres du corps enseignant des collèges avec lesquels j’ai discuté ces dernières années, des pressions ont été exercées pour améliorer le taux de rétention des étudiants qui ont été admis. En d’autres termes, ils ont le sentiment d’être encouragés à empêcher les étudiants actuels de décrocher, même si cela signifie qu’ils doivent abaisser progressivement leurs critères. Parallèlement, les salaires des professeurs ne suivent pas le rythme de l’inflation.

Les informations suggèrent que les collèges comme les universités ont récemment mis l’accent sur l’obtention d’un corps étudiant plus diversifié. Autrement dit, les étudiants qui n’auraient pas été admis dans le passé en raison de notes insuffisantes au lycée sont de plus en plus souvent admis afin d’éviter que les effectifs ne baissent davantage.

Du point de vue des étudiants, le problème majeur est que les emplois offrant un salaire suffisamment élevé pour justifier le coût élevé d’une formation universitaire sont de moins en moins nombreux. Cela semble être la raison à la fois de la crise de l’endettement des étudiants américains et de la baisse des inscriptions dans les premiers cycles universitaires.

Bien entendu, si les universités abaissent relativement leurs critères d’admission et probablement aussi les critères d’obtention des diplômes, il est nécessaire de « vendre » ces diplômés avec des niveaux de compétence quelque peu inférieurs aux standards habituels aux gouvernements et aux entreprises susceptibles de les embaucher. Il me semble que c’est un signe supplémentaire de la perte de complexité.

7/ En 2022, les coûts énergétiques totaux de la plupart des pays de l’OCDE ont commencé à atteindre des niveaux élevés par rapport au PIB. Lorsque l’on analyse la situation, on constate que les prix de l’électricité s’envolent, tout comme ceux du charbon et du gaz naturel, les deux types de combustibles les plus utilisés pour produire de l’électricité.

Figure 4. Chart from article called, Energy expenditures have surged, posing challenges for policymakers, by two OECD economists.

L’OCDE est une organisation intergouvernementale composée principalement de pays riches qui a été créée pour stimuler le progrès économique et favoriser la croissance mondiale (https://en.wikipedia.org/wiki/OECD). Elle comprend, entre autres, les États-Unis, la plupart des pays européens, le Japon, l’Australie et le Canada.

La figure 4 (« Les périodes de fortes dépenses énergétiques sont souvent associées à une récession » : https://i0.wp.com/…/Estimated-energy-end-use…), a été préparée par deux économistes travaillant pour l’OCDE (graphique tiré de l’article intitulé « Energy expenditures have surged, posing challenges for policymakers » : https://oecdecoscope.blog/…/energy-expenditures-have…/). Les barres grises indiquent une récession.

Ce graphique montre qu’en 2021, les prix de pratiquement tous les coûts associés à la consommation d’énergie ont eu tendance à s’envoler. Les prix de l’électricité, du charbon et du gaz naturel étaient tous très élevés par rapport aux années précédentes. Les seuls coûts énergétiques qui n’étaient pas très éloignés des coûts des années précédentes était ceux du pétrole. Le charbon et le gaz naturel sont tous deux utilisés pour produire de l’électricité, de sorte que les coûts élevés de l’électricité n’ont rien de surprenant.

Dans le graphique, les économistes de l’OCDE notent que « les périodes de fortes dépenses énergétiques sont souvent associées à une récession », ce qui souligne ce qui devrait être évident pour tous les économistes : les prix élevés de l’énergie poussent souvent l’économie vers la récession. Les citoyens sont contraints de réduire les dépenses non essentielles, ce qui réduit la demande et plonge l’économie dans une crise.

8/ Le monde semble se heurter aux limites de l’extraction du charbon. Cette situation, associée au coût élevé du transport du charbon sur de longues distances, conduit à une forte augmentation des prix du charbon.

La production mondiale de charbon est quasiment stable depuis 2011, Statistical Review of World Energy de BP, données 2022 : https://i0.wp.com/…/World-coal-mined-and-world…). La croissance de la production d’électricité à partir du charbon a été presque aussi stable que la production mondiale de charbon. Indirectement, cette absence de croissance de la production de charbon oblige les pouvoirs publics partout dans le monde à se tourner vers d’autres solutions de production d’électricité.

Figure 5. World coal mined and world electricity generation from coal, based on data from BP’s 2022 Statistical Review of World Energy.

[9] Le gaz naturel est aujourd’hui également en pénurie si l’on tient compte de la demande croissante des différents types d’énergie.

Bien que la production de gaz naturel ait augmenté, ces dernières années, elle n’a pas augmenté assez rapidement pour répondre à la demande croissante d’importations de gaz naturel dans le monde. La production mondiale de gaz naturel en 2021 n’était supérieure que de 1,7 % à celle de 2019.

La croissance de la demande d’importations de gaz naturel provient de plusieurs causes simultanées :

– L’offre de charbon étant stable et les disponibilités à l’importation insuffisantes, les pays cherchent à substituer la production d’électricité au gaz naturel à la production d’électricité au charbon. La Chine est le premier importateur mondial de gaz naturel en partie pour cette raison.

– Les pays qui produisent de l’électricité à partir de l’énergie éolienne ou solaire s’appuient sur les centrales au gaz naturel pour répondre rapidement à la demande électrique lorsque l’énergie éolienne ou solaire n’est pas disponible.

– Plusieurs pays, dont l’Indonésie, l’Inde et le Pakistan, ont une production de gaz naturel en déclin.

– L’Europe a choisi de mettre fin à ses importations de gaz naturel par gazoduc en provenance de Russie et a en conséquence besoin de compenser en important du GNL.

10/ Les prix du gaz naturel sont extrêmement variables, selon que le gaz naturel est produit localement ou non, et selon la manière dont il est expédié et le type de contrat dont il fait l’objet. Généralement, le gaz naturel produit localement est le moins cher. Le charbon connaît des problèmes similaires, le charbon produit localement étant le moins cher.

La figure 6 permet une comparaison des prix du gaz naturel dans trois régions du monde (publication japonaise IEEJ, 23 janvier 2013 : https://i0.wp.com/…/Natural-Gas-and-LNG-Prices-from…).

Figure 6. Comparison of natural gas prices in three parts of the world from the Japanese publication IEEJ, dated January 23, 2013.

Dans ce graphique, le prix plancher du Henry Hub (centre de distribution de gaz naturel situé à Erath en Louisiane) est le prix américain, disponible uniquement localement. La production est élevée aux États-Unis, son prix a donc tendance à être bas.

Le prix supérieur est celui constaté au Japon pour le gaz naturel liquéfié (GNL) importé, dans le cadre de contrats à long terme, sur une période de plusieurs années. C’est le prix le plus élevé, que l’Europe paie pour le GNL, sur la base des prix du « marché spot ».

Le GNL proposé sur le marché spot est le seul type de GNL disponible pour ceux qui n’ont pas anticipé les problèmes actuels – dont l’Europe…

Ces dernières années, l’Europe a pris le risque d’obtenir des prix bas sur le marché spot, mais cette approche s’est retournée contre elle dès lors que l’offre en GNL est insuffisante pour répondre à la demande mondiale. Notez que le prix élevé du GNL importé par l’Europe était déjà une évidence en janvier 2013, donc bien avant le début de l’invasion de l’Ukraine.

L’un des principaux problèmes du GNL est que le transport du gaz naturel est extrêmement coûteux, tendant à au moins doubler, voire tripler le prix. Les fournisseurs doivent être assurés d’un prix élevé pour le GNL sur long terme afin de rentabiliser les infrastructures colossales nécessaires pour produire et expédier le gaz naturel sous forme de GNL. Les prix extrêmement variables du GNL ont longtemps freiné les ambitions des producteurs de gaz naturel pour développer ce marché.

Inversement, les prix récents particulièrement élevés du GNL en Europe ont rendu le prix du gaz naturel trop élevé pour les industriels qui ont besoin de gaz naturel pour des processus autres que la production d’électricité, comme la fabrication d’engrais azotés. Ces prix élevés font que la crise consécutive au manque de gaz naturel bon marché se répercute sur le secteur agricole.

La plupart des gens sont « aveugles à l’énergie », surtout lorsqu’il s’agit du charbon et du gaz naturel. Ils partent de l’idée que ces deux combustibles peuvent être extraits à bon marché en abondance, et ce pour toujours.

Malheureusement, pour le charbon comme pour le gaz naturel, le coût du transport a tendance à être très élevé. Et c’est un aspect qui échappe aux analystes. C’est le coût élevé de transport et de livraison du gaz naturel et du charbon qui empêche les entreprises d’extraire réellement les quantités de charbon et de gaz naturel qui semblent être disponibles d’après les estimations des réserves, et non les réserves elles-mêmes.

10/ Lorsque nous analysons la consommation d’électricité de ces dernières années, nous découvrons que les pays – membres de l’OCDE ou non – ont connu des schémas de croissance de la consommation d’électricité étonnamment différents depuis 2001.

La consommation d’électricité des pays de l’OCDE a été quasiment stable, surtout depuis 2008. Mais même avant 2008, la consommation d’électricité n’augmentait que légèrement.

Les arbitrages actuels consistent à électrifier autant que possible les usages dans les pays de l’OCDE. L’électricité devrait être utilisée de manière conséquente pour alimenter les véhicules et chauffer les maisons. Elle serait également davantage utilisée par les industries nationales, notamment pour la fabrication des batteries et des semi-conducteurs. La question est de savoir comment les pays de l’OCDE seront en mesure d’augmenter suffisamment leur production d’électricité pour couvrir à la fois les utilisations actuelles de l’électricité et les nouvelles utilisations prévues, alors que la production d’électricité est restée stable dans le passé.

Figure 7. Electricity production by type of fuel for OECD countries, based on data from BP’s 2022 Statistical Review of World Energy.

La figure 7 (« Production d’électricité par type de ressources pour les pays de l’OCDE », BP’s 2022 Statistical Review of World Energy : https://i0.wp.com/…/2023/02/OECD-Electricity-by-Fuel.png) montre que la part du charbon dans la production d’électricité a diminué dans les pays de l’OCDE, surtout depuis 2008.

La part des « autres » a augmenté, mais juste assez pour que la production globale reste stable. La catégorie « Autres » comprend les énergies renouvelables, notamment l’éolien et le solaire, mais aussi l’électricité produite à partir du pétrole et de la combustion des déchets. Ces dernières catégories sont peu développées.

Le schéma de la production énergétique récente des pays non membres de l’OCDE est très différente.

Figure 8. Electricity production by type of fuel for non-OECD countries, based on data from BP’s 2022 Statistical Review of World Energy.

La figure 8 (« Production d’électricité par type de ressources pour les pays non membres de l’OCDE », BP’s 2022 Statistical Review of World Energy : https://i0.wp.com/…/02/Non-OECD-Electricity-by-Fuel.png) montre que les pays non membres de l’OCDE ont rapidement augmenté leur production d’électricité à partir du charbon. Les autres grandes sources de combustible sont le gaz naturel et l’électricité produite par les barrages hydroélectriques.

Toutes ces sources d’énergie sont relativement peu complexes. L’électricité produite localement à partir de charbon, de gaz naturel et d’hydroélectricité a tendance à être assez bon marché. Grâce à ces sources d’électricité peu coûteuses, les pays non membres de l’OCDE ont pu dominer les marchés de l’industrie lourde et d’une grande partie de l’industrie manufacturière dans le monde.

En fait, si nous examinons la production locale ou nationale des combustibles généralement utilisés pour produire de l’électricité (c’est-à-dire tous les combustibles à l’exception du pétrole), nous pouvons voir un modèle émerger (« Production énergétique des combustibles souvent utilisés pour la production d’électricité dans les pays de l’OCDE », BP’s 2022 Statistical Review of World Energy : https://i0.wp.com/…/OECD-Production-of-Fuels-Used-for…).

Figure 9. Energy production of fuels often used for electricity production for OECD countries, based on data from BP’s 2022 Statistical Review of World Energy.

En ce qui concerne l’extraction des combustibles souvent associés à l’électricité, la production a été réduite ou stagnante, même en incluant les « énergies renouvelables » (éolienne, solaire, géothermique et copeaux de bois). La production de charbon est en baisse. Le déclin de la production de charbon est probablement en grande partie responsable de l’absence de croissance de l’offre d’électricité dans l’OCDE. L’électricité produite localement à partir de charbon a toujours été très bon marché, ce qui a fait baisser le prix moyen de l’électricité.

Un schéma très différent apparaît lorsque l’on considère la production de combustibles utilisés pour générer de l’électricité dans les pays non membres de l’OCDE. Notez que la même échelle a été utilisée pour les figures 9 et 10.

Ainsi, en 2001, la production de ces combustibles était à peu près égale pour les pays de l’OCDE et les pays non-OCDE. Depuis 2001, la production de ces combustibles a presque doublé pour les pays non membres de l’OCDE, tandis que la production des pays de l’OCDE est restée pratiquement stable.

Figure 10. Energy production of fuels often used for electricity production for non-OECD countries, based on data from BP’s 2022 Statistical Review of World Energy.

Un élément intéressant de la figure 10 (« Production d’énergie des combustibles souvent utilisés pour la production d’électricité pour les pays non membres de l’OCDE », BP’s 2022 Statistical Review of World Energy : https://i0.wp.com/…/Non-OECD-Production-of-Fuels-Used…) est la production de charbon pour les pays non membres de l’OCDE, représentée en bleu en bas. Elle a à peine augmenté depuis 2011. C’est une des causes du resserrement actuel de l’offre mondiale de charbon.

Ceci dit, il n’est guère probable que la flambée des prix du charbon contribue notablement à la croissance de la production de charbon à long terme, car les réserves véritablement locales s’épuisent, même dans les pays non membres de l’OCDE. La flambée des prix est beaucoup plus susceptible d’entraîner une récession, et par conséquence des défauts de paiement des dettes, une baisse des prix des matières premières et une diminution de l’offre de charbon.

11/ Je crains que l’économie mondiale n’ait atteint les limites de la complexité ainsi que les limites de la production d’énergie.

L’économie mondiale semble en voie de s’effondrer sur plusieurs années. À court terme, le résultat pourrait ressembler à une mauvaise crise, ou à une guerre, ou peut-être aux deux. Jusqu’à présent, les économies qui utilisent des combustibles peu complexes pour produire de l’électricité (charbon et gaz naturel produits localement, plus production hydroélectrique) semblent s’en sortir mieux que les autres.

Mais l’économie mondiale dans son ensemble est mise à mal par l’insuffisance de l’offre de production d’énergie locale ou nationale bon marché.

Du point de vue physique, l’économie mondiale, ainsi que l’ensemble des systèmes économiques nationaux qui la composent, sont des structures dissipatives (https://gmwgroup.harvard.edu/dissipative-systems).

En tant que telles, le schéma habituel d’une croissance suivie d’effondrement semble inévitable. Mais parallèlement, on peut s’attendre à ce que de nouvelles organisations de structures dissipatives émergent, dont certaines peuvent être mieux adaptées aux conditions changeantes. Ainsi, certaines approches de la « croissance économique » qui semblent inadaptées aujourd’hui pourraient être opportunes à plus long terme.

Par exemple, en supposant que le changement climatique ouvre l’accès à davantage de réserves de charbon dans les régions froides, le principe de « Maximum Power Principle » (principe de puissance maximum ou principe de Lotka : https://en.wikipedia.org/wiki/Maximum_power_principle, ou https://fr.wikipedia.org/wiki/Principe_de_puissance_maximum) suggère qu’une certaine « économie » finira par tirer partie de ces gisements.

Ainsi, alors qu’il semblerait que nous arrivons aujourd’hui aux confins d’un type d’organisation économique, sur le long terme, on peut s’attendre à ce que les « systèmes auto-organisés » trouvent des moyens d’utiliser (« dissiper ») toute source d’énergie à laquelle il est possible d’accéder à moindre coût, en tenant compte à la fois de la complexité et de l’usage des différentes formes de « carburant ».


Merci les V’s

Vincent Mignerot & Vinz Kanté

L’énergie du déni

C’est le vendredi 25 novembre 2022, dans le cadre très accueillant de la Tricoterie à Saint-Gilles (Bruxelles), que Vinz Kanté et Vincent Mignerot ont dialogué sur le rôle de l’énergie dans nos sociétés et les conséquences de la déplétion de celle-ci pour notre futur collectif.

La soirée, interaction avec le public comprise, a été filmée et sera diffusée sur le média LIMIT.

Merci au public bienveillant et participant d’avoir contribué à rendre cette soirée chaleureuse malgré la gravité des thématiques abordées.

Pour retrouver ou découvrir :


L’Énergie du déni

Comment la transition énergétique va augmenter les émissions de CO2

Vincent Mignerot

Pour qui ne connaitrait pas encore Vincent Mignerot, ce sont la concision de l’écriture, la richesse des références et l’implacable rigueur des raisonnements qui attireront certainement en premier l’attention.

L’auteur commence par questionner ce phénomène appelé « énergie ». Cette réalité, inexpliquée à ce jour, qui nous permet de déplacer des montagnes pour leur en arracher du minerais. Ou vivre tout simplement.

Rien de ce qui fait la vie n’y échappe. Sans Énergie, la planète Terre serait un astre mort. Le constat vaut bien de s’intéresser aux principes physiques liés à l’usage des ressources énergétiques.

En à peine une centaine de pages, lectrices et lecteurs seront confrontés aux questionnements fondamentaux de la transition énergétique. Sans concession, démonstrations rationnelles à l’appui, le déni des contraintes est analysé. Démonté.

« Sous une communication massive autour de la transition énergétique se cache la triste réalité d’un monde énergivore à une cadence pathologique que dénonce Vincent Mignerot,… » écrit Cédric Lépine dans Médiapart dans un article à lire ici.

Publié chez l’éditeur Rue de l’échiquier le livre se commande en Belgique dans toutes les excellentes librairies à un prix modique de 10 euros.


pour en savoir plus sur l’auteur : https://obsant.eu/vincent-mignerot/

Les cinq couleurs du Gaz

OA - Liste
Paul Blume

Qu’on se le dise, les gaz à effet de serre sont des gaz à effet de serre. Pas des citrouilles d’Halloween.

D’abord, d’abord, … il y a le Noir.

La couleur du charbon, du pétrole brut.

Des paysages d’Alberta où l’on extrait le gaz de schiste. Des sables bitumineux.

Celle des marées destructrices de paysages côtiers, d’oiseaux englués, des pollutions impayables et non payées par leurs pollueurs.

Celle des percées dramatiques dans les poumons de la Terre. De l’Amazonie ravagée.

Le noir, couleur de climato-sceptiques célèbres. L’un était Président. Un autre l’est encore. D’autres jouent la comédie…

Et puis, il y a l’autre… le Bleu.

La couleur de l’Europe, du Libéralisme, de l’innovation technologique, des fables consuméristes.

Pâle comme le peu de crédibilité d’une croissance économique décarbonée.

Foncé, lisse comme les costumes des communicants spécialisés en Greenwashing.

Bleu comme la promesse d’un nouveau gaz, sans gaz à effet de serre.

Un gaz sécurisant, abondant comme celui de Gazprom …

Bleu comme les océans qui se meurent.

Et puis, il y a les autres … dont le Rouge

A la fibre solidaire, prompt à la révolte sociale, la révolution mondiale.

International dans ses solidarités, aveugle des contraintes environnementales.

Le gaz des sans fins de mois, des démunis, des retraités. L’indispensable gaz de chauffage. Celui de l’électricité pour les déplacements, du fonctionnement des hôpitaux « bien sûr », des aérogares pour la croissance « à partager ».

Le rouge du sang des mammifères disparus.

Des incendies, de la colère des sinistrés.

Sans oublier … le Vert.

Celui du déni, de la trahison. Le vert de la colère des penseurs d’une écologie scientifique.

Vert comme le feu vert donné par deux femmes ministres belges à l’utilisation du gaz … Bleu.

Le vert des environnements qui disparaissent, mais aussi des zones que l’on protège enfin.

Le vert de la collaboration à la croissance mortifère, mais aussi des expériences dites de transition.

Et puis, et puis… il y a le blanc

Le blanc du deuil des autres autres couleurs. Le blanc comme somme des autres couleurs.

Le blanc des abstentions qui préviennent.

Le blanc de la lumière qui viendra, qui vient.

Le blanc violent des soleils trop présents.

Le blanc du drapeau à lever dans cette guerre que nous menons contre la vie.