Le gouvernement de Trump décime les protections climatiques …

et envisage de supprimer une découverte clé sur les gaz à effet de serre

Oliver Milman

deepltraduction Josette – article original d’Olivier Milman paru dans The Guardian

L’administration de Donald Trump va reconsidérer le constat officiel selon lequel les gaz à effet de serre sont nocifs pour la santé publique, une décision qui menace de détruire les fondements des lois américaines sur le climat, au milieu d’un barrage étonnant d’actions visant à affaiblir ou à abroger une foule de limites en matière de pollution sur les centrales électriques, les voitures et les voies navigables.

L’Agence de protection de l’environnement (EPA) de M. Trump a publié mercredi une extraordinaire série d’annulations de règles en matière de pollution, avec en tête l’annonce d’une possible suppression d’une décision historique prise en 2009 par le gouvernement américain, selon laquelle les gaz qui réchauffent la planète, tels que le dioxyde de carbone, constituent une menace pour la santé humaine.

Le constat de dangerosité, qui fait suite à un arrêt de la Cour suprême autorisant l’EPA à réglementer les gaz à effet de serre, constitue le fondement de toutes les règles visant à réduire la pollution qui, selon les scientifiques, aggrave sans équivoque la crise climatique.

Malgré les preuves de plus en plus nombreuses des dégats causés par l’augmentation des émissions, y compris des billions de dollars de coûts économiques, M. Trump a qualifié la crise climatique de « canular » et a rejeté ceux qui s’inquiètent de l’aggravation de ses effets en les qualifiant de « fous du climat ».

Lee Zeldin, l’administrateur de l’EPA, a déclaré que l’agence réexaminerait le constat de mise en danger en raison des préoccupations qu’il a suscitées, à savoir « un programme qui étrangle nos industries, notre mobilité et nos choix de consommation tout en profitant à des adversaires à l’étranger ».

M. Zeldin a écrit que ce mercredi était « le jour de déréglementation le plus important de l’histoire américaine » et que « nous enfonçons un couteau dans le cœur de la religion du changement climatique et inaugurons l’âge d’or de l’Amérique ».

M. Zeldin s’est vanté des changements apportés et a déclaré que la mission de son agence était de « réduire le coût d’achat d’une voiture, de chauffage d’une maison et de gestion d’une entreprise ».

Les écologistes ont réagi avec horreur à cette annonce et ont promis de défendre les conclusions accablantes de la science et la capacité des États-Unis à faire face à la crise climatique devant les tribunaux, qui ont régulièrement invalidé les marches arrière de M. Trump au cours de son premier mandat. « L’ignorance de l’administration Trump n’est surpassée que par sa malveillance envers la planète », a déclaré Jason Rylander, directeur juridique du Climate Law Institute du Center for Biological Diversity (Centre pour la diversité biologique).

« Qu’il s’agisse d’enfer ou de hautes eaux, d’incendies violents ou de vagues de chaleur mortelles, Trump et ses acolytes sont déterminés à faire passer les profits des pollueurs avant la vie des gens. Cette décision ne tiendra pas devant les tribunaux. Nous allons la combattre à chaque étape du processus ».

Au total, l’EPA a publié 31 annonces en l’espace de quelques heures qui visent presque toutes les grandes règles environnementales conçues pour protéger l’air et l’eau propres des Américains, ainsi qu’un climat vivable.

Parmi ces annonces, on peut citer l’annulation d’un plan de l’ère Biden visant à réduire la pollution émise par les centrales électriques au charbon, qui était lui-même une version réduite d’une initiative de l’administration Obama qui a été invalidée par la Cour suprême.

L’EPA va également réexaminer les normes de pollution pour les voitures et les camions, qui, selon M. Zeldin, ont imposé un « régime réglementaire écrasant » aux constructeurs automobiles qui se tournent désormais vers les véhicules électriques. L’agence envisage d’affaiblir les règles limitant la pollution atmosphérique due à la suie, qui est liée à toute une série de problèmes de santé ; elle pourrait supprimer les exigences imposant aux centrales électriques de ne pas souiller les cours d’eau ou de ne pas déverser leurs déchets toxiques ; et elle envisage de restreindre davantage la manière dont elle applique la loi sur les eaux propres (Clean Water Act) en général.

Si elles sont confirmées par les tribunaux, ces actions d’envergure contre les règles en matière de pollution pourraient remodeler l’environnement des Américains d’une manière inédite depuis l’adoption d’une législation majeure dans les années 1970 pour mettre fin à une ère de ciel chargé de smog et de rivières brûlantes qui était devenue la norme après l’industrialisation des États-Unis.

Les polluants provenant des centrales électriques, des autoroutes et de l’industrie sont à l’origine de toute une série de problèmes cardiaques, pulmonaires et autres, les gaz à effet de serre faisant partie de cette pollution qui fait grimper la température mondiale et alimente des vagues de chaleur, des inondations, des tempêtes et d’autres effets catastrophiques.

« L’EPA de Zeldin ramène l’Amérique à l’époque précédant la loi sur la qualité de l’air, lorsque les gens mouraient de la pollution », a déclaré Dominique Browning, directrice de l’association Moms Clean Air Force. « C’est inacceptable. Et honteux. Nous nous opposerons de tout notre cœur pour protéger nos enfants de cette action cruelle et monstrueuse. »

Ces mesures interviennent peu après la décision de l’EPA de fermer tous ses bureaux chargés de lutter contre le fardeau disproportionné de la pollution auquel sont confrontés les pauvres et les minorités aux États-Unis, dans le cadre d’un licenciement massif du personnel de l’agence. M. Zeldin a également ordonné l’arrêt de l’octroi de 20 milliards de dollars de subventions destinées à lutter contre la crise climatique, en invoquant le risque de fraude. Les démocrates se sont interrogés sur la légalité de ces mesures.

D’anciens membres du personnel de l’EPA ont réagi avec stupeur au bouleversement de l’agence.

« Aujourd’hui marque le jour le plus désastreux de l’histoire de l’EPA », a déclaré Gina McCarthy, qui était administratrice de l’EPA sous Obama. « L’annulation de ces règles n’est pas seulement une honte, c’est une menace pour nous tous. L’agence a totalement renoncé à sa mission de protection de la santé et du bien-être des Américains. »

L’administration Trump a promis d’autres reculs en matière d’environnement dans les semaines à venir. Le Conseil pour la domination de l’énergie (Energy Dominance Council) que le président a mis en place le mois dernier cherche à éliminer une vaste gamme de réglementations dans le but de stimuler l’industrie des combustibles fossiles, a déclaré le secrétaire à l’intérieur, Doug Burgum, lors de la conférence sur le pétrole et le gaz CeraWeek qui s’est tenue à Houston mercredi. « Nous trouverons des moyens de réduire la bureaucratie », a-t-il déclaré. « Nous pouvons facilement nous débarrasser de 20 à 30 % de nos réglementations. »


Oliver Milman sur obsant : liste



Trump, la paille et la poutre de la toute puissance

Térence (*)

Ces microdétails dans le panorama plus large ont souvent plus de valeur pour l’évaluation de notre situation, que certains macrophénomènes.

On ne peut « feindre » la suppression de l’interdiction des pailles en plastique, ce n’est pas une « erreur », un « hasard », un « oubli », un « automatisme », un « événement surdéterminé par le Réel », etc.

Non, pour attirer l’attention, la réflexion, la détermination, l’action du POTUS (*), il faut bien que la microscopique paille en plastique reflète intimement ce qui est à l’œuvre, le conatus qui déploie sa puissance d’agir.

C’est donc un signal faible infalsifiable, il exprime exactement ce qu’il veut exprimer. Il nous donne une porte d’entrée directe dans l’esprit de Trump et tous ses soutiens, donc de la majorité des citoyens américains et partant, d’une large partie de la population mondiale qui vote/adhère aux mêmes idées.

Notons en passant qu’on peut boire sans paille (sauf condition médicale). Et qu’on peut boire uniquement de l’eau (sauf nourrissons et condition médicale). Donc si on retire tout le gras, on conclut immédiatement que la paille est superflue à l’Humanité dans 99% des situations. Qu’elle soit en papier ou en inox, elle reste largement superflue (c’est bien de rappeler les fondamentaux du sujet en passant).

Donc on a un signal faible infalsifiable. Il reste à l’interpréter, à la fois sur son processus et sur son intention. Sur le processus, je le répète, on a le POTUS qui utilise du temps de cerveau disponible là-dessus. Cela reflète une intention spontanée (il a vraiment une haine propre de l’interdiction des pailles en plastique) et/ou une intelligence politicienne du sujet (« la paille », c’est quasi 100% de l’électorat qui est concerné). Ici, ce n’est pas un petit élu républicain MAGA du Midwest qui lance une pétition pour rétablir la paille en plastique dans le pays.

Sur l’intention plus générale, je reste assez convaincu de cette hypothèse, qu’il faudrait sans doute préciser :

Ce qui intéresse Donald Trump, c’est la toute puissance. Il conçoit la toute puissance comme la capacité à faire ce qu’il veut selon sa vision du monde, à être au centre de l’attention, à déclencher chez autrui le sentiment que son existence dépend de Trump, à changer la marche du monde (peu importe la direction au fond, ce qu’il veut, c’est être à lui tout seul une force historique, voire tellurique).

C’est le bébé qui fait s’écrouler une tour en blocs de bois. 

Il y a là un fondement anthropologique majeur : le plaisir intrinsèque que l’homo sapiens conçoit dans la conscience de sa propre puissance (je « fais ça » et il se produit quelque chose de significatif : du bruit, de la lumière, une explosion, des rires, des applaudissements, du plaisir corporel, etc.).

Rien de neuf, c’est Spinoza-compatible.

Certains se contentent de jouir de leur puissance à une échelle limitée, ils mènent une vie normale.

D’autres veulent des shoots plus importants, ils veulent plus de puissance pour plus de plaisir, ils veulent même accéder à la toute puissance.

C’est le cas de Trump et Musk, mais aussi Poutine, et vous pouvez compléter la liste vous-mêmes. Certains ne paient pas de mine, ils travaillent dans des labos sur la fusion nucléaire. Mais le désir de toute-puissance est tout à fait le même au fond. 

Je pense que chaque homo sapiens peut déraper et verser dans la toute puissance, à son propre détriment et celui d’autrui.

La puissance est en soi bonne. Tandis que l’impuissance et la toute puissance sont mauvaises. La vie bonne est atteinte via une puissance d’agir humaine/humanisée/écologisée. C’est tout à fait honorable de savoir se nourrir en cultivant sa nourriture (une forme de puissance d’agir). Savoir fabriquer et manier l’outil. Savoir soigner quelqu’un. Savoir palabrer et négocier, savoir décider, savoir se défendre, savoir coopérer, etc. Tout cela c’est la puissance d’agir vertueuse.

Mais Trump se situe dans la toute puissance en termes de psychologie individuelle (comme bien d’autres avant lui : Napoléon, César, Alexandre…) mais aussi dans un cadre, une vision de la puissance qui est typiquement celle qui domine le monde aujourd’hui, et qui est une vision de la puissance comme toute puissance. C’est le délire prométhéen.

Il est évident que l’écologie, c’est l’institution de la Limite, de la Limite face à l’hubris prométhéen, quel qu’il soit (pas seulement environnemental, mais aussi politique : la démocratie et l’autonomie comme valeurs centrales).

Donc ce que veut Trump, c’est le retour, et l’accentuation, de l’ordre de la puissance comme toute puissance. Et tout ce qui va avec : la bombe nucléaire, la grosse armée, le gros pickup, la grosse maison ,le gros gratte-ciel, MAGA ça dit bien ce que ça veut dire, il faut viser la toute puissance.

Et l’interdiction de la paille en plastique, c’est bien l’institution de la Limite, donc c’est l’ennemi que veut abattre Trump. Il veut qu’on continue à produire des tonnes de paille en plastique, qu’on en consomme une par boisson, qu’on la jette, et ainsi de suite car c’est l’expression du « je fais ce que je veux ici, c’est MA planète, JE suis le ROI du MONDE, aucune limite ne s’impose à moi, je suis TOUT PUISSANT ».

De là, on peut reproduire l’analyse à des macro-sujets, comme Gaza, la guerre en Ukraine, le climat, la démocratie US, etc. On ne pourra jamais coincer Trump dans une ligne idéologique claire et bien univoque. Non, il lui importe plus de FAIRE ce qu’il VEUT quand il VEUT et avec qui il VEUT. 

Et il incarne un mouvement très important et majoritaire aux USA qui pense comme lui, qui aspire à la toute puissance.

« On ne discute pas avec le dictateur nord-coréen » –> « Si, moi Trump, je peux le faire ! Car je fais ce que je veux. »

« On ne négocie pas avec Poutine le dépeçage de l’Ukraine » –> Si, moi Trump, je peux le faire… etc. vous avez compris…

Interdisez-lui quelque chose, il le fera.

Il n’a pas de considération pour les limites : l’Autre, la Vie, le Bien commun, la Démocratie, etc. Ces institutions/réalités limitent sa toute puissance, elles devront se plier à sa volonté.

Pourquoi interdire la paille ? Parce qu’elle exprime bien l’institution de la Limite (on peut le faire mais on décide en âme et conscience de ne PAS le faire), c’est le « non du père » des psychanalystes, c’est le père Biden, c’est tout ce que la société essaie de m’empêcher de faire, moi Trump et mes MAGA’s, et donc je fais péter tout ça.

Je pense que l’homo sapiens jouit universellement de sa puissance et encore plus lorsqu’il s’agit d’une puissance excessive/interdite/maléfique.

D’où notre fascination interposée pour les méchants personnages de fiction, ils nous permettent de libérer nos pulsions inavouables à peu de frais (et c’est bien).

On les aime parce qu’ils sont dans la toute puissance (et que nous voudrions bien l’être aussi, plus ou moins secrètement).