Devenez des activistes !

Plus d’un millier de scientifiques spécialistes du climat exhortent le public à devenir des activistes

« Nous avons besoin de vous », déclare Scientist Rebellion, qui comprend les auteurs des rapports du GIEC sur les changements climatiques, alors que les diplomates se réunissent dans le cadre de la Cop28.

4 décembre 2023 – Damien Gayle – traduction deepl / Josette – voir l’article original sur The Guardian


Wolfgang Cramer a participé pour la première fois aux travaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) dans les années 90. Il a travaillé sur le deuxième rapport d’évaluation, publié en 1995, qui confirmait l’existence d’un dérèglement climatique d’origine anthropique. À cette époque, personne ne pouvait dire qu’il ne savait pas ce qui se passait.


Près de trois décennies plus tard, M. Cramer a fait partie de l’équipe scientifique internationale qui a préparé le sixième rapport du GIEC. La conclusion de ce rapport, rendue en mars dernier, lance à la civilisation humaine un sombre « dernier avertissement » : la biosphère est sur le point de subir des dommages irrévocables.

Aujourd’hui, alors que les diplomates se réunissent à Dubaï pour le 28e cycle de négociations sur le climat de la Cop, au cours d’une année qui devrait être la plus chaude jamais enregistrée et alors que les émissions de carbone continuent d’augmenter, M. Cramer est l’un des 33 auteurs du GIEC parmi les 1 447 scientifiques et universitaires qui ont signé une lettre ouverte appelant le public à prendre des mesures collectives pour éviter l’effondrement du climat.


« Nous sommes terrifiés », préviennent-ils. « Nous avons besoin de vous. »


« Où que vous soyez, devenez un défenseur ou un activiste du climat », implore la lettre, publiée lundi par Scientist Rebellion, un groupe d’activistes du climat. « Rejoignez ou créez des groupes qui militent en faveur de politiques visant à garantir un avenir meilleur. Contactez les groupes actifs dans votre région, renseignez-vous sur leurs réunions et participez-y.


« Si nous voulons créer un avenir vivable, l’action climatique doit cesser d’être quelque chose que les autres font pour devenir quelque chose que nous faisons tous. »


Cette lettre est envoyée alors que les délégués se réunissent aux Émirats arabes unis, un pays riche en pétrole, pour la Cop28. Ils y débattent de la question de savoir s’il convient d’ « éliminer » ou de « réduire progressivement » l’utilisation des combustibles fossiles émetteurs de gaz à effet de serre, qui sont la principale cause du dérèglement climatique. Un fonds a été créé pour les pays les plus pauvres, pour lesquels les catastrophes liées au climat sont déjà une réalité.

Wolfgang Cramer déclare que lui et ses collègues scientifiques étaient de plus en plus frustrés. Les gouvernements occidentaux, les gouvernements européens ont tendance à dire : « Oh, nous faisons déjà beaucoup » », a-t-il déclaré au Guardian. « Et oui, bien sûr, nous devons nous en féliciter, nous devons nous réjouir de chaque petit pas dans la bonne direction.


« Mais je pense que l’échec de la communication en ce moment est de parler suffisamment de l’inadéquation, de la déconnexion totale, entre les engagements que nous voyons de la part des gouvernements lors des Cop, et dans la mise en œuvre de leurs engagements à la maison, d’une part, et les objectifs clairs de l’accord de Paris, d’autre part. »


En amont de la Cop28, le Programme des Nations unies pour l’environnement a lancé un avertissement sévère selon lequel les politiques nationales de réduction du carbone sont si insuffisantes que le réchauffement de 3 °C (5,4 °F) par rapport aux niveaux préindustriels sera atteint au cours de ce siècle, soit le double de la limite de 1,5 °C (2,7 °F) qui, selon les accords de Paris sur le climat, permettrait d’éviter les effets les plus catastrophiques de l’effondrement du climat.

« Aucun pays n’agit dans le sens d’un réchauffement de 1,5°C », indique la lettre de Scientist Rebellion. « Poursuivre sur cette voie entraînera des souffrances indicibles. De grandes parties de notre planète deviendront inhabitables, créant des centaines de millions de réfugiés, des famines sans précédent et de graves conflits politiques ».


Mais « nous n’avons pas à nous résigner à cet avenir », insiste le rapport. « Les solutions existent, mais leur mise en œuvre dépend d’une « mobilisation à grande échelle de la société » pour vaincre les intérêts particuliers qui profitent du statu quo.


« Nous devons rapidement abandonner les combustibles fossiles, mais la Cop28 est présidée par le PDG d’une compagnie pétrolière, ce qui illustre l’influence profonde de ce pouvoir bien établi », ajoute la lettre.


Minal Pathak, professeure associée au centre mondial pour l’environnement et l’énergie de l’université d’Ahmedabad et autre signataire, était scientifique principal dans l’unité de soutien technique du groupe de travail III du sixième rapport du GIEC, qui portait sur l’atténuation de la dégradation du climat. Tout comme M. Cramer, elle s’est sentie frustrée par l’impuissance apparente des avertissements des scientifiques. Elle a déclaré au Guardian qu’elle était en fait en colère.

« À un moment donné, on aurait pu penser que la rédaction d’articles percutants dans des revues de grande qualité ou la publication de rapports de l’ONU étaient la solution pour établir des preuves », a-t-elle déclaré. « Mais apparemment, cela ne fonctionne pas, n’est-ce pas ? Ou ne fonctionne pas comme il le faudrait. Je suis vraiment, vraiment déçue de la façon dont les choses se passent. J’ai une fille adolescente et j’ai vu ce qui s’est passé pendant une décennie. Qu’est-ce qu’il faut faire, vraiment, pour agir ? »



Sauvegardons Neerpede

Un projet d’étang de baignade au cœur du Parc des Étangs de Neerpede met en danger la biodiversité

Josiane Van Obbergen

Le mouvement citoyen « Sauvegardons Neerpede » s’oppose au projet d’étang naturel de baignade sur l’un des 3 principaux étangs du Parc des Etangs de Neerpede, à Anderlecht.

Le 6 décembre 2021, le ministre bruxellois de l’Environnement Alain Maron a convoqué la presse pour annoncer la création du premier étang de baignade à Neerpede en 2024. Bruxelles-Environnement venait de publier une étude de faisabilité envisageant la transformation des étangs Mayfair ou Moyen en un étang « naturel » de baignade, et d’indiquer lequel serait le plus approprié à cette activité. C’est l’étang Moyen qui a été retenu.

L’étang Moyen constitue la partie centrale du futur Parc de Neerpede, situé dans le quartier de Neerpede, partie excentrée d’Anderlecht nichée dans le sud-ouest de Bruxelles. L’étang Moyen, l’étang Mayfair et le bassin d’orage Bruxelles Mobilité constituent le périmètre visé par le projet et occupent le centre de l’enfilade des étangs de Neerpede et de Marius Renard. Cette partie ne peut pas être isolée des autres étangs qui assurent ensemble d’équilibre écosystémique de ce couloir écologique. Cet endroit encore préservé de la ville, havre semi-sauvage de plans d’eau, de friches, de ruisseaux, de boisements, de champs, de prairies et cheminements déjà présents et praticables, remplit le rôle de poumon vert d’Anderlecht, en périphérie de Bruxelles.

Suivant Bruxelles-Environnement, l’enfilade fait partie du réseau écologique bruxellois et présente des zones à très haute valeur écologique, haute valeur biologique et valeur biologique importante. L’étang Moyen est majoritairement de valeur biologique importante.

Pour le mouvement citoyen « Sauvegardons Neerpede », à l’heure où l’importance de la biodiversité, l’importance de protéger la nature et l’importance de développer des zones vertes dans les quartiers n’en ayant pas, ne sont plus à démontrer, il est inconcevable de proposer une activité qui drainera une foule trop importante pour la préservation d’un tel espace vert.

La présence de 225 baigneurs simultanément ainsi que de toutes les personnes qui s’accumuleront aux abords de l’étang (2000 personnes par jour) pour profiter d’une aire de repos, tout au long de la journée, apporteront immanquablement des nuisances au site tout entier.

D’autre part, la présence massive de personnes entraînera un changement radical en transformant cet endroit paisible où chacun.e peut venir se ressourcer au contact de la nature en un endroit bruyant et hyper actif.

Le Plan Régional de Développement Durable (PRDD) adopté en 2018, a pour ambition d’apporter les réponses adéquates aux défis et enjeux que connaît Bruxelles en tant que territoire urbain.

Autour de l’étang de baignade de Neerpede, les aires de repos se situent pour certaines dans une zone définie comme étant un « site semi-naturel à protéger et à revaloriser ».

En 2020 et 2021, une phase test a été menée sur quelques jours, quelques heures et uniquement sur réservation. Cette phase test a démontré qu’une jauge réduite de 15 personnes devait être respectée pour préserver la biodiversité. Aujourd’hui, il est effectivement interpellant de constater que la jauge a été multipliée par 17 et que la préservation de la biodiversité a perdu de son intérêt.

La commune d’Anderlecht possède une piscine intérieure au Céria, une piscine en plein air, à côté du canal, au niveau du pont Marchant («Flow», projet géré par Pool is Cool), ouverte depuis 2021 pendant les mois d’été et la future piscine aux Abattoirs de Cureghem, sur le toit du bâtiment Manufacture. Bruxelles-Ville a également un projet de piscine naturelle au quai Béco.

Le permis d’urbanisme et d’environnement pour le projet d’étang de baignade a été déposé en décembre 2022. En mars 2023, l’enquête publique a été lancée. Celle-ci s’est terminée en avril de la même année. Le 15 mai 2023, l’avis de la Commission de Concertation a été publié : pas d’avis commun. Abstention de Bruxelles Environnement (le porteur du projet), avis défavorable de la commune d’Anderlecht et avis favorable d’URBAN (section Monuments et Sites et Urbanisme) sous conditions.

A partir de l’avis, le dossier repasse aux mains de la Région. Bruxelles Environnement a 6 mois pour revoir sa copie et doit répondre à chaque condition émise dans l’avis. Dans certains cas, ce délai peut être prolongé. Le collectif citoyen « Sauvegardons Neerpede » craint que l’administration régionale de l’Urbanisme passe outre et n’accorde un permis malgré tout.

En un mot, l’ambition régionale vise à rassembler les différentes zones en un tout cohérent, sur les 40 hectares du futur Parc de Neerpede. S’opposer à cette première phase est donc crucial pour la préservation de l’ensemble du site sur le long terme.

Le collectif citoyen « Sauvegardons Neerpede » a été co-fondé par Madame Yannick Laurent en décembre 2021 suite à l’annonce de Monsieur Alain Maron de l’ouverture du premier étang de baignade à Neerpede en 2024, comme si c’était un fait accompli.

Sauvegardons Neerpede s’oppose à la transformation de ce site du maillage vert et bleu en une zone récréative nuisible à la faune, à la flore et à la quiétude ambiante.

Il dénonce le détournement du Plan Opérationnel de Neerpede, datant de septembre 2020, à des fins récréatives de masse par pure ambition mégalomane. Malgré les dires de certains acteurs impliqués dans l’élaboration du projet, aucune concertation citoyenne et surtout riveraine n’a été organisée.

Sauvegardons Neerpede a lancé une pétition en ligne et papier (actuellement plus de 7000 signatures). Le mouvement est présent sur les réseaux sociaux. Des affiches et des communiqués de presse ont été diffusés. Des rencontres avec les porteurs du projet et la commune ont été planifiées et le seront encore.

Vu que rien n’est décidé encore, de nouveaux arguments sont en cours de développement ainsi qu’une éventuelle action au Conseil d’État. Sauvegardons Neerpede continue le combat. Parce que tous les espaces verts de Bruxelles encore intacts tissent la trame de la survie sur le long terme de toutes les espèces dont nous faisons partie. La nature nous sauve et non le contraire. Ne sacrifions par l’étang Moyen, futur martyr écologique, à l’autel d’un récréatif consumériste ! Neerpede est un lieu à préserver de toute urgence, avant qu’il ne soit trop tard.

Afin d’être informés des suites du dossier, vous pouvez vous abonner à la page Facebook de Sauvegardons Neerpede. Vous y trouverez également les moyens mis à disposition pour soutenir le collectif.


Documentation & contact :


Pour signer la pétition :

https://www.change.org/p/a-la-région-bruxelloise-sauvegardons-neerpede


Freiner ? Pas ma priorité…

Aasha Cinta, activiste
Jérôme Beitz, enseignant en sciences
Justine Foubert, logopède
Matteo Pisano, activiste de Youth for Climate
Samuel Melchior et Stéphane Vanden Eede, co-fondateurs du collectif Pakman

Ceci n’est pas un conte …

Il conduit droit vers le mur. Elle (la passagère) alerte. Les enfants, à l’arrière, n’éprouvent pas, dans leur chair, la gravité de la menace.

Elle demande :

  • Pourquoi tu ne freines pas ? » 

Il (le conducteur) répond : 

  • Les enfants me font confiance pour être à l’heure à la fête, voilà mon seul objectif ; ils attendent de moi que je tienne ma promesse. Tu n’as qu’à essayer de gagner leur confiance si tu penses que les enfants préféreraient arriver en vie. Ton discours catastrophiste ne les séduira jamais.
  • Prétends-tu que j’ai tort dans mon constat que nous allons droit vers la catastrophe ?
  • Non, je ne remets pas en question ce que tu me dis, tu as raison sur le fond. Mais, c’est moi qui conduis, j’ai entendu ton alerte et tu ne peux pas dire que je ne freine pas.
  • Mais tu ne freines pas assez fort ! Tu devrais freiner pied au plancher, il nous reste une fenêtre d’opportunité.
  • Si je freine en catastrophe, je risque d’abîmer mes pneus et la décélération brusque risque de secouer les enfants.
  • Mais, on n’a pas le choix, il faut accepter d’être bousculé. Je veux juste que nous restions tous en vie, s’il te plait.
  • Vous avez entendu à l’arrière ? Elle veut vous imposer des décisions au détriment du confort paisible que vous méritez, n’est-ce pas ? Évaluez la situation les enfants, sans prendre en compte nos avis. De mon côté, en toute impartialité et neutralité, nous agirons en fonction de vos délibérations.
  • Mais nous n’avons pas le temps. Freeeeeeeeeine !

Crash

Il n’a jamais avoué qu’il s’en foutait éperdument que les enfants soient à l’heure à la fête. Il souhaitait garder le volant, le contrôle. Il ne pouvait donc pas avouer que la passagère avait raison. Il les utilisait comme prétexte à son unique intérêt personnel : conserver à tout prix le pouvoir.

La passagère, consciente du danger, aurait peut-être dû prendre par la force sa place afin de leur sauver la vie. Malgré les appels à l’aide, les preuves d’une mort certaine si rien ne change, malgré les discussions paisibles et les interpellations directes et radicales, la trajectoire reste mortifère. L’obéissance à la décision du conducteur les a écrasés contre le mur; pour seule issue, ils étaient condamnés à la désobéissance.

Évidemment, ce n’est pas un crash soudain ! C’est la destruction progressive du vivant, c’est la terre de nos agriculteurs en 2020, c’est la vie des habitants le long de la Vesdre en 2021, ce sont les forêts en 2022, c’est l’air que l’on respire, c’est l’eau que l’on boit, c’est au Pakistan, en Libye, au Mexique, en Flandre occidentale, dans le nord de la France… C’est, cette société qui se meurt en plein burnout collectif, étranglée par un système financier cyniquement inhumain et menacée démocratiquement par les poussées ultralibérales, tout récemment en Argentine et aux Pays-bas, qui se nourrissent des pulsions de replis sur soi face à la migration climatique que notre confort occidental cause silencieusement.

Pour manifester, pour s’informer, cela prend du temps. Nous consentons d’être dépossédés de notre temps : il faut conduire les enfants au foot, étudier pour les examens, se vider la tête, abandonner son écran… Le vivant ? La biodiversité ? Le climat ? La lutte des classes ? Le vivre ensemble ? Certains diront “c’est important, oui… mais ce n’est pas ma priorité ! » On a tous mieux à faire de notre temps que de marcher pour une cause qui nous dépasse…

Comprenez-vous pourquoi on se bat ?

La tête dans le sable, notre déni collectif masque l’issue funeste. Mais si on retire les mains de nos yeux et de nos oreilles, on constatera que le mur devant nous se rapproche inéluctablement.

Sur la même route, Camille E. avait annoncé à tous les occupants de son bus que deux passagers, tirés au sort, allaient dialoguer avec Peter K. afin d’évaluer la situation et rapporter les faits aux passagers et rapidement voter une décision. Ainsi, ces deux passagers s’adressent aux autres de manière très claire : “Il y a un mur sur la route ; si nous ne freinons pas, nous mourrons et souffrirons”. Un vote à main levée est unanime et contraint Camille à un freinage d’urgence les secouant tous, tant le bus avait une vitesse au-delà des limites physiques pour leur sécurité.

Crash

Malgré de gros dégâts matériels et de nombreuses blessures lourdes, toutes les vies sont sauvées. Camille E. avait déjà commencé à ralentir doucement car elle avait conscience que ses responsabilités l’obligeaient à appliquer le principe de précaution.

Nous sommes toutes et tous des passagers et peu de nous sont conducteurs. Les passagers de ces véhicules à la course folle ont un certain pouvoir sur le conducteur, les inégalités font que certains sont à l’avant et que d’autres se trouvent tout au fond du bus. Des gardes violents bloquent parfois l’accès à la cabine, ce qui oblige ceux qui n’en ont pas à agir plus rapidement. Il est vital et urgent de libérer la parole, avec ses proches, sur les réseaux sociaux, dans les écoles, les centres culturels… La situation semble calme mais une seule question doit guider l’agenda de nos actions : on est toujours en vie mais pour combien de temps ?

Le jour où l’on aura la réponse à cette question, il sera probablement trop tard, la fenêtre d’opportunité ne sera plus qu’un regrettable souvenir. Alors, sortons vite de notre déni collectif ! Déplaçons rapidement ces conducteurs de leurs outils de pouvoir tant que cette fenêtre est encore ouverte, ne serait-ce que légèrement. Gardons en tête que cette réalité honteuse est la conséquence directe de la stratégie des industries fossiles et plus largement du système capitaliste. Mais surtout, ne commettons pas l’erreur de baisser les bras ! Car même si la situation est objectivement catastrophique, il est techniquement encore temps d’agir pour que notre avenir ressemble à celui du bus et non celui de la voiture.

Rendez-vous le 3 décembre dans les rues de Bruxelles !

Parce que c’est LA première priorité !


Plus de 2° ?

reprise d’un post de Thomas WagnerBon Pote – sur Linkedin

Pour la première fois, la planète Terre aurait franchi le 17 novembre la barre des +2°C de réchauffement mondial, par rapport à la période de référence 1850-1900 (données ERA5, ECMWF)
Cela ne veut pas dire que l’Accord de Paris est enterré, mais ce n’est clairement pas une bonne nouvelle. Pour pouvoir dire que l’objectif des +1.5°C ou +2°C de réchauffement est enterré, il faudrait que ce soit le cas sur une moyenne à 20 ans comme le GIEC le présente, et non une seule journée.
MAIS. Pendant ce temps, la semaine dernière, nous apprenions que les promesses des gouvernements permettraient de baisser de 2% les émissions d’ici 2030, et non de 43% comme il le faudrait pour avoir une chance de respecter l’Accord de Paris.
Les records continuent d’être battus un par un en 2023, pendant que l’inaction climatique des gouvernements nous précipite vers un monde en partie inhabitable. Si un monde réchauffé de +2°C ne vous parle pas, plusieurs articles sont disponibles en accès libre sur Bon Pote, n’hésitez jamais à demander ou poser des questions.
On aimerait vraiment que les médias s’emparent du sujet et en fassent une priorité.
Pour suivre quotidiennement le sujet, ce n’est pas le cas.
Nous avons aussi besoin que les politiques en parlent et relayent ce message. Que les citoyens et citoyennes relayent également. Nous aurons besoin de tout le monde.

documentation :


Le « vacillement » des systèmes terrestres nous met en garde :

agissons maintenant, ou nous verrons disparaître notre paradis déjà dégradé.

George Monbiot

Deepl traduction : Josette – The ‘flickering’ of Earth systems is warning us: act now, or see our already degraded paradise lost – 31 octobre 2023

Lorsque Rishi Sunak a accordé 27 nouvelles licences en mer du Nord cette semaine, il ne pensait pas à la survie du monde vivant.

Le voyez-vous déjà ? L’horizon des systèmes terrestres – le point où nos systèmes planétaires basculent dans un nouvel équilibre, hostile à la plupart des formes de vie ? Je pense que oui. L’accélération soudaine des crises environnementales que nous avons connue cette année, associée à l’inutilité stratégique des puissants gouvernements, nous précipite vers le point de non-retour.

On nous dit que nous vivons la sixième extinction de masse. Mais il s’agit là d’un euphémisme. On parle d’extinctions massives parce que le signe le plus visible des cinq catastrophes précédentes de l’ère phanérozoïque (depuis l’apparition des animaux à corps dur) est la disparition des fossiles dans les roches. Mais leur disparition est le résultat de quelque chose d’encore plus grand. L’extinction de masse est un symptôme de l’effondrement des systèmes terrestres.

Dans le cas le plus extrême, l’extinction Permien-Trias, il y a 252 millions d’années – lorsque 90 % des espèces ont disparu -, les températures planétaires ont grimpé en flèche, la circulation de l’eau autour du globe s’est plus ou moins arrêtée, le sol a été dépouillé, les déserts se sont étendus sur une grande partie de la surface de la planète et les océans se sont désoxygénés et acidifiés de manière drastique. En d’autres termes, les systèmes terrestres ont basculé dans un nouvel état, inhabitable pour la plupart des espèces qu’ils abritaient.

Ce que nous vivons aujourd’hui, à moins que nous et nos gouvernements ne prenions des mesures soudaines et radicales, est le sixième grand effondrement des systèmes terrestres.

Dans de nombreux systèmes terrestres, nous observons désormais le type d’instabilité – que les théoriciens des systèmes appellent « vacillement » – qui pourrait suggérer qu’ils s’approchent d’un point de basculement. Selon un article publié cette année, la perte totale de la glace de mer de fin d’été dans l’Arctique est désormais acquise et pourrait se produire dès les années 2030. Ce phénomène est susceptible de déclencher des phénomènes météorologiques encore plus extrêmes dans l’hémisphère nord en raison de l’affaiblissement du courant-jet.

Dans l’Antarctique, la fonte de la glace de mer s’est considérablement accélérée au cours de l’été austral cette année, après quoi elle ne s’est étrangement pas rétablie au cours de l’hiver austral. Cela suggère un changement d’état de plus en plus rapide, qui pourrait entraîner l’effondrement en cascade des plates-formes de glace d’eau douce perchées au-dessus de la glace de mer, ce qui aurait des conséquences catastrophiques sur l’augmentation du niveau des mers à l’échelle mondiale.

La fonte, à son tour, semble affecter la circulation des courants dans l’océan Austral, qui a ralenti d’environ 30 % depuis les années 1990. Ce phénomène entrave le transfert de chaleur et de froid et réduit l’oxygénation. On observe des effets similaires dans l’hémisphère nord, où la fonte des glaces de l’Arctique a réduit la circulation dans l’Atlantique.

De nouvelles recherches menées en Amazonie ont mis en évidence ce que les scientifiques appellent des « signaux précurseurs » d’une « transition critique imminente ». La combinaison de la déforestation et du dérèglement climatique pourrait interrompre la circulation des précipitations dans le bassin, déclenchant un passage rapide de la forêt tropicale à la savane.

Les vastes puits de carbone que constituent les zones humides tropicales et les tourbières pergélisolées de l’Arctique semblent également s’approcher d’un point de basculement, comme le suggèrent les pics soudains de méthane, de dioxyde de carbone et d’oxyde nitreux. Ces zones font partie des réserves de carbone les plus importantes au monde, mais par le biais d’une rétroaction auto-accélérée classique, certaines d’entre elles se transforment maintenant en puissantes sources de gaz à effet de serre.

Le mois de juillet de cette année a été le plus chaud jamais enregistré. Le mois de septembre a battu le précédent record de 0,5 °C. Un article publié l’année dernière explique comment cette dégradation du climat pourrait entraîner un effondrement de la société. Par exemple, dans moins de 50 ans, un tiers de la population mondiale pourrait vivre dans des endroits aussi chauds que le sont aujourd’hui les zones les plus chaudes du Sahara, souvent dans des régions déjà très instables sur le plan politique. Et ce n’est pas le pire. L’une des conséquences possibles de l’augmentation des concentrations de dioxyde de carbone au cours de ce siècle est la disparition soudaine des couches de nuages stratocumulus, ce qui entraînerait un réchauffement supplémentaire de la surface de 8 °C environ.

Comme lors des précédents grands effondrements des systèmes terrestres, ces impacts se traduisent par la disparition d’espèces. Un article récent révèle que la population de 48 % des espèces de la planète diminue, tandis que celle de 3 % seulement augmente. Beaucoup plus d’espèces sauvages pourraient être en voie d’extinction que ce que l’on estimait jusqu’à présent. Si la disparition des espèces est le symptôme d’un effondrement systémique, il se pourrait que nous vivions déjà en sursis.

Rien de tout cela n’est certain, à moins que nous ne fassions en sorte qu’il en soit ainsi. Mais loin de s’attaquer à la plus grande crise que l’humanité ait jamais connue, nos gouvernements accélèrent le pas vers l’horizon. Par exemple, Rishi Sunak, qui n’était jusqu’à présent qu’un simple accident de parcours dans l’histoire politique du Royaume-Uni, semble maintenant avoir découvert son objectif : saccager la planète au nom du pouvoir des entreprises. Des sources gouvernementales affirment qu’il profitera du discours du roi de la semaine prochaine pour redoubler son attaque contre les politiques écologiques.

Lundi, son gouvernement a annoncé l’octroi de 27 nouvelles licences d’exploitation de pétrole et de gaz en mer du Nord. Le même jour, une étude publiée dans Nature Climate Change a révélé que le budget carbone restant – la quantité nette de dioxyde de carbone que l’homme peut encore émettre pour conserver une chance sur deux de ne pas dépasser 1,5 °C de réchauffement de la planète – sera épuisé en seulement six ans si l’on continue à faire comme si de rien n’était. Seule une décision d’urgence de laisser les combustibles fossiles dans le sol est susceptible d’empêcher le franchissement de ce seuil de température.

Chaque heure est désormais un moment « si seulement » : elle offre une meilleure chance d’éviter l’effondrement que l’heure qui suit. Aussi sinistre que soit notre époque sur Terre, les générations futures y verront un âge d’or. Un âge d’or de la vie sauvage, du temps clément, de la stabilité, de la prospérité, des possibilités d’agir. Notre monde vivant est une ombre grise de ce qu’il a été, mais un paradis vibrant en comparaison de ce qu’il sera. À moins que, à moins que.


Un enjeu mondial pour la santé

Lettre ouverte de la communauté médicale et sanitaire mondiale à la COP28 sur les combustibles fossiles

https://cop28healthletter.com/french/

Cher président désigné de la COP, 

Cette année, les dirigeants mondiaux rassemblés aux EAU pour faire le point sur leurs engagements climatiques se concentreront pour la première fois sur une planification officiellement dédiée à la santé. Nous, les signataires de cette lettre, vous soutenons dans vos efforts de placer la santé au premier plan de la COP 28.

En tant que leaders mondiaux du domaine de la santé, nous nous engageons à offrir santé et bien-être à tous. Sans un climat sûr et stable, cet objectif est irréalisable. L’Accord de Paris a entériné le « droit à la santé » comme obligation essentielle de l’action climatique. Pourtant, les communautés, les professionnels de santé et les systèmes de santé du monde entier sont déjà confrontés aux conséquences préoccupantes de l’évolution du climat. La fréquence et la gravité des phénomènes météorologiques extrêmes induits par le changement climatique s’intensifient ; nombre de pays luttent contre les conséquences sanitaires des chaleurs extrêmes, de tempêtes inédites, d’inondations, de l’insécurité hydrique et alimentaire, des feux de forêt et du déplacement des populations. Pour que la COP 28 soit réellement une « COP de la santé », elle doit s’attaquer à la cause profonde de la crise climatique : la poursuite de l’extraction et de l’utilisation des combustibles fossiles, notamment le charbon, le pétrole et le gaz. Nous lançons un appel à la présidence de la COP 28 et aux dirigeants de tous les pays pour qu’ils s’engagent à accélérer la suppression progressive, juste et équitable des énergies fossiles, car il s’agit de la trajectoire qui déterminera la santé de tous. 

En mettant fin à notre dangereuse dépendance envers les énergies fossiles, nous améliorerons les perspectives de santé des générations futures et sauverons des vies. Il est essentiel de maintenir l’augmentation des températures mondiales en dessous de l’objectif de 1,5 °C de l’Accord de Paris pour garantir la santé et la prospérité économique de tous. Or, seule une suppression progressive rapide des combustibles fossiles nous permettra d’y parvenir. En limitant le réchauffement planétaire, cette suppression progressive des combustibles fossiles protégera notre santé des conséquences dévastatrices des événements extrêmes et empêchera de nouvelles dégradations écologiques et pertes de biodiversité. Si nous maintenons notre dépendance, les conséquences pour la santé seront désastreuses, tout comme la perte de ressources naturelles et de services écosystémiques cruciaux pour la santé des espèces humaines et non humaines. Nous mettrions donc en danger « One Health » (Une seule santé) et la santé de la planète.

Outre les conséquences du climat sur la santé, la pollution de l’air, en partie due à l’utilisation de combustibles fossiles, provoque 7 millions de décès prématurés chaque année. Le coût économique des conséquences de la pollution de l’air sur la santé s’élevait à plus de 8,1 mille milliards de dollars, soit 6,1 % du PIB mondial, en 2019. En améliorant la qualité de l’air, les gouvernements s’attaquent directement au fardeau que représentent de nombreux cancers, les maladies cardiaques, les troubles neurologiques comme les accidents vasculaires cérébraux, ainsi que les maladies respiratoires chroniques aiguës comme l’asthme ou la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). L’investissement dans les sources d’énergie propre permettra d’économiser chaque année des centaines de milliards de dollars en dépenses de santé associées à la pollution de l’air, tout en réduisant les pertes économiques issues des phénomènes météorologiques extrêmes dont les dommages s’élevaient à 253 milliards de dollars en 2021

Supprimer progressivement, entièrement et rapidement le recours aux combustibles fossiles s’avère la meilleure façon d’assurer la qualité de l’air, de l’eau et de l’environnement, sans laquelle nous ne pourrons vivre en bonne santé. Nous ne pouvons pas nous reposer sur des solutions inadéquates et peu fiables, comme le captage et stockage du carbone (CCS). Elles prolongent l’utilisation des énergies fossiles, sans générer immédiatement de réelles améliorations en termes de santé, comme une transition vers les énergies renouvelables le ferait. Les fausses solutions comme le CCS risquent d’accroître les émissions nocives, de faire pression sur la santé des communautés au fardeau disproportionné et de retarder notre avancée vers un réel progrès climatique.

La transition énergétique doit être juste et équitable pour tous. La transition vers un avenir d’énergies propres offre la possibilité de remédier aux injustices d’un système de dépendance aux énergies fossiles. Elle peut adopter une approche systématique et mettre l’accent sur la santé, l’attention aux autres et le bien-être de la communauté, en veillant à n’oublier personne. Les dirigeants du monde entier doivent s’assurer que tout le monde, y compris les États fragiles et les communautés les plus reculées et exclues, a accès à une énergie propre, résiliente, accessible, fiable, abordable et non polluante, mais aussi aux nouvelles technologies pour exploiter au mieux ces énergies. Une transition juste présente l’opportunité de réduire les inégalités de santé auxquelles sont confrontées les minorités et les communautés marginalisées, notamment lorsqu’il s’agit des conséquences sanitaires de l’utilisation actuelle des énergies fossiles et de notre dépendance. 

Le déverrouillage de financements s’avère décisif pour une transition juste et saine. Nous ne pourrons atteindre nos objectifs climatiques et sanitaires qu’en arrêtant d’investir dans les énergies fossiles pour privilégier les solutions avérées pour le climat et la santé. Chaque année, les pays dépensent des centaines de milliards de dollars pour subventionner l’industrie des énergies fossiles, alors que cet argent pourrait contribuer à la création d’un avenir sain. Les pays aux revenus élevés, les institutions financières de développement et le secteur privé doivent augmenter drastiquement leurs engagements — et les honorer — de favoriser les investissements dans les énergies propres, la qualité de l’air et le développement économique pour les communautés les plus touchées par le changement climatique et la pollution issue des combustibles fossiles.

Les intérêts du secteur des énergies fossiles n’ont pas leur place dans les négociations climatiques. Il faut interdire à l’industrie des énergies fossiles de poursuivre sa campagne décennale d’obstruction de l’action climatique aux négociations de la CNUCC et en dehors. Tout comme l’industrie du tabac n’a pas le droit de participer à la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac, il faut impérativement protéger la collaboration mondiale en matière de progrès climatique du lobbying, de la désinformation et des retards privilégiés par les intérêts de l’industrie.

Sans une action climatique ambitieuse, le fardeau des systèmes de santé et des professionnels de santé sera insurmontable. Les avancées de santé des dernières décennies auront été en vain, et nous verrons les conséquences nocives du changement climatique détruire toute chance d’avenir sûr, équitable et juste. 

En cette année extraordinaire, la santé étant pour la première fois au programme de la COP, nous vous sommons de faire réellement progresser le climat : engagez-vous en faveur de l’accélération d’une suppression progressive, juste et équitable des énergies fossiles ; présentez la transition énergétique renouvelable comme la trajectoire qui décidera de la santé de tous. 

Cordialement,

Dirigeants d’organisations mondiales de la santé (par ordre alphabétique)

Dr. Githinji Gitahi, CEO, Amref Health Africa

Dr. Pam Cipriano, President, International Council of Nurses

Dr. Salman Khan, Liaison Officer for Public Health Issues, International Federation of Medical Students’ AssocIations

Dr. Naveen Thacker, President, International Pediatric Association

Dr Christos Christou, International President, Médecins Sans Frontières

Dr. María del Carmen Calle Dávila, Executive Secretary, Organismo Andino du Salud (Andean Health Organization)

Prof. Luis Eugenio de Souza, President, World Federation for Public Health Associations

Dr. Lujain Alqodmani, President, World Medical Association

Leaders régionaux dans le domaine de la santé (par ordre alphabétique)

Dr. Mary T. Bassett, Director, FXB Center for Health and Human Rights, Harvard University

Dr. Fiona Godlee, Former Editor-in-chief of the British Medical Journal

Prof. (Dr.) Arvind Kumar, Chairman, Institute of Chest Surgery, Chest Onco Surgery and Lung Transplantation, Medanta Hospital, India

Dame Parveen Kumar, Emeritus Professor of Medicine and Education, Barts and The London School of Medicine and Dentistry

Dr. Lwando Maki, Secretary, Public Health Association of South Africa

Dr. Jemilah Mahmood, Executive Director, Sunway Center for Planetary Health – Malaysia

Dr. Kari C. Nadeau, MD, PhD, Chair of the Department of Environmental Health at Harvard School of Public Health

Prof. (Dr.) K Srinath Reddy, Past President of Public Health Foundation of India


Cette lettre est soutenue et approuvée par d’organisations nationales de santé :

AFRICA

Ong Zéro Décès en Donnant La Vie, Côte d’Ivoire

Dr. Agonafer Tekalenge, President, Ethiopian Public Health Association

Dr. Adeline Kimambo, Executive Secretary, Tanzania Public Health Association

African journal of gastroenterology and hepatology, Egypt

The Board of the Public Health Association of South Africa

Annals of Health Research – The Journal of the Medical and Dental Consultants Association of Nigeria, Nigeria

Nurses Across The Borders Humanitarian Initiative, Nigeria

Youth Advocacy and Development Network, Uganda

ASIA

Global Journal of Medicine and Public Health, India

Green Practice Japan, Japan

Health and Global Policy Institute, Japan

Khyber Medical University Journal, Pakistan

CENTRAL & SOUTH AMERICA

Dr. Vital Ribeiro, Chair, Associação Civil Projeto Hospitais Saudáveis, Brazil

Dr. Rosana Teresa Onocko Campos, President, Associação Brasileira de Saúde Coletiva, Brazil

ACT Health Promotion, Brazil

Health Hospitals Project, Brazil, US

Fundación Colombiana del Corazón, Colombia

Asociación Latinoamericana De Pediatría, Uruguay

EUROPE

Diederik Aarendonk, Forum Coordinator Global Health Organization Leadership, European Forum for Primary Care

Dr. Ansgar Gerhardus, Board Chair, German Public Health Association

Prof. Kevin Fenton, President, UK Faculty of Public Health

Dr Latifa Patel, Representative Body Chair, British Medical Association

Kamran Abassi, Editor-in-Chief, British Medical Journal

Dr. Richard Smith, Chair, UK Health Alliance on Climate Change

Sheila Sobrany, President, Royal College of Nursing

Diana Zeballos, Executive Secretary, Sustainable Health Equity Movement

EuroHealthNet, Belgium

Association of Basic Medical Sciences of Federation of Bosnia and Herzegovina, Bosnia and Herzegovina

International Federation of Medical Students’ Associations – Denmark, Denmark

KLUG – German Alliance on Climate Change and Health, Germany

Deutsche Gesellschaft für Epidemiolgie e. V, Germany

Galician Health Service, Spain

Tsubaki Diseño Slu, Spain

Swedish Doctors for the Environment, Sweden

Doctors for the Environment Switzerland, Switzerland

Health for Future Switzerland, Switzerland

Public Health Schweiz, Switzerland

International Society of Doctors for the Environment, Switzerland

Faculty of Medicine, University of Geneva, Switzerland

Santé En Transition, Réunion

Palliative Care Sustainability Network, UK

Greener Practice, UK

World Health Innovation Summit, UK

Ride For Their Lives, UK

OCEANIA

Dr. Kate Wylie, Executive Director, Doctors for the Environment Australia

Dr. Frances Peart, President & Board Chair, Climate and Health Alliance Australia

Veterinarians for Climate Action, Australia

NORTH AMERICA

Katie Huffling, DNP, Executive Director, Alliance of Nurses for Healthy Environments

Canadian Medical Association, Canada

Canadian Health Association for Sustainability and Equity, Canada

Canadian Association of Physicians For The Environment, Canada

Medical Society Consortium on Climate and Health, US

Climate Psychiatry Alliance, United States

Climate Health Now, United States

Michigan Clinicians for Climate Action, United States

Physicians for Social Responsibility/Sacramento, United States

Physicians for Social Responsibility Pennsylvania, United States

Carolina Advocates for Climate, Health, and Equity, United States

Greater Boston Physicians for Social Responsibility, United States

Washington Physicians for Social Responsibility, United States

Boston College Global Observatory on Planetary Health, United States

Georgia Clinicians For Climate Action, US

Climate and Health Foundation, US

Fundacion Plenitud, US

San Francisco Bay Physicians For Social Responsibility, US

Vermont Climate and Health Alliance, US

Solavida, US

Physicians For Social Responsibility – Florida Chapter, US   


Si votre organisation souhaite soutenir la lettre, veuillez utiliser ce formulaire.



En ces temps de crises environnementales et climatiques

Odile Bury

Reprise d’un post FaceBook parut le 16 octobre 2023 : https://www.facebook.com/odile.bury

En ces temps de crises environnementales et climatiques et avec le sentiment d’urgence grandissant qui est le mien, je suis dans l’incapacité de poursuivre mon mandat d’Echevine de manière acceptable.

Alors que, comme tous les niveaux de pouvoir, nous sommes appelés dans notre commune à mettre en place un plan climat*, chaque semaine m’amène à participer à des décisions qui augmentent notre empreinte écologique et la quantité de gaz à effet de serre que nous rejetons dans l’atmosphère plutôt que les diminuer.

Nous continuons à mobiliser des ressources naturelles, humaines et financières, de plus en plus limitées, sans nous poser la question du besoin auquel leur utilisation va répondre.Les réponses technologiques qui sont données aux enjeux climatiques me paraissent aussi aggraver encore la situation au niveau environnemental.

Tout, y compris dans notre commune, semble être envisagé sauf la sobriété et le renoncement volontaire à ce que nous pourrions identifier ensemble et démocratiquement comme moins nécessaire ou accessoire.

Pire, nous créons de nouveaux « besoins » inutiles anéantissant d’un coup les efforts qui sont faits par ailleurs en terme de transition écologique. Je ne vois personnellement pas le chemin pour continuer à participer à un système qui ajoute à grands frais aux missions communales l’installation d’une patinoire en plastique lors du marché de Noël mais qui réduit l’alimentation bio dans les crèches faute de budget.

A l’heure où la banalisation de l’inaction climatique et environnementale est à l’ordre du jour au niveau européen, légitimant cette posture pour d’autres niveaux de pouvoir, les priorités ne me semblent pas mises au bon endroit. Nous restons attachés à un modèle qui ne répond pas aux enjeux auxquels nous sommes confrontés en tant qu’humanité. Des changements certes radicaux mais plus que nécessaires doivent commencer aujourd’hui.

Pour cela, nous devons toutes et tous être prêts à perdre des acquis ou des privilèges. Nous ne réduirons pas notre empreinte écologique en augmentant notre confort.

A force de vouloir maintenir le modèle actuel, nous nous empêchons d’en créer un nouveau, plus sobre, plus simple, dans lequel nous pourrions trouver d’autres satisfactions et d’autres solidarités.

Pour aider les politiques à bouger leurs lignes en ces temps pré-électoraux, ceux et celles qui sont prêtes au changement doivent l’afficher haut et fort.

Sans cela, les politiques ne bougeront pas avant d’y être acculés par des faits.

Montrons que nous voulons autre chose que du pain et des jeux !

Je n’ai pas réussi à partager le degré d’urgence extrême que je ressens pour agir en termes d’environnement et de transition, comme je n’ai pas réussi à partager au sein de la majorité actuelle le besoin d’être plus fort aux côtés de la nouvelle jeunesse Boitsfortoise.

J’ai besoin aujourd’hui de pouvoir dire et faire en cohérence avec qui je suis et ces derniers mois m’ont démontré que je ne trouverai pas de chemin pour y arriver dans le cadre de mon mandat. Je n’attendrai donc pas la fin de la législature pour aller vers ce qui me parait nécessaire.

Je démissionne ce jour de mon poste d’échevine.

Avec regrets car j’ai aimé la fonction et les personnes avec qui j’ai pu travailler au sein de l’administration, la Maison des jeunes, la Recyclerie mais aussi avec le sentiment d’avoir été aussi loin qu’il m’était possible dans le contexte politique actuel.

Je les remercie pour tout ce qui a pu être fait car les politiques ne sont rien sans une bonne administration. Quelle chance j’ai eu de les croiser !A ceux et celles qui peuvent encore, courage !

* Dans le cadre des objectifs européens climat-énergie 2030, la Belgique s’est vue attribuer un objectif de réduction de 35 % en 2030 par rapport à 2005. En région bruxelloise, l’objectif en 2030 est une réduction de 40% d’émissions par rapport à 1990 et de -90% d’émissions en 2050 par rapport à 1990.


Nous ne sommes pas encore condamnés

Le climatologue Michael Mann parle de notre dernière chance de sauver la civilisation humaine

Damian Carrington

Traduction deepl Josette – article original sur The Guardian

Le nouveau livre du célèbre scientifique américain examine 4 milliards d’années d’histoire du climat pour conclure que nous vivons un « moment fragile », mais qu’il est encore temps d’agir.

« Nous n’avons pas encore dépassé les limites d’une civilisation humaine viable, mais nous nous en approchons », déclare le professeur Michael Mann. « Si nous continuons [à émettre du carbone], les jeux sont faits ».


La crise climatique, qui provoque déjà des phénomènes météorologiques extrêmes et dévastateurs dans le monde entier, a engendré un « moment fragile », déclare l’éminent climatologue et communicateur dans son dernier livre, intitulé « Our Fragile Moment » (Notre moment fragile). Selon lui, il est encore possible de maîtriser la crise climatique, mais d’énormes obstacles politiques se dressent devant nous.


Michael Mann, de l’université de Pennsylvanie aux États-Unis, fait partie des climatologues les plus en vue depuis qu’il a publié, en 1999, le célèbre graphique en forme de crosse de hockey, qui montre comment les températures mondiales ont grimpé en flèche au cours du siècle dernier.

Pour comprendre la situation difficile dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui, Michael Mann a remonté l’histoire du climat de la Terre afin d’avoir une vision plus claire de notre avenir potentiel. « Nous disposons d’une période de 4 milliards d’années dont nous pouvons tirer des enseignements », a-t-il déclaré dans une interview au Guardian.


« Nous voyons des exemples de deux qualités qui s’affrontent, la fragilité et la résilience. D’une part, on trouve des mécanismes stabilisateurs qui existent dans le climat de la Terre, lorsque la vie elle-même a contribué à maintenir la planète dans des limites adaptées à la vie. Par exemple, la luminosité du soleil a augmenté de 30 % depuis l’apparition de la vie sur Terre, mais la vie a maintenu des températures adaptées.


« Mais il y a des exemples où le système terrestre a fait exactement le contraire, où il est devenu incontrôlable, et ce à cause de la vie elle-même », explique Michael Mann. Lors du grand épisode d’oxydation survenu il y a 2,7 milliards d’années, des bactéries primitives ont commencé à produire de l’oxygène, ce qui a entraîné la destruction du méthane, un puissant gaz à effet de serre présent dans l’atmosphère. « Cela nous a plongés dans une Terre boule de neige qui a failli tuer toute forme de vie. »


« Lorsque nous examinons tous ces épisodes passés, nous avons le sentiment que nous ne sommes pas encore condamnés – nous n’avons pas encore assuré notre extinction », ajoute-t-il. « Mais si nous continuons à dépendre des combustibles fossiles, nous sortirons de la zone de sécurité que nous indiquent les données de l’histoire de la Terre. C’est ce qui rend ce moment si fragile : nous sommes au bord du précipice ».

Selon Michael Mann, l’une des motivations du livre est la montée du catastrophisme climatique : « Nous n’avons pas vu la fin du déni climatique, mais il n’est tout simplement plus plausible, car les gens peuvent voir et ressentir que cela se produit. Les pollueurs se sont donc tournés vers d’autres tactiques et, ironiquement, l’une d’entre elles est le catastrophisme. S’ils peuvent nous convaincre qu’il est trop tard pour faire quoi que ce soit, pourquoi le faire ?


Michael Mann explique qu’il a remarqué que l’histoire du climat était instrumentalisée par les alarmistes. « L’idée que les extinctions massives du passé se traduisent par une extinction massive assurée aujourd’hui en raison, par exemple, d’un emballement du réchauffement dû au méthane [lors de la fonte du pergélisol] n’est pas vraie – la science ne le confirme pas.


Un réchauffement de 1,5 °C est déjà très grave, mais un réchauffement de 3 °C pourrait mettre fin à la civilisation.


Le sort de notre climat est en suspens, selon Michael Mann : « Il existe des preuves assez convaincantes du passé, combinées aux informations fournies par les modèles climatiques, qui montrent que si nous parvenons à maintenir le réchauffement en deçà de 1,5 °C, nous pourrons préserver cette période de fragilité. Mais si nous dépassons les 3 °C, il est probable que nous ne pourrons pas le faire. C’est entre les deux que nous jetons les dés ». Les politiques et actions actuelles en matière de climat conduiraient à un réchauffement d’environ 2,75 °C, tandis que la réalisation de tous les engagements et objectifs fixés à ce jour se traduirait par un réchauffement de 2 °C.

« La question est donc de savoir jusqu’à quel point nous sommes prêts à laisser la situation se dégrader », dit-il. « 1,5 °C est déjà très grave, mais 3 °C pourrait mettre fin à la civilisation. »

Les vagues de chaleur généralisées, les incendies de forêt et les inondations clairement liés au réchauffement planétaire ont donné un caractère d’urgence à l’appel à l’action, explique Michael Mann : « Mais l’urgence sans l’action ne fait que nous conduire au désespoir et au défaitisme. C’est ce que les pollueurs aimeraient, prendre tous ces militants du climat et les faire passer de la ligne de front à la ligne de touche ».


Il est possible de mettre fin à l’urgence climatique, affirme Michael Mann : « Nous savons que les obstacles au maintien du réchauffement en deçà des niveaux catastrophiques ne sont pas encore physiques ni technologiques, mais politiques. Mais il y a actuellement des obstacles politiques assez importants ».


« Ici, à Penn State, il y a tellement d’anxiété, de peur et de désespoir, et même de chagrin », dit-il. « Une partie de ces sentiments provient de l’idée erronée qu’il est physiquement trop tard et je veux dissiper cette idée. Mais une partie provient d’un cynisme compréhensible à l’égard de nos politiciens, et c’est un défi bien plus important. »


Son évaluation d’une victoire potentielle de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine de 2024 est sévère, la qualifiant « d’éloignement de la démocratie vers le fascisme, et il n’y a pas de voie vers une action climatique significative qui passe par le fascisme plutôt que par la gouvernance démocratique ».

« Nous devons sortir et voter, et les jeunes doivent sortir en grand nombre et voter », déclare Michael Mann. « Si nous le faisons, nous pourrons élire des hommes politiques qui agiront en notre nom, au lieu de se contenter d’approuver les pollueurs.


Le principal sommet des Nations unies sur le climat, la Cop28, débutera fin novembre et sera accueilli par les Émirats arabes unis, ce que Michael Mann qualifie de « très inquiétant ». Les Émirats arabes unis ont les troisièmes plus grands plans d’expansion pétrolière et gazière au monde, et le président de la Cop28 est également le PDG d’Adnoc, la compagnie pétrolière d’État des Émirats arabes unis.


Il n’y a pas de voie vers une action climatique significative qui passe par le fascisme plutôt que par la gouvernance démocratique.


« Il n’est pas normal de leur permettre d’adopter l’imprimatur de l’action climatique mondiale en accueillant la Cop28 », déclare Michael Mann. « C’est légitimer un comportement de leur part et de la part d’autres pays pétroliers qui est fondamentalement en contradiction avec la tâche qui nous attend. Je trouve cela très inquiétant.


Michael Mann est la cible privilégiée des négationnistes du climat depuis la publication du graphique en crosse de hockey. Il se montre cinglant à l’égard de la gestion par Elon Musk de la plateforme de médias sociaux X, anciennement appelée Twitter.

« Musk était considéré comme un héros de l’environnement, en raison de son rôle chez Tesla », explique M. Mann. « Mais de plus en plus, il a montré son vrai visage, son allégeance politique à Trump et au fascisme ».


« Twitter était une place publique mondiale, un forum pour communiquer sur la crise climatique », poursuit-il. « Ce que Musk a fait, c’est le transformer en un forum toxique pour la promotion du négationnisme climatique et de tout ce qui est mauvais dans le monde. C’est stupéfiant. » Michael Mann note que le prince Alwaleed bin Talal d’Arabie saoudite, l’un des « pires acteurs pétroliers », a joué un rôle de 1,9 milliard de dollars dans l’achat de Twitter par M. Musk.


Michael Mann a également souligné que le prince Alwaleed était l’un des principaux bailleurs de fonds de l’empire médiatique de Rupert Murdoch jusqu’en 2017. « Rupert Murdoch a utilisé son réseau mondial de médias pour promouvoir le négationnisme climatique et s’attaquer aux énergies renouvelables, ce qui correspond à son idéologie et aux intérêts de certains des puissants pétro-États, en particulier l’Arabie saoudite. »


Les systèmes éducatifs et leur sculpture de l’a-venir : Métamorphose ou Barbarie(s) ?

Laurent Lievens, sociologue, psychomotricien, ingénieur, chargé de cours Helha-CESA, UCLouvain (ESPO) et contributeur pour la Fondation Edgar Morin. Voir http://lievenslaurent.pbworks.com.

Article publié précédemment dans Centre avec

Notre thèse est simple et peut se résumer de la sorte : le modèle de développement que connaît notre société a engendré et répandu des manières d’habiter le monde qui tuent massivement le vivant et rendent la planète peu à peu inhabitable pour les humains. Sciant la branche sur laquelle nous sommes assis, cette mécanique barbare conduit nécessairement aux effondrements – actuels et futurs, écologiques, sociaux, économiques – qui s’amplifieront tant qu’une métamorphose radicale ne sera pas engagée. Pour permettre, soutenir et nourrir cette dernière, la mutation – et non pas une simple réforme – de l’ensemble des systèmes éducatifs est indispensable. Nous en proposerons ici une première trame.

Admettre ce que la science sait

Partons d’un fait central : l’écocide (du grec oîkos, « maison » et du latin caedere, « tuer »), c’est-à-dire la destruction de notre maison terrestre commune. Depuis seulement quelques décennies – tendanciellement quelques siècles, tout au plus –, une partie croissante des terriens est en train de rendre inhabitable la planète à laquelle elle appartient, par ses pratiques, ses outils, ses techniques, ses aspirations. Ce constat factuel s’appuie sur l’activité humaine la plus puissante permettant de comprendre le réel au départ d’observations, analyses et expériences : la recherche scientifique.

Et celle-ci converge sur les grandes tendances. Sur 9 limites planétaires étudiées[1], 6 sont déjà dépassées : le climat, la biodiversité, les cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore, l’occupation des sols, l’utilisation mondiale de l’eau, la présence d’entités nouvelles (dont les plastiques) dans la biosphère. En 50 ans, les populations de vertébrés (poissons, oiseaux, mammifères, amphibiens et reptiles) ont diminué de presque 70 % sur la planète, essentiellement à cause des activités humaines. Nos forêts brûlent, nous passons de canicules et sécheresses en inondations, nos sols et nos eaux se stérilisent, les ressources alimentaires sont menacées, la fréquence des zoonoses explose, les écosystèmes s’effondrent. En 2017, 25 ans après un premier appel, quinze mille scientifiques de 184 pays publiaient un second manifeste alertant sur la trajectoire de collision de notre modèle sociétal avec le vivant si le business-as-usual était maintenu. L’ONU annonce entre 200 et 250 millions de réfugiés climatiques dans le monde d’ici moins de 30 ans[2]. Nous avons vécu la plus grande pandémie mondiale depuis celle de 1918, dont les causes sont intimement liées à l’écocide planétaire. Et nous pourrions noircir des pages ad nauseam en listant les constats et alertes scientifiques qui mettent en garde contre la Grande Accélération[3], et la destruction des conditions d’habitabilité de la planète.

crédit : Priscilla Gyamfi – Unsplash

L’écocide en cours est donc un fait documenté et validé, qui concernera à brève échéance tous les lieux et toutes les populations : par son ampleur, par sa complexité (chaque crise rétroagissant sur les autres de manière souvent imprévisible), par les inerties des systèmes terrestres et par l’extrême fragilité des sociétés humaines face à ces risques systémiques. Pour bien se représenter l’ordre de grandeur des bouleversements qui nous arrivent, songeons simplement à la difficulté sidérante lorsqu’il s’agit d’accueillir un nombre pour le moment dérisoire de réfugiés, ou encore au chaos engendré par la récente pandémie.

Si notamment des géologues s’orientent vers l’emploi du terme d’anthropocène – afin de signifier la force de ces processus à l’échelle du temps long – nous adopterons ici le terme de capitalocène. Celui-ci désigne en effet une des racines de cette mutilation, et évite surtout l’injustice d’envisager l’humanité comme un bloc monolithique. Le choix de ce terme ouvre également une porte de sortie : l’humain – anthropos – ne serait pas ontologiquement et irrévocablement coupable, mais bien un certain type de rapport au monde, situé historiquement, principalement initié en Occident et se diffusant, par la force autant que par la séduction, au reste du monde.

Ce modèle néolibéral – la version actuelle et toujours plus corrosive du capitalisme – donne lieu à une démesure extractiviste, productiviste et consumériste, un illimitisme forcené ainsi qu’une foi béate dans le techno-solutionnisme et le marché, censés résoudre tous les maux. Au cœur de ce modèle de société – cette Mégamachine[4] thermo-industrielle –, on retrouve notamment une pensée hors-sol, un réductionnisme maladif, une obsession du quantitatif et de la marchandisation du monde. C’est en quelque sorte l’application à toute la planète de la logique féroce du boutiquier et de son fétichisme de la marchandise.

Validé à différentes reprises par la suite, le rapport Meadows indiquait, il y a plus de 50 ans déjà, l’impossibilité du maintien de ce système, qui relève d’une dystopie – ni soutenable, ni souhaitable – vis-à-vis de laquelle nous avons à construire d’urgence des voies de sortie collectives, par d’autres récits du désirable, d’autres pratiques pour habiter le monde.

Si la tâche est titanesque, il n’y a pourtant aucune fatalité à la poursuite d’un modèle de société et de développement périmé. Et les progrès évidents qu’a permis ce modèle ne peuvent – par simple raisonnement logique – justifier sa poursuite dès lors qu’il détruit – avec une violence extrême – les conditions mêmes de l’existence.

Mettre à jour nos imaginaires

Voilà pour l’état des lieux. Alors qu’il semble démesuré par son échelle (tant mondiale que locale) et ses implications (changer ou périr), nous y voyons le point de départ essentiel à toute réflexion sérieuse, à toute proposition ajustée, à toute action intelligente. L’écocide nous plaçant de facto dans un tout autre cadre civilisationnel, qu’on le veuille ou pas, qu’on campe dans le déni ou pas. Mais le propre de la folie n’est-il pas de nier le réel ?

Allons plus loin : l’approche systémique[5] – essentielle en écologie scientifique par son intégration des liens d’interdépendance – nous enseigne l’importance du cadre dans lequel toute action prend place. Un geste ou une action prendront sens en fonction de la compréhension du « décor » dans, par et avec lequel ils interagiront. Par exemple, le même acte de pousser quelqu’un n’aura pas du tout la même signification si je suis sur un terrain de rugby, dans une compétition de boxe, dans la rue, sur un plateau de théâtre, dans un immeuble en feu.

Dès lors, la conscience affûtée de la situation d’écocide engendrée par la Mégamachine et de la nécessaire métamorphose pour tenter d’en sortir doit absolument devenir centrale : aucune politique publique, aucun traité international, aucune proposition économique, aucune réforme éducative ne peuvent dès à présent s’envisager hors de cet impératif catégorique kantien, sous peine de désuétude immédiate. Car, dotées d’une compréhension trop limitée (par inconscience, déni, obscurantisme, parcellisation des savoirs, pensée en silo, localisme, etc.), nos actions sont souvent – et malgré de bonnes intentions – mutilantes,pour reprendre l’analyse du philosophe et sociologue Edgar Morin.

Imaginons-nous le 15 avril 1912 sur le Titanic, nous avons déjà heurté l’iceberg, et nous continuerions de disserter sur la couleur des lambris du salon, la manière de mieux éclairer les couloirs, le choix d’une graisse plus économique pour la salle des machines, la date de la prochaine promotion, ou encore le menu du petit déjeuner. Si toutes ces questions sont intéressantes, voire nécessaires, les envisager sans d’abord et constamment tenir compte de la brèche dans la coque du navire indiquerait notre degré d’aveuglement ou de stupidité. Nous serions ridicules, désajustés, inconséquents et donc en quelque sorte criminels au regard de la gravité de la situation.

Voies de garage, non merci !

Nous sommes ainsi de toute évidence à un kairos : le temps du moment opportun, ce moment où, plongés dans une crise existentielle, une voie de sortie s’avère nécessaire. Deux écueils nous guettent cependant.

Le premier est de chercher sans fin à préciser les détails de cet écocide, à en mesurer toutes les dimensions, à attendre un ultime rapport du GIEC[6] ou de l’IPBES[7] – dont les prédictions sont chaque fois corrigées à la hausse[8] – avant d’opérer des changements. Le danger serait de raffiner notre tableau de bord d’indicateurs, en délaissant les leviers d’action réels. Car, si le travail de précision reste intéressant, l’écocide est déjà largement documenté et devrait nous donner – depuis un certain temps déjà – l’impulsion et le cadre pour tenter sérieusement autre chose. Nous avons amplement de quoi nous inciter à stopper le business-as-usual. Il s’agit maintenant d’enrayer la poursuite de la Mégamachine, d’employer toute notre attention et notre intelligence à quitter cette trajectoire. Ergoter sur les quelques incertitudes s’avère surtout une stratégie de statu-quo[9].

Pour reprendre l’exemple du Titanic, notre tactique actuelle s’apparente pour une partie d’entre nous – les autres n’ayant pas encore imaginé ou perçu l’état du réel – à compter sans cesse les passagers, à mesurer les réserves de charbon, à enquêter sur la taille de la voie d’eau, à calculer à la seconde près le moment où l’ensemble des cales seront inondées. À ce rythme-là, les canots ne sont pas mis à l’eau, les passagers restent dans l’ignorance et ne sont pas accompagnés, les secours extérieurs ne sont pas appelés, etc. Mais, comme dans le cas de cette catastrophe, la croyance en l’insubmersibilité du bateau constitue déjà un obstacle majeur.

Dans le contexte de l’écocide, les échelles de temps et les inerties (climatiques notamment) sont d’une ampleur telle que nous n’avons ni le luxe – ni même le besoin – d’attendre une certitude totale et détaillée avant d’agir avec détermination. Dans le film Don’t Look up, c’est la fameuse réplique du « on patiente et on avise » de la présidente après l’annonce par les scientifiques des conséquences de l’impact de la comète. Face au consensus scientifique déjà présent, cette stratégie de l’inaction (qui relève en réalité de la mauvaise foi) n’est plus acceptable.

Quitter le déni et admettre ce que la science sait nous inciterait par exemple à décréter une sorte d’état d’urgence écologique[10], à consacrer la majeure partie de nos ressources à la métamorphose, à soutenir et susciter toutes les expérimentations d’autres manières d’habiter le monde, à refonder totalement notre système d’éducation pour quitter la poursuite du business-as-usual.

Un deuxième risque – tragique également – est d’envisager la situation de manière parcellaire : il y aurait un problème climatique, un problème lié à l’eau potable, un problème de biodiversité, un souci de mobilité, un souci de logement, un problème alimentaire, etc. Le danger est alors de tenter d’apporter des solutions sectorielles – et essentiellement techniques – à chacun de ces problèmes. Le danger est d’opérer des changements à la marge, des changements dans le cadre actuel de la Mégamachine.

Une politique radicale de métamorphose

C’est face à ce deuxième risque qu’il faut être précis sur la notion de métamorphose. Nous savons qu’un système peut changer de deux manières. Soit via un changement de type 1 (chgmt1), soit via un changement de type 2 (chgmt2).

Le premier corrige un problème en modifiant des éléments à l’intérieur du cadre existant : par exemple, lorsqu’il fait froid, j’allume mon chauffage. Le deuxième modifie le cadre lui-même : il fait froid, et donc je déménage vers une région plus tempérée.

La transformation naturelle d’une chenille en papillon nous offre un exemple de ce changement de type 2 : un papillon n’est pas une chenille améliorée, qui aurait subi un ajustement. Il s’agit d’autre chose, d’une autre structure, d’un autre fonctionnement. On a changé de système. Et l’on n’obtiendra jamais un papillon en tentant d’améliorer ou d’ajuster une chenille.

Pour un chgmt2, une rupture est indispensable. Une métamorphose implique ce type de changement : quitter le cadre actuel et en bâtir collectivement un autre, tenant compte du réel et susceptible de permettre – pour reprendre le philosophe Paul Ricoeur – une vie bonne, avec et pour autrui, dans des institutions justes.

L’enjeu n’est ainsi pas de rendre durable, soutenable, éthique, numérique, certifié, notre modèle sociétal actuel, mais d’en sortir de toute urgence. Le changement est un changement de nature (faire tout autre chose, tout autrement) et non un changement de degré (faire un peu mieux, ou différemment, la même chose).

Ce que la théorie systémique indique également est que, face à l’évolution du contexte, un système insoutenable essaie tous les chgmt1 avant d’être contraint d’opérer un chgmt2. Tout système cherchera à éviter la métamorphose, à maintenir son homéostasie, à persévérer en l’état, quitte – dans le cas de la Mégamachine – à rendre la planète inhabitable, à détruire le vivant, à criminaliser les mouvements de contestation et d’exploration d’autres possibles – comme l’illustre l’actualité. La résistance au changement sera donc nécessairement au rendez-vous, il faut s’y préparer.

Dans nos pays, le cœur de cette métamorphose consisterait à réduire notre prédation sur le monde et le vivant. Il s’agit de s’organiser à l’échelle collective et politique pour diminuer drastiquement et de manière équitable les flux énergétiques et matériels, afin de revenir en deçà des limites planétaires. Une réelle politique de décroissance[11] donc, susceptible de décoloniser nos imaginaires et de remettre à la niche la sphère économico-financière. De gré ou de force, nous n’y couperons pas.

Faire mieux avec beaucoup moins[12], sans se laisser séduire par les chimères de la Mégamachine. Celle-ci brandit en effet une série de chgmt1 : croissance verte, découplage, développement durable, technologisme, colibrisme, colonisation d’autres planètes, etc. Si certains relèvent du simple greenwashing[13], d’autres s’avèrent utiles pour autant qu’ils s’inscrivent explicitement dans une visée de métamorphose. Car poursuivre l’actuel en le verdissant un peu nous maintient dans la même direction écocidaire. C’est un tout autre horizon qui est requis.

L’effet levier des systèmes éducatifs

Que le lecteur ne s’y trompe pas, tout ce qui vient d’être posé n’est pas un long détour un peu écolo ou catastrophiste vis-à-vis du sujet de ce dossier, mais bien la fondation même de toute politique éducative sérieuse pour la suite.

Étant inclus dans le système sociétal – lui-même inclus dans le système Terre – le système éducatif, comme toute institution et organisation, devra se métamorphoser. Mais par un effet de levier conséquent, il joue un rôle capital de formation par et pour cette métamorphose : en dotant les apprenants des clés de compréhension et d’action vis-à-vis du réel, en les outillant d’une pensée complexe et systémique, en leur fournissant un équilibre entre raison critique, raison instrumentale et sagesse, et en les armant intellectuellement afin de déconstruire les idéologies de la Mégamachine.

Se placer dans un cadre ajusté avec le réel impliquera d’intégrer – c’est-à-dire incorporer, digérer, métaboliser, avec la tête mais également avec le cœur et le corps – la situation d’écocide et ses effondrements, pour ensuite se doter d’une destination ajustée : la métamorphose.

C’est – d’abord ! – habités de cette lucidité et de cette clarté qu’il sera – ensuite – possible d’implémenter une stratégie de mise en œuvre concrète. D’expérience, nous savons qu’aucun espoir n’est durable s’il s’appuie sur un déni des faits ; la jeunesse actuelle s’y trompe d’ailleurs de moins en moins. La lucidité sera donc la première brique de toute réalisation, laquelle sera obligatoirement plurielle, située, contextualisée en fonction des situations de terrain, des contextes locaux, des enjeux territoriaux, des ressources disponibles. Elle sera nécessairement incrémentielle : le sommet de la montagne étant identifié, c’est pas à pas que nous l’atteindrons ensuite. Mais tant que l’on se fourvoiera sur l’emplacement du sommet – en entretenant de faux espoirs –, aucun de nos pas ne pourra nous y mener.

Comment implémenter cela dans le domaine de l’apprentissage ? Nous proposons[14] quatre axes transversaux pour structurer la totalité des lieux de transmission. Nous intitulons ces axes : terrestre, homo, sapiens, et faber. Tous les systèmes éducatifs contribueront à former ainsi des (a) terrestres (qui habitent la Terre autrement qu’en prédateurs, avec égards et conscience de leur interdépendance avec le vivant), du genre (b) homo (des humains faisant communautés politiques et poétiques, capables de relier leurs singularités culturelles), de l’espèce (c) sapiens (capables d’une pensée rationnelle et complexe, capables de relier les savoirs et de mobiliser de la sagesse), dotés de capacités de (d) faber (pouvoir se doter et utiliser des outils spécifiques, conviviaux au sens qu’en donne Ivan Illich, agir en situation, œuvrer et exercer ses métiers).

En tant qu’apprenant, par des contenus adaptés aux finalités de ma formation, je bénéficierai chaque année d’apports pour chacun de ces quatre axes, que je sois en 2ᵉ année de primaire, en rhéto, en ébénisterie, en graduat de comptabilité, en master de géographie, en certificat de puériculture, en bachelier de médecine.

Si l’écologue se pose la question « quelle planète laiss(er)ons-nous à nos enfants ? », le pédagogue[15] – celui qui accompagne l’autre sur le chemin de l’émancipation vis-à-vis des ignorances, incompétences, illusions, etc. – est pour sa part nécessairement habité par la question « quels enfants laiss(er)ons-nous à la planète ? ».

Nous pensons que ces deux questions structurantes sont désormais à relier dès lors que nous voudrions tenter une sortie de la barbarie présente et de ses amplifications futures. Dit autrement : tout pédagogue est appelé à se faire écologue – et vice-versa – afin de penser et (ré)inventer collectivement des espaces, structures, institutions, méthodes, connaissances et pratiques permettant d’habiter le monde sans le mutiler. Métamorphose ou barbarie(s) : l’enjeu est de taille, mais ré-ouvre la possibilité d’une vie bonne sur et avec notre planète.

NOTES :

  • [1] Lan Wang-Erlandsson, Arne Tobian, Ruud J. van der Ent et al., « A planetary boundary for green water », Nature Reviews Earth & Environment, n°3, 2022, pp. 380-392.
  • [2] « Climat : 250 millions de nouveaux déplacés d’ici à 2050, selon le HCR », 2008 (https://news.un.org).
  • [3] Will Steffen et al., « The trajectory of the Anthropocene : The Great Acceleration », The Anthropocene Review, 2(1), 2005, pp. 81-98.
  • [4] François Scheidler, La Fin de la mégamachine. Sur les traces d’une civilisation en voie d’effondrement, Seuil, 2020.
  • [5] Jean-Jacques Wittezaele, Teresa Garcia-Rivera, A la recherche de l’école de Palo Alto, Seuil, 2006.
  • [6] Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) est un organisme intergouvernemental chargé d’évaluer l’ampleur, les causes et les conséquences du changement climatique en cours (ndlr).
  • [7] La Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services – IPBES) est un groupe international d’experts sur la biodiversité (ndlr).
  • [8] Simon Willcock, Gregory S. Cooper, John Addy et al., « Earlier collapse of Anthropocene ecosystems driven by multiple faster and noisier drivers », Nature Sustainability, 2023 (https://doi.org/10.1038/s41893-023-01157-x).
  • [9] Une étude de l’Université de Cambridge – intitulée Discourses of climate delay – a mis en évidence 12 excuses récurrentes brandies par les partisans du statu quo afin de retarder toute action sérieuse. Voir William F. Lamb et al., « Discourses of climate delay », Global Sustainability, vol. 3, e17, 2020.
  • [10] Cédric Chevalier, Thibault De La Motte, Déclarons l’état d’urgence écologique, Éditions Luc Pire, 2020.
  • [11] Laurent Lievens, Décroissance et néodécroissance. L’engagement militant pour sortir de l’économisme écocidaire, Presses universitaires de Louvain, 2022.
  • [12] Nous renvoyons notamment à toute la littérature issue du courant de la décroissance, l’un de seuls réellement sérieux face à ces questions. Voir notamment Serge Latouche, Paul Ariès, Timothee Parrique, Ivan Illich, Bernard Charbonneau, André Gorz, Jacques Ellul, Alain Gras, etc.
  • [13] En 2022, je démissionnais de mon poste d’enseignant à la Louvain School of Management pour alerter l’opinion publique. Cet acte de lanceur d’alerte s’est traduit dans deux lettres ouvertes (disponibles ici : https://blogs.mediapart.fr/laurent-lievens).
  • [14] Cela fera l’objet d’un ouvrage collectif prochain, qui abordera notamment le système d’enseignement supérieur au travers du cas emblématique de la science économique et de la gestion.[15] Philippe Godard, Pédagogie pour des temps difficiles – Cultiver des liens qui nous libèrent, Écosociété, 2021.