Térence (*)
Une conscience élevée rend difficile l’espoir, la motivation, l’engagement dans des projets, la prise d’initiative.
On perçoit, grâce à la conscience, la perfection ou du moins le bien, on sait qu’il est possible selon les lois du Réel.
Mais la raison lucide indique clairement que le cours pratique des événements est toujours très en deçà de ce bien possible (euphémisme). Pire, les événements ne semblent pas aléatoires et moyens mais plutôt tournés vers le pire. L’Histoire, c’est surtout l’histoire du mal et de la barbarie.
Donc la raison lucide perçoit encore plus cruellement l’écart entre l’idéal et la fange des événements.
L’actualité du monde, particulièrement morose et désespérante aujourd’hui, sidère les gens de bien, semble leur indiquer que, quelques soient leurs microscopiques efforts individuels et collectifs, des forces bien plus puissantes -la guerre, la bombe nucléaire, le réchauffement climatique, l’extrême-droite, les GAFAM, …- se chargeront de les anéantir et de laisser l’Humanité en ruine. A quoi bon planter un arbre fruitier si une bombe atomique le réduit en cendre ou si le réchauffement climatique le fait mourir de soif ?
Comment garder alors la motivation d’agir dans le monde ?
Gandhi sacrifie sa vie à l’indépendance de l’Inde et à la sagesse de ses habitants, pour finir assassiné dans une guerre civile entre musulmans et hindouistes qui provoque la partition Inde-Pakistan, aujourd’hui sanctionnée par deux arsenaux nucléaires qui se menacent de destruction mutuelle assurée.
Aujourd’hui, un Premier indien, Modi, d’extrême droite populiste, préside aux destinées du pays de la méditation, alors que Gandhi était de gauche.
Le bilan historique de l’engagement des individus et des collectifs est amer.
J’en conclus que la sagesse supérieure implique un grain de folie pour rendre possible l’engagement dans le monde.
En dépit de la raison pessimiste (avec raison !), une volonté optimiste doit animer l’âme du sage.
Mais plus largement, ce grain de sagesse-folie existentiel doit animer les âmes des femmes et hommes politiques, des militants, des activistes, des fonctionnaires, des entrepreneurs, de tous ceux qui prennent des initiatives et se lancent dans des projets, malgré les démentis historiques du Réel.
La condition humaine impose aux êtres humains de ne pas succomber à leur raison pessimiste, pour prendre le risque de faire le bien, malgré tout.