Plus de 2° ?

reprise d’un post de Thomas WagnerBon Pote – sur Linkedin

Pour la première fois, la planète Terre aurait franchi le 17 novembre la barre des +2°C de réchauffement mondial, par rapport à la période de référence 1850-1900 (données ERA5, ECMWF)
Cela ne veut pas dire que l’Accord de Paris est enterré, mais ce n’est clairement pas une bonne nouvelle. Pour pouvoir dire que l’objectif des +1.5°C ou +2°C de réchauffement est enterré, il faudrait que ce soit le cas sur une moyenne à 20 ans comme le GIEC le présente, et non une seule journée.
MAIS. Pendant ce temps, la semaine dernière, nous apprenions que les promesses des gouvernements permettraient de baisser de 2% les émissions d’ici 2030, et non de 43% comme il le faudrait pour avoir une chance de respecter l’Accord de Paris.
Les records continuent d’être battus un par un en 2023, pendant que l’inaction climatique des gouvernements nous précipite vers un monde en partie inhabitable. Si un monde réchauffé de +2°C ne vous parle pas, plusieurs articles sont disponibles en accès libre sur Bon Pote, n’hésitez jamais à demander ou poser des questions.
On aimerait vraiment que les médias s’emparent du sujet et en fassent une priorité.
Pour suivre quotidiennement le sujet, ce n’est pas le cas.
Nous avons aussi besoin que les politiques en parlent et relayent ce message. Que les citoyens et citoyennes relayent également. Nous aurons besoin de tout le monde.

documentation :


Le « vacillement » des systèmes terrestres nous met en garde :

agissons maintenant, ou nous verrons disparaître notre paradis déjà dégradé.

George Monbiot

Deepl traduction : Josette – The ‘flickering’ of Earth systems is warning us: act now, or see our already degraded paradise lost – 31 octobre 2023

Lorsque Rishi Sunak a accordé 27 nouvelles licences en mer du Nord cette semaine, il ne pensait pas à la survie du monde vivant.

Le voyez-vous déjà ? L’horizon des systèmes terrestres – le point où nos systèmes planétaires basculent dans un nouvel équilibre, hostile à la plupart des formes de vie ? Je pense que oui. L’accélération soudaine des crises environnementales que nous avons connue cette année, associée à l’inutilité stratégique des puissants gouvernements, nous précipite vers le point de non-retour.

On nous dit que nous vivons la sixième extinction de masse. Mais il s’agit là d’un euphémisme. On parle d’extinctions massives parce que le signe le plus visible des cinq catastrophes précédentes de l’ère phanérozoïque (depuis l’apparition des animaux à corps dur) est la disparition des fossiles dans les roches. Mais leur disparition est le résultat de quelque chose d’encore plus grand. L’extinction de masse est un symptôme de l’effondrement des systèmes terrestres.

Dans le cas le plus extrême, l’extinction Permien-Trias, il y a 252 millions d’années – lorsque 90 % des espèces ont disparu -, les températures planétaires ont grimpé en flèche, la circulation de l’eau autour du globe s’est plus ou moins arrêtée, le sol a été dépouillé, les déserts se sont étendus sur une grande partie de la surface de la planète et les océans se sont désoxygénés et acidifiés de manière drastique. En d’autres termes, les systèmes terrestres ont basculé dans un nouvel état, inhabitable pour la plupart des espèces qu’ils abritaient.

Ce que nous vivons aujourd’hui, à moins que nous et nos gouvernements ne prenions des mesures soudaines et radicales, est le sixième grand effondrement des systèmes terrestres.

Dans de nombreux systèmes terrestres, nous observons désormais le type d’instabilité – que les théoriciens des systèmes appellent « vacillement » – qui pourrait suggérer qu’ils s’approchent d’un point de basculement. Selon un article publié cette année, la perte totale de la glace de mer de fin d’été dans l’Arctique est désormais acquise et pourrait se produire dès les années 2030. Ce phénomène est susceptible de déclencher des phénomènes météorologiques encore plus extrêmes dans l’hémisphère nord en raison de l’affaiblissement du courant-jet.

Dans l’Antarctique, la fonte de la glace de mer s’est considérablement accélérée au cours de l’été austral cette année, après quoi elle ne s’est étrangement pas rétablie au cours de l’hiver austral. Cela suggère un changement d’état de plus en plus rapide, qui pourrait entraîner l’effondrement en cascade des plates-formes de glace d’eau douce perchées au-dessus de la glace de mer, ce qui aurait des conséquences catastrophiques sur l’augmentation du niveau des mers à l’échelle mondiale.

La fonte, à son tour, semble affecter la circulation des courants dans l’océan Austral, qui a ralenti d’environ 30 % depuis les années 1990. Ce phénomène entrave le transfert de chaleur et de froid et réduit l’oxygénation. On observe des effets similaires dans l’hémisphère nord, où la fonte des glaces de l’Arctique a réduit la circulation dans l’Atlantique.

De nouvelles recherches menées en Amazonie ont mis en évidence ce que les scientifiques appellent des « signaux précurseurs » d’une « transition critique imminente ». La combinaison de la déforestation et du dérèglement climatique pourrait interrompre la circulation des précipitations dans le bassin, déclenchant un passage rapide de la forêt tropicale à la savane.

Les vastes puits de carbone que constituent les zones humides tropicales et les tourbières pergélisolées de l’Arctique semblent également s’approcher d’un point de basculement, comme le suggèrent les pics soudains de méthane, de dioxyde de carbone et d’oxyde nitreux. Ces zones font partie des réserves de carbone les plus importantes au monde, mais par le biais d’une rétroaction auto-accélérée classique, certaines d’entre elles se transforment maintenant en puissantes sources de gaz à effet de serre.

Le mois de juillet de cette année a été le plus chaud jamais enregistré. Le mois de septembre a battu le précédent record de 0,5 °C. Un article publié l’année dernière explique comment cette dégradation du climat pourrait entraîner un effondrement de la société. Par exemple, dans moins de 50 ans, un tiers de la population mondiale pourrait vivre dans des endroits aussi chauds que le sont aujourd’hui les zones les plus chaudes du Sahara, souvent dans des régions déjà très instables sur le plan politique. Et ce n’est pas le pire. L’une des conséquences possibles de l’augmentation des concentrations de dioxyde de carbone au cours de ce siècle est la disparition soudaine des couches de nuages stratocumulus, ce qui entraînerait un réchauffement supplémentaire de la surface de 8 °C environ.

Comme lors des précédents grands effondrements des systèmes terrestres, ces impacts se traduisent par la disparition d’espèces. Un article récent révèle que la population de 48 % des espèces de la planète diminue, tandis que celle de 3 % seulement augmente. Beaucoup plus d’espèces sauvages pourraient être en voie d’extinction que ce que l’on estimait jusqu’à présent. Si la disparition des espèces est le symptôme d’un effondrement systémique, il se pourrait que nous vivions déjà en sursis.

Rien de tout cela n’est certain, à moins que nous ne fassions en sorte qu’il en soit ainsi. Mais loin de s’attaquer à la plus grande crise que l’humanité ait jamais connue, nos gouvernements accélèrent le pas vers l’horizon. Par exemple, Rishi Sunak, qui n’était jusqu’à présent qu’un simple accident de parcours dans l’histoire politique du Royaume-Uni, semble maintenant avoir découvert son objectif : saccager la planète au nom du pouvoir des entreprises. Des sources gouvernementales affirment qu’il profitera du discours du roi de la semaine prochaine pour redoubler son attaque contre les politiques écologiques.

Lundi, son gouvernement a annoncé l’octroi de 27 nouvelles licences d’exploitation de pétrole et de gaz en mer du Nord. Le même jour, une étude publiée dans Nature Climate Change a révélé que le budget carbone restant – la quantité nette de dioxyde de carbone que l’homme peut encore émettre pour conserver une chance sur deux de ne pas dépasser 1,5 °C de réchauffement de la planète – sera épuisé en seulement six ans si l’on continue à faire comme si de rien n’était. Seule une décision d’urgence de laisser les combustibles fossiles dans le sol est susceptible d’empêcher le franchissement de ce seuil de température.

Chaque heure est désormais un moment « si seulement » : elle offre une meilleure chance d’éviter l’effondrement que l’heure qui suit. Aussi sinistre que soit notre époque sur Terre, les générations futures y verront un âge d’or. Un âge d’or de la vie sauvage, du temps clément, de la stabilité, de la prospérité, des possibilités d’agir. Notre monde vivant est une ombre grise de ce qu’il a été, mais un paradis vibrant en comparaison de ce qu’il sera. À moins que, à moins que.


En ces temps de crises environnementales et climatiques

Odile Bury

Reprise d’un post FaceBook parut le 16 octobre 2023 : https://www.facebook.com/odile.bury

En ces temps de crises environnementales et climatiques et avec le sentiment d’urgence grandissant qui est le mien, je suis dans l’incapacité de poursuivre mon mandat d’Echevine de manière acceptable.

Alors que, comme tous les niveaux de pouvoir, nous sommes appelés dans notre commune à mettre en place un plan climat*, chaque semaine m’amène à participer à des décisions qui augmentent notre empreinte écologique et la quantité de gaz à effet de serre que nous rejetons dans l’atmosphère plutôt que les diminuer.

Nous continuons à mobiliser des ressources naturelles, humaines et financières, de plus en plus limitées, sans nous poser la question du besoin auquel leur utilisation va répondre.Les réponses technologiques qui sont données aux enjeux climatiques me paraissent aussi aggraver encore la situation au niveau environnemental.

Tout, y compris dans notre commune, semble être envisagé sauf la sobriété et le renoncement volontaire à ce que nous pourrions identifier ensemble et démocratiquement comme moins nécessaire ou accessoire.

Pire, nous créons de nouveaux « besoins » inutiles anéantissant d’un coup les efforts qui sont faits par ailleurs en terme de transition écologique. Je ne vois personnellement pas le chemin pour continuer à participer à un système qui ajoute à grands frais aux missions communales l’installation d’une patinoire en plastique lors du marché de Noël mais qui réduit l’alimentation bio dans les crèches faute de budget.

A l’heure où la banalisation de l’inaction climatique et environnementale est à l’ordre du jour au niveau européen, légitimant cette posture pour d’autres niveaux de pouvoir, les priorités ne me semblent pas mises au bon endroit. Nous restons attachés à un modèle qui ne répond pas aux enjeux auxquels nous sommes confrontés en tant qu’humanité. Des changements certes radicaux mais plus que nécessaires doivent commencer aujourd’hui.

Pour cela, nous devons toutes et tous être prêts à perdre des acquis ou des privilèges. Nous ne réduirons pas notre empreinte écologique en augmentant notre confort.

A force de vouloir maintenir le modèle actuel, nous nous empêchons d’en créer un nouveau, plus sobre, plus simple, dans lequel nous pourrions trouver d’autres satisfactions et d’autres solidarités.

Pour aider les politiques à bouger leurs lignes en ces temps pré-électoraux, ceux et celles qui sont prêtes au changement doivent l’afficher haut et fort.

Sans cela, les politiques ne bougeront pas avant d’y être acculés par des faits.

Montrons que nous voulons autre chose que du pain et des jeux !

Je n’ai pas réussi à partager le degré d’urgence extrême que je ressens pour agir en termes d’environnement et de transition, comme je n’ai pas réussi à partager au sein de la majorité actuelle le besoin d’être plus fort aux côtés de la nouvelle jeunesse Boitsfortoise.

J’ai besoin aujourd’hui de pouvoir dire et faire en cohérence avec qui je suis et ces derniers mois m’ont démontré que je ne trouverai pas de chemin pour y arriver dans le cadre de mon mandat. Je n’attendrai donc pas la fin de la législature pour aller vers ce qui me parait nécessaire.

Je démissionne ce jour de mon poste d’échevine.

Avec regrets car j’ai aimé la fonction et les personnes avec qui j’ai pu travailler au sein de l’administration, la Maison des jeunes, la Recyclerie mais aussi avec le sentiment d’avoir été aussi loin qu’il m’était possible dans le contexte politique actuel.

Je les remercie pour tout ce qui a pu être fait car les politiques ne sont rien sans une bonne administration. Quelle chance j’ai eu de les croiser !A ceux et celles qui peuvent encore, courage !

* Dans le cadre des objectifs européens climat-énergie 2030, la Belgique s’est vue attribuer un objectif de réduction de 35 % en 2030 par rapport à 2005. En région bruxelloise, l’objectif en 2030 est une réduction de 40% d’émissions par rapport à 1990 et de -90% d’émissions en 2050 par rapport à 1990.


Nous ne sommes pas encore condamnés

Le climatologue Michael Mann parle de notre dernière chance de sauver la civilisation humaine

Damian Carrington

Traduction deepl Josette – article original sur The Guardian

Le nouveau livre du célèbre scientifique américain examine 4 milliards d’années d’histoire du climat pour conclure que nous vivons un « moment fragile », mais qu’il est encore temps d’agir.

« Nous n’avons pas encore dépassé les limites d’une civilisation humaine viable, mais nous nous en approchons », déclare le professeur Michael Mann. « Si nous continuons [à émettre du carbone], les jeux sont faits ».


La crise climatique, qui provoque déjà des phénomènes météorologiques extrêmes et dévastateurs dans le monde entier, a engendré un « moment fragile », déclare l’éminent climatologue et communicateur dans son dernier livre, intitulé « Our Fragile Moment » (Notre moment fragile). Selon lui, il est encore possible de maîtriser la crise climatique, mais d’énormes obstacles politiques se dressent devant nous.


Michael Mann, de l’université de Pennsylvanie aux États-Unis, fait partie des climatologues les plus en vue depuis qu’il a publié, en 1999, le célèbre graphique en forme de crosse de hockey, qui montre comment les températures mondiales ont grimpé en flèche au cours du siècle dernier.

Pour comprendre la situation difficile dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui, Michael Mann a remonté l’histoire du climat de la Terre afin d’avoir une vision plus claire de notre avenir potentiel. « Nous disposons d’une période de 4 milliards d’années dont nous pouvons tirer des enseignements », a-t-il déclaré dans une interview au Guardian.


« Nous voyons des exemples de deux qualités qui s’affrontent, la fragilité et la résilience. D’une part, on trouve des mécanismes stabilisateurs qui existent dans le climat de la Terre, lorsque la vie elle-même a contribué à maintenir la planète dans des limites adaptées à la vie. Par exemple, la luminosité du soleil a augmenté de 30 % depuis l’apparition de la vie sur Terre, mais la vie a maintenu des températures adaptées.


« Mais il y a des exemples où le système terrestre a fait exactement le contraire, où il est devenu incontrôlable, et ce à cause de la vie elle-même », explique Michael Mann. Lors du grand épisode d’oxydation survenu il y a 2,7 milliards d’années, des bactéries primitives ont commencé à produire de l’oxygène, ce qui a entraîné la destruction du méthane, un puissant gaz à effet de serre présent dans l’atmosphère. « Cela nous a plongés dans une Terre boule de neige qui a failli tuer toute forme de vie. »


« Lorsque nous examinons tous ces épisodes passés, nous avons le sentiment que nous ne sommes pas encore condamnés – nous n’avons pas encore assuré notre extinction », ajoute-t-il. « Mais si nous continuons à dépendre des combustibles fossiles, nous sortirons de la zone de sécurité que nous indiquent les données de l’histoire de la Terre. C’est ce qui rend ce moment si fragile : nous sommes au bord du précipice ».

Selon Michael Mann, l’une des motivations du livre est la montée du catastrophisme climatique : « Nous n’avons pas vu la fin du déni climatique, mais il n’est tout simplement plus plausible, car les gens peuvent voir et ressentir que cela se produit. Les pollueurs se sont donc tournés vers d’autres tactiques et, ironiquement, l’une d’entre elles est le catastrophisme. S’ils peuvent nous convaincre qu’il est trop tard pour faire quoi que ce soit, pourquoi le faire ?


Michael Mann explique qu’il a remarqué que l’histoire du climat était instrumentalisée par les alarmistes. « L’idée que les extinctions massives du passé se traduisent par une extinction massive assurée aujourd’hui en raison, par exemple, d’un emballement du réchauffement dû au méthane [lors de la fonte du pergélisol] n’est pas vraie – la science ne le confirme pas.


Un réchauffement de 1,5 °C est déjà très grave, mais un réchauffement de 3 °C pourrait mettre fin à la civilisation.


Le sort de notre climat est en suspens, selon Michael Mann : « Il existe des preuves assez convaincantes du passé, combinées aux informations fournies par les modèles climatiques, qui montrent que si nous parvenons à maintenir le réchauffement en deçà de 1,5 °C, nous pourrons préserver cette période de fragilité. Mais si nous dépassons les 3 °C, il est probable que nous ne pourrons pas le faire. C’est entre les deux que nous jetons les dés ». Les politiques et actions actuelles en matière de climat conduiraient à un réchauffement d’environ 2,75 °C, tandis que la réalisation de tous les engagements et objectifs fixés à ce jour se traduirait par un réchauffement de 2 °C.

« La question est donc de savoir jusqu’à quel point nous sommes prêts à laisser la situation se dégrader », dit-il. « 1,5 °C est déjà très grave, mais 3 °C pourrait mettre fin à la civilisation. »

Les vagues de chaleur généralisées, les incendies de forêt et les inondations clairement liés au réchauffement planétaire ont donné un caractère d’urgence à l’appel à l’action, explique Michael Mann : « Mais l’urgence sans l’action ne fait que nous conduire au désespoir et au défaitisme. C’est ce que les pollueurs aimeraient, prendre tous ces militants du climat et les faire passer de la ligne de front à la ligne de touche ».


Il est possible de mettre fin à l’urgence climatique, affirme Michael Mann : « Nous savons que les obstacles au maintien du réchauffement en deçà des niveaux catastrophiques ne sont pas encore physiques ni technologiques, mais politiques. Mais il y a actuellement des obstacles politiques assez importants ».


« Ici, à Penn State, il y a tellement d’anxiété, de peur et de désespoir, et même de chagrin », dit-il. « Une partie de ces sentiments provient de l’idée erronée qu’il est physiquement trop tard et je veux dissiper cette idée. Mais une partie provient d’un cynisme compréhensible à l’égard de nos politiciens, et c’est un défi bien plus important. »


Son évaluation d’une victoire potentielle de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine de 2024 est sévère, la qualifiant « d’éloignement de la démocratie vers le fascisme, et il n’y a pas de voie vers une action climatique significative qui passe par le fascisme plutôt que par la gouvernance démocratique ».

« Nous devons sortir et voter, et les jeunes doivent sortir en grand nombre et voter », déclare Michael Mann. « Si nous le faisons, nous pourrons élire des hommes politiques qui agiront en notre nom, au lieu de se contenter d’approuver les pollueurs.


Le principal sommet des Nations unies sur le climat, la Cop28, débutera fin novembre et sera accueilli par les Émirats arabes unis, ce que Michael Mann qualifie de « très inquiétant ». Les Émirats arabes unis ont les troisièmes plus grands plans d’expansion pétrolière et gazière au monde, et le président de la Cop28 est également le PDG d’Adnoc, la compagnie pétrolière d’État des Émirats arabes unis.


Il n’y a pas de voie vers une action climatique significative qui passe par le fascisme plutôt que par la gouvernance démocratique.


« Il n’est pas normal de leur permettre d’adopter l’imprimatur de l’action climatique mondiale en accueillant la Cop28 », déclare Michael Mann. « C’est légitimer un comportement de leur part et de la part d’autres pays pétroliers qui est fondamentalement en contradiction avec la tâche qui nous attend. Je trouve cela très inquiétant.


Michael Mann est la cible privilégiée des négationnistes du climat depuis la publication du graphique en crosse de hockey. Il se montre cinglant à l’égard de la gestion par Elon Musk de la plateforme de médias sociaux X, anciennement appelée Twitter.

« Musk était considéré comme un héros de l’environnement, en raison de son rôle chez Tesla », explique M. Mann. « Mais de plus en plus, il a montré son vrai visage, son allégeance politique à Trump et au fascisme ».


« Twitter était une place publique mondiale, un forum pour communiquer sur la crise climatique », poursuit-il. « Ce que Musk a fait, c’est le transformer en un forum toxique pour la promotion du négationnisme climatique et de tout ce qui est mauvais dans le monde. C’est stupéfiant. » Michael Mann note que le prince Alwaleed bin Talal d’Arabie saoudite, l’un des « pires acteurs pétroliers », a joué un rôle de 1,9 milliard de dollars dans l’achat de Twitter par M. Musk.


Michael Mann a également souligné que le prince Alwaleed était l’un des principaux bailleurs de fonds de l’empire médiatique de Rupert Murdoch jusqu’en 2017. « Rupert Murdoch a utilisé son réseau mondial de médias pour promouvoir le négationnisme climatique et s’attaquer aux énergies renouvelables, ce qui correspond à son idéologie et aux intérêts de certains des puissants pétro-États, en particulier l’Arabie saoudite. »


Les systèmes éducatifs et leur sculpture de l’a-venir : Métamorphose ou Barbarie(s) ?

Laurent Lievens, sociologue, psychomotricien, ingénieur, chargé de cours Helha-CESA, UCLouvain (ESPO) et contributeur pour la Fondation Edgar Morin. Voir http://lievenslaurent.pbworks.com.

Article publié précédemment dans Centre avec

Notre thèse est simple et peut se résumer de la sorte : le modèle de développement que connaît notre société a engendré et répandu des manières d’habiter le monde qui tuent massivement le vivant et rendent la planète peu à peu inhabitable pour les humains. Sciant la branche sur laquelle nous sommes assis, cette mécanique barbare conduit nécessairement aux effondrements – actuels et futurs, écologiques, sociaux, économiques – qui s’amplifieront tant qu’une métamorphose radicale ne sera pas engagée. Pour permettre, soutenir et nourrir cette dernière, la mutation – et non pas une simple réforme – de l’ensemble des systèmes éducatifs est indispensable. Nous en proposerons ici une première trame.

Admettre ce que la science sait

Partons d’un fait central : l’écocide (du grec oîkos, « maison » et du latin caedere, « tuer »), c’est-à-dire la destruction de notre maison terrestre commune. Depuis seulement quelques décennies – tendanciellement quelques siècles, tout au plus –, une partie croissante des terriens est en train de rendre inhabitable la planète à laquelle elle appartient, par ses pratiques, ses outils, ses techniques, ses aspirations. Ce constat factuel s’appuie sur l’activité humaine la plus puissante permettant de comprendre le réel au départ d’observations, analyses et expériences : la recherche scientifique.

Et celle-ci converge sur les grandes tendances. Sur 9 limites planétaires étudiées[1], 6 sont déjà dépassées : le climat, la biodiversité, les cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore, l’occupation des sols, l’utilisation mondiale de l’eau, la présence d’entités nouvelles (dont les plastiques) dans la biosphère. En 50 ans, les populations de vertébrés (poissons, oiseaux, mammifères, amphibiens et reptiles) ont diminué de presque 70 % sur la planète, essentiellement à cause des activités humaines. Nos forêts brûlent, nous passons de canicules et sécheresses en inondations, nos sols et nos eaux se stérilisent, les ressources alimentaires sont menacées, la fréquence des zoonoses explose, les écosystèmes s’effondrent. En 2017, 25 ans après un premier appel, quinze mille scientifiques de 184 pays publiaient un second manifeste alertant sur la trajectoire de collision de notre modèle sociétal avec le vivant si le business-as-usual était maintenu. L’ONU annonce entre 200 et 250 millions de réfugiés climatiques dans le monde d’ici moins de 30 ans[2]. Nous avons vécu la plus grande pandémie mondiale depuis celle de 1918, dont les causes sont intimement liées à l’écocide planétaire. Et nous pourrions noircir des pages ad nauseam en listant les constats et alertes scientifiques qui mettent en garde contre la Grande Accélération[3], et la destruction des conditions d’habitabilité de la planète.

crédit : Priscilla Gyamfi – Unsplash

L’écocide en cours est donc un fait documenté et validé, qui concernera à brève échéance tous les lieux et toutes les populations : par son ampleur, par sa complexité (chaque crise rétroagissant sur les autres de manière souvent imprévisible), par les inerties des systèmes terrestres et par l’extrême fragilité des sociétés humaines face à ces risques systémiques. Pour bien se représenter l’ordre de grandeur des bouleversements qui nous arrivent, songeons simplement à la difficulté sidérante lorsqu’il s’agit d’accueillir un nombre pour le moment dérisoire de réfugiés, ou encore au chaos engendré par la récente pandémie.

Si notamment des géologues s’orientent vers l’emploi du terme d’anthropocène – afin de signifier la force de ces processus à l’échelle du temps long – nous adopterons ici le terme de capitalocène. Celui-ci désigne en effet une des racines de cette mutilation, et évite surtout l’injustice d’envisager l’humanité comme un bloc monolithique. Le choix de ce terme ouvre également une porte de sortie : l’humain – anthropos – ne serait pas ontologiquement et irrévocablement coupable, mais bien un certain type de rapport au monde, situé historiquement, principalement initié en Occident et se diffusant, par la force autant que par la séduction, au reste du monde.

Ce modèle néolibéral – la version actuelle et toujours plus corrosive du capitalisme – donne lieu à une démesure extractiviste, productiviste et consumériste, un illimitisme forcené ainsi qu’une foi béate dans le techno-solutionnisme et le marché, censés résoudre tous les maux. Au cœur de ce modèle de société – cette Mégamachine[4] thermo-industrielle –, on retrouve notamment une pensée hors-sol, un réductionnisme maladif, une obsession du quantitatif et de la marchandisation du monde. C’est en quelque sorte l’application à toute la planète de la logique féroce du boutiquier et de son fétichisme de la marchandise.

Validé à différentes reprises par la suite, le rapport Meadows indiquait, il y a plus de 50 ans déjà, l’impossibilité du maintien de ce système, qui relève d’une dystopie – ni soutenable, ni souhaitable – vis-à-vis de laquelle nous avons à construire d’urgence des voies de sortie collectives, par d’autres récits du désirable, d’autres pratiques pour habiter le monde.

Si la tâche est titanesque, il n’y a pourtant aucune fatalité à la poursuite d’un modèle de société et de développement périmé. Et les progrès évidents qu’a permis ce modèle ne peuvent – par simple raisonnement logique – justifier sa poursuite dès lors qu’il détruit – avec une violence extrême – les conditions mêmes de l’existence.

Mettre à jour nos imaginaires

Voilà pour l’état des lieux. Alors qu’il semble démesuré par son échelle (tant mondiale que locale) et ses implications (changer ou périr), nous y voyons le point de départ essentiel à toute réflexion sérieuse, à toute proposition ajustée, à toute action intelligente. L’écocide nous plaçant de facto dans un tout autre cadre civilisationnel, qu’on le veuille ou pas, qu’on campe dans le déni ou pas. Mais le propre de la folie n’est-il pas de nier le réel ?

Allons plus loin : l’approche systémique[5] – essentielle en écologie scientifique par son intégration des liens d’interdépendance – nous enseigne l’importance du cadre dans lequel toute action prend place. Un geste ou une action prendront sens en fonction de la compréhension du « décor » dans, par et avec lequel ils interagiront. Par exemple, le même acte de pousser quelqu’un n’aura pas du tout la même signification si je suis sur un terrain de rugby, dans une compétition de boxe, dans la rue, sur un plateau de théâtre, dans un immeuble en feu.

Dès lors, la conscience affûtée de la situation d’écocide engendrée par la Mégamachine et de la nécessaire métamorphose pour tenter d’en sortir doit absolument devenir centrale : aucune politique publique, aucun traité international, aucune proposition économique, aucune réforme éducative ne peuvent dès à présent s’envisager hors de cet impératif catégorique kantien, sous peine de désuétude immédiate. Car, dotées d’une compréhension trop limitée (par inconscience, déni, obscurantisme, parcellisation des savoirs, pensée en silo, localisme, etc.), nos actions sont souvent – et malgré de bonnes intentions – mutilantes,pour reprendre l’analyse du philosophe et sociologue Edgar Morin.

Imaginons-nous le 15 avril 1912 sur le Titanic, nous avons déjà heurté l’iceberg, et nous continuerions de disserter sur la couleur des lambris du salon, la manière de mieux éclairer les couloirs, le choix d’une graisse plus économique pour la salle des machines, la date de la prochaine promotion, ou encore le menu du petit déjeuner. Si toutes ces questions sont intéressantes, voire nécessaires, les envisager sans d’abord et constamment tenir compte de la brèche dans la coque du navire indiquerait notre degré d’aveuglement ou de stupidité. Nous serions ridicules, désajustés, inconséquents et donc en quelque sorte criminels au regard de la gravité de la situation.

Voies de garage, non merci !

Nous sommes ainsi de toute évidence à un kairos : le temps du moment opportun, ce moment où, plongés dans une crise existentielle, une voie de sortie s’avère nécessaire. Deux écueils nous guettent cependant.

Le premier est de chercher sans fin à préciser les détails de cet écocide, à en mesurer toutes les dimensions, à attendre un ultime rapport du GIEC[6] ou de l’IPBES[7] – dont les prédictions sont chaque fois corrigées à la hausse[8] – avant d’opérer des changements. Le danger serait de raffiner notre tableau de bord d’indicateurs, en délaissant les leviers d’action réels. Car, si le travail de précision reste intéressant, l’écocide est déjà largement documenté et devrait nous donner – depuis un certain temps déjà – l’impulsion et le cadre pour tenter sérieusement autre chose. Nous avons amplement de quoi nous inciter à stopper le business-as-usual. Il s’agit maintenant d’enrayer la poursuite de la Mégamachine, d’employer toute notre attention et notre intelligence à quitter cette trajectoire. Ergoter sur les quelques incertitudes s’avère surtout une stratégie de statu-quo[9].

Pour reprendre l’exemple du Titanic, notre tactique actuelle s’apparente pour une partie d’entre nous – les autres n’ayant pas encore imaginé ou perçu l’état du réel – à compter sans cesse les passagers, à mesurer les réserves de charbon, à enquêter sur la taille de la voie d’eau, à calculer à la seconde près le moment où l’ensemble des cales seront inondées. À ce rythme-là, les canots ne sont pas mis à l’eau, les passagers restent dans l’ignorance et ne sont pas accompagnés, les secours extérieurs ne sont pas appelés, etc. Mais, comme dans le cas de cette catastrophe, la croyance en l’insubmersibilité du bateau constitue déjà un obstacle majeur.

Dans le contexte de l’écocide, les échelles de temps et les inerties (climatiques notamment) sont d’une ampleur telle que nous n’avons ni le luxe – ni même le besoin – d’attendre une certitude totale et détaillée avant d’agir avec détermination. Dans le film Don’t Look up, c’est la fameuse réplique du « on patiente et on avise » de la présidente après l’annonce par les scientifiques des conséquences de l’impact de la comète. Face au consensus scientifique déjà présent, cette stratégie de l’inaction (qui relève en réalité de la mauvaise foi) n’est plus acceptable.

Quitter le déni et admettre ce que la science sait nous inciterait par exemple à décréter une sorte d’état d’urgence écologique[10], à consacrer la majeure partie de nos ressources à la métamorphose, à soutenir et susciter toutes les expérimentations d’autres manières d’habiter le monde, à refonder totalement notre système d’éducation pour quitter la poursuite du business-as-usual.

Un deuxième risque – tragique également – est d’envisager la situation de manière parcellaire : il y aurait un problème climatique, un problème lié à l’eau potable, un problème de biodiversité, un souci de mobilité, un souci de logement, un problème alimentaire, etc. Le danger est alors de tenter d’apporter des solutions sectorielles – et essentiellement techniques – à chacun de ces problèmes. Le danger est d’opérer des changements à la marge, des changements dans le cadre actuel de la Mégamachine.

Une politique radicale de métamorphose

C’est face à ce deuxième risque qu’il faut être précis sur la notion de métamorphose. Nous savons qu’un système peut changer de deux manières. Soit via un changement de type 1 (chgmt1), soit via un changement de type 2 (chgmt2).

Le premier corrige un problème en modifiant des éléments à l’intérieur du cadre existant : par exemple, lorsqu’il fait froid, j’allume mon chauffage. Le deuxième modifie le cadre lui-même : il fait froid, et donc je déménage vers une région plus tempérée.

La transformation naturelle d’une chenille en papillon nous offre un exemple de ce changement de type 2 : un papillon n’est pas une chenille améliorée, qui aurait subi un ajustement. Il s’agit d’autre chose, d’une autre structure, d’un autre fonctionnement. On a changé de système. Et l’on n’obtiendra jamais un papillon en tentant d’améliorer ou d’ajuster une chenille.

Pour un chgmt2, une rupture est indispensable. Une métamorphose implique ce type de changement : quitter le cadre actuel et en bâtir collectivement un autre, tenant compte du réel et susceptible de permettre – pour reprendre le philosophe Paul Ricoeur – une vie bonne, avec et pour autrui, dans des institutions justes.

L’enjeu n’est ainsi pas de rendre durable, soutenable, éthique, numérique, certifié, notre modèle sociétal actuel, mais d’en sortir de toute urgence. Le changement est un changement de nature (faire tout autre chose, tout autrement) et non un changement de degré (faire un peu mieux, ou différemment, la même chose).

Ce que la théorie systémique indique également est que, face à l’évolution du contexte, un système insoutenable essaie tous les chgmt1 avant d’être contraint d’opérer un chgmt2. Tout système cherchera à éviter la métamorphose, à maintenir son homéostasie, à persévérer en l’état, quitte – dans le cas de la Mégamachine – à rendre la planète inhabitable, à détruire le vivant, à criminaliser les mouvements de contestation et d’exploration d’autres possibles – comme l’illustre l’actualité. La résistance au changement sera donc nécessairement au rendez-vous, il faut s’y préparer.

Dans nos pays, le cœur de cette métamorphose consisterait à réduire notre prédation sur le monde et le vivant. Il s’agit de s’organiser à l’échelle collective et politique pour diminuer drastiquement et de manière équitable les flux énergétiques et matériels, afin de revenir en deçà des limites planétaires. Une réelle politique de décroissance[11] donc, susceptible de décoloniser nos imaginaires et de remettre à la niche la sphère économico-financière. De gré ou de force, nous n’y couperons pas.

Faire mieux avec beaucoup moins[12], sans se laisser séduire par les chimères de la Mégamachine. Celle-ci brandit en effet une série de chgmt1 : croissance verte, découplage, développement durable, technologisme, colibrisme, colonisation d’autres planètes, etc. Si certains relèvent du simple greenwashing[13], d’autres s’avèrent utiles pour autant qu’ils s’inscrivent explicitement dans une visée de métamorphose. Car poursuivre l’actuel en le verdissant un peu nous maintient dans la même direction écocidaire. C’est un tout autre horizon qui est requis.

L’effet levier des systèmes éducatifs

Que le lecteur ne s’y trompe pas, tout ce qui vient d’être posé n’est pas un long détour un peu écolo ou catastrophiste vis-à-vis du sujet de ce dossier, mais bien la fondation même de toute politique éducative sérieuse pour la suite.

Étant inclus dans le système sociétal – lui-même inclus dans le système Terre – le système éducatif, comme toute institution et organisation, devra se métamorphoser. Mais par un effet de levier conséquent, il joue un rôle capital de formation par et pour cette métamorphose : en dotant les apprenants des clés de compréhension et d’action vis-à-vis du réel, en les outillant d’une pensée complexe et systémique, en leur fournissant un équilibre entre raison critique, raison instrumentale et sagesse, et en les armant intellectuellement afin de déconstruire les idéologies de la Mégamachine.

Se placer dans un cadre ajusté avec le réel impliquera d’intégrer – c’est-à-dire incorporer, digérer, métaboliser, avec la tête mais également avec le cœur et le corps – la situation d’écocide et ses effondrements, pour ensuite se doter d’une destination ajustée : la métamorphose.

C’est – d’abord ! – habités de cette lucidité et de cette clarté qu’il sera – ensuite – possible d’implémenter une stratégie de mise en œuvre concrète. D’expérience, nous savons qu’aucun espoir n’est durable s’il s’appuie sur un déni des faits ; la jeunesse actuelle s’y trompe d’ailleurs de moins en moins. La lucidité sera donc la première brique de toute réalisation, laquelle sera obligatoirement plurielle, située, contextualisée en fonction des situations de terrain, des contextes locaux, des enjeux territoriaux, des ressources disponibles. Elle sera nécessairement incrémentielle : le sommet de la montagne étant identifié, c’est pas à pas que nous l’atteindrons ensuite. Mais tant que l’on se fourvoiera sur l’emplacement du sommet – en entretenant de faux espoirs –, aucun de nos pas ne pourra nous y mener.

Comment implémenter cela dans le domaine de l’apprentissage ? Nous proposons[14] quatre axes transversaux pour structurer la totalité des lieux de transmission. Nous intitulons ces axes : terrestre, homo, sapiens, et faber. Tous les systèmes éducatifs contribueront à former ainsi des (a) terrestres (qui habitent la Terre autrement qu’en prédateurs, avec égards et conscience de leur interdépendance avec le vivant), du genre (b) homo (des humains faisant communautés politiques et poétiques, capables de relier leurs singularités culturelles), de l’espèce (c) sapiens (capables d’une pensée rationnelle et complexe, capables de relier les savoirs et de mobiliser de la sagesse), dotés de capacités de (d) faber (pouvoir se doter et utiliser des outils spécifiques, conviviaux au sens qu’en donne Ivan Illich, agir en situation, œuvrer et exercer ses métiers).

En tant qu’apprenant, par des contenus adaptés aux finalités de ma formation, je bénéficierai chaque année d’apports pour chacun de ces quatre axes, que je sois en 2ᵉ année de primaire, en rhéto, en ébénisterie, en graduat de comptabilité, en master de géographie, en certificat de puériculture, en bachelier de médecine.

Si l’écologue se pose la question « quelle planète laiss(er)ons-nous à nos enfants ? », le pédagogue[15] – celui qui accompagne l’autre sur le chemin de l’émancipation vis-à-vis des ignorances, incompétences, illusions, etc. – est pour sa part nécessairement habité par la question « quels enfants laiss(er)ons-nous à la planète ? ».

Nous pensons que ces deux questions structurantes sont désormais à relier dès lors que nous voudrions tenter une sortie de la barbarie présente et de ses amplifications futures. Dit autrement : tout pédagogue est appelé à se faire écologue – et vice-versa – afin de penser et (ré)inventer collectivement des espaces, structures, institutions, méthodes, connaissances et pratiques permettant d’habiter le monde sans le mutiler. Métamorphose ou barbarie(s) : l’enjeu est de taille, mais ré-ouvre la possibilité d’une vie bonne sur et avec notre planète.

NOTES :

  • [1] Lan Wang-Erlandsson, Arne Tobian, Ruud J. van der Ent et al., « A planetary boundary for green water », Nature Reviews Earth & Environment, n°3, 2022, pp. 380-392.
  • [2] « Climat : 250 millions de nouveaux déplacés d’ici à 2050, selon le HCR », 2008 (https://news.un.org).
  • [3] Will Steffen et al., « The trajectory of the Anthropocene : The Great Acceleration », The Anthropocene Review, 2(1), 2005, pp. 81-98.
  • [4] François Scheidler, La Fin de la mégamachine. Sur les traces d’une civilisation en voie d’effondrement, Seuil, 2020.
  • [5] Jean-Jacques Wittezaele, Teresa Garcia-Rivera, A la recherche de l’école de Palo Alto, Seuil, 2006.
  • [6] Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) est un organisme intergouvernemental chargé d’évaluer l’ampleur, les causes et les conséquences du changement climatique en cours (ndlr).
  • [7] La Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services – IPBES) est un groupe international d’experts sur la biodiversité (ndlr).
  • [8] Simon Willcock, Gregory S. Cooper, John Addy et al., « Earlier collapse of Anthropocene ecosystems driven by multiple faster and noisier drivers », Nature Sustainability, 2023 (https://doi.org/10.1038/s41893-023-01157-x).
  • [9] Une étude de l’Université de Cambridge – intitulée Discourses of climate delay – a mis en évidence 12 excuses récurrentes brandies par les partisans du statu quo afin de retarder toute action sérieuse. Voir William F. Lamb et al., « Discourses of climate delay », Global Sustainability, vol. 3, e17, 2020.
  • [10] Cédric Chevalier, Thibault De La Motte, Déclarons l’état d’urgence écologique, Éditions Luc Pire, 2020.
  • [11] Laurent Lievens, Décroissance et néodécroissance. L’engagement militant pour sortir de l’économisme écocidaire, Presses universitaires de Louvain, 2022.
  • [12] Nous renvoyons notamment à toute la littérature issue du courant de la décroissance, l’un de seuls réellement sérieux face à ces questions. Voir notamment Serge Latouche, Paul Ariès, Timothee Parrique, Ivan Illich, Bernard Charbonneau, André Gorz, Jacques Ellul, Alain Gras, etc.
  • [13] En 2022, je démissionnais de mon poste d’enseignant à la Louvain School of Management pour alerter l’opinion publique. Cet acte de lanceur d’alerte s’est traduit dans deux lettres ouvertes (disponibles ici : https://blogs.mediapart.fr/laurent-lievens).
  • [14] Cela fera l’objet d’un ouvrage collectif prochain, qui abordera notamment le système d’enseignement supérieur au travers du cas emblématique de la science économique et de la gestion.[15] Philippe Godard, Pédagogie pour des temps difficiles – Cultiver des liens qui nous libèrent, Écosociété, 2021.

La Croissante Verte a-t-elle lieu en Europe (et en Belgique) ?

Reprise d’un post sur LinkedIn de Martin Francois

Dans ce nouvel article, les auteurs montrent qu’il faudra, au rythme actuel, 220 ans pour réduire de 95% les émissions de CO2 des pays à hauts revenus s’ils continuent à poursuivre une stratégie de croissance verte, c’est-à-dire qu’ils poursuivent un double objectif de croissance économique et de réduction de leurs émissions de CO2.

Si l’on souhaite atteindre les objectifs de Paris (+1,5°), il faudrait que, en 2025, le découplage entre croissance économique et émissions de CO2-eq soit multiplié par un facteur 10 ! Ce qui est complètement farfelu, soyons honnêtes…

Si les pays à hauts revenus comme la Belgique souhaitent atteindre l’accord de Paris, il faut mettre en place (d’urgence !) des stratégies de réduction de la demande, en réorientant l’économie vers la sobriété et le bien-être humain, tout en accélérant le changement technologique et les gains d’efficacité.

pour lire l’article, cliquez sur l’image


‘Personne ne veut avoir raison sur ce sujet’

les scientifiques du climat sont horrifiés et exaspérés par les prévisions mondiales.

Par 7 experts du Climat

Source : The Guardian – Traduction Deepl

Alors que l’hémisphère nord brûle, les experts ressentent une profonde tristesse – et du ressentiment – en redoutant ce qui attend l’été australien.

Le Guardian Australia a demandé à sept éminents climatologues de décrire ce qu’ils ressentent alors qu’une grande partie de l’hémisphère nord est engloutie par des vagues de chaleur torrides et qu’un certain nombre de records climatiques terrestres et océaniques mondiaux sont battus.


Je suis stupéfaite par la férocité de la situation

Ce qui se passe actuellement dans le monde entier est tout à fait conforme aux prévisions des scientifiques. Personne ne veut avoir raison. Mais pour être honnête, je suis stupéfait par la férocité des impacts que nous subissons actuellement. Je redoute vraiment la dévastation que cet El Niño va entraîner. Alors que la situation se détériore, je me demande comment je peux être le plus utile dans un moment comme celui-ci. Dois-je continuer à essayer de poursuivre ma carrière de chercheur ou consacrer encore plus de temps à avertir le public ? La pression et l’anxiété liées à la gestion d’une crise de plus en plus grave pèsent lourdement sur nombre d’entre nous.

Joëlle Gergis, maître de conférences en sciences du climat à la Fenner School of Environment and Society, chercheur associé à l’ARC Centre of Excellence for Climate Extremes de l’Australian National University.


Même un réchauffement de 1,2 °C n’est pas sûr

Dès le milieu des années 1990, nous savions que des monstres se cachaient sous les projections de nos modèles climatiques : des vagues de chaleur monstrueuses, des précipitations et des inondations extrêmes catastrophiques, des incendies de forêt à l’échelle subcontinentale, un effondrement rapide de la calotte glaciaire faisant monter le niveau de la mer de plusieurs mètres en l’espace d’un siècle. Nous savions – tout comme nous connaissons la gravité – que la Grande Barrière de Corail d’Australie pourrait être l’une des premières victimes d’un réchauffement planétaire incontrôlé.

Mais alors que des vagues de chaleur monstrueuses et mortelles s’abattent aujourd’hui sur de grandes parties de l’Asie, de l’Europe et de l’Amérique du Nord, avec des températures que nous n’avons jamais connues, nous constatons que même un réchauffement de 1,2 °C n’est pas sans danger.

L’industrie des combustibles fossiles est à l’origine de tout cela. Les dirigeants politiques, qui refusent de contrôler cette industrie et qui encouragent des politiques telles que la compensation et l’expansion massive du gaz, lui permettent tout simplement de continuer à exister.

Bill Hare, physicien et climatologue, directeur général de Climate Analytics.


Quel autre choix avons-nous ?

Voilà à quoi ressemble le changement climatique aujourd’hui. Et voilà à quoi ressemblera le changement climatique à l’avenir, même s’il continuera probablement à s’aggraver.

Je ne sais pas de combien d’avertissements supplémentaires le monde a besoin. C’est comme si l’humanité avait reçu un diagnostic médical en phase terminale, qu’elle savait qu’il existait un remède, mais qu’elle avait consciemment décidé de ne pas se sauver.

Mais ceux d’entre nous qui comprennent et qui se sentent concernés doivent continuer à essayer – après tout, quel autre choix avons-nous ?

Lesley Hughes, membre du conseil d’administration de la Climate Change Authority et professeur émérite à l’université Macquarie.


L’histoire les jugera très sévèrement

Je me souviens encore de la lecture du rapport de la conférence de Villach de 1985, qui alertait la communauté scientifique sur le lien possible entre la production de gaz à effet de serre et le changement climatique. En 1988, j’ai dirigé la Commission australienne pour l’avenir et j’ai travaillé avec Graeme Pearman, du CSIRO, sur Greenhouse ’88, un programme visant à attirer l’attention du public sur les résultats scientifiques.

Aujourd’hui, tous les changements prévus sont en train de se produire, et je réfléchis donc à l’ampleur des dommages environnementaux et des souffrances humaines inutiles qui résulteront du travail des hommes politiques, des chefs d’entreprise et des personnalités publiques qui ont empêché toute action concertée. L’histoire les jugera très sévèrement.

Ian Lowe, professeur émérite à l’école des sciences de l’université Griffith


Seul le temps nous le dira

Même si nous disons depuis des décennies que c’est ce à quoi il faut s’attendre, il est toujours très inquiétant de voir ces extrêmes climatiques se manifester avec une telle férocité et une telle portée mondiale. Cet été, ce sera le tour de l’Australie, cela ne fait aucun doute.

La lenteur de l’action politique me frustre profondément – il est déconcertant de voir que de nouveaux projets d’extraction de combustibles fossiles obtiennent toujours le feu vert ici en Australie. Cette frustration s’accompagne d’un profond ressentiment à l’égard de ceux qui ont fait pression en faveur de la poursuite de l’utilisation des combustibles fossiles en dépit de la physique climatique clairement connue depuis près d’un demi-siècle.

Ces dernières semaines, je me suis demandé si cette année allait enfin être celle où tous les doutes concernant la crise du changement climatique seraient balayés par une série d’extrêmes climatiques coûteux. Cela pourrait être l’un des avantages d’une année 2023 aussi exceptionnelle. Seul l’avenir nous le dira.

Matthew England, professeur de science, Australian Centre for Excellence in Antarctic Science (ACEAS), Université de Nouvelle-Galles du Sud.


Ce que nous vivons aujourd’hui n’est qu’un début

J’ai passé les quatre dernières semaines dans un institut de recherche allemand, en pleine canicule. Je me suis rendue à Berlin, ma ville natale, le week-end pour voir mon père âgé et malade, en essayant de le rafraîchir dans son appartement en ville et de le convaincre que boire de l’eau pouvait être une bonne idée (pas toujours avec succès). Je me suis également vanté auprès de mes collègues et amis qui se plaignaient de la chaleur : « Ce n’est rien, essayez de vivre une vague de chaleur en Australie ! L’Australie est un pays idéal pour se vanter. Il y a toujours des exemples plus grands, plus extrêmes et plus venimeux sous nos latitudes.

Ai-je été surpris par cette canicule ? Bien sûr que non. J’ai plutôt ressenti une légère curiosité scientifique à voir se concrétiser ce que nous prévoyons depuis des années. J’ai également ressenti de la tristesse. Nous savons que ce que nous vivons actuellement n’est que le début de conditions bien pires à venir. Quelles seront les conséquences pour nos écosystèmes, la disponibilité de l’eau, la santé humaine, les infrastructures et les chaînes d’approvisionnement ? Nous connaissons la réponse. Mais je vois aussi des signes de changement. Plus d’une fois, j’ai failli être renversé par un vélo ; je n’étais pas habitué aux pistes cyclables très fréquentées en Allemagne. J’ai également passé de nombreuses heures dans des trains et j’ai constaté un réel changement dans le paysage qui défilait. J’ai traversé de grands parcs solaires et éoliens et j’ai écouté les conversations des autres voyageurs, qui tournaient le plus souvent autour du changement climatique. Au cours de l’une d’entre elles, quelqu’un a mentionné que tous ces pays ensoleillés, comme l’Australie, sont probablement alimentés à 100 % par des énergies renouvelables à l’heure actuelle. J’ai souri en silence ; il y a encore des choses dont nous ne pouvons pas (encore) nous vanter en Australie.

Katrin Meissner, directrice du centre de recherche sur le changement climatique de l’université de Nouvelle-Galles du Sud


Cela devrait nous préoccuper

Il est affligeant de constater l’ampleur des dégâts causés par la vague actuelle d’événements extrêmes dans de nombreuses régions du globe. Malheureusement, il ne s’agit pas d’un phénomène isolé, mais d’une tendance à long terme alimentée par les émissions de gaz à effet de serre de l’homme. Ils ne sont donc pas inattendus.

Fait inquiétant, il est clair que les événements extrêmes à venir battront à nouveau des records et causeront des dégâts encore plus importants. Cela s’explique notamment par le fait que, dans de nombreux cas, les dommages ne sont pas linéaires : ils augmentent de plus en plus rapidement à chaque fois que le changement climatique s’accentue. Cela devrait nous préoccuper. Nous devrions rationnellement prendre du recul et évaluer ce qui est dans notre intérêt économique, social et environnemental. Le GIEC l’a fait et l’évaluation est claire : il est dans notre intérêt de réduire les émissions de gaz à effet de serre rapidement, substantiellement et durablement.

Il est également dans notre intérêt de mettre en place de vastes programmes intégrés d’adaptation au climat pour faire face aux effets du changement climatique que nous ne pourrons pas éviter. Prendre des mesures pour réduire les émissions et s’adapter au changement climatique nous donnera de l’espoir. Voulons-nous vraiment l’alternative ?

Professeur Mark Howden, directeur de l’Institut pour les solutions en matière de climat, d’énergie et de catastrophes à l’Université nationale australienne.



Nous sommes des imbéciles

le scientifique qui a tiré la sonnette d’alarme sur le climat dans les années 80 annonce le pire pour l’avenir.

Oliver Milman

Source : The Guardian – Traduction Deepl – Cri

James Hansen, qui a témoigné devant le Congrès sur le réchauffement de la planète en 1988, affirme que le monde s’approche d’une « nouvelle limite climatique ».

Selon James Hansen, le scientifique américain qui a alerté le monde sur l’effet de serre dans les années 1980, le monde s’achemine vers un climat surchauffé sans précédent depuis un million d’années, c’est-à-dire avant l’existence de l’homme, parce que « nous sommes de sacrés imbéciles » pour n’avoir pas réagi aux avertissements concernant la crise climatique.

M. Hansen, dont le témoignage devant le Sénat américain en 1988 est considéré comme la première révélation importante du réchauffement planétaire, a averti dans une déclaration avec deux autres scientifiques que le monde se dirigeait vers une « nouvelle limite climatique » avec des températures plus élevées que jamais au cours du dernier million d’années, entraînant des conséquences telles que des tempêtes plus fortes, des vagues de chaleur et des sécheresses.

La planète s’est déjà réchauffée d’environ 1,2°C depuis l’industrialisation de masse, ce qui fait que le risque d’avoir des températures estivales extrêmes comme celles que l’on observe actuellement dans de nombreuses régions de l’hémisphère nord est de 20 %, alors qu’il n’était que de 1 % il y a 50 ans, a déclaré M. Hansen.

« Il y a beaucoup plus à venir, à moins que nous ne réduisions les quantités de gaz à effet de serre », a déclaré M. Hansen, âgé de 82 ans, au Guardian. « Ces super-tempêtes sont un avant-goût des tempêtes que connaîtront mes petits-enfants. Nous nous dirigeons sciemment vers cette nouvelle réalité – nous savions qu’elle allait arriver ».

Hansen était un climatologue de la Nasa lorsqu’il a mis en garde les législateurs contre l’augmentation du réchauffement de la planète. Depuis, il a participé à des manifestations aux côtés d’activistes pour dénoncer l’absence de mesures visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre au cours des décennies qui ont suivi.

Il a déclaré que les vagues de chaleur record qui ont frappé les États-Unis, l’Europe, la Chine et d’autres pays ces dernières semaines ont renforcé « le sentiment de déception que nous, scientifiques, n’ayons pas communiqué plus clairement et que nous n’ayons pas élu des dirigeants capables d’une réponse plus intelligente ».

« Cela signifie que nous sommes de sacrés imbéciles », a déclaré M. Hansen à propos de la lenteur de la réponse de l’humanité à la crise climatique. « Nous devons y goûter pour y croire ».

Cette année devrait être la plus chaude jamais enregistrée au niveau mondial, l’été étant déjà marqué par le mois de juin le plus chaud et, peut-être, la semaine la plus chaude jamais mesurée de manière fiable. À l’inverse, l’année 2023 pourrait être considérée comme une année moyenne, voire douce, alors que les températures continuent de grimper. « Les choses vont empirer avant de s’améliorer », a déclaré M. Hansen.

« Cela ne signifie pas que la chaleur extrême observée cette année à un endroit donné se reproduira et s’amplifiera chaque année. Les fluctuations météorologiques font bouger les choses. Mais la température moyenne mondiale va augmenter et les dés climatiques seront de plus en plus chargés, avec notamment davantage d’événements extrêmes. »

Dans un nouveau document de recherche, qui n’a pas encore fait l’objet d’un examen par les pairs, M. Hansen a affirmé que le réchauffement de la planète s’accélère, même si l’on tient compte des variations naturelles, telles que l’épisode climatique El Niño qui fait périodiquement monter les températures. Cette accélération est due à un déséquilibre « sans précédent » entre la quantité d’énergie solaire entrant dans la planète et l’énergie réfléchie par la Terre.

S’il ne fait aucun doute que les températures mondiales augmentent en raison de l’utilisation de combustibles fossiles, les scientifiques sont divisés sur la question de savoir si ce rythme s’accélère. « Nous ne voyons aucune preuve de ce que Jim affirme », a déclaré Michael Mann, climatologue à l’université de Pennsylvanie, qui a ajouté que le réchauffement du système climatique avait été « remarquablement stable ». D’autres ont déclaré que l’idée était plausible, bien qu’il faille davantage de données pour en être certain.

« Il est peut-être prématuré de dire que le réchauffement s’accélère, mais il est certain qu’il ne diminue pas. Nous avons encore le pied sur l’accélérateur », a déclaré Matthew Huber, expert en paléoclimatologie à l’université de Purdue.

Les scientifiques ont estimé, grâce à des reconstructions basées sur des preuves recueillies dans des carottes de glace, des cernes d’arbres et des dépôts de sédiments, que la poussée actuelle du réchauffement a déjà porté les températures mondiales à des niveaux jamais atteints sur Terre depuis environ 125 000 ans, avant la dernière période glaciaire.

« Il est fort possible que nous vivions déjà dans un climat qu’aucun être humain n’a connu auparavant et nous vivons certainement dans un climat qu’aucun être humain n’a connu avant la naissance de l’agriculture », a déclaré Bob Kopp, climatologue à l’université Rutgers.

Si les températures mondiales augmentent encore de 1°C ou plus, ce qui devrait se produire d’ici la fin du siècle à moins d’une réduction drastique des émissions, M. Huber a déclaré que M. Hansen avait « largement raison » de dire que le monde serait plongé dans une chaleur telle qu’il n’en a pas connu depuis 1 à 3 millions d’années, une période appelée Pliocène.

« Il s’agit d’un monde radicalement différent », a déclaré M. Huber à propos d’une époque où il faisait suffisamment chaud pour que des hêtres poussent près du pôle sud et où le niveau de la mer était environ 20 mètres plus élevé qu’aujourd’hui, ce qui noierait aujourd’hui la plupart des villes côtières.

Vidéo – voir article original

« Nous poussons les températures vers les niveaux du Pliocène, ce qui est en dehors du domaine de l’expérience humaine ; c’est un changement tellement massif que la plupart des choses sur Terre n’ont pas eu à y faire face », a déclaré M. Huber. « Il s’agit essentiellement d’une expérience sur les humains et les écosystèmes pour voir comment ils réagissent. Rien n’est adapté à cette situation.

Les précédents changements climatiques, provoqués par les gaz à effet de serre ou les modifications de l’orbite terrestre, se sont déroulés sur des milliers d’années. Mais alors que les vagues de chaleur frappent des populations habituées à des températures extrêmes, que les forêts brûlent et que la vie marine s’efforce de faire face à la montée en flèche de la chaleur des océans, la hausse actuelle se produit à un rythme jamais vu depuis l’extinction des dinosaures, il y a 65 millions d’années.

« Ce n’est pas seulement l’ampleur du changement, c’est aussi son rythme qui pose problème », a déclaré Ellen Thomas, une scientifique de l’université de Yale qui étudie le climat à l’échelle des temps géologiques. « Nous avons des autoroutes et des voies ferrées qui sont en place, notre infrastructure ne peut pas bouger. Presque tous mes collègues ont dit qu’avec le recul, nous avons sous-estimé les conséquences. Les choses évoluent plus vite que nous ne le pensions, ce qui n’est pas bon ».

Selon M. Huber, la chaleur torride de cet été a révélé au monde entier un message que M. Hansen a tenté de transmettre il y a 35 ans et que les scientifiques se sont efforcés de faire passer depuis. « Cela fait des décennies que les scientifiques nous regardent en face, mais aujourd’hui, le monde entier passe par le même processus, qui ressemble aux cinq étapes du deuil », a-t-il déclaré. « Il est douloureux de voir les gens traverser cette épreuve.

« Mais nous ne pouvons pas nous contenter d’abandonner parce que la situation est désastreuse », a ajouté M. Huber. Nous devons dire « Voici où nous devons investir, apporter des changements et innover » et ne pas baisser les bras. Nous ne pouvons pas faire une croix sur des milliards de personnes.



Un lac canadien choisi pour représenter le début de l’Anthropocène

Damian Carrington

Source : The GuardianTraduction Deepl – Josette

Le pic de plutonium dans les sédiments des lacs canadiens marque l’aube d’une nouvelle ère où l’humanité domine la planète.

Les scientifiques ont choisi le site qui représentera le début de l’ère de l’Anthropocène sur Terre. Il marquera la fin de 11 700 ans d’un environnement planétaire stable dans lequel l’ensemble de la civilisation humaine s’est développée et le début d’une nouvelle ère, dominée par les activités humaines.

Le site est un lac d’effondrement situé au Canada. Il abrite des sédiments annuels présentant des pics clairs dus à l’impact colossal de l’humanité sur la planète à partir de 1950, du plutonium provenant des essais de la bombe à hydrogène aux particules issues de la combustion des combustibles fossiles qui ont arrosé le globe.

Si le site est approuvé par les scientifiques qui supervisent l’échelle des temps géologiques, la déclaration officielle de l’Anthropocène comme nouvelle ère géologique interviendra en août 2024.

Les experts ont déclaré que cette décision revêtait une importance sociale et politique, ainsi qu’une grande valeur scientifique, car elle témoignerait de « l’ampleur et de la gravité des processus de transformation planétaire déclenchés par l’humanité industrialisée ».

La crise climatique est l’impact le plus marquant de l’Anthropocène, mais les pertes considérables d’espèces sauvages, la propagation d’espèces envahissantes et la pollution généralisée de la planète par les plastiques et les nitrates en sont également des caractéristiques essentielles.

Le groupe de travail sur l’Anthropocène (Anthropocene Working Group-AWG) a été créé en 2009 et a conclu en 2016 que les changements causés par l’homme sur la Terre étaient si importants qu’une nouvelle unité de temps géologique était justifiée. Le groupe de travail a ensuite évalué en détail une douzaine de sites à travers le monde comme candidats à ce que les géologues appellent un « pic d’or », c’est-à-dire l’endroit où les changements abrupts et globaux marquant le début de la nouvelle ère sont le mieux enregistrés dans les strates géologiques.

Les sites candidats comprenaient des coraux tropicaux aux États-Unis et en Australie, une tourbière montagneuse en Pologne, la calotte glaciaire de l’Antarctique et même les débris humains accumulés sous la ville de Vienne. Toutefois, après plusieurs tours de scrutin, c’est le lac Crawford, près de Toronto, qui a été retenu.

« Il existe des preuves irréfutables, à l’échelle mondiale, d’un changement massif, d’un point de basculement dans le système terrestre », a déclaré le professeur Francine McCarthy, géologue à l’université Brock, au Canada, et membre du Groupe de travail spécial. « Le lac Crawford est très spécial parce qu’il nous permet d’observer, avec une résolution annuelle, les changements survenus dans l’histoire de la Terre.

Le lac, formé dans un gouffre calcaire, a une profondeur de 24 mètres mais une superficie de seulement 2,4 hectares. Cette forme haute signifie que les eaux de fond et les eaux de surface ne se mélangent pas, ce qui brouillerait les données déposées dans les sédiments. « Le fond du lac est complètement isolé du reste de la planète, à l’exception de ce qui coule doucement au fond et s’accumule dans les sédiments », a déclaré Mme McCarthy.

L’AWG a choisi les isotopes de plutonium provenant des essais de bombes H comme marqueur clé de l’Anthropocène, car ils ont été répandus à l’échelle mondiale à partir de 1952, mais ont rapidement diminué après le traité d’interdiction des essais nucléaires au milieu des années 1960, créant un pic dans les sédiments.

La présence de plutonium nous donne un indicateur brutal du moment où l’humanité est devenue une force si dominante qu’elle a pu laisser une « empreinte » mondiale unique sur notre planète », a déclaré le professeur Andrew Cundy, radiochimiste de l’environnement à l’université de Southampton et membre de l’AWG.

Les sédiments lacustres contiennent d’autres marqueurs importants, notamment des particules de carbone sphériques produites par la combustion de combustibles fossiles dans les centrales électriques et des nitrates provenant de l’épandage massif d’engrais chimiques. « Nous constatons une augmentation spectaculaire de la concentration dans notre noyau à la même profondeur que celle où nous observons l’augmentation rapide du plutonium », a déclaré Mme McCarthy.

Les années 1950 ont vu le début de la « grande accélération », c’est-à-dire l’augmentation sans précédent de l’activité industrielle, des transports et de l’économie qui s’est produite après la Seconde Guerre mondiale et se poursuit aujourd’hui. « C’est la grande accélération que nous avons décidé d’utiliser comme point de basculement majeur dans l’histoire de la Terre. Mais c’est l’augmentation des retombées de plutonium 239 que nous avons choisie comme marqueur », a déclaré Mme McCarthy.

Le professeur Jürgen Renn, directeur de l’Institut Max Planck pour l’histoire des sciences, à Berlin (Allemagne), a déclaré : « Le concept de l’Anthropocène est devenu une réalité : « Le concept d’Anthropocène est désormais solidement ancré dans une définition stratigraphique très précise, ce qui donne un point de référence pour les discussions scientifiques.

« Il crée également un pont entre les sciences naturelles et les sciences humaines, car il s’agit des êtres humains », a déclaré M. Renn. « Nous examinons quelque chose qui façonne notre destin en tant qu’humanité, il est donc très important d’avoir un point de référence commun.

La ratification officielle du site de Crawford Lake et de l’époque de l’Anthropocène doit passer par trois autres votes des autorités géologiques, la sous-commission de la stratigraphie quaternaire, la Commission internationale de stratigraphie et, enfin, l’Union internationale des sciences géologiques.

La décision risque d’être difficile à prendre pour les géologues, qui ont l’habitude de traiter des périodes s’étalant sur des millions d’années et d’utiliser des roches contenant des fossiles comme marqueurs. L’AWG présentera un dossier de preuves dans l’espoir de convaincre les organes de vote que l’Anthropocène représente un changement planétaire qui nécessite une nouvelle période géologique.

Le Dr Alexander Farnsworth, de l’université de Bristol, a déclaré que le plutonium est un élément radioactif qui se désintègre avec le temps, et qu’il pourrait donc ne pas persister sur des échelles de temps géologiques de plusieurs millions d’années. Il s’est également interrogé sur la nécessité d’une époque anthropocène, déclarant : « Nous ne sommes qu’une vaguelette de l’histoire de l’humanité : « Nous ne sommes qu’une vaguelette dans la rivière du flux génétique à travers le temps ».

Le professeur Colin Waters, président de l’AWG à l’université de Leicester, a déclaré : « L’Anthropocène, qui commence dans les années 1950, représente un changement très rapide que nous avons imposé à la planète. Il y a de l’espoir à cet égard. Les impacts combinés de l’humanité peuvent être modifiés rapidement pour le meilleur et pour le pire. Il n’est pas inévitable que nous nous enfoncions dans une pauvreté environnementale persistante.


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