Climat : panser nos plaies, penser la catastrophe et repenser nos sociétés

Nicolas van Nuffel
Président de la Coalition climat

Après un mois de juillet émaillé par les catastrophes en Belgique et ailleurs dans le monde, le premier chapitre du sixième rapport du GIEC est venu ajouter ce lundi des éléments d’explication scientifique au drame que nous avons vécu. Côté politique, si les lignes ont bougé depuis quelques années, l’heure n’est certainement pas à l’autosatisfaction : il va nous falloir agir plus vite, plus fort et plus solidairement pour traverser le siècle qui vient en garantissant une vie digne à chacune et chacun. L’heure est venue de sonner la mobilisation générale. La Coalition Climat a déposé une centaine de propositions sur la table du monde politique, qui n’attendent que d’être mises en débat, pour passer, enfin, à l’action.

41 personnes ayant perdu la vie en Belgique, près de 200 ailleurs en Europe. Des milliers d’autres ayant tout perdu ou presque : maison, lieu de travail, investissements de toute une vie, souvenirs personnels. Des régions entières sinistrées, pour longtemps. C’est le bilan tout provisoire d’un été 2021 qui restera dans l’histoire comme celui où le dérèglement climatique a, pour la première fois, frappé notre pays de façon aussi spectaculaire.

Et ce cas est loin d’être isolé : partout dans le monde, les indices se multiplient, plus spectaculaires les uns que les autres. Au début de l’été, ce sont 700 personnes qui sont décédées au Canada des suites du dôme de chaleur qui a poussé les températures à près de 50°C ; au Groenland, des températures records entraînent actuellement une fonte record de la calotte glaciaire ; en Méditerranée, les incendies se multiplient, et ont déjà fait près de 100 victimes rien qu’en Grèce ; à Madagascar, 400 000 personnes souffrent actuellement d’une famine liée à une sécheresse exceptionnellement prononcée. De plus, derrière les chiffres des catastrophes visibles, ce sont des centaines de millions de personnes vivant dans les zones semi-désertiques, les deltas des grands fleuves ou, tout simplement, les paysannes et paysans du monde entier, dont les conditions de subsistance sont, lentement mais sûrement, mise en danger par le réchauffement climatique. Des zones entières s’apprêtent à devenir tout simplement inhabitables, et l’on ne parle pas uniquement du cas emblématiques des petits Etats insulaires : la ville de Lagos, deuxième du continent africain, pourrait être submergée d’ici 2100. Avec pour conséquence la multiplication des personnes déplacées ou réfugiées.

Bien entendu, comme on le répète à chaque événement extrême, il n’est pas possible d’établir un lien de causalité absolu entre le réchauffement climatique et une inondation, une canicule, un typhon en particulier. Pas plus que l’on ne peut que difficilement établir de lien individuel entre la consommation de tabac ou de pesticides et l’apparition d’un cancer. Mais les rapports nous en avertissent depuis trois décennies : le réchauffement de notre atmosphère s’accompagne d’une exacerbation des phénomènes météorologiques extrêmes, avec comme conséquence une multiplication des catastrophes. A ce titre, le sixième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) vient renforcer les conclusions portées depuis trente ans : selon ce rapport, l’influence de l’activité humaine sur le réchauffement de l’atmosphère des océans et des terres est désormais « sans équivoque ». Quant aux conséquences de ce réchauffement, le degré de certitude quant à leur attribution est variable, mais en augmentation constante.

Est-il trop tard pour agir ?

L’été que nous vivons le démontre, il est trop tard pour éviter des conséquences graves pour les sociétés humaines ; cependant, il est encore temps pour éviter que celles-ci deviennent irréversibles. Et, à ce titre, chaque dixième de degré comptera. Le rapport publié par le GIEC en 2018 nous permet de garder une lueur d’espoir, et celui dont la parution a démarré ce 9 août le confirme : il est encore possible de maintenir le réchauffement aux alentours de la barre des 1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle, mais à la stricte condition d’opérer des changements sociétaux d’une ampleur inconnue depuis ladite Révolution industrielle. Sans quoi, dans le pire des scénarios, le réchauffement pourrait s’élever, au XXIIe siècle, à 4,4°C (voire 5,7°C, selon l’estimation la plus pessimiste). C’est donc bien à un chantier totalement inédit que nous devons nous atteler et ce, d’autant plus que la crise climatique vient s’ajouter à une crise tout aussi menaçante liée à l’effondrement de notre biodiversité.

Alors que faire ?

A court terme, il nous faut bien sûr panser les plaies. La solidarité incroyable à laquelle on a assisté dans les jours qui ont suivi la catastrophe de juillet doit se poursuivre dans la durée. Au-delà des initiatives individuelles, c’est en tant que société que nous devons trouver des solutions durables pour toutes les personnes sinistrées : logements salubres, vêtements, meubles, nourriture font partie des besoins de première nécessité, ainsi que l’appui aux entreprises sinistrées et aux travailleurs et travailleuses dont les emplois sont en danger. A plus long terme, il nous faudra reconstruire autrement et pour ce faire, nous avons besoin de donner à l’Etat, notre principal outil d’action collective, les moyens de faire face et de garantir la justice sociale. Les inondations du mois de juillet l’ont montré en touchant avant tout les quartiers populaires : justices sociale et climatique sont désormais profondément intriquées, les deux dimensions devant être abordées comme les deux faces d’une même pièce.

Mais panser ne suffit pas, il nous faudra aussi prendre le temps de penser la catastrophe et de repenser notre société.

Premièrement, en prenant les mesures nécessaires pour accompagner les indispensables changements de comportements, ainsi qu’en accélérant les investissements visant à mettre fin à l’économie du carbone bien avant 2050, pour cesser d’alimenter la principale source du dérèglement climatique. A la suite des impressionnantes mobilisations des années 2018 et 2019, on a assisté à une première évolution de la part du monde politique : du Green Deal européen au plan belge de reconstruction post-Covid-19 en passant par les accords de gouvernement aux différents niveaux de pouvoir, la promesse d’une plus grande ambition est enfin au rendez-vous. Mais les promesses ne suffisent plus : il va falloir faire plus vite, plus fort et plus solidaire si nous voulons respecter l’Accord de Paris. Des moyens plus importants doivent être libérés, de manière à réaliser dès aujourd’hui les investissements massifs permettant de rendre la transition écologique et sociale irréversible dans les dix ans qui viennent.

Deuxièmement, il nous faut prendre acte du fait qu’atténuer le réchauffement ne suffit pas : les dernières semaines nous montrent que nous entrons désormais dans le temps de l’adaptation. Quels que soient nos efforts pour en limiter l’impact, nous devons désormais vivre avec ce dérèglement, en cherchant à en diminuer au maximum les conséquences sociales. Cela demande, entre autres, de repenser notre urbanisme en profondeur, de manière à prévenir les catastrophes : mettre en place une gestion intégrée du cycle de l’eau, limiter la bétonisation, mais aussi isoler massivement nos logements, en commençant par ceux des personnes les plus vulnérables, de manière non seulement à diminuer la consommation énergétique, mais à limiter les effets des vagues de chaleur qui se multiplieront dans les décennies à venir.

Troisièmement, la solidarité ne peut s’arrêter à nos frontières. Par respect pour les droits humains mais aussi pour permettre à nos enfants de traverser le siècle qui vient dans un monde plus sûr, il nous faut absolument éviter que le dérèglement ne prenne des proportions irréparables dans les pays les plus affectés, qui sont aussi les plus pauvres. La solidarité internationale n’est ni un luxe, ni un acte de charité, elle est aujourd’hui une condition indispensable pour faire face à la crie que nous affrontons. La Belgique doit donc, enfin, se montrer à la hauteur de ses engagements internationaux, en dégageant les moyens nécessaires à l’aide publique au développement et au financement climatique prévus dans l’Accord de Paris. Ceci d’autant plus qu’aux dimensions de limitation des émissions et d’adaptation vient s’en ajouter une autre : celle de l’indemnisation des pertes et préjudices des victimes de catastrophes, qui fera l’objet de débats lors de la COP de Glasgow en novembre prochain.

Enfin, ces différentes dimensions n’ont de sens que dans une approche systémique, qui cesse de traiter la question climatique comme un silo parmi d’autres, mais fasse de celle-ci l’opportunité pour repenser nos sociétés en profondeur afin de réconcilier les dimensions économique, sociale et environnementale, toutes indispensables à la construction de sociétés durables. Il nous faut accepter de mettre en route un changement majeur de nos modes de production et de consommation, et donc par définition de nos modes de vie. Ceci impliquera sans doute des inconforts à court terme, mais est aussi l’occasion d’améliorer notre qualité de vie. La Coalition Climat appelle depuis des mois à la mise en chantier d’un Green New Deal au niveau belge et international et a déposé une centaine de propositions en ce sens, dont le sérieux a été salué par tous les bords politiques.

Qu’attend-on ?

Les rapports scientifiques montrent à la fois l’urgence d’agir, la possibilité de trouver des solutions et les opportunités que celles-ci représentent pour nous permettre de réinventer notre prospérité. L’heure est venue de sonner la mobilisation générale face à ce qui représente le chantier du siècle. En tant que citoyennes et citoyens, nous serons au rendez-vous. Le 10 octobre, nous descendrons dans la rue, en amont du prochain sommet mondial pour le climat, pour rendre hommage aux victimes de l’été et appeler à l’action. Nous espérons y être en nombre, mais nous espérons aussi et surtout, dès aujourd’hui, que notre message soit enfin entendu. Pour que l’été de deuil que nous sommes en train de vivre marque le début du basculement vers un monde plus juste et plus durable.

Article republié avec l’accord de l’auteur – original


Des catastrophes plus graves viendront

Dorota Retelska

Dorota Retelska décrypte les nouvelles du climat. Docteure ès Sciences de l’UNIL, auteure d’Antarctique-Ouest dans le Vide, elle alerte sur les dangers du climat depuis plusieurs années. Elle est active dans plusieurs organisations de défense du climat, entre autres l’Association Climat Genève, Greenpeace, TACA, et le Collectif Climat 2020.

Le blog : https://blogs.letemps.ch/dorota-retelska/ – Liste de références dans la veille : cliquez ici.

Cet été, la Belgique et l’Allemagne ont connu d’impressionnantes inondations. Les victimes ont vécu des moments effrayants, des maisons entières ont été dévastées, et certains ont perdu la vie.

Le GIEC avait prévu que le réchauffement climatique causerait une augmentation du nombre d’inondations, et celle-ci a été observée dès 2013 déjà. La température de la Planète est montée rapidement en 2015 et 2016. A ce moment-là, l‘Organisation Météorologique Mondiale prévenait que nous étions entrés en territoire inconnu, où nous attendaient des catastrophes nouvelles. et au cours de des dernières années, les débordements suivant les pluies intenses se sont encore multipliés.

Depuis, la Terre a connu une succession de vagues de chaleur étonnantes, des ouragans plus forts, et des feux de forêt gigantesques.

Cette année, une vague de chaleur particulièrement étonnante, culminant à 49.6°C degrés, a touché le Canada, pays habituellement assez froid. Ce type d’événements était attendu aux environs de 2100. L’année passée, la Sibérie avait subi des températures à plus de 20°C au-dessus de la normale, et l’Australie a aussi vécu des très fortes vagues de chaleur, qui ont débouché sur d’immenses feux de forêt. Les pompiers australiens ont pu arrêter le feu aux portes des principales villes du pays.

Les habitants étaient évacués in extremis, et un tiers de la population de koalas australiens a disparu dans les brasiers.

Les climatologues sont inquiets, ils considèrent qu’après la vague de chaleur du Canada, d’autres événements semblables ou même plus forts sont possibles. Au début du mois d’août, la Grèce vit des records de chaleur qui ont dépassé 43°C.

Une première étude d’attribution a conclu que même en tenant compte du réchauffement, cette vague de chaleur devrait être exceptionnelle.

Il est possible aussi que cet événement signifie que le réchauffement climatique, ou ses manifestations les plus s’extrêmes, s’accélèrent.

L’augmentation des pluies intenses est surtout due au fait que l’humidité de l’atmosphère augmente de 7% par degré.

De plus, nous pourrions voir des périodes de sécheresse alterner avec des pluies intenses, et l’évaporation d’eau des mers plus chaudes accroît par endroits l’humidité de l’air.

Depuis quelques années, de plus gros orages ont été observés dans le monde, accompagnés de pluies très intenses. Cet été a apporté à l’Europe des dizaines d’orages de grêle, grosse ou géante, des vents ainsi que des tornades.

Le réchauffement climatique s’aggravera dans les années à venir. Il est bien possible que les inondations augmentent, que des torrents furieux coulent dans les rues des villes, que des bâtiments soient sapés par les eaux, les toits arrachés par des tempêtes, et que des grêles géantes ou des sécheresses annihilent les récoltes. La chaleur pourrait devenir un assassin invisible et soudain, et les températures pourraient avoisiner les 50°C.

Nous serons probablement prévenus 2-3 jours avant les catastrophes par les météorologues. A ce moment-là, nous devons disposer de solutions d’évacuation.

En Chine et en Inde, des inondations atteignent le premier étage des maisons, en emportent certaines. D’autres bâtiments chancellent après le reflux. Ils ne résisteront pas éternellement.

Nous devons prendre conscience du fait que nous perdrons de nombreux immeubles, que les inondations occasionneront des coûts colossaux en dévastant tout sur leur passage, que les transports seront souvent interrompus et l’approvisionnement deviendra de plus en plus hasardeux. Assez vite, les reconstructions seront abandonnées face à l’escalade des désastres. Les assurances ne pourront pas faire face à la quantité de sinistres. Les victimes perdront quasiment tout et il deviendra difficile de trouver un endroit sûr où recommencer car nul ne sera à l’abri.

Financièrement, il devient absurde de continuer l’économie de la croissance, car elle provoquera des dommages extrêmement coûteux, et les coûts humains seront terribles aussi. Il doit y avoir une autre solution, une réduction rapide d’émissions qui nous donne de bonnes chances de rester en vie.


Déclaration de terre

Boris Libois

Si la plus belle des ruses du diable était de nous persuader qu’il n’existe pas, notre devoir serait de réduire la dissonance cognitive par laquelle ceux qui nous gouvernent nous masquent la réalité du monde.


Né·e de la terre, j’acte que les riches et les dominants me font la guerre.
Né·e de la terre, mon sang et mon eau sont les proies de prédateurs cupides.
Né·e de la terre, mon air et mon feu sont empoisonnés par des artefacts numériques.
Né·e de la terre, ma nature sauvage est colonisée par des abstractions voraces.
Né·e de la terre, mon ennemie est cette civilisation sélectionnant qui peut vivre et qui doit mourir.

Né·e de la terre, je déclare l’indépendance des vivant·es et nourris l’amour du vivant.
Né·e de la terre, je m’affranchis de la servitude et j’exerce partout et avec nous mon consentement libre et éclairé.
Né·e de la terre, j’annule la dette publique et garantis un égal revenu de base inconditionnel.
Né·e de la terre, je construis la paix sur la justice, j’ouvre les prisons et interdis la police.
Né·e de la terre, je vis avec moins, partage ce que j’ai et travaille de mes mains.

Né·e de la terre, je résiste, avec griffes et dents, au mal qui vient.
Né·e de la terre, je démantèle les infrastructures mortifères, ferme les futurs déjà obsolètes et abandonne les élites sur orbite.
Né·e de la terre, je mange les riches, abolis les privilèges et habite les ruines.
Né·e de la terre, je moque l’ennemi, embrouille l’empire et propage la joie.
Né·e de la terre, mon corps est un territoire en luttes non-violentes.

De pandemie en de historische overstromingen vereisen zo snel mogelijk nieuwe verkiezingen

Paul Blume (co-animateur de l’Observatoire de l’Anthropocène) – Dominique Bruyère – Corentin Crutzen – Laurent Lievens (Dr. Maitre de conférence UCL) – Michel Rabinowicz (Résiliences Métamorphoses) – Geneviève Warland (professeure) – Jonathan Guévorts (professeur de science)

Vertaling : Josette – texte Fr

De staat heeft tot taak de rechten en vrijheden van de burgers te waarborgen: recht op leven, gezondheid en een veilige en gezonde omgeving, vrijheid om een waardig en authentiek menselijk leven te leiden. In ruil voor deze burgerlijke vrijheden geven de burgers hun absolute vrijheid op en krijgen ze de plicht de wetten en de bevelen van de staat te gehoorzamen. Het is de naleving van dit sociaal contract, dat bestaat uit wederzijdse rechten en verantwoordelijkheden, die de basis vormt voor de legitimiteit van de uitoefening van het gezag van de staat over de burgers. De politici staan hiervoor garant. Als de staat of de burgers in hun wederzijdse plichten falen, stort het gezag van de staat in. Het soevereine volk, van wie alle machten uitgaan, heeft de plicht om van regering te veranderen om zo het sociale contract te herstellen.

Overal ter wereld zijn de rampen veroorzaakt door onze niet-duurzame economie en levensstijl niet meer te tellen. Dat is voor iedereen duidelijk. We weten nu allemaal dat onze staat weinig of niets doet om onze samenleving duurzaam te maken. Te weinig, te laat, verkeerde aanpak en soms zelfs olie op het vuur gooien. We worden meegesleurd door de golven van de ecocide die momenteel aan de gang is. In België, na de hittegolven die in één zomer in ons land al aan 1.400 mensen het leven hebben gekost, na een aanvankelijk rampzalige aanpak van een pandemie die meer dan 25.000 doden heeft veroorzaakt -zonder ook maar een dag van nationale rouw!-, werden de voorbije 48 uur huizen, voertuigen, menselijke en dierlijke slachtoffers meegesleurd door het kolkende water van de overstromingen. De balans van de schade moet nog worden opgemaakt. In 48 uur tijd kan nu al een politieke conclusie worden getrokken die identiek is aan die welke voor de pandemie geldt: de totale onvoorbereidheid van onze staat. In de laatste 48 uur werd nogmaals het bewijs geleverd dat onze staat, zoals hij is samengesteld, zoals zijn openbare instellingen zijn opgevat en zoals hij vandaag wordt bestuurd door de politieke klasse die nu aan de macht is, niet in staat is om de urgenties van de 21e eeuw aan te pakken. Onlangs werd de Belgische staat door de rechtbank veroordeeld voor zijn gebrek aan actie op het vlak van klimaat. We weten nu wat het vreselijke resultaat is van deze misdadige inertie.

Vandaag beschermt de staat niet langer ons leven als burgers. Vandaag respecteert de staat niet langer het sociale contract dat ons aan hem bindt. Vandaag is het gezag van de staat, dat van de executieven die aan de macht zijn, niet langer legitiem. We hebben het recht om in opstand te komen en betere regeringen te eisen.

De meerderheden die aan de macht zijn, alsook hun regeringsakkoorden, zijn achterhaald omdat ze niet in staat zijn om gepast te reageren op de noodsituaties van de 21e eeuw. Partijvoorzitters, leiders van de executieven en regeringsploegen zijn collectief verantwoordelijk voor de herhaaldelijke rampen die ons land teisteren en voor de duizenden slachtoffers die blijven vallen.

Reeds meer dan 50 jaar hameren wetenschappers, intellectuelen en activisten op dezelfde boodschap. De voorbije drie jaar trekken ze zelfs aan de alarmbel, hierin maar zwakjes bijgestaan door de pers. Voor hen is de wetenschap duidelijk: zonder een totale hervorming van de manier waarop ons bestuur, onze instellingen, onze economie, ons grondgebied en onze levensstijl functioneren, zal de ernst van de rampen alleen maar toenemen en zal het jaarlijks aantal slachtoffers dramatisch oplopen.
België is niet aangepast aan de 21e eeuw. Het land is niet veerkrachtig, is niet voorbereid: het is dodelijk kwetsbaar, door het gebrek aan actie en de inertie van de staat.

We moeten de ecologische noodtoestand afkondigen alsook de algemene mobilisatie van de burgers en de overheid. Alles moet opnieuw worden bekeken: huisvesting, stadsplanning, ruimtelijke ordening, milieu- en waterbeleid, landbouwbeleid, mobiliteit en transport, energie, lokaal en regionaal bestuur, civiele bescherming, hulpdiensten, de capaciteit van de media om
de 21e eeuw te begrijpen. Elke vertraging in de ecologische, sociale, economische en democratische transitie en veerkracht komt vandaag overeen met een exponentiële en ongetwijfelde toename van het aantal doden in ons land in de komende 50 jaar.

Daarom moeten de Belgische regeringen aftreden en moeten er na een breed maatschappelijk debat nieuwe verkiezingen worden gehouden om zo nieuwe coalities te smeden op basis van nieuwe regeringsakkoorden die de ecologische urgentie van de 21e eeuw eindelijk ernstig nemen. Een grondwetgevende vergadering moet de Belgische staat hervormen en de burgers de gelegenheid geven om deel te nemen aan het politiek debat. De overheid moet in staat worden gesteld om de
openbare dienst te verzekeren en moet voldoende middelen krijgen om de transitie te begeleiden.
De pers moet stoppen met de ernst van de situatie te verbloemen.
De burgers moeten hun verantwoordelijkheid opnemen en van de staat het respect eisen
dat ze verdienen.

20 07 2021


La pandémie et les inondations historiques exigent de nouvelles élections dans les meilleurs délais

Paul Blume (co-animateur de l’Observatoire de l’Anthropocène) – Dominique Bruyère – Corentin Crutzen – Laurent Lievens (Dr. Maitre de conférence UCL) – Michel Rabinowicz (Résiliences Métamorphoses) – Geneviève Warland (professeure) – Jonathan Guévorts (professeur de science)
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Le rôle de l’Etat est de garantir les droits et les libertés des citoyens : le droit à la vie, à la santé et à un environnement sain et sûr, la liberté de mener une vie digne et authentiquement humaine. En échange de ces libertés civiques, les citoyens abandonnent leur liberté absolue et acquièrent le devoir d’obéir aux lois et aux injonctions de l’État. C’est le respect de ce contrat social, fait de droits et de responsabilités réciproques, qui fonde la légitimité de l’exercice de l’autorité de l’État sur les citoyens. Les femmes et hommes politiques en sont les garants. Si l’État ou les citoyens faillissent à leurs devoirs mutuels, l’autorité de l’État s’effondre. Le peuple souverain, dont tous les pouvoirs émanent, a le devoir de changer de gouvernement pour rétablir le contrat social.

Les catastrophes causées par notre économie et nos modes de vie insoutenables s’amoncèlent partout dans le monde. Nous le savons tous désormais. Nous savons tous désormais que notre État ne fait rien, ou presque pour que notre société devienne soutenable. Trop peu, trop tard, à côté de la plaque, quand il ne jette pas de l’huile sur le feu. Nous sommes emportés par les flots de l’écocide en cours. En Belgique, après des canicules qui ont déjà tué 1.400 personnes en un été dans notre pays, après une gestion initiale catastrophique d’une pandémie qui a causé plus de 25.000 morts -sans aucun deuil national !-, ces dernières 48h ont charrié, maisons, véhicules, victimes humaines et animales dans la fureur des flots. Le bilan des dégâts reste à tirer. Ces dernières 48h, un bilan politique peut déjà être tiré, identique à celui qui vaut pour la pandémie : l’impréparation totale de notre Etat. Ces dernières 48h, une nouvelle preuve a été apportée que notre État, tel qu’il est constitué, telles que sont conçues ses institutions publiques et tel qu’il est gouverné aujourd’hui, par la classe politique actuellement au pouvoir, se montre incapable de se hisser à la hauteur des urgences du XXIe siècle. Récemment, l’État belge a été condamné par la justice pour défaut d’action en matière climatique. Voilà, nous connaissons tous maintenant le résultat cruel de cette inertie criminelle.

Aujourd’hui, l’État ne protège plus notre vie à nous, les citoyens. Aujourd’hui, l’État ne respecte plus le contrat social qui nous lie à lui. Aujourd’hui, l’autorité de l’État, celle des exécutifs au pouvoir, n’est plus légitime. Nous sommes fondés à nous révolter et à exiger de meilleurs gouvernements.

Les majorités au pouvoir, ainsi que leurs accords de gouvernements sont caducs, car ils ne sont pas formés pour apporter une réponse satisfaisante aux urgences du XXIe siècle. Les présidents de parti, les chefs d’exécutifs, et les équipes gouvernementales sont collectivement responsables des catastrophes répétées que subit notre pays, et des milliers de victimes qui ne cessent de s’additionner.

Pourtant, comme le martèlent les scientifiques, les intellectuels et les activistes depuis plus de 50 ans, avec de plus en plus d’alarme ces trois dernières années et malgré la mollesse de la presse,, les sciences sont univoques : sans une refonte totale du fonctionnement de notre gouvernance, de nos institutions, de notre économie, de notre territoire et de nos modes de vie, la gravité des catastrophes ne va faire que s’amplifier et le nombre annuel de victimes, exploser.

La Belgique n’est pas adaptée au XXIe siècle, elle n’est pas résiliente, elle n’est pas préparée : elle est mortellement vulnérable, à cause de l’inaction et de l’inertie de l’État.

Il faut déclarer l’état d’urgence écologique et la mobilisation générale des citoyens et des pouvoirs publics. Tout est à repenser : le logement, l’urbanisme, l’aménagement du territoire, la politique de l’environnement et de l’eau, la politique agricole, la mobilité et les transports, l’énergie, la gouvernance locale et régionale, la protection civile, les services de secours, la capacité des médias à comprendre le XXIe siècle. Tout délai dans la transition et la résilience écologique, sociale, économique et démocratique équivaut aujourd’hui à une augmentation exponentielle et certaine du nombre de morts dans notre pays dans les 50 prochaines années.

C’est pourquoi les gouvernements belges doivent démissionner et de nouvelles élections doivent être organisées après un débat sociétal de grande ampleur, pour forger de nouvelles coalitions sur la base de nouveaux accords de gouvernement, prenant enfin au sérieux l’urgence écologique du XXIe siècle. Une assemblée constituante doit réformer l’État belge et permettre aux citoyens de participer à la délibération politique. Les pouvoirs publics doivent être mis en état d’assurer le service public et dotés de moyens suffisants pour accompagner la transition. La presse doit cesser l’euphémisme sur la gravité de la situation. Les citoyens doivent prendre leurs responsabilités et exiger de l’État le respect qui leur revient.

20 juillet 2021


L’écocide est un crime contre l’humanité, comme le génocide

Jean-Jacques

A propos de : Stop ecocide foundation

Un panel d’experts indépendants a proposé, dans un rapport de ce mois de juin 2021, une définition légale de l’écocide qui peut être adoptée dans le Statut de Rome.

Cette définition est construite à partir des définitions de génocide et de crime de guerre, comme 5e crime international, preuve qu’il s’agit bien d’un changement de paradigme fondamental dans la pensée : détruire l’environnement au-delà d’un certain seuil est un crime contre l’humanité, au même titre qu’un génocide. Cela ouvre la porte à tout un nouvel univers dans le discours politique : comme pour l’esclavagisme, le génocide ou la guerre, les politiciens, activistes, militants peuvent davantage utiliser une posture morale, éthique, de justice et de droit, pour justifier une ligne politique écologiste, et plus seulement des arguments technocratiques de coûts-bénéfices.

On pourrait presque dire que la finalité de l’écologie est d’empêcher l’écocide, y compris au niveau de l’économie. Ces trois mots partagent la même racine grecque « éco / oikos » = maison en grec. Notre maison commune la Terre.

Le terme « écocide » combine le mot grec « oikos », qui signifie « maison » (et plus tard « habitat »), avec le mot « cide », qui signifie « tuer ». Il s’inspire de l’approche adoptée par le juriste polonais Rafael Lemkin, qui a inventé le mot « génocide » en novembre 1944.

1. Aux fins du présent Statut, on entend par « écocide » des actes illicites ou gratuits commis en sachant qu’il existe une probabilité substantielle que ces actes causent à l’environnement des dommages graves et généralisés ou de longue durée.

2. Aux fins du paragraphe 1 :

a. « Téméraire » signifie avec une insouciance téméraire pour des dommages qui seraient manifestement excessifs par rapport aux avantages sociaux et économiques escomptés ;

b. « Grave » signifie des dommages qui impliquent des changements négatifs très graves, des perturbations ou des dommages à tout élément de l’environnement, y compris des impacts graves sur la vie humaine ou les ressources naturelles, culturelles ou économiques ;

c.  » Largement répandu  » désigne les dommages qui s’étendent au-delà d’une zone géographique limitée, dépassent les frontières des États, ou sont subis par un écosystème ou une espèce entière ou un grand nombre d’êtres humains ;

d. « Long terme » signifie des dommages qui sont irréversibles ou qui ne peuvent être réparés par une récupération naturelle dans un délai raisonnable ;

e.  » Environnement  » désigne la terre, sa biosphère, sa cryosphère, sa lithosphère, son hydrosphère et son atmosphère, ainsi que l’espace extra-atmosphérique.

L’étape suivante sera peut-être de reconsidérer le critère de légalité -car aujourd’hui une bonne partie de l’écocide planétaire est certainement légale-, ou du moins de parvenir à la conclusion que de nombreuses activités économiques aujourd’hui « légales » sont en réalité « illégales » au regard des droits humains, des traités et des législations environnementales (cf. le jugement qui a condamné Dutch Shell aux Pays Bas). Il s’agirait alors qu’économie et écologie « reviennent ensemble à la maison ».

Il se pourrait que des personnages comme le président brésilien Jair Bolsonaro ou l’ex président américain Donald Trump, et certains de leurs fonctionnaires, soient un jour condamnés devant l’équivalent d’un Tribunal de Nuremberg écologique. Il s’agirait d’un basculement historique.


Des éléphants sur la table

Paul Blume

«L’éléphant est sur la table» se dit d’un sujet évident, important, voir incontournable, pour lequel les protagonistes développent des stratégies d’évitement. (*)


Malgré une période délétère qui a vu un Président fou tenter de bloquer l’application des accords de Paris sur le climat (2015 – lien), la thématique semble enfin être devenue une priorité mondiale.

Bien évidemment, des lobbies tentent d’inverser cette tendance. Mais l’heure est bien aux débats de politiques ambitieuses, tant au niveau international qu’européen.

Plans, lois, législations, accords, rencontres, conférences, … donnent une impression de compétition vertueuse.
Et voici nos pachydermes qui s’invitent. Trônant silencieusement sur les tables.

L’éléphant de Gaz.

Les gaz à effet de serre (GES) n’ont pas tous les mêmes caractéristiques. Certains disparaissent relativement rapidement. D’autres ont un impact plus important pour une quantité fortement moindre. Etc…

Et, pas de chance pour nous, les caractéristiques du dioxyde de carbone (CO2) sont telles que l’arrêt immédiat de leurs émissions n’impliquerait pas leur disparition à court ou moyen terme. La réponse du système n’est pas immédiate. L’inertie est telle que l’on parle de décennies entre émissions et impact sur le climat.

Ajoutons à cela que nous sommes déjà arrivés bien trop près du plafond de sa condensation au-dessus de nos têtes. Les scientifiques parlent d’une limite au-delà de laquelle le processus deviendra totalement incontrôlable.

Dit autrement, il ne s’agit pas d’avoir la meilleure des politiques acceptables, mais bien d’une obligation de résultat.

Nous ne jouons pas le chrono aux 100 mètres, mais la barre au saut à la perche.

Un effort un peu trop faible ? Échec total …

L’éléphant des Fossiles.

Le lien entre dioxyde de carbone et énergies fossiles implique que l’effort le plus important porte sur nos consommations de charbon, pétrole et gaz. Ce qui pose la question des alternatives et de la capacité de celles-ci à répondre à nos demandes en énergie.

Là aussi, le dossier semble en grande partie ignoré. Il n’y aura pas de substitution de sources d’énergie dans une proportion suffisante pour alimenter nos modes de vie actuels.

La démonstration est physique et non contestée.

Raison, peut-être, pour laquelle économistes et politiques l’ignorent ? S’abstiennent d’en parler et finissent par ne plus en tenir compte ? Quand ils la comprennent…

On continue donc à nous promettre à la fois une réduction drastique du recours aux fossiles et un accès abondant à l’énergie.

Incompétence ? Mensonge ? Évitement en tout cas.

L’éléphant découplage.

A chaque augmentation de point de croissance économique correspond une augmentation du recours aux énergies fossiles. Et ce malgré le recours à d’autres sources dites propres.

Si la corrélation n’est pas vérifiée à 100 % sur de courtes périodes, elle se révèle intransigeante sur le temps long.

La croissance des richesses, du bien-être reste intimement liée à l’accès aux énergies fossiles.

D’où la question du découplage. Comment et dans quelle mesure serions-nous capables de désolidariser la courbe de nos consommations d’énergies fossiles de la courbe de production de nos biens et services ?

Aujourd’hui, ce découplage est tellement réduit que personne ne prend le temps d’en expliquer l’importance. Encore un évitement.

Chaque applaudissement d’un point de croissance est un applaudissement à la consommation du fossile et par conséquent au réchauffement climatique.

Quand la croissance baisse, on n’applaudit plus. Souvenons-nous de l’année économique 2020 …

L’éléphant catastrophe.

Quand des scientifiques essaient de présenter les conséquences d’un réchauffement de plus de 2° ou 3°, la terminologie utilisée ne correspond rapidement plus à nos standards de confort.

Si l’importance de la thématique semble, enfin, prévaloir, l’appréciation de la réalité reste bien en-dessous des risques réels.

On parle de réductions drastiques des zones habitables, des terres cultivables, des zônes de pêche.

On parle de successions de plus en plus récurrentes de périodes extrêmement chaudes, voir mortelles.

On parle de successions d’inondations, de sécheresses, de catastrophes dites « naturelles ».

Et cela dans un avenir proche.

Le temps presse pour s’attaquer à la crise climatique, avertit l’ONU: « Nous sommes au bord du précipice ».(*)

Sur quelles tables ces éléphants ?

Ces éléphants, et d’autres évitements, trônent sur des tables diverses.

Celles des institutions internationales, des grands acteurs financiers, de l’Europe, des Etats-Unis, des pays riches et de leurs plans de croissance, leurs accords commerciaux internationaux, leurs investissements planétaires,…

Celle de la France de Macron dont le traitement des propositions de l’assemblée citoyenne attire les foudres des écologistes français.

Celle des écologistes belges qui prônent les centrales au gaz et la 5G.

Incompétence ? Ignorance ? Peur ? Politiques à court terme ?

Évitements, en tout cas.

Nous avons eu des campagnes d’information sur le Brexit et la Covid. Qu’en est-il du climat ?

George Marshall

05 mai 2021 – traduit (deepl version gratuite) de https://www.theguardian.com/commentisfree/2021/may/04/information-campaigns-brexit-covid-climate-crisis-cop26


A l’approche de la Cop26, les connaissances du public sur la crise sont superficielles, et peu comprennent l’ampleur de la menace.

Les gouvernements ont lamentablement échoué à informer ou à consulter leurs citoyens sur la crise climatique.

L’une des principales leçons de la pandémie de Covid-19 est que des politiques fortes nécessitent un engagement public fort : les gens devaient comprendre la nature du virus avant d’accepter des contraintes au niveau de leur vie ou de donner au gouvernement un mandat pour agir.

Pourtant, le monde est confronté à un autre problème majeur qui transforme déjà les économies, les infrastructures et les modes de vie : la crise climatique. Et dans ce cas, les gouvernements ont lamentablement échoué à informer ou à consulter leurs citoyens. Aucune des nations les plus polluantes présentes au sommet sur le climat organisé par Joe Biden la semaine dernière ne dispose d’une stratégie cohérente ou d’un budget national dédié à l’engagement public.

Les citoyens ignorent en grande partie que nous avons le « droit de savoir » en ce qui concerne la crise climatique : l’article 6 de la convention de Rio sur le climat (1992) engage les gouvernements à informer, éduquer et consulter leurs citoyens. Cet engagement contraignant a été repris, presque mot pour mot, dans l’accord de Paris de 2015.

À première vue, le manque d’engagement pourrait ne pas sembler être un problème. Après tout, des majorités importantes et croissantes à travers le monde se disent préoccupées et perçoivent la dégradation du climat comme une menace. Toutefois, cette prise de conscience est superficielle, et peu de gens comprennent la rapidité et l’ampleur de la menace. Les recherches effectuées par le gouvernement montrent qu’environ la moitié seulement des Britanniques acceptent que l’activité humaine soit la principale cause du dérèglement climatique. Et selon un rapport de 2019, seul un tiers des personnes comprend qu’il existe un consensus partagé par la grande majorité des scientifiques.

Cela représente de multiples défis pour les décideurs politiques. Comment peuvent-ils s’attendre à ce qu’une décarbonisation rapide soit acceptée par des citoyens qui ne comprennent pas pleinement les preuves qui sous-tendent ces politiques ? Comment peuvent-ils s’attendre à ce que les gens acceptent l’impératif de limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C alors que, selon un sondage britannique, la plupart des gens pensaient que cela ne deviendrait dangereux qu’à huit degrés ?

Et comment s’étonner que les gens s’opposent et résistent à des politiques pour lesquelles aucun mandat n’a jamais été demandé ou obtenu ? Comme nous l’avons constaté avec la Covid-19, lorsque les gens sont peu engagés, le déni et la méfiance peuvent se propager à travers les conversations dans la vie réelle et les médias sociaux. En 2014, la résistance à la tarification du carbone en Australie a fait tomber le gouvernement. Le président Macron a été contraint de retirer une taxe climatique sur les carburants après l’irruption des manifestations des « gilets jaunes » dans les rues françaises en 2018. En l’absence d’une compréhension nationale partagée de la crise climatique, ces politiques légères en matière de changement climatique – bien plus faibles que celles requises pour atteindre les nouveaux objectifs climatiques – sont facilement devenues une procuration pour le désenchantement social et la polarisation politique.

Ce qui est le plus préoccupant, c’est que les populations les plus vulnérables du monde sont encore extrêmement mal préparées à l’impact de la dégradation du climat. Deux années de recherches menées à travers l’Afrique du Nord par Climate Outreach, dont je suis l’un des directeurs fondateurs, ont révélé que la plupart des gens pouvaient parler avec éloquence des changements qu’ils avaient déjà subis – tels que les sécheresses et les températures record – mais qu’ils ne comprenaient pas, ou très peu, la vitesse ou la gravité des impacts futurs ou ce qu’ils étaient susceptibles de signifier pour leurs communautés. Le manque d’informations dans cette région est un multiplicateur de menaces, réduisant la capacité des gens à prendre des décisions en connaissance de cause ou à se préparer à l’avance à des événements météorologiques extrêmes.

Il est temps pour les gouvernements de lancer un dialogue durable et éclairé avec leurs citoyens.

Si le gouvernement britannique acceptait de relever ce défi – après tout, il est avide d’occasions de montrer son leadership en matière de climat – il devrait appliquer le même niveau d’investissement qu’il a régulièrement appliqué à d’autres questions prioritaires, comme les 8 millions de livres sterling qu’il a dépensés en 2004 pour envoyer à chaque foyer un dépliant de 22 pages sur les dangers du terrorisme, les 100 millions de livres sterling qu’il a budgétisés pour la campagne « Get Ready for Brexit » ou les 184 millions de livres sterling qu’il a dépensés tout au long de 2020 pour mobiliser les citoyens à propos de la Covid-19.

Cependant, cette expérience récente avec la Covid-19 nous rappelle également que de nombreuses personnes, en particulier dans les groupes les plus sceptiques, sont profondément méfiantes à l’égard des politiciens et des messages bien ficelés. Les gouvernements doivent résister à l’envie instinctive d’engloutir des budgets dans des campagnes éphémères de publicité, de soutien de célébrités et de slogans politiques. Une certaine publicité de fond est précieuse, mais nos recherches montrent que la communication sur la crise climatique nécessite également une approche plus durable : recruter des vrais communicateurs dignes de confiance, former des scientifiques pour qu’ils s’expriment avec habileté, adapter les messages aux valeurs des différents publics et atteindre les gens par le biais de leurs communautés, de leurs lieux de travail et de leurs réseaux confessionnels. Après tout, l’objectif est de construire une compréhension commune, et non de vendre un produit.

Whitehall ferait bien de regarder au nord de la frontière. Au cours des 13 dernières années, le gouvernement écossais a soutenu de manière discrète et permanente des organisations communautaires afin d’initier des conversations locales sur le climat avec un budget annuel modeste de 8,5 millions de livres. Nous savons ce qu’il faut faire, mais il faut le faire à plus grande échelle.

Enfin, le gouvernement doit accepter que la construction d’un mandat collectif exige qu’il touche tout le monde, en accordant une attention particulière à ceux qui sont sceptiques, marginalisés et désengagés. Il existe d’excellents modèles issus des campagnes de santé, de lutte contre la toxicomanie et d’alphabétisation qui fournissent des stratégies, des objectifs et des mesures de réussite clairs. À l’heure actuelle, l’engagement climatique n’a rien de tout cela.

À l’approche de la conférence sur le climat de la COP26, nous devons remettre en question la culture technocratique qui suppose que les objectifs en matière de carbone peuvent être atteints uniquement grâce à une ingénierie intelligente et à des feuilles de calcul. Nous entendons beaucoup parler de leadership, mais le leadership n’a pas de sens s’il n’y a pas d’adeptes, et l’ambition est un fantasme si elle n’est pas largement partagée et soutenue. L’engagement public n’est pas de la poudre aux yeux, c’est le fondement essentiel de toute politique.


George Marshall est le directeur fondateur de Climate Outreach et l’auteur de « Don’t Even Think About It : Why Our Brains Are Wired to Ignore Climate Change ».


Les systèmes alimentaires responsables d’un « tiers » des émissions d’origine humaine

Ayesha Tandon (*)

12 mars 2021 – traduit (deepl version gratuite) de Food systems responsible for ‘one third’ of human-caused emissions

Selon de nouvelles recherches, « les systèmes alimentaires » étaient responsables de 34% de toutes les émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine en 2015.

L’étude, publiée dans Nature Food, présente EDGAR-FOOD – la première base de données à décomposer les émissions de chaque étape de la chaîne alimentaire pour chaque année de 1990 à 2015. La base de données détaille également les émissions par secteur, par gaz à effet de serre et par pays. 

Selon l’étude, 71 % des émissions alimentaires en 2015 provenaient de l’agriculture et des « activités associées à l’utilisation des terres et au changement d’affectation des terres » (UTCAT), le reste provenant de la vente au détail, du transport, de la consommation, de la production de carburant, de la gestion des déchets, des processus industriels et des emballages.

L’étude révèle que le CO2 représente environ la moitié des émissions liées à l’alimentation, tandis que le méthane (CH4) en constitue 35 % – principalement issus de la production de bétail, de l’agriculture et du traitement des déchets.

Selon l’étude, les émissions du secteur de la vente au détail sont en hausse et ont été multipliées par 3 ou 4 en Europe et aux États-Unis entre 1990 et 2015.

Les auteurs constatent également que les « kilomètres alimentaires » contribuent moins aux émissions alimentaires que les emballages. Les auteurs ajoutent que 96 % des émissions liées au transport des aliments proviennent du transport local ou régional par route et par rail, plutôt que du transport international.

« Une excellente base de données »

Si nourrir la population mondiale de près de 8 milliards d’habitants est une tâche fondamentale, cet aspect a un coût élevé pour le climat. La production alimentaire utilise la moitié des terres habitables de la Terre et un rapport de 2019 du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a estimé qu’entre 21 et 37 % des émissions mondiales proviennent des systèmes alimentaires. 

(L’année dernière, Carbon Brief a produit une série d’articles d’une semaine, discutant des impacts climatiques de la viande et des produits laitiers, soulignant comment l’évolution des régimes alimentaires devrait affecter le climat, et demandant comment nous pouvons changer nos habitudes alimentaires pour minimiser notre empreinte carbone).

La nouvelle étude présente EDGAR-FOOD – la première base de données couvrant chaque étape de la chaîne alimentaire pour tous les pays, fournissant des données pour chaque année entre 1990 et 2015. La base de données estime les émissions de CO2, de CH4, d’oxyde nitreux (N2O) et de gaz fluorés pour chaque étape du système alimentaire, ainsi que par pays.

Le Dr John Lynch, de l’Université d’Oxford, qui étudie l’impact de l’alimentation sur le climat et n’a pas participé à l’étude, explique à Carbon Brief qu’il « a souvent été difficile d’obtenir une couverture détaillée de l’ensemble du système alimentaire » et que ce nouveau document est une « excellente ressource ».

Le Dr Sonja Vermeulen, directrice des programmes du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (CGIAR), qui n’a pas non plus participé à l’étude, ajoute qu’il s’agit d’une « excellente base de données et d’un ensemble d’outils analytiques pour indiquer la voie à suivre pour l’alimentation ».

Mme Vermeulen rappelle qu’elle a publié « peut-être la première estimation des émissions totales des systèmes alimentaires » il y a une dizaine d’années, estimant que ces derniers étaient responsables d’un tiers des émissions. Il s’agit de la même estimation que celle de la nouvelle base de données, note-t-elle, mais elle ajoute que son chiffre était « basé sur des données et des calculs beaucoup plus grossiers » que la nouvelle évaluation et « il est formidable de voir que le chiffre est fondé sur des preuves et des détails beaucoup plus solides ».

Émissions alimentaires mondiales

L’étude révèle que la production alimentaire mondiale a augmenté de 40 % entre 1990 et 2015, et que les émissions annuelles du système alimentaire sont passées de 16 milliards de tonnes de CO2e (GtCO2e) à 18GtCO2e. 

Toutefois, elle ajoute que, sur une base individuelle, les émissions liées à l’alimentation par habitant ont diminué, passant d’une moyenne de 3 tonnes de CO2e en 1990 à 2,4tCO2e en 2015.

De plus, selon le document, la contribution des systèmes alimentaires au total des émissions d’origine humaine a en fait chuté de 44 % à 34 % pendant cette période. Cela est dû à l’augmentation globale des émissions provenant d’autres secteurs, précise le document. Selon M. Lynch, cette constatation souligne la nécessité de décarboniser : 

« En tant que fraction des émissions totales de gaz à effet de serre, les émissions alimentaires sont en fait en baisse, car nous augmentons les émissions encore plus rapidement dans d’autres secteurs – en grande partie en brûlant des combustibles fossiles pour obtenir plus d’énergie. Donc, même s’il est formidable que l’on s’intéresse de plus en plus aux impacts environnementaux du système alimentaire, cela souligne que la décarbonisation doit rester notre priorité climatique. »

En 2015, 27 % des émissions liées à l’alimentation provenaient des « pays industrialisés », indique le document, les 73 % restants provenant des « pays en développement » – au sein desquels les chercheurs incluent la Chine. Les six économies qui émettent le plus d’émissions liées au système alimentaire sont composées d’un mélange de pays « industrialisés » et « développés », selon le rapport :

Tableau indiquant les six économies dont les systèmes alimentaires produisent le plus d’émissions. Source : Crippa et al (2021).

L’étude note que la part des émissions d’un pays qui provient de son système alimentaire varie de 14 % à 92 %. Dans les pays industrialisés, environ 24 % des émissions totales des pays proviennent de leur système alimentaire – un chiffre qui est resté relativement stable entre 1990 et 2015, selon l’étude.

Toutefois, les chercheurs constatent que la part des émissions provenant de l’alimentation dans les pays en développement a diminué, passant d’environ 68 % en 1990 à 38 % en 2015. Cela est dû aux « très fortes augmentations des émissions non alimentaires », précisent les auteurs, ainsi qu’à une « réduction significative des émissions terrestres » – principalement grâce à une réduction de la déforestation.

L’étude ajoute que l’Asie est le principal contributeur aux émissions alimentaires mondiales lorsqu’elles sont mesurées par continent – produisant 35 % des émissions du système alimentaire mondial en 1990 et 49 % en 2015.

La carte ci-dessous montre les émissions du système alimentaire en proportion des émissions totales de chaque pays, pour 1990 (à gauche) et 2015 (à droite). Par exemple, le vert foncé indique les pays où les émissions liées à l’alimentation représentent plus de la moitié de leurs émissions totales.

légende carte : La part des émissions de gaz à effet de serre provenant des systèmes alimentaires en tant que fraction des émissions totales pour chaque pays en 1990 (à gauche) et en 2015 (à droite). Source : Crippa et al (2021).

Vermeulen était commissaire au sein de la commission EAT-Lancet sur les régimes alimentaires sains issus de systèmes alimentaires durables. Elle déclare à Carbon Brief qu’il est possible de bien manger et de prendre soin de la planète, mais que cela demandera des efforts :

« Il est théoriquement possible, même avec la croissance démographique, que chaque personne dans le monde ait une alimentation saine et culturellement appropriée sans transgresser les limites planétaires pour le carbone, la biodiversité, l’azote, le phosphore et l’eau. Mais cela demandera beaucoup d’efforts, tant sur le plan technique que politique.« 

La nouvelle étude souligne que nous avons besoin d’un « mélange de solutions techniques et politiques », ajoute-t-elle :

« Leur analyse renforce le fait qu’il n’y a pas de solution miracle unique – si nous nous concentrons uniquement sur une alimentation plus végétale, ou uniquement sur l’amélioration des pratiques agricoles, ou uniquement sur les secteurs de l’énergie et des transports, nous n’arriverons pas là où nous devons être – nous avons besoin des trois.« 

Les étapes de la production

Les auteurs répartissent également les émissions selon les différentes étapes du système alimentaire. Pour 2015, ils constatent que les premières étapes de la production alimentaire – celles qui amènent les denrées alimentaires à la « porte de la ferme », y compris la pêche, l’aquaculture, l’agriculture et les émissions liées aux intrants tels que les engrais – ont contribué à 39 % des émissions totales du système alimentaire.

L’UTCAT est le deuxième contributeur le plus important, avec un tiers des émissions totales du système alimentaire. Selon l’étude, cela est dû principalement aux pertes de carbone dues à la déforestation et à la dégradation des sols, notamment des tourbières.

Les auteurs notent que la plupart des émissions de l’UTCAT proviennent des pays en développement – en 2015, par exemple, l’agriculture et l’UTCAT représentaient 73 % des émissions alimentaires des pays en développement. Cependant, ils notent qu’entre 1990 et 2015, la part des émissions alimentaires provenant de la production agricole et de l’UTCAT a diminué de 13 % et de 26 % dans les pays en développement, respectivement.

Le transport, l’emballage, la vente au détail, la transformation, la consommation et l’élimination en fin de vie ont constitué les 29 % d’émissions restantes en 2015, indiquent les auteurs. Selon l’étude, cette valeur a augmenté depuis 1990 tant dans les pays industrialisés que dans les pays en développement.

La part mondiale des émissions alimentaires qui proviennent du secteur de l’énergie a augmenté de 31% sur la période 1990-2015, constate l’étude. Elle ajoute qu’en 2015, les secteurs « liés à l’énergie » – y compris l’industrie et les déchets – représentaient plus de la moitié des émissions alimentaires dans les pays industrialisés.

Les auteurs constatent également que les « kilomètres alimentaires » contribuent légèrement moins aux émissions alimentaires que les emballages. Les emballages ont contribué à environ 5,4 % des émissions alimentaires – principalement en raison de l’industrie des pâtes et papiers – tandis que le transport n’était responsable que de 4,8 %.

Comment les émissions alimentaires évoluent-elles ?

Les auteurs analysent également la contribution des différents gaz à effet de serre dans le système alimentaire. Par exemple, ils ont constaté que le CO2 représente environ la moitié des émissions du système alimentaire.

Le diagramme de Sankey ci-dessous montre la contribution des différentes activités et des différents types de gaz à effet de serre aux émissions globales du système alimentaire.

(diagramme) Émissions de gaz à effet de serre du système alimentaire en 2015

Les émissions totales de gaz à effet de serre en provenance du système alimentaire étaient de 18GtCO2e par an en 2015.

Diagramme de Sankey illustrant la répartition des émissions du système alimentaire mondial en 2015. Les données sont présentées – de gauche à droite – par gaz, secteur, étape, catégorie, puis à nouveau par gaz. Passez la souris sur les différentes sections pour voir les données en pourcentages. Données de Crippa et al (2021). Graphique réalisé par Carbon Brief à l’aide de Highcharts.

Les auteurs notent que le CH4 représente 35 % des émissions totales du système alimentaire. Cela est principalement dû à la production de bétail, à l’agriculture et au traitement des déchets. Toutefois, les auteurs notent également que le riz – l’une des principales cultures alimentaires – est une « source principale » d’émissions de méthane.

L’étude constate que, bien que les émissions de gaz fluorés (gaz-F) ne représentent que 2 % des émissions, leur utilisation a doublé entre 1990 et 2015. Les gaz fluorés sont principalement utilisés dans la réfrigération, expliquent les auteurs, et comme les pays en développement augmentent leur réfrigération industrielle et domestique, « l’importance de la réfrigération dans les émissions totales de gaz à effet de serre est susceptible d’augmenter ».

Les auteurs notent que la Chine est à l’origine de bon nombre des tendances du système alimentaire dans les pays en développement. Alors que les émissions liées à l’alimentation ont augmenté en moyenne de 14 % entre 1990 et 2015, celles de la Chine ont augmenté de 41 %. Néanmoins, la part des émissions liées à l’alimentation dans les émissions totales de la Chine est passée de 51 % en 1990 à 19 % en 2015, en raison de l’augmentation des émissions due à l’industrialisation du pays.

En outre, les émissions de la Chine liées à la gestion des déchets jouent un rôle important dans l’augmentation de 50 % enregistrée dans les pays en développement, indique l’étude. Dans le même temps, les émissions liées à la gestion des déchets – y compris la gestion des déchets solides et des eaux usées – ont diminué en moyenne dans les pays industrialisés.

L’étude note que les émissions liées à l’utilisation de l’énergie – électricité, chaleur et carburants – dans l’agriculture ont augmenté de 15 % entre 1990 et 2015 en raison de la mécanisation de la production, avec une augmentation de 50 % en Afrique, en Amérique latine et en Asie.

À l’inverse, l’introduction de « progrès agronomiques et de restrictions environnementales » dans les pays industrialisés a entraîné une diminution de 28 % des émissions de l’agriculture entre 1990 et 2015, ajoute l’étude.

Parallèlement, entre 1990 et 2015, la contribution de la vente au détail, de l’emballage, du transport et de la transformation aux émissions totales du système alimentaire a augmenté de 33 % à 300 % sur la période 1990-2015.

Le Dr Marco Springmann, chercheur au Nuffield Department of Population Health, qui n’a pas participé à l’étude, déclare qu’actuellement, « de nombreux inventaires d’émissions ne représentent pas de manière adéquate les émissions du système alimentaire » et affirme que cette base de données constitue « une amélioration bienvenue de la comptabilisation des émissions ». Il déclare à Carbon Brief :

« Bien que de nombreux résultats aient été rapportés dans d’autres études spécialisées, l’intégration d’une optique de système alimentaire dans une base de données d’émissions normalisée et mise à jour annuellement représente une avancée majeure d’une ressource publique qui profitera à la communauté scientifique, aux ONG, aux décideurs politiques et aux autres parties intéressées.« 

La recherche montre également que « les émissions du système alimentaire se retrouvent dans tous les secteurs d’émissions et incluent tous les principaux gaz à effet de serre », ajoute-t-il. Cependant, il note que « la différenciation des émissions par groupe d’aliments » n’est pas incluse dans la base de données, et déclare à Carbon Brief que ce serait une bonne prochaine étape pour la recherche :

« Une désagrégation plus poussée des catégories d’émissions d’EDGAR-FOOD dans les groupes alimentaires sous-jacents aurait élargi l’utilité de la base de données pour informer des politiques d’atténuation concrètes et bien ciblées pour le système alimentaire. Espérons que l’ajout de ce détail crucial figure sur la liste des choses à faire pour la prochaine mise à jour.« 


Japon, la triple catastrophe

Nicolas Stilmant

11 mars 2021

𝐈𝐥 𝐲 𝐚 𝐝𝐢𝐱 𝐚𝐧𝐬, 𝐥𝐞 𝐉𝐚𝐩𝐨𝐧 𝐜𝐨𝐧𝐧𝐚𝐢𝐬𝐬𝐚𝐢𝐭 𝐥𝐚 « 𝐭𝐫𝐢𝐩𝐥𝐞 𝐜𝐚𝐭𝐚𝐬𝐭𝐫𝐨𝐩𝐡𝐞 »

Le 11 mars 2011, l’archipel est secoué par le plus important séisme enregistré, de magnitude 9 sur l’échelle de Richter. 51 minutes plus tard, un tsunami frappe les côtes causant plus de 18 000 morts et provoquant des dégâts considérables.

La série noire se poursuit à la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. Le Tsunami inonde les circuits de refroidissement du réacteur. Dans les heures et les jours qui suivent, trois des quatre réacteurs (les réacteurs 1, 2 et 3) entrent en fusion et relâchent de grandes quantités de radioéléments dans l’environnement.

Une fatalité ? Ou une faiblesse structurelle ? En 1999, la centrale nucléaire du Blayais, en France, passe à deux doigts de la fusion d’un réacteur, quand la tempête Martin, causant une marée exceptionnelle, noie les circuits de refroidissement, tout comme à Fukushima 12 ans plus tard (1).

Le risque d’un accident nucléaire majeur a longtemps été sous-estimé. D’après les risques calculés, on estimait qu’avec 500 réacteurs en activité dans le monde, la fréquence des accidents majeurs devait être de 20 à 200 ans.

Je suis né en 1982 et, durant mon existence, j’ai connu la fusion de quatre réacteurs industriels (un à Tchernobyl et trois à Fukushima).

François Lévêque, professeur au Centre d’Economie Industrielle de Paris, en réponse à une surestimation du risque dans la presse, arrivait à la conclusion que le risque était tout de même 10 à 100 fois supérieurs à celui qui avait été estimé jusque-là.

Il en déduisait que le risque d’un accident majeur en Europe dans les trente prochaines années était de 72 %. (2)

Au-delà des conséquences sanitaires d’un tel accident (3), que l’écrivaine biélorusse Svetlana Alexievitch a décrit dans « La Supplication », le coût estimé de la catastrophe de Tchernobyl est de 235 milliards de dollars pour la seule Biélorussie. Pour le Japon, outre les 370 km² inhabitables, les 80 000 déplacés, les 2000 décès liés à la détresse psychologique des survivants (4), le coût estimé de la catastrophe de Fukushima est situé entre 71 et 250 milliards de dollars… pour l’instant.

Outre le risque d’accident, le nucléaire implique la gestion de déchets qui peuvent rester dangereux pendant plusieurs centaines de milliers, voire un million d’années (5). Quel est le coût d’une gestion de déchets sur un laps de temps aussi gigantesque ?

Les plus anciennes structures construites par la race humaine ont 6500 ans seulement… Nous n’avons jamais rien construit qui puisse résister 100 000 ans. Il y a 100 000 ans, aucune civilisation humaine n’existait. Où serons-nous dans 100 000 ans ? Quelle langue parlerons-nous ? Ce sont des questions auxquelles nous n’avons pas de réponses. Cependant, pour stocker les déchets, certains pays ont commencé à construire des sites d’enfouissement, sans savoir même si le symbole « nucléaire » aura encore du sens pour nos descendants dans 4 ou 5000 ans seulement. (6)

Le nucléaire a également un coût de production qui est élevé. On cite souvent des chiffres très bas pour le prix du kilowatt/h nucléaire… mais c’est oublier que les centrales ont été construites avec de l’argent public. Quand les centrales sont construites par le privé, comme à Flamandville en France, le coût estimé monte à 110-120 euros du MW, contre 60 euros pour l’éolien ou le photovoltaïque. (7)

C’est sans compter une fluctuation des prix de l’uranium, puisque, comme toutes les énergies combustibles, le nucléaire dépend d’importations et nous rend donc tributaire de pays tiers. D’autant que les ressources mondiales d’Uranium sont déjà en train de se tarir, puisqu’on consomme déjà, à l’heure actuelle, plus d’uranium que les mines n’en fournissent chaque année. (8)

Le temps de construction d’une centrale est très long. Les constructeurs avancent des durées de 5 à 7 ans, mais dans les faits, la liste des chantiers en cours laisse songeur. En France, Flamandville est en construction depuis 2007. En Finlande, un réacteur est en chantier depuis 2003. (9) Et il ne s’agit que de la construction en tant que telle, sans compter la demande de permis, les recours éventuels, etc.

Quand on sait que nous devons avoir réduit nos émissions de gaz à effet de serre de moitié pour 2030, dans 9 ans, cela met le nucléaire définitivement hors délai pour l’enjeu climatique.

D’ailleurs, quel est le poids réel du nucléaire ?

Pour la production d’électricité, il représente un peu plus de 10 % de la production mondiale. (10) Ce qui est moins que les énergies renouvelables, avec – il est vrai – des potentialités de l’hydraulique très élevées dans certains pays qui poussent le renouvelable à la hausse.

Fukushima nous l’a rappelé : le nucléaire n’est pas l’énergie miracle qu’on nous a vendue tout un temps. D’ailleurs, le concept même d’énergie miracle est un leurre…

Il n’y a aucune source de production d’énergie, même renouvelable, qui n’ait un coût économique, social et environnemental.

Il s’agit, pour chacune d’entre elles, de mesurer les avantages, les inconvénients et de voir si le coût est acceptable. Pour ma part, en ce qui concerne le nucléaire, c’est non !

Pour le reste, il ne faut pas se mentir. Nous ne maintiendrons pas le climat à un niveau acceptable pour la race humaine sans repenser nos consommations et les réduire.

Tout consommation d’énergie a un coût. Le pétrole, l’uranium, le gaz, ne sont pas inépuisables, même si nous devions continuer à les consommer sans nous soucier des alertes climatiques, nous atteindrions la pénurie avant la fin du siècle.

Avoir une vision durable de la société, c’est avant tout cela, mesurer nos consommations et évaluer nos investissements aujourd’hui pour que demain soit toujours soutenable pour les générations à venir.

(1) https://www.franceinter.fr/…/affaires-sensibles-08-juin…

(2) https://hal-mines-paristech.archives-ouvertes.fr/…/docu…

(3) https://www.who.int/…/05-09-2005-chernobyl-the-true…

https://mronline.org/…/how-many-cancers-did-chernobyl…/

(4) Sciences et Vie, mars 2021.

(5) https://www.ondraf.be/…/1-R%C3%A9sum%C3%A9%20non…

(6) https://www.youtube.com/watch?v=ovx6d34f6S4&t=3814s

(7) https://www.natura-sciences.com/…/prix-eolien…

https://www.lalibre.be/…/nucleaire-eolien-voici-le-cout…

(8) https://www.letemps.ch/…/penurie-venir-duranium…

https://www.science-et-vie.com/…/cuivre-or-zinc-platine…

(9) https://fr.wikipedia.org/…/Liste_de_r%C3%A9acteurs_nucl…

(10) https://www.iea.org/data-and-statistics?country=WORLD&fuel=Energy%20supply&indicator=ElecGenByFuel