Climat : impacts catastrophiques sur la population humaine

Steve Genco

Traduction ObsAnt – article original sur Medium

Projections climatiques et projections démographiques

Au cœur de la science du climat, il existe une déconnexion déconcertante entre les projections climatiques et les projections démographiques. En effet, si l’on compare les deux, on pourrait penser que les spécialistes de la population et les spécialistes du climat vivent dans deux mondes complètement différents.

D’une part, les climatologues annoncent un monde de catastrophes sans précédent pour les décennies et les siècles à venir : chaleur mortelle, inondations, sécheresses, méga-tempêtes, côtes dévastées, raréfaction de l’eau douce, pénuries alimentaires, etc. D’un autre côté, les spécialistes des questions démographiques de l’ONU prévoient que la population mondiale continuera d’augmenter, principalement en raison des taux de natalité élevés dans les pays les plus pauvres (les plus vulnérables aux effets du changement climatique). Dans un rapport publié en 2019, les scientifiques des Nations Unies prévoient que la population mondiale passera de 7,9 milliards aujourd’hui à 9,7 milliards d’ici 2050, avant de se stabiliser à près de 11 milliards vers 2100 (source).

Le décalage entre ces deux visions de l’avenir de l’humanité est vertigineux. Pour prendre un exemple, les Nations Unies estiment que la population de l’Afrique subsaharienne doublera d’ici 2050. Pourtant, les dernières alertes climatiques du GIEC nous indiquent qu’un monde plus chaud de 2 °C d’ici 2050 est à la fois probable et susceptible de faire des ravages en Afrique subsaharienne, en provoquant des sécheresses, des inondations, des pénuries alimentaires et un réchauffement régional si néfaste qu’il pourrait devenir impossible de travailler à l’extérieur pendant une bonne partie de l’année dans une grande partie de la région (source). Comment peut-on s’attendre à ce que la population double dans de telles circonstances ?

La réponse tient à la manière dont les modèles climatiques du GIEC sont construits.

Les modèles climatiques utilisés dans les rapports du GIEC n’incluent la population que comme variable d’entrée, et non comme variable de sortie. Ils prévoient les changements climatiques en partie sur la base d’un niveau donné de population (généralement tiré des projections des Nations Unies), mais ils ne prévoient pas les changements de population sur la base d’un niveau donné de réchauffement climatique. En d’autres termes, les modèles démographiques et climatiques ne sont pas couplés de manière bidirectionnelle (source).

La raison pour laquelle les modèles climatiques ne montrent pas de baisse de la population face à un réchauffement planétaire sans précédent est donc qu’ils n’incluent pas la population comme variable de sortie dans leurs modèles. S’ils le faisaient, ils constateraient probablement que les projections démographiques mondiales et régionales des Nations Unies sont beaucoup trop optimistes pour le monde plus chaud dans lequel nous entrons.

Les projections démographiques des Nations unies sont des projections « toutes choses égales par ailleurs » pour un monde où toutes les choses sont loin d’être égales par ailleurs (source).

Lorsque nous examinons tous les éléments interdépendants qui définissent la situation difficile à laquelle l’humanité est confrontée aujourd’hui, quel est le maillon faible de la chaîne des causes et des effets du changement climatique ? C’est le corps humain. L’homme est une espèce résistante. Mais notre corps a des limites biologiques au-delà desquelles nous ne pouvons pas survivre.

Nous ne pouvons pas survivre à des températures supérieures à 35 °C pendant plus de quelques heures (source).

Nous ne pouvons pas survivre sans eau pendant plus de trois jours (source).

Nous ne pouvons pas survivre sans nourriture pendant plus d’un à deux mois (source).

Compte tenu de ces limites à la capacité de survie de l’homme, que devons-nous penser des avertissements tels que ceux figurant dans le sixième rapport d’évaluation du GIEC de 2022 (source) ?

Environ 3,3 à 3,6 milliards de personnes vivent dans des zones très vulnérables au changement climatique (soit près de la moitié des êtres humains vivant aujourd’hui). Les

points chauds mondiaux de grande vulnérabilité humaine se trouvent en particulier en Afrique de l’Ouest, en Afrique centrale, en Afrique de l’Est, en Asie du Sud, en Amérique centrale, en Amérique du Sud, dans les petits États insulaires en développement et dans l’Arctique.

La vulnérabilité humaine future sera concentrée là où les capacités des gouvernements locaux, municipaux et nationaux, des collectivités et du secteur privé sont les moins à même de fournir des infrastructures et des services de base.

Les risques sont les plus élevés là où les espèces et les personnes vivent près de leurs limites thermiques supérieures (c’est-à-dire dans des climats déjà chauds), le long des côtes, ou en étroite relation avec la glace (qui fondra) ou les rivières saisonnières (qui s’assécheront et/ou inonderont).

Si le réchauffement climatique est d’environ 2°C, l’eau de fonte des neiges disponible pour l’irrigation devrait diminuer dans certaines régions jusqu’à 20 %, et la fonte des glaciers devrait réduire la disponibilité de l’eau pour l’agriculture, l’hydroélectricité et les zones d’habitation à moyen et long terme, ces effets devant doubler avec un réchauffement climatique de 4°C.

Le changement climatique exercera une pression croissante sur la production alimentaire et l’accès à la nourriture, en particulier dans les régions vulnérables, compromettant ainsi la sécurité alimentaire et l’alimentation.

Le réchauffement climatique affaiblira progressivement la santé des sols et les services écosystémiques tels que la pollinisation, augmentera la pression exercée par les ravageurs et les maladies, et réduira la biomasse des animaux marins, sapant ainsi la productivité alimentaire dans de nombreuses régions sur terre et dans les océans.

À long terme, si le réchauffement climatique est égal ou supérieur à 3 °C, les zones exposées aux risques liés au climat s’étendront considérablement par rapport à un réchauffement climatique égal ou inférieur à 2 °C, ce qui aggravera les disparités régionales en matière de risques pour la sécurité alimentaire.

Ce que dit le GIEC, dans un langage poli mais sans ambiguïté, c’est que les effets du changement climatique sur les corps humains seront ressentis en premier lieu et le plus sévèrement par les plus vulnérables d’entre nous. C’est là que la chaleur mortelle se fera sentir en premier, que les famines apparaîtront en premier et que les sécheresses, les inondations et les effondrements d’écosystèmes seront les plus dévastateurs.

Il semble tout simplement invraisemblable que des populations régionales déjà en difficulté augmentent, comme le prévoient les Nations unies, sous l’effet d’une hausse de 2 à 4 °C des températures moyennes de la planète.

En raison du décalage entre les modèles climatiques et les projections démographiques, nous ne savons pas exactement à quel point les différents niveaux de réchauffement climatique seront dévastateurs pour les populations humaines. Il s’agit peut-être d’une stratégie intentionnelle de la part des climatologues pour ne pas « effrayer » leur public, mais elle a laissé un grand vide dans notre compréhension de la conséquence la plus importante du changement climatique, à savoir son effet sur la mortalité humaine. En l’absence de données et de modèles plausibles pour nous guider, cette carence est compensée par des spéculations et des conjectures, et par beaucoup plus de bruit que de clarté.

Science du climat et capacité de charge : qu’est-ce qu’une population mondiale « durable» ?

Les avis des climatologues sur la population se répartissent en deux camps. Le premier est celui que j’appellerais le camp du « je ne ne m’occupe pas de ça ». Ces personnes semblent tout à fait satisfaites de ne pas tenir compte de l’impact de la population dans leurs modèles climatiques. Leur travail, pourraient-ils dire, consiste à fournir des données et des modèles pour aider l’humanité à éviter les pires conséquences démographiques du changement climatique, et non à documenter l’ampleur de la dévastation à laquelle nous pouvons nous attendre si nous échouons dans cette mission. D’accord… Mais alors que les gouvernements continuent de ne pas respecter leurs engagements en matière de climat et que les niveaux de gaz à effet de serre continuent d’augmenter, certains scientifiques ont commencé à reconnaître qu’un réchauffement planétaire de 2 °C est désormais inévitable, que 3 °C est probable et que 4 °C est tout à fait envisageable (source). Compte tenu de ces dernières projections, il n’est peut-être plus possible d’ignorer les effets potentiels de la hausse des températures mondiales sur la population (source).

Le deuxième camp de scientifiques du climat pourrait être appelé le camp de la « capacité de charge ». Le concept de capacité de charge est un élément essentiel des études écologiques depuis des décennies. Il s’agit de la taille maximale de la population qu’une espèce biologique peut supporter dans un environnement, compte tenu de la nourriture, de l’habitat, de l’eau et des autres ressources disponibles dans cet environnement. Son application aux populations humaines est controversée (source). Les critiques soulignent que l’homme, contrairement à d’autres espèces, peut modifier son environnement, augmentant ainsi sa capacité de charge locale, régionale ou mondiale (source). La révolution industrielle et la révolution verte sont souvent citées comme preuve que la capacité de charge de l’homme sur la planète Terre peut être considérablement augmentée grâce à l’innovation et à l’exploitation de sources d’énergie inexploitées (source). L’homme se distingue également des autres espèces par sa capacité à capturer et à stocker les ressources en vue de leur utilisation ultérieure à l’échelle industrielle, ce qui permet de retarder efficacement l’impact du dépassement de la capacité de charge en puisant dans les ressources stockées (jusqu’à ce qu’elles soient épuisées).

Les tenants du concept de capacité de charge reconnaissent que l’homme a réussi à augmenter à plusieurs reprises la capacité de charge de la planète, mais avertissent que cela ne signifie pas que la capacité de charge est infiniment extensible ou que les sources d’énergie sont infiniment renouvelables (source). Ils affirment plutôt que, quelles que soient les sources d’énergie ou les innovations technologiques dont une population humaine peut bénéficier, l’environnement de cette population impose une capacité de charge finie : le nombre d’individus dont la vie peut être assurée sur la base des ressources actuelles, soit à un niveau de subsistance minimum, soit, de préférence, à un niveau plus élevé de bien-être, de santé et de satisfaction personnelle.

Le problème de la capacité de charge est que tant que la population reste bien en deçà de la capacité d’un environnement à la supporter, le concept n’a que peu d’intérêt ou de valeur. Toutefois, étant donné que nous nous trouvons maintenant dans la partie « crosse de hockey » de la courbe de la population mondiale, l’idée de réexaminer la capacité de charge gagne du terrain parmi les climatologues (source). En effet, dans un monde où la population globale a doublé, passant de 4 milliards à 8 milliards en 50 ans, la question de savoir si et combien de temps l’environnement naturel de la planète peut répondre aux conditions de subsistance d’une telle explosion démographique ne peut plus être éludée.

La population humaine croît de manière exponentielle, mais les ressources augmentent au mieux de manière linéaire, et au pire, pas du tout.

Le cadre des limites planétaires proposé par Rockström (2009) et actualisé par Steffen (2015) est une approche qui a fait évoluer le concept de capacité de charge dans des directions prometteuses. Cette approche réinterprète la capacité de charge comme une fonction de neuf limites biophysiques absolues qui « protègent et régissent le système terrestre à l’ère de l’Anthropocène » (source, p. 1). Ces neuf limites incluent les effets du changement climatique, mais identifient également d’autres menaces potentielles pour la survie de l’humanité, telles que l’acidification des océans, les émissions d’azote et de phosphore, la disponibilité de l’eau et des terres au niveau mondial, et l’érosion de la biodiversité.

Pour en savoir plus sur le cadre des limites planétaires, je recommande l’une des références mentionnées dans le paragraphe précédent. Je le mentionne ici parce que les scientifiques qui travaillent dans ce domaine ont commencé à élaborer des modèles qui prennent en compte la pièce manquante mentionnée ci-dessus : les effets du changement climatique et de l’épuisement des ressources sur la population humaine aux niveaux mondial, régional et local. Leurs analyses nous donnent enfin des indications sur la manière dont la population mondiale est susceptible de réagir à notre trajectoire environnementale actuelle :

« Les besoins physiques (c’est-à-dire l’alimentation, l’hygiène , l’accès à l’énergie et l’élimination de la pauvreté en dessous du seuil de 1,90 USD) pourraient probablement être satisfaits pour 7 milliards de personnes à un niveau d’utilisation des ressources qui ne transgresse pas de manière significative les limites planétaires. Cependant, si les seuils des objectifs plus qualitatifs (satisfaction de la vie, espérance de vie en bonne santé, éducation secondaire, qualité démocratique, soutien social et égalité) doivent être universellement atteints, les systèmes d’approvisionnement – qui assurent la médiation entre l’utilisation des ressources et les résultats sociaux – doivent devenir de deux à six fois plus efficaces ». (source, p. 92)

J’interprète cela comme un avertissement exprimé de manière plutôt oblique : sept milliards de personnes pourraient être en mesure de mener une vie misérable et de subsistance à l’intérieur des limites planétaires qui nous protégeront d’un monde plus chaud de 2 à 4°C, mais pour qu’autant de personnes puissent vivre une bonne vie, notre consommation effrénée des ressources mondiales (y compris, mais sans s’y limiter, les combustibles fossiles) devrait être radicalement réduite, soit en obtenant deux à six fois plus d’utilisation (c.-à-d…, soit en multipliant par deux à six l’utilisation (c’est-à-dire l’efficacité) de chaque unité de ressource consommée, soit, à défaut, en faisant en sorte que seulement la moitié ou le sixième de la population consomme équitablement les ressources actuellement consommées – de manière très inégale – par 8 milliards de personnes.

Selon cette approche, la Terre ne contient que suffisamment de ressources finies pour assurer une « bonne vie » à 1,3 à 4 milliards de personnes.

D’autres estimations de la capacité de charge de la Terre aboutissent à des chiffres tout aussi bas. William Rees, écologiste canadien spécialiste des populations et fondateur du projet Global Footprint, qui mesure la consommation des ressources pays par pays, a récemment fait remarquer que « la capacité de charge à long terme de la Terre pour l’homme n’est pas encore atteinte :

« La capacité de charge humaine à long terme de la Terre – une fois que les écosystèmes se seront remis du fléau actuel [ »phase de fléau« est un terme utilisé par les écologistes pour décrire le pic d’un cycle d’explosion démographique] – est probablement de un à trois milliards d’individus, en fonction de la technologie et du niveau de vie matériel ». (source)

Paul Ehrlich, célèbre pour sa bombe démographique, aborde la question dans un article de 1994 intitulé « Optimum Human Population Size » (taille optimale de la population humaine). Ehrlich et ses coauteurs concluent que la population optimale peut varier de manière significative en fonction de valeurs et de politiques différentes, mais que, dans l’ensemble, elle devrait se situer quelque part entre 1,5 milliard et 2 milliards de personnes (source).

Johan Rockström, l’un des initiateurs de l’approche des limites planétaires et directeur de L’Institut de Potsdam pour la recherche sur l’impact du climat, a déclaré dans une interview en 2019 que dans un monde plus chaud de 4°C :

« Il est difficile de voir comment nous pourrions accueillir huit milliards de personnes ou peut-être même la moitié de cela. Il y aura une riche minorité de personnes qui survivront avec des modes de vie modernes, sans aucun doute, mais ce sera un monde turbulent et conflictuel. » (source)

M. Rockström se faisait essentiellement l’écho de son collègue Hans Joachim Schellnhuber, fondateur de l’Institut de Potsdam, éminent climatologue et conseiller du gouvernement allemand, qui a été mis en cause dans un article du New York Times de 2009 pour avoir déclaré lors d’une conférence sur le climat :

« D’une manière très cynique, c’est un triomphe pour la science car nous avons enfin stabilisé quelque chose, à savoir les estimations de la capacité de charge de la planète, c’est-à-dire en dessous d’un milliard d’habitants. »

Cette déclaration, qui n’est en fait qu’une plaisanterie qui a mal tourné, a suscité de vives réactions. L’article du Times fait référence à la « position agressive de Schellnhuber sur le changement climatique » et qualifie son commentaire de « prédiction apocalyptique ». D’autres l’ont accusé de prôner le génocide et de soutenir des politiques visant à réduire délibérément la population mondiale à un milliard. Lors d’une conférence ultérieure sur le climat à Melbourne en 2011, un membre du public a brandi un nœud coulant pendant que Schellnhuber s’exprimait (source). En 2015, M. Schellnhuber était encore interrogé sur son commentaire. Dans une interview, il a expliqué :

« Ce que j’ai dit, c’est que si le réchauffement climatique n’est en aucune manière atténué, et que nous entrons dans un monde plus chaud de six ou huit degrés [Fahrenheit], alors notre planète ne pourra probablement pas supporter plus d’un milliard de personnes ».

La réticence des climatologues à parler directement de l’impact du changement climatique sur la population est peut-être en partie une réaction au traitement que Schellnhuber a reçu pour un seul commentaire, relativement décontracté, sur l’impact potentiel du changement climatique sur la mortalité humaine. La leçon pour les autres scientifiques du climat était difficile à ignorer : les gens, y compris certains dans leur propre domaine, ne voulaient pas entendre parler des effets directs du réchauffement climatique sur la mortalité humaine. Le sujet était tout simplement trop horrible pour que la plupart des gens l’envisagent.

Même les chercheurs de Planetary Boundaries ne décrivent pas directement le coût du changement climatique pour la population. Ils se réfèrent au nombre de personnes qu’un scénario environnemental particulier « peut supporter ». Ils laissent l’étape suivante, je suppose, comme un exercice pour le lecteur. Soustrayez la population viable de la population actuelle, le reste est la population non viable. Que leur arrive-t-il ? Il semble qu’il n’y ait qu’une seule réponse : Ils ne survivront pas parce que leurs besoins biologiques fondamentaux – nourriture, eau et abri contre les températures humides – ne seront pas satisfaits.

C’est ce que signifie « ne pas être soutenu par son environnement » : vous n’avez pas assez de nourriture, d’eau et d’abri pour vous maintenir en vie.

Il est évident qu’un déclin de la population par le biais d’une baisse des taux de natalité serait de loin préférable à un déclin de la population par le biais d’une augmentation des taux de mortalité. Comme le soulignent rapidement les spécialistes de la démographie, les taux de natalité sont en baisse dans de nombreux pays riches, et dans certains cas à des niveaux suffisamment bas pour entraîner un déclin de la population au cours des prochaines décennies (source). Mais, du moins aujourd’hui, ces baisses sont plus que compensées à l’échelle mondiale par des taux de natalité élevés dans de nombreux pays du Sud moins développés, parmi les plus vulnérables sur le plan climatique et les plus fragiles sur le plan économique.

Une « transition démographique » dans les pays vulnérables du Sud peut-elle stabiliser la population mondiale aux niveaux de consommation actuels ?

Les propositions visant à stabiliser la croissance démographique dans les pays en développement tendent à tourner autour d’une idée séduisante appelée « transition démographique ». Selon ce concept, la meilleure façon de maîtriser la population des pays en développement est de les rapprocher des pays développés. Si ces pays et régions peuvent être amenés au niveau de vie (et de consommation) des pays développés, on s’attend à ce qu’ils s’installent naturellement dans des taux de natalité plus bas à mesure qu’ils adoptent les politiques et récoltent les bénéfices de leur intégration dans le monde développé.

Son intérêt politique est évident. Il offre aux pauvres une voie vers la richesse. Il offre aux riches un moyen commode de faire valoir leurs qualités morales sans risquer de voir leur propre niveau de vie (et de consommation) baisser. Elle offre aux hommes politiques un moyen de paraître équitables et respectables. Malheureusement, la logique de la transition démographique présente une faille majeure. Même si nous ne connaissons pas exactement la capacité de charge de la Terre à l’heure actuelle, nous pouvons facilement calculer qu’elle est bien inférieure à ce qui serait nécessaire pour faire vivre 8 milliards de personnes au même niveau de consommation de ressources que celui dont jouissent aujourd’hui les nations les plus riches (source).

Le problème est que nous consommons actuellement les ressources renouvelables de la planète (bois, eau et air purs, sols sains, poissons sauvages pêchés pour l’alimentation, etc. ) à des niveaux non durables (source). En d’autres termes, nous les utilisons plus rapidement qu’elles ne peuvent se reconstituer, naturellement ou par une gestion active. Selon le Global Footprint Network, pour que le monde entier atteigne le niveau de vie des États-Unis ou de l’Europe, il faudrait disposer des ressources de deux à cinq Terres (source). Étant donné que nous n’avons qu’une seule Terre, l’objectif de la transition démographique – aussi séduisant soit-il sur le plan politique – n’est pas réalisable sans une réduction significative des niveaux de consommation de ressources des nations les plus riches.

La seule façon de partager plus équitablement le gâteau des ressources mondiales entre toutes les nations est de donner aux nations les plus riches des parts plus petites que celles qu’elles consomment aujourd’hui.

L’une des études les plus récentes de Planetary Boundaries, publiée au début de cette année, révèle que les pays à revenu élevé sont responsables de 74 % de l’utilisation excédentaire de matériaux au niveau mondial, principalement sous la pression des États-Unis (27 %) et de l’Union européenne (25 %). La Chine est responsable de 15 % de l’utilisation excédentaire de matériaux dans le monde, et le reste du Sud n’est responsable que de 8 %. Leur conclusion concernant l’utilisation des ressources par les pays riches :

« Nos résultats montrent que les pays à revenu élevé doivent de toute urgence ramener leur utilisation globale des ressources à des niveaux durables. En moyenne, l’utilisation des ressources doit diminuer d’au moins 70 % pour atteindre le niveau durable ». (source, p. e347)

Il semble très improbable que les nations riches du monde réduisent volontairement de 70 % leur consommation des ressources mondiales, qu’elles soient renouvelables ou non. Il est certain qu’aucun dirigeant politique de ces pays n’oserait préconiser un tel changement, car cela équivaudrait à un suicide professionnel. Et si nous cherchons des pistes dans l’histoire récente, l’incapacité de millions d’Américains à accepter l’inconvénient mineur de porter un masque pour éviter de propager le COVID-19 est révélatrice. Plutôt que de se soumettre à une mesure de santé publique simple et indolore, les Américains ont choisi d’accepter qu’un million de leurs concitoyens meurent du COVID. Quelle est la probabilité qu’ils soient prêts à sacrifier 70 % de leur mode de vie pour « sauver » le reste du monde de l’effondrement démographique provoqué par le réchauffement climatique ? Je pense que cette probabilité est infiniment faible.

Une catastrophe démographique en préparation

L’humanité semble avoir manqué l’opportunité d’apporter une réponse volontaire au problème du changement climatique et de l’épuisement des ressources auquel elle est aujourd’hui confrontée. Elle aurait pu écouter les données scientifiques. Elle aurait pu accepter la nécessité d’un changement significatif de la consommation dans les pays les plus riches. Elle aurait pu élaborer un plan mondial et réaliser les investissements (massifs) nécessaires pour assurer une transition ordonnée des combustibles fossiles vers une infrastructure énergétique moderne, mondiale et renouvelable. Elle aurait pu s’attaquer aux inégalités massives qui existent à la fois au sein des pays et entre eux. L’humanité a les moyens de faire tout cela depuis au moins un demi-siècle. Mais nous n’avons rien fait pour des raisons qui ne nous sont que trop familières : la cupidité, l’égoïsme, la myopie, l’obstruction politique et la bonne vieille inertie.

Le risque d’une perte catastrophique de vies humaines due au changement climatique est en effet un problème majeur. Pourtant, on continue de l’ignorer, de le nier ou de le minimiser. Les climatologues ont fermement établi qu’un plus grand nombre de personnes consomment plus de ressources, brûlent plus de combustibles fossiles, produisent plus de gaz à effet de serre, augmentent les températures mondiales et accroissent le risque de points de basculement climatiques irréversibles. Mais ils ont été plus réticents à documenter et à rendre publique la gravité du réchauffement climatique qui pourrait à son tour décimer les populations du monde entier, en commençant par les régions qui subiront d’abord de plein fouet les effets d’un monde plus chaud de 2 à 4 °C, mais en se propageant rapidement au reste du monde également.

Les effets du changement climatique sur les nations et les régions vulnérables ne resteront pas locaux.

Étant donné que notre économie mondiale moderne dépend de la spécialisation régionale et du commerce international, ces ruptures et catastrophes climatiques initialement concentrées au niveau régional produiront rapidement des effets d’entraînement au niveau mondial, réduisant les approvisionnements en énergie, matériaux, produits et denrées alimentaires importés dont dépendent bon nombre des nations les plus riches.

C’est alors que commencera réellement la transition, forcée, des pays riches du Nord vers un monde sans pétrole.


Mots-clés : Climat (plusde2), chaleurs mortelles, Démographie, Énergies fossiles, Intempéries, Ressources minières, Santé & Climat, Sécheresses,



Réseaux sociaux, penser migration ?

ObsAnt

Les réseaux sociaux les plus connus sont actuellement de plus en plus critiqués. Les profils utilisateurs font l’objet d’une marchandisation portant atteinte à la vie privée. Les idéologies des propriétaires de ces plateformes se font de plus en plus présentes. La haine est de moins en moins régulée. Etc …

Face à ces constats, des internautes se questionnent. Quitter « mon » réseau ? Migrer vers une autre plateforme ? Être présent sur plusieurs réseaux ?

Parmi les pistes possibles, l’Observatoire de l’Anthropocène a choisi d’être présent (entre autre) sur un réseau qui nous semble particulièrement intéressant : Mastodon (*).

Développé dans la sphère des logiciels libres, cette plateforme est conçue de façon totalement décentralisée.

Sans entrer dans le détail, le réseau est composé d’instances (serveurs) totalement indépendantes les unes des autres. Le Réseau des instances assurant la communication la plus large au sein de ce « Mastodon ».

Toute personne, entreprise ou collectif souhaitant mettre en place son instance en a la possibilité. Le code est disponible. On peut rejoindre une instance existante.

La décentralisation assure la pérennisation du réseau global. Il est également possible de migrer – sans perdre ses relations – vers un serveur différent en cas de désaccord avec la gestion « locale », de contraintes techniques ou autre souci.

Notre expérience :

Nous avons choisi de rejoindre l’instance mise en place par le projet « chApril » – https://www.chapril.org/ – qui propose des services clairement alternatifs.

Derrière ce projet, l’intéressante association française « April » – https://www.april.org/ – de promotion et de défense du logiciel libre.

L’actualité nous le rappelle, choisir un réseau social n’est pas anodin.

Si d’aventure vous deviez rejoindre Mastodon, voici nos coordonnées :

https://pouet.chapril.org/@obsant


Pour retrouver l’ensemble de nos activités, voir notre page sur linktr.ee :


La société préfère le fantasme à la réalité

Angus Peterson

deepltraduction JM & Josette – original paru dans Medium

La fin de la pensée critique et l’effondrement de la civilisation.

À une époque où la logique et l’esprit critique sont plus importants que jamais, la société évolue dans la direction opposée – vers la désinformation, le mysticisme et les régimes autoritaires. Le monde est plongé dans un état permanent de polycrise : instabilité économique, effondrement écologique, tensions géopolitiques et fracture sociétale. Au lieu d’affronter ces crises avec logique et des solutions fondées sur des preuves, de vastes pans de la population se replient sur la superstition et l’autoritarisme.

Il ne s’agit pas seulement d’un échec du raisonnement individuel, mais d’un effondrement systémique de la pensée critique. Le discours public a été détourné par les propagandistes, les chambres d’écho virtuelles et la banalisation de l’indignation. Les fausses informations se répandent à une vitesse inégalée, instrumentalisées par les outils mêmes qui étaient autrefois salués comme des sources de savoir. La civilisation n’est pas seulement mal préparée aux crises auxquelles elle est confrontée, elle sape activement toute tentative de les atténuer.

Les conséquences sont terribles. Alors que le climat se détériore, que les normes démocratiques s’érodent et que les inégalités économiques se creusent, les gens ont de plus en plus besoin de comprendre. Mais plutôt que de demander des comptes aux puissants, ils se tournent vers le mysticisme, les théories du complot et les hommes forts qui promettent le salut sans aucun effort. Il ne s’agit pas d’un hasard, mais du résultat prévisible d’un monde où l’éducation a été vidée de sa substance, où le tissu social s’effiloche et où l’écart de richesse s’est creusé à un point tel que la mobilité sociale n’est plus qu’une illusion.

Nous n’évoluons pas vers une société plus consciente, nous régressons. Carl Sagan nous a mis en garde il y a plusieurs décennies, prévoyant un monde où les gens, incapables de distinguer la vérité de la fiction, se tourneraient vers les démagogues et les charlatans. Cette prophétie n’est plus un avertissement, c’est notre réalité. Les conséquences ne seront pas seulement abstraites ; elles façonneront la qualité de vie des générations à venir.

Le mysticisme alimente la montée des leaders autoritaires

Alors que l’incertitude s’empare du monde, les gens recherchent des dirigeants qui offrent des certitudes, même si leurs déclarations sont fausses ou dangereuses. En période de crise prolongée, les gens se tournent vers la foi, qu’elle soit religieuse, conspirationniste ou politique. La polycrise a intensifié cet instinct, poussant les populations vers le mysticisme, l’irrationalité et, inévitablement, vers des dirigeants autoritaires qui promettent de rétablir l’ordre.

Le cerveau humain n’est pas adapté à un stress permanent. L’instabilité économique, les catastrophes climatiques et les troubles politiques créent un besoin psychologique de certitude. Mais le monde réel n’offre pas de telles réassurances. Le consensus scientifique met en garde contre l’aggravation de l’effondrement écologique, les données économiques montrent que les inégalités se creusent et les institutions mondiales s’efforcent de maintenir un certain ordre dans un chaos de plus en plus grand. Pour ceux qui ne veulent pas ou ne peuvent pas affronter la complexité, la confiance en un dirigeant fort offre une alternative facile.

Historiquement, les crises engendrent des autocrates. Lorsque les gens se sentent impuissants, ils recherchent quelqu’un qui incarne la force – quelqu’un qui prétend avoir toutes les réponses, même si ces réponses sont des tissus de mensonges enveloppés de bravade. La montée des démagogues populistes dans le monde entier n’est pas une coïncidence ; elle résulte directement de la perte de confiance des populations dans leur capacité à créer le changement. En l’absence de solutions, elles se tournent vers des récits qui les déchargent de toute responsabilité.

Cette évolution n’est pas isolée. Elle reflète un rejet plus large de la rationalité. Partout dans le monde, l’anti-intellectualisme est en hausse. L’expertise est considérée comme de l’élitisme, l’éducation est sous-financée et la méthode scientifique est traitée comme une idéologie plutôt que comme une voie vers la vérité. Les théories du complot prospèrent dans cet environnement, se nourrissant de la même incertitude que la pensée rationnelle est censée combattre.

Freedom House (NDT: ONG financée par le gouvernement américain et basée à Washington, qui étudie l’étendue de la démocratie) fait état d’une expansion mondiale des régimes autoritaires, alimentée par la désillusion et la précarité économique. Les dirigeants qui, autrefois, auraient pu être soupçonnés d’abus de pouvoir agissent désormais en toute impunité, protégés par leur propre culte de la personnalité. Leurs sympathisants ne leur demandent pas de rendre des comptes, mais de les soulager du chaos de la réalité.

Le lien entre mysticisme et autocratie n’est ni nouveau ni propre à notre époque. Mais à l’ère de la polycrise, il s’accélère. Plus les choses vont mal, plus les gens cherchent à se réconforter dans des récits qui les protègent de la dure vérité. Et comme l’histoire l’a montré, lorsque la vérité devient gênante, ceux qui proposent des mensonges – aussi absurdes soient-ils – prospèrent.

Les algorithmes des médias sociaux tuent la pensée critique

Si le mysticisme et l’autoritarisme sont les symptômes, la technologie en est le moteur. L’internet, autrefois présenté comme un outil d’information et de partage des connaissances, est devenu un labyrinthe de manipulations algorithmiques, conçu non pas pour informer mais pour renforcer les préjugés.

Les médias sociaux, qui étaient autrefois un forum pour un discours ouvert, ont été détournés par des algorithmes qui maximisent l’engagement et donnent la priorité à l’indignation plutôt qu’à l’exactitude. L’objectif n’est pas d’éduquer mais de figer, en alimentant les utilisateurs d’une vague incessante de contenus qui amplifient leurs croyances existantes tout en les protégeant des perspectives contradictoires. Le résultat est une population qui n’est pas seulement mal informée, mais qui résiste activement à la réalité.

Cette tendance s’est aggravée avec les changements de politique délibérés des grandes plateformes. La récente décision de Meta d’éliminer les fact-checkers tiers de Facebook, Instagram et Threads sous prétexte de réduire les préjugés en est un exemple flagrant. Au lieu d’une vérification indépendante, la plateforme s’appuie désormais sur un système de « notes communautaires » – une approche empruntée à X (anciennement Twitter), qui s’est transformée en un terrain propice à la désinformation.

Mark Zuckerberg lui-même a reconnu le risque :

« La vérité, c’est qu’il s’agit d’un compromis. Cela signifie que nous allons détecter moins de mauvaises choses, mais nous allons également réduire le nombre de messages et de comptes de personnes innocentes que nous supprimons accidentellement ».

Il s’agit d’une distorsion grotesque des priorités. Il est bien plus dangereux de laisser la désinformation – en particulier les contenus racistes, misogynes et xénophobes – prospérer que de signaler occasionnellement un message innocent de manière erronée. C’est pourtant la nouvelle norme en matière de modération de contenu : un système qui privilégie la « neutralité » au détriment de la vérité, même lorsque cette neutralité implique d’autoriser des mensonges flagrants.

X est un exemple de ce qui se passe lorsque les garde-fous sont supprimés. Depuis la prise de contrôle par Elon Musk, la plateforme a sombré dans le chaos, où les extrémistes sont renforcés, où les idées complotistes fleurissent et où le journalisme légitime est noyé dans des récits fictifs. Les organes de presse qui s’appuyaient autrefois sur Twitter pour leurs reportages en temps réel l’ont largement abandonnée, tandis que la propagande et la pseudoscience prospèrent sous le couvert de la « liberté d’expression ».

Cette dégradation de l’intégrité de l’information survient à un moment particulièrement dangereux. L’élection présidentielle américaine de 2024 a été marquée par une forte augmentation de la désinformation et, à l’approche du second mandat de M. Trump, les enjeux n’ont fait que croître. L’affaiblissement systématique de la vérification des faits n’est pas une négligence de la part des entreprises – c’est une décision calculée qui profite aux autocrates qui s’appuient sur un public désorienté et mal informé.

Nous assistons à un démantèlement massif de la pensée critique. L’érosion de l’éducation publique a préparé le terrain, mais les médias sociaux ont fini le travail. Dans un monde où la vérité est facultative et les mensonges plus rentables, la réalité objective elle-même est en péril.

Pourquoi les gouvernements sanctionnent-ils l’activisme climatique ?

Alors que la crise climatique s’aggrave, les gouvernements et les entreprises ne réagissent pas par des actions urgentes, mais par la répression. Au lieu de s’attaquer aux menaces existentielles posées par le changement climatique, les détenteurs du pouvoir s’efforcent de réduire au silence ceux qui refusent de détourner le regard.

Dans le monde entier, les gouvernements renforcent les restrictions imposées aux manifestations. Au Royaume-Uni, de nouvelles lois accordent à la police le pouvoir d’arrêter les défenseurs du climat avant même qu’ils ne commencent à manifester. Aux États-Unis, des États dirigés par des républicains ont introduit des lois sur les « infrastructures critiques » qui font des manifestations à proximité des sites pétroliers et gaziers un délit. En Allemagne, les manifestants pour le climat risquent désormais des peines de prison. Plus la crise climatique se durcit, plus les gouvernements s’efforcent de réprimer ceux qui appellent au changement.

Ce retour de bâton n’est pas seulement une question de politique : il s’agit d’un mécanisme de défense psychologique à l’échelle de la société. La réalité de l’effondrement écologique est insupportable pour beaucoup. Pour reconnaître l’ampleur de la crise, il faudrait reconnaître non seulement les échecs des gouvernements, mais aussi la complicité personnelle de populations entières. Il est beaucoup plus facile de rejeter l’activisme climatique en le qualifiant de perturbateur ou de criminel que d’accepter que l’avenir qu’on leur avait promis n’existe plus.

Cette répression est une conséquence directe de l’abandon par la société de la pensée critique et de son virage vers le mysticisme et le négationnisme. Personne ne veut entendre que son mode de vie n’est pas viable. Au lieu de cela, les gens cherchent du réconfort dans une rhétorique teintée de spiritualité – des expressions telles que « ne faire qu’un avec la nature » ou « purifier l’âme » sont devenues des substituts commodes à un engagement réel face à la crise. L’essor de la « spiritualité de la catastrophe climatique » permet aux gens de faire face à la situation sans prendre de mesures significatives.

Et oui, les gens ont besoin de réconfort. Personne ne peut mener une bataille s’il est trop épuisé pour être opérationnel. Mais ce n’est pas une cure de jouvence pour la résistance – c’est de l’escapisme déguisé en sagesse. Il s’agit d’une capitulation délibérée, d’une psychose de masse dans laquelle le déni est transformé en illumination.

À mesure que le monde s’enfonce dans la catastrophe climatique, la répression des manifestations en faveur du climat ne fera que s’intensifier. Le message est clair : arrêtez de lutter, arrêtez d’alerter, arrêtez de nous rappeler ce que nous ne voulons pas savoir. Mais l’histoire montre qu’ignorer une crise ne la fait pas disparaître, mais la rend inévitable.

Le bilanla mort de l’esprit critique

Nous vivons dans la dystopie dont Carl Sagan nous avait prévenus. L’effondrement de la pensée critique, l’adoption du mysticisme, la montée de l’autocratie et l’érosion délibérée de la vérité – tout cela a été prédit et tout cela est en train de se produire.

 » J’ai le pressentiment d’une Amérique, au temps de mes enfants ou de mes petits-enfants, devenue une économie de services et d’information, où presque toutes les industries manufacturières auront été délocalisées dans d’autres pays, alors que d’impressionnantes puissances technologiques sont entre les mains d’un très petit nombre et que personne ne représentant l’intérêt public ne peut même comprendre les enjeux, lorsque les gens auront perdu la capacité de définir leurs propres programmes ou de questionner les autorités en connaissance de cause, lorsque, agrippés à nos cristaux et consultant nerveusement nos horoscopes, notre sens critique en déclin, incapables de distinguer ce qui est bon de ce qui est vrai, nous glisserons, presque sans nous en rendre compte, vers la superstition et l’obscurité…« 

Ce temps est venu. Les États-Unis, et une grande partie du monde, sont devenus une société incapable de distinguer la réalité de la fiction, peu disposée à faire les sacrifices nécessaires pour atténuer une catastrophe imminente. Les systèmes d’éducation publique ont été vidés de leur substance, remplacés par l’endoctrinement idéologique et la manufacture de l’ignorance. Les plateformes numériques ont abandonné la vérité pour le profit, permettant ainsi à la désinformation de se développer de manière incontrôlée. L’écart de richesse a atteint des niveaux indécents, laissant des millions de personnes sans aucun moyen pour avoir accès à des informations dignes de confiance.

L’abrutissement de l’Amérique est particulièrement évident dans la lente dégradation du contenu substantiel dans les médias extrêmement influents, les extraits sonores de 30 secondes (aujourd’hui réduits à 10 secondes ou moins), les programmes au plus petit dénominateur commun, les présentations crédules sur la pseudoscience et la superstition, mais surtout dans une sorte de célébration de l’ignorance.

La célébration de l’ignorance est désormais une politique. Les manifestants pour le climat sont arrêtés. Les fact-checkers sont supprimés. Les algorithmes décident de ce que les gens regardent, et les démagogues dictent ce qu’ils croient. La polycrise s’accélère et, au lieu de la combattre par la rationalité, la société se réfugie dans la fiction et s’accroche à l’illusion du contrôle.

Cet effondrement n’est pas seulement environnemental ou économique, c’est l’effondrement de la vérité elle-même. Dans un monde noyé sous la désinformation, où la réalité est dictée par ceux qui détiennent le pouvoir, la question n’est plus de savoir si l’effondrement arrive, mais à quelle vitesse il va tout dévorer.


L’Observatoire traduit régulièrement des articles. Voici la liste : les traductions



Groenland, la future chasse gardée de Trump ?

Paul Blume

Nous y sommes. D’ici quelques jours, Donald Trump – 47e président des États-Unis – va pouvoir pousser au maximum sa volonté d’accaparement des ressources mondiales au seul profit des industries américaines.

En ligne de mire, entre autres, les ressources du sous-sol groenlandais.

On y trouve du fer, de l’or, du zinc, du cuivre, du graphite, du nickel, du platine, de l’uranium … et des hydrocarbures (*).

Si le modus operandi n’est pas encore connu, les observateurs de la politique américaine semblent de plus en plus convaincus qu’une forme d’annexion de ces ressources sera tentée rapidement, peut-être en début de mandat.

Les questions de légitimité, de droit international, d’autonomie des peuples et des nations ne pesant que fort peu dans l’équation du prédateur américain.

Personne ne semble à ce jour susceptible de s’opposer à l’expansionnisme annoncé par le presque Président des États-Unis. Au Groenland, en tout cas.

Ces richesses font aussi l’objet d’une attention active de la part d’autres pays proches (tableau) mais aussi de la Chine.

Le tableau est repris de l’article du Monde : Pourquoi Donald Trump s’intéresse au Groenland depuis 2019

Vivre avec autant de ressources sous les pieds, dans le cadre géopolitique qui se profile, s’annonce mouvementé.

Et l’Europe dans tout cela ? Peut-elle se passer de ces ressources ?

La situation dans l’Arctique est explosive.

Sans oublier la fonte des glaces liée au réchauffement climatique…


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2025, comment tout s’effondre ?

Collectif

Il y aura dix ans au printemps qu’est paru « Comment tout peut d’effondrer »1 de Pablo Servigne2 et Raphaël Stevens3. Dix ans qu’est apparu le néologisme « collapsologie ».

Depuis, l’idée qu’une « polycrise »4 puisse mettre à mal notre société a fait son chemin. En décembre 2020, par exemple, un panel d’universitaires publie une lettre publique dont l’intitulé est on ne peut plus clair : « Seule une discussion sur l’effondrement permettra de s’y préparer »5.

Non seulement les risques systémiques annoncés par le rapport Meadows6 en 1972 s’avèrent effectifs, mais l’évolution exponentielle de la pression anthropique sur le climat et la nature fait ressentir ses effets de plus en plus concrètement et de façon irréversible7.

Pollution exponentielle de nos environnements (sols, eau, …) et perte tout aussi exponentielle de biodiversité s’accompagnent d’un chaos géopolitique qui annonce la complexité d’appréhension des décennies à venir.

Alors que « post-vérité » et désinformation assombrissent l’évaluation du futur proche, nous pensons que face à l’urgence et l’ampleur des polycrises qui nous arrivent, il est indispensable de relancer des débats collectifs sur des bases factuelles et scientifiques. De réfléchir aux possibles en s’écartant des complotismes, simplismes et pensées propagées à grande échelle à dessein pour favoriser des intérêts particuliers.

Comprendre, s’informer, penser de nouvelles formes d’adaptations au réel font partie des objectifs que se donne le groupe de réflexion « Ecologie21 »8.

Nous inaugurons notre tribune 2025 dans le cadre du blog de l’Observatoire de l’Anthropocène et reviendrons régulièrement vers vous pour contribuer à une pensée écologique mieux adaptée aux constats.

A bientôt.


1 https://obsant.eu/veille/?iti=137,152

2 https://obsant.eu/pablo-servigne/

3 https://obsant.eu/raphael-stevens/

4 https://obsant.eu/blog/2024/12/21/la-polycrise/

5 https://obsant.eu/blog/2020/12/08/seule-une-discussion-sur-leffondrement-permettra-de-sy-preparer/

6 https://obsant.eu/le-rapport-meadows/?iti=9,%208920,%20329

7 https://obsant.eu/blog/liste/?rch=%20blogoa%20focuscollaps%20irreversible

8 https://obsant.eu/ecologie21/



D’où viennent nos esclaves énergétiques ?

Jean-Marc Jancovici

Reprise d’un post Linkedin – original ici

D’où viennent nos esclaves énergétiques ? Pour rafraîchir la mémoire de tout le mode en ce début d’année, la mienne y compris, je vous propose ci-dessous un petit graphique qui donne, sur un peu plus d’un siècle et demi (la dernière année est 2023), l’approvisionnement énergétique par personne en moyenne mondiale, exprimé en kWh.

Pour les sources purement électriques (hydro, éolien, solaire, géothermique & biomasse) la convention est de compter l’énergie qu’il faudrait utiliser dans une centrale électrique thermique pour avoir la même quantité d’électricité (c’est une convention classique pour comparer les énergies entre elles, et elle est bien sûr discutable comme toutes les conventions).

JMJ 01 2025

Plusieurs constats intéressants peuvent être faits au vu de ce graphique :

  • les trois énergies qui arrivent en tête, encore aujourd’hui, sont de très loin le pétrole, le charbon et le gaz
  • le gaz par personne n’a jamais été aussi haut qu’aujourd’hui (ce qui veut dire que sa production a continûment augmenté plus vite que la population), et pour le charbon nous n’en sommes pas loin
  • les Trente Glorieuses, c’est l’explosion du pétrole par personne, et cela n’est arrivé qu’une fois dans l’histoire de l’humanité
  • les chocs pétroliers, ce n’est pas juste une affaire de prix : c’est avant tout la fin de la croissance physique du pétrole par personne, puis le début de sa décroissance, à une époque où le climat n’avait aucune espèce d’existence dans les politiques publiques. C’est donc purement l’impossibilité physique de continuer à faire croître la production au même rythme qui a joué (une première limite planétaire, déjà !)
  • pour le gaz et le charbon, on ne voit malheureusement aucune inflexion qui pourrait être liée à une « prise de conscience climatique planétaire » (rappelons que le Sommet de la Terre, où a été signée la Convention Climat, date de 1992)
  • il y a un siècle et demi, la biomasse représentait presque autant d’énergie par personne que le charbon aujourd’hui ! Mais l’efficacité de son usage (et donc les services que l’on pouvait en retirer) était évidemment considérablement moindre
  • la première des énergies renouvelables purement électriques en 2023 était l’hydroélectricité, même si l’éolien augmentait bien plus vite, et faisait jeu égal avec le nucléaire

Au total, l’approvisionnement énergétique par Terrien représente un peu plus de 22000 kWh par personne en 2023. C’est « juste » 10% de plus que le total de 1979, il y a donc presque 45 ans, alors que pendant les 45 ans qui ont précédé 1979 l’augmentation avait été de plus de 130%.

La question à 100 euros est évidemment de savoir si, en quelques décennies, les 3 courbes du haut peuvent disparaître avec un approvisionnement par personne qui baisse peu.

Le pari le plus fréquent dans les politiques publiques est que oui, mais il serait bon d’avoir un plan B si ce n’est pas le cas, et pour le moment ce plan B intéresse peu de monde en haut lieu !



La Polycrise

Une cascade d’échecs : La polycrise définie

Au bord de l’effondrement

Angus Peterson (*)

deepltraduction Josette – original paru dans Medium

Une brève explication des crises mondiales simultanées.

J’ai beaucoup écrit sur la polycrise, mais surtout d’un point de vue environnemental/écologique. Si je postule que les éléments sous-jacents de chaque aspect de la polycrise découlent de la surexploitation des ressources, il y a en réalité beaucoup plus que cela.

Pour être clair, nous vivons à l’ère de la polycrise – une cacophonie de désastres imbriqués, une tempête parfaite des pires échecs de l’humanité convergeant en une seule réalité catastrophique. Il ne s’agit pas d’une seule crise. Il s’agit de tout, partout, en même temps, et la spirale se dirige vers nous plus vite que nous ne pouvons l’imaginer.

Le changement climatique, l’instabilité économique, la fragmentation politique, les pandémies et l’épuisement des ressources ne sont plus des problèmes isolés ; ils se combinent, s’amplifient et se nourrissent les uns des autres. Si vous pensiez que le chaos de la dernière décennie était le pire du pire, préparez-vous. Nous n’en sommes qu’au début.

La genèse d’un concept terrifiant

Le terme « polycrise » n’est pas une simple expression intellectuelle à la mode dans les chambres d’écho universitaires. Il trouve son origine dans les travaux du théoricien français Edgar Morin et de l’historien de l’économie Jean-François Rischard. Au début des années 2000, ils ont cherché un terme pour résumer l’idée selon laquelle les crises sont interconnectées d’une manière qui les exacerbe. La polycrise n’est pas seulement le fait d’avoir plusieurs problèmes en même temps ; c’est la façon dont ces crises se combinent pour créer quelque chose d’exponentiellement pire.

Soyons clairs : il ne s’agit pas d’une hyperbole. Un incendie de forêt n’est plus un simple incendie de forêt. Il s’agit d’une catastrophe liée au changement climatique, d’une catastrophe touchant la biodiversité, d’une urgence de santé publique et d’un cauchemar économique, le tout en même temps. Et comme ces crises interagissent, les systèmes conçus pour y faire face plient sous le poids de leur complexité.

La définition : qu’est-ce qu’une polycrise ?

Une polycrise est la convergence écrasante de crises qui sont interconnectées de telle sorte qu’elles ne peuvent être résolues. Il ne s’agit pas seulement d’une pandémie et d’un effondrement économique ; il s’agit de la façon dont la pandémie perturbe les chaînes d’approvisionnement, ce qui accélère l’inflation, déstabilise les systèmes politiques et alimente le désespoir économique.

La caractéristique d’une polycrise est que ces problèmes ne peuvent être résolus de manière isolée. S’attaquer à un aspect en aggrave souvent un autre. Par exemple, les tentatives visant à stabiliser l’économie en soutenant la production de combustibles fossiles ne font qu’aggraver la crise climatique, préparant le terrain pour de futures catastrophes.

Dans le monde d’aujourd’hui, tout est lié : la dégradation écologique, l’inégalité économique, l’instabilité géopolitique et la fragmentation sociale. C’est un nœud gordien que nous avons nous-mêmes créé, et il n’y a pas d’Alexandre pour le trancher.

Pourquoi la polycrise semble inarrêtable

La polycrise mondiale n’est pas seulement inévitable, elle s’accélère. Voici pourquoi :

Le dérèglement climatique : La Terre se réchauffe à un rythme sans précédent, alimentant des catastrophes telles que les incendies de forêt, les ouragans et les sécheresses. Aux États-Unis, les incendies de forêt dévorent désormais des villes entières, tandis que les sécheresses menacent la viabilité de l’agriculture en Californie, le grenier à blé du pays. L’élévation du niveau des mers rend déjà invivables des villes côtières comme Miami. Pourtant, au lieu de prendre des mesures énergiques, nous avons droit à des mesures progressives et à l’écoblanchiment des entreprises.

L’instabilité économique : L’inflation, la crise du logement et l’inégalité des richesses créent une économie fragile au bord de l’effondrement. Votre statut de membre de la classe moyenne ? Il ne tient plus qu’à un fil. La hausse des prix des produits de première nécessité, comme la nourriture et le logement, pèse sur les familles, tandis que les milliardaires accumulent des richesses à des niveaux jamais vus depuis l’âge d’or.

La fragmentation géopolitique : La guerre en Ukraine n’est qu’un exemple de la manière dont les luttes de pouvoir déstabilisent des régions entières. Ces conflits ont des effets en cascade, allant des crises de réfugiés à la montée en flèche des prix de l’énergie. Les États-Unis, bien qu’éloignés géographiquement, sont profondément liés aux marchés de l’énergie, aux engagements militaires et aux alliances géopolitiques.

La fragmentation sociale : La polarisation ronge le tissu social. La confiance dans les institutions s’est effondrée et la désinformation se répand plus vite que les faits. Vos enfants grandissent dans un monde où la vérité est contestée à chaque instant et où la société est de plus en plus divisée en chambres d’écho.

Les pandémies et les échecs de la santé publique : Le COVID-19 a été un coup de semonce, pas une anomalie. L’absence d’action coordonnée au niveau mondial a mis en évidence notre manque de préparation aux pandémies dans un monde interconnecté. Que se passera-t-il lorsque le prochain agent pathogène plus mortel apparaîtra ? Spoiler : ce ne sera pas bon.

La surpopulation : Avec 8,2 milliards d’habitants dans le monde, la polycrise touche une population bien plus importante qu’il y a un siècle. Et la situation ne fera qu’empirer, puisque nous devrions atteindre les 10 milliards d’ici 2060.

Les critiques : Ce concept est-il trop compliqué ?

L’idée de la polycrise ne fait pas l’unanimité. Ses détracteurs estiment qu’elle est trop vague, trop alarmiste et trop difficile à mettre en œuvre dans les discussions politiques. Certains la rejettent comme un exercice académique ou une excuse fataliste pour l’inaction. Ils affirment que nous réfléchissons trop à l’interconnexion et que nous devrions nous concentrer sur la résolution de problèmes discrets.

Mais il y a un hic : les solutions discrètes ne fonctionnent pas. Le changement climatique ne fait pas de pause pendant que nous nous attaquons à l’inégalité des revenus. Les pandémies n’attendent pas que nous rétablissions la confiance dans les institutions publiques. Le rejet des critiques ne fait que souligner l’impuissance de notre situation. En niant la complexité, ils s’assurent que les solutions ne seront jamais à la hauteur de l’ampleur du problème.

Les États-Unis ne sont pas immunisés

Si vous pensez que la polycrise est le problème de quelqu’un d’autre, détrompez-vous. Les États-Unis sont un microcosme de tout ce qui ne va pas au niveau mondial.

Les catastrophes climatiques : Des feux de forêt dans l’Ouest aux ouragans dans le Golfe, l’Amérique fait déjà l’expérience de la brutale réalité du changement climatique. La fumée des feux de forêt qui a récemment recouvert le Midwest et la côte Est était un aperçu effrayant d’un avenir où respirer de l’air pur sera un luxe.

Le désespoir économique : Malgré vos revenus relativement confortables, l’augmentation des coûts du logement, des soins de santé et de l’éducation érode la classe moyenne. Le rêve de laisser à vos enfants un monde meilleur ? Il est remplacé par la triste réalité d’une dette insurmontable et d’une économie qui s’effondre.

Le dysfonctionnement politique : Le blocage et la partisanerie ont rendu impossible toute action significative. La politique climatique ? Une plaisanterie. Les réformes économiques ? Mortes à l’arrivée. Le gouvernement est trop paralysé pour s’attaquer aux crises les plus importantes, laissant les familles livrées à elles-mêmes.

L’effritement de la société : La violence armée, les crimes de haine et la polarisation dominent les actualités. Vos enfants grandissent dans une Amérique où les exercices de tir actif font partie intégrante de la vie scolaire et où la civilité semble être une relique du passé.

Des solutions toutes faites : Pourquoi elles ne fonctionneront pas

N’y allons pas par quatre chemins : les solutions proposées à la polycrise sont un mélange de vœux pieux et de fantasmes irréalisables. Voici pourquoi :

La coopération mondiale : Les partisans de cette solution affirment que nous avons besoin d’une collaboration internationale sans précédent. Ont-ils regardé le monde récemment ? Les nations parviennent à peine à se mettre d’accord sur des accords commerciaux, sans parler de s’attaquer à une crise aussi complexe. L’accord de Paris ? Sans dents. Les sommets de la COP ? Des exercices de diplomatie performative.

L’innovation technologique : De la capture du carbone à la viande cultivée en laboratoire, les techno-optimistes placent leurs espoirs dans des percées qui sont toujours « au coin de la rue ». Pendant ce temps, les émissions continuent d’augmenter, la biodiversité de disparaître et l’horloge de tourner.

Le changement de comportement : L’idée selon laquelle les individus peuvent « consommer de manière responsable » pour sortir de la polycrise est risible. Vos sacs réutilisables et votre régime à base de plantes n’arrêteront pas la montée des eaux et n’inverseront pas la déforestation. C’est une distraction, pas une solution.

Des communautés résilientes : Si les initiatives locales sont louables, elles ne sont qu’une goutte d’eau dans l’océan par rapport à l’ampleur du problème. La construction de jardins communautaires n’arrêtera pas les ouragans et ne stabilisera pas les chaînes d’approvisionnement mondiales.

En vérité, la polycrise a dépassé notre capacité de réaction. Les systèmes qui ont créé ces crises sont les mêmes que ceux qui empêchent toute action significative. Le capitalisme, le nationalisme et l’individualisme – les piliers de la société moderne – sont incompatibles avec le niveau de coordination et de sacrifice nécessaire pour faire face à cette réalité.

Que nous réserve l’avenir ?

L’avenir ? Il est sombre. Les modèles climatiques prévoient des conditions météorologiques plus extrêmes, une raréfaction des ressources et des crises migratoires. Les économistes mettent en garde contre des récessions prolongées et des effondrements systémiques. Les politologues prévoient une montée de l’autoritarisme, les gouvernements luttant pour garder le contrôle. Le monde que vous laisserez à vos enfants sera plus pauvre, plus chaud et plus instable que celui dont vous avez hérité.

Ce n’est pas de l’alarmisme, c’est la réalité. La polycrise est là, et elle n’est pas près de disparaître. Vous pouvez choisir de l’ignorer, mais vous en subirez les conséquences. Elles se manifesteront sous la forme d’incendies qui étouffent le ciel, d’inondations qui emportent les maisons, d’effondrements économiques qui détruisent les moyens de subsistance et de troubles sociaux qui brisent les communautés.

À emporter – Bienvenue dans la polycrise

La polycrise n’est pas une menace lointaine ; c’est le trait caractéristique de notre époque. Elle touche tous les aspects de la vie, de l’air que respirent vos enfants à la stabilité de votre emploi et à la sécurité de votre foyer. Et non, il n’y a pas de solution miracle. C’est le monde que nous avons créé et dans lequel nous devons maintenant vivre.

Mais le plus effrayant est peut-être ceci : nous continuons à traiter la polycrise comme si elle était gérable, comme si nous avions le luxe d’avoir du temps, comme si le fait de bricoler allait d’une manière ou d’une autre la résoudre. Ce n’est pas le cas. La polycrise est un train fou, et il n’y a pas de conducteur aux commandes. La question n’est pas de savoir comment l’arrêter, mais comment y survivre. Ou si nous y survivrons tout court.



Alerte aux bactéries miroirs

OA - Liste
info rapide

En cette fin du premier quart de ce 21ième siècle, une annonce pas banale attire l’attention.

Elle émane d’une quarantaine de scientifiques de pointe dans leur domaine.

Et porte sur le risque de voir l’humanité capable – d’ici une dizaine d’années – de créer des bactéries dites « miroirs ».

L’apparition éventuelle de « formes de vie miroir » serait à classer parmi les dangers majeurs pour l’humanité. Au même titre que les pandémies ou l’armement nucléaire par exemple.

L’un des objectifs de cette alerte est clairement de faire entrer les travaux sur les manipulations du vivant, les intérêts de ceux-ci et les risques, dans le débat public.

L’alarme sonne-t-elle assez tôt ? Résonnera-t-elle assez fort ?

Un débat s’installera-t-il ? L’humanité maîtrisera-t-elle cette nouvelle technologie ?

Réponse dans la décennie qui vient…


Pour suivre cette thématique parmi les références de l’Observatoire, associez les mots-clés « bactérie » et « miroir » :



La pièce manquante du puzzle de l’AMOC

Pourquoi l’effondrement pourrait être beaucoup plus proche que prévu : que se passe-t-il lorsque le cœur de l’océan Atlantique s’arrête de battre ?

Ricky Lanusse

Deepl traduction – article original paru dans Medium

Le café du professeur Stefan Rahmstorf est froid. Assis dans son bureau à l’Institut de recherche sur l’impact du climat de Potsdam, il fixait l’écran, relisant l’article qui venait d’arriver dans sa boîte de réception.

M. Rahmstorf a consacré sa vie à l’étude de la circulation méridienne de retournement de l’Atlantique (AMOC), disséquant ce vaste système sous-marin qui agit discrètement comme un moteur climatique clandestin.

Depuis des milliers d’années, l’AMOC assure discrètement la stabilité du climat de la planète. Son système de courants marins distribue les eaux chaudes et froides entre les pôles par le biais de courants profonds et proches de la surface. Au cours de son voyage vers le nord, il transporte les eaux de surface chaudes et salées des tropiques à travers la mer des Caraïbes et le golfe du Mexique (où les eaux peuvent atteindre des températures caniculaires), puis le long de la côte est des États-Unis avant de traverser l’Atlantique en direction du Groenland et de l’Islande. Là, les eaux chaudes rencontrent l’air glacial de l’Arctique, libérant leur chaleur dans l’atmosphère comme un radiateur planétaire. Refroidie et densifiée, l’eau plonge dans les abysses et rampe le long des fonds marins jusqu’à l’Antarctique, perpétuant un cycle connu sous le nom de « tapis roulant » qui déplace plus d’énergie qu’un million de centrales nucléaires. En plus de réchauffer l’Europe comme une énorme pompe à chaleur, il régule les niveaux de CO2 de notre planète, l’approvisionnement en oxygène et le régime des pluies tropicales.

Pourtant, des preuves de plus en plus nombreuses ont montré que l’AMOC est actuellement à son point le plus faible depuis un millénaire. M. Rahmstorf a lui-même mis en garde à plusieurs reprises au sujet de ce déclin .

Mais cette nouvelle étude revêt un caractère différent.

Alors que Rahmstorf parcourait les résultats, ses mains se sont resserrées autour de sa tasse de café, qu’il buvait distraitement, déjà vide. Son travail a toujours consisté à relier les points, et cette recherche pourrait être la pièce manquante du puzzle climatique de l’AMOC – une pièce qui pourrait expliquer pourquoi les modèles ont eu du mal à reproduire les changements observés jusqu’à présent.

Son esprit s’est emballé : et si l’effondrement de ce « domino climatique » ne se produisait pas au bout de plusieurs siècles, comme certains l’espèrent, mais seulement au terme de quelques décennies, voire de quelques années ?

Et si c’était le cas, que se passerait-il ensuite ?

Le rythme cardiaque de l’océan s’essouffle

Imaginez l’AMOC comme le système circulatoire de la Terre. Comme votre pouls au repos, il a un rythme naturel – il se déplace d’environ 17 Sverdrups (ou 17 millions de mètres cubes par seconde). Et comme un rythme cardiaque sain, ce flux fluctue naturellement mais revient toujours à un flux régulier qui régule la température et le climat de la planète. Du moins, c’était le cas auparavant.

Le pouls de l’océan Atlantique est devenu de plus en plus erratique, montrant des signes arythmiques d’un système proche de l’effondrement. Depuis les années 1950, ce rythme autrefois fiable a commencé à manquer de régularité. Les dernières recherches menées par Pontes et al. révèlent que l’AMOC ralentit de 0,46 Sverdrups par décennie. Si cette tendance se poursuit – et même dans le cadre des scénarios les plus optimistes d’aujourd’hui, où nous limitons le réchauffement climatique à 2 °C -, elle laisse présager un ralentissement de 33 % d’ici à 2040.

Oui, dans 15 ans, et 20 ans plus tôt que les estimations précédentes.

Quelle est la pièce manquante de ce puzzle climatique ?

Ce n’est pas le réchauffement déjà pleinement constaté des océans. Il s’agit de l’afflux incessant d’eau douce provenant de la fonte de la calotte glaciaire du Groenland et du dégel des glaciers du Canada, considéré comme l’un des principaux moteurs des changements historiques les plus brutaux de l’AMOC.

Cette eau de fonte fraîche qui s’écoule dans l’océan subarctique est plus légère que l’eau de mer salée. Lorsque l’eau est moins salée, elle est moins dense, ce qui la rend plus difficile à couler. Donc moins d’eau descend dans les profondeurs de l’océan. C’est important car le processus de descente est le moteur de l’AMOC. Plus l’eau est fraîche, plus elle est lente. Cela réduit le flux d’eaux profondes et froides de l’Atlantique vers le sud. Il affaiblit également le Gulf Stream, qui est la principale voie de retour des eaux chaudes à la surface vers le nord.

Lorsque Pontes et ses collègues ont intégré cet afflux d’eau douce dans des modèles avancés, la pièce manquante du déclin de l’AMOC s’est mise en place. Les résultats n’ont pas seulement confirmé des décennies de spéculations, ils ont également raccourci de façon spectaculaire le calendrier.

Pourquoi cela se produit-il ?

2024 est sur le point de devenir l’année la plus chaude jamais enregistrée, marquant la première fois que l’humanité franchit le seuil de 1,5 °C au-dessus des températures préindustrielles.
Le réchauffement n’est nulle part aussi aigu que dans l’Arctique, où les températures ont augmenté près de quatre fois plus vite que la moyenne mondiale, transformant les glaciers et les nappes glaciaires en crèmes glacées fondant sous l’effet du soleil. Depuis 2002, le Groenland a perdu à lui seul 5 900 milliards de tonnes de glace, soit 1,3 milliard de piscines olympiques.

L’un des signes flagrants des perturbations causées par cette fonte est la masse froide au large de la côte sud-ouest de l’Islande, dans la mer d’Irminger, où la salinité de l’océan est actuellement à son niveau le plus bas depuis 120 ans. Il se passe ici quelque chose de particulier. Alors que les températures mondiales n’ont cessé d’augmenter – davantage près des pôles, moins sous les tropiques – cette partie de l’océan s’est à peine réchauffée. En fait, elle s’est parfois refroidie – un trou de réchauffement dans la couverture enfiévrée de la Terre. Il s’agit d’une conséquence directe de l’atonie de l’AMOC.

Lorsque la circulation océanique est forte, il y a un transfert important de chaleur vers l’Atlantique Nord. Cependant, avec une circulation océanique affaiblie, l’océan au sud du Groenland s’est en surface réchauffée beaucoup moins que le reste, devenant une anomalie – et le marqueur glaçant d’un système climatique en train de s’effondrer.

Mais le problème est plus profond.

https://www.nature.com/articles/s41561-024-01568-1

L’affaiblissement de l’AMOC déclenche une boucle de rétroaction à effet multiplicateur. À mesure que la chaleur et le sel diminuent dans l’Atlantique Nord, l’Atlantique Sud se réchauffe et se salinise, ce qui accentue le déséquilibre et aggrave l’affaiblissement de l’AMOC. Les simulations montrent que les changements dans l’extrême nord de l’Atlantique auront un impact sur l’océan Atlantique sud en moins de deux décennies, entraînant une réaction en chaîne jusqu’à la mort de l’AMOC, même si nous cessons de renforcer le phénomène avec de nouvelles émissions.

Cet effondrement imminent pose une question cruciale : qu’adviendra-t-il du monde lorsque son rythme cardiaque s’arrêtera réellement ?

Les conséquences d’une crise cardiaque de l’AMOC

L’état actuel du réchauffement climatique dû aux combustibles fossiles nous pousse à une « profonde réorganisation à l’échelle mondiale » de notre climat, les courants océaniques se rapprochant d’un point de basculement.

Prenons l’exemple du Gulf Stream, la ligne de vie cachée de l’Europe. C’est grâce à lui que des villes comme Bergen, en Norvège, restent étonnamment douces en hiver, avec des températures avoisinant les 2°C (36°F) en janvier. En revanche, à une latitude similaire, à Fairbanks, en Alaska, les températures hivernales chutent brutalement à -24°C (-11°F). Si l’AMOC continue de s’affaiblir, l’Europe pourrait être confrontée à un refroidissement radical de 5 à 15 °C et à des saisons plus extrêmes. Cela se traduirait par des chutes de neige plus abondantes, une diminution des précipitations et des étés plus chauds et plus secs. Un changement aussi radical dévasterait les systèmes alimentaires, faisant grimper les prix en flèche et plongeant des millions de personnes dans l’insécurité alimentaire.

Mais les conséquences s’étendent bien au-delà de l’Europe.

Si les masses d’eau qui alimentent la mousson se déplacent vers le sud – ce que le ralentissement de l’AMOC pourrait provoquer – les deux tiers de la population mondiale en Inde, en Asie de l’Est et en Afrique de l’Ouest pourraient perdre l’accès aux pluies qui leur permettent de survivre. Quelle en serait la conséquence ? Une crise humanitaire sans précédent, où des dizaines de millions de personnes seraient contraintes d’abandonner leur foyer pour tenter de survivre.

L’Amazonie pourrait subir les effets les plus désastreux. La partie nord de la forêt, autrefois vivante et luxuriante, pourrait se transformer en une prairie sèche, tandis que la partie sud serait noyée sous un déluge de précipitations sans précédent. Non seulement l’équilibre écologique délicat de la région serait perturbé, mais le carbone piégé dans le sol de l’Amazonie pourrait être libéré, ce qui intensifierait le réchauffement de la planète et pourrait pousser l’ensemble de la forêt tropicale humide au-delà de son point de basculement.

L’effondrement de l’AMOC entraînerait également une hausse du niveau des mers dans l’Atlantique Nord d’un demi-mètre ou plus, qui viendrait s’ajouter à l’élévation déjà constatée du niveau des mers à l’échelle mondiale. Plus inquiétant encore, la capacité de l’océan à absorber et à retenir le CO2 – une fonction essentielle qui contribue à atténuer le changement climatique – diminuerait, ce qui accélérerait encore le changement climatique.

Si le point de basculement est atteint, cette dégradation se poursuivra, même si nous arrêtons les émissions aujourd’hui.

Où se situe le point de non-retour ?

Les points de basculement ne sont pas seulement une menace imminente – ils sont déjà là. Nous avons déjà franchi la ligne de démarcation pour de nombreux systèmes vitaux de la Terre. Les récifs coralliens sont en train de mourir à l’échelle mondiale. La forêt amazonienne est au bord de l’effondrement après les pires sécheresses et incendies jamais enregistrés.

Et puis, il y a les nappes glaciaires. Au cours des siècles, le Groenland et l’Antarctique provoqueront une élévation du niveau de la mer dans des proportions catastrophiques, suffisamment pour submerger toutes les grandes villes côtières. Les calottes glaciaires peuvent paraître plus lentes à se déplacer que le blanchiment des coraux ou la sécheresse en Amazonie, mais les signes avant-coureurs sont tout aussi terribles.

Chacun de ces points de basculement nous rappelle ce qui se passe lorsque nous ignorons les avertissements. Ce qui nous amène à la question la plus urgente : Combien de temps nous reste-t-il avant le point de basculement de l’AMOC ?

En réalité, personne ne peut l’affirmer avec certitude. Il ne s’agit pas d’un interrupteur que l’on peut regarder basculer ; c’est un processus complexe, non linéaire, influencé par de délicates variations de la salinité, des précipitations et de la fonte des glaces. Ce dont nous sommes sûrs, c’est qu’il s’agit d’une horloge qui tourne à l’échelle des décennies, et non des siècles.

Les modèles tels que la prédiction des frères Ditlevsen nous donnent une année à prendre en compte : 2057. Une date suffisamment proche pour nous sembler réelle. Suffisamment proche pour se poser la question : Quel âge aurai-je lorsque le monde tel que je le connais pourrait changer à jamais ?

Soyons clairs : l’humanité en tant qu’espèce pourrait survivre à un tel bouleversement. Mais survivre n’est pas synonyme de prospérer. Pour des pays comme la Norvège et l’Écosse, un effondrement de l’AMOC pourrait soulever des questions existentielles. Les gens pourraient-ils continuer à y vivre ? Ou n’auraient-ils d’autre choix que de laisser derrière eux des siècles d’héritage et de chercher la sécurité ailleurs ?

Et une fois qu’il se sera effondré, combien de temps faudra-t-il à l’AMOC pour se rétablir ? Le dernier effondrement a duré environ 1 000 ans. Mais aujourd’hui, l’équation se complique : Les niveaux de CO2. Ils sont plus élevés qu’ils ne l’ont jamais été au cours des 15 derniers millions d’années, ce qui amplifie tous les autres facteurs de risque et rend le rétablissement beaucoup plus incertain.

Les moteurs de cette catastrophe potentielle sont on ne peut plus clairs : les émissions de combustibles fossiles et la déforestation. Pour mettre un terme à ces menaces, il n’est pas nécessaire de conclure un autre accord vague lors d’une COP, mais bien de prendre des mesures immédiates et transformatrices.

Il s’agit de menaces conjuguées d’un effondrement qui n’est pas seulement possible – il est peut être inévitable.




Investir dans la biodiversité, c’est investir pour l’ensemble de la société

Communiqué de Presse

Namur, le 15 novembre – Le cabinet de la Ministre de la Nature, Anne-Catherine Dalcq, a précisé aujourd’hui dans le Soir une réduction drastique du budget alloué par la Wallonie à la biodiversité (1). Des organisations issues de multiples secteurs, telles que des mutualités, des entreprises et des acteurs sociaux et environnementaux, appellent le Parlement à revoir la proposition du Gouvernement et à demander l’établissement d’un plan de financement pour arrêter et inverser la perte de biodiversité d’ici à 2030.

Ce matin, la Ministre de la Nature wallonne a clarifié l’impact du nouveau budget régional sur les moyens dédiés aux actions en faveur de la protection et la restauration de la biodiversité. En cette période de restrictions budgétaires, où des efforts sont attendus dans tous les secteurs, l’ampleur de la réduction du budget nature serait immense : près 75% du budget octroyé à ce secteur d’activités passeraient à la trappe.

Notre biodiversité, déjà en mauvaise santé

Nous avons besoin de la nature : elle participe au fonctionnement de notre économie, nous en dépendons pour produire nos biens et notre alimentation. Elle assure la purification de notre air et de l’eau et contribue à notre bonne santé (2). Elle offre même des solutions pour atténuer la crise climatique — en stockant le carbone — ainsi que des solutions pour faire face aux conséquences de cette crise, en limitant l’impact des inondations par exemple. C’est pourquoi restaurer la nature est un excellent investissement : une récente étude dans la zone naturelle de Demerbroeken (Flandre) indique ainsi que chaque euro investi en rapporte huit (3).

Pourtant, la biodiversité est aujourd’hui en déclin, et la Wallonie n’échappe pas à ce problème. Le dernier état de l’environnement wallon (4), publié en avril 2024, présentait à nouveau des chiffres alarmants : environ 95 % de nos habitats naturels sont en état défavorable.

Une réduction de 18 millions d’euros pour une politique déjà sous-financée, alors que des solutions existent

Malgré ça, le gouvernement wallon opte pour une réduction de près de 75% du budget alloué à la protection et la restauration de la biodiversité en Wallonie, en plus de la réduction des subventions facultatives qui impacteront les projets de protection. La Ministre de la Nature n’a pas encore clarifié le détail des réductions, mais au vu du montant annoncé, il est difficile d’imaginer qu’une coupe budgétaire de cette ampleur n’impacte pas les moyens déployés sur le terrain. (5)

Cette réduction arrive alors que les objectifs de biodiversité sont déjà sous-financés. Par rapport à ses voisins, la Wallonie peine à dédier suffisamment de fonds à la protection de la nature. En France par exemple, le budget alloué à la protection de la biodiversité est, au prorata des surfaces concernées, 13 fois plus élevé. Cette nécessité pour les autorités de notre pays d’investir davantage dans la protection de la nature avait également été épinglée par le Conseil supérieur des Finances en juillet dernier, qui appelait à “une attention accrue à la préservation et à la reconstruction du capital naturel dans les décisions d’investissement public”. (6)

Ce définancement semble d’ailleurs en contradiction avec les objectifs de la Déclaration de Politique Régionale (DPR) (7) dont : la volonté de passer de 1 à 5 % du territoire wallon sous statut de protection fort d’ici à 2030, la volonté de reforester la Wallonie, la poursuite des efforts en termes de communication, sensibilisation, vulgarisation et éducation relatifs à la protection de la biodiversité. Alors que la COP16 sur la biodiversité vient de se clôturer, cette décision va aussi à l’encontre des engagements que notre pays a pris dans ce cadre international, et auxquels la Wallonie doit contribuer, en particulier celui d’arrêter et d’inverser la perte de biodiversité d’ici à 2030.

Dans cette perspective, la Wallonie doit établir un plan de financement à 2030 qui fera état des réels besoins de financement pour atteindre ces objectifs de protection et de restauration de la biodiversité (8). Une piste concrète pour mobiliser les fonds nécessaires se trouve dans la redirection d’une partie des subventions fédérales allouées aux énergies fossiles, qui représentent environ 15 milliards d’euros/an et dont seuls 5,75% de ce montant seraient nécessaires pour combler l’ensemble du déficit de financement belge par rapport à nos engagements internationaux pour la biodiversité d’ici à 2030.

Tous les yeux sont tournés vers le Parlement wallon

La nature est l’affaire de toutes et tous. Sa bonne santé est nécessaire à la prospérité de notre région et de ses habitantes et habitants. Une telle réduction du budget qui devrait assurer sa protection aujourd’hui ne fera qu’augmenter la dette écologique pour nos générations futures. C’est pourquoi plus d’une quinzaine d’organisations issues de différents pans de la société civile ont signé ce communiqué. Tous les regards se tournent désormais vers le Parlement wallon. Celui-ci se devra d’étudier la proposition de budget du gouvernement, et l’interroger sur l’établissement d’un plan de financement régional pour arrêter et inverser la perte de biodiversité d’ici à 2030 ainsi que sur les pistes concrètes pour débloquer les fonds nécessaires pour répondre à nos engagements internationaux, atteindre les objectifs fixés dans la DPR et offrir un cadre de vie sain à ses citoyennes et à ces citoyens.

Signé par :
Canopea, Natagora, WWF, Ardenne & Gaume, Cercles des Naturalistes de Belgique, Coalition Climat, Exki,
Fédération des Parcs Naturels de Wallonie, Kaya, la Coalition belge des Ecopreneurs, La Mutualité chrétienne,
Les Mutualités Libres, Maison Dandoy, Nature & Progrès, Ligue Royale Belge pour la Protection des Oiseaux (LRBPO),
Realco, Société Royale Forestière de Belgique, Triodos, Unab

Notes de bas de page :

(1) L’article du Soir est disponible sur ce lien

(2) En signant la déclaration de Budapest (2023), la Belgique s’est d’ailleurs engagée à protéger et à restaurer la nature pour protéger la santé humaine.

(3) A la demande du WWF et de Natuurpunt, l’Institut flamand de recherche technologique (VITO) a réalisé une étude de cas évaluant le rapport coût-bénéfice de la restauration de la zone naturelle de Demerbroeken en Flandre.

(4) Les derniers diagnostics environnementaux wallons sont disponibles sur ce lien. Ils sont réalisés par le SPW ARNE.

(5) Ceux-ci ont notamment permis de renforcer et d’initier des politiques essentielles en termes de recherche et de monitoring de la biodiversité, de création et de gestion d’aires protégées, de restauration du maillage écologique (haies, alignements d’arbres, etc.), de projets soutenant l’implication des communes (Projet BiodiverCité, moyens complémentaires dédiés aux Parcs naturels, etc…) et des différents concernés – gestionnaires agricoles, forestier, architecte, etc – , ainsi que des projets de sensibilisation, et de gestion des espèces exotiques envahissantes ou des espèces en situation critique.

(6) Le rapport du Conseil supérieur des Finances est disponible sur ce lien.

(7) La Déclaration de Politique Régionale wallonne est disponible sur ce lien.

(8) L’accord de Kunming-Montréal sur la biodiversité préconise que les objectifs fixés à l’échelle nationale (et régionale, par les compétences environnementales des régions en Belgique) pour contribuer à arrêter et à inverser la perte de biodiversité au niveau mondial soient assortis d’un plan de financement.La Wallonie doit donc accompagner ses objectifs de biodiversité d’un plan de financement régional pour la biodiversité qui devra se baser sur un inventaire transparent des dépenses actuelles allouées à la biodiversité ainsi que sur une estimation du déficit à combler pour arriver aux objectifs et obligations internationales et européennes en matière de biodiversité d’ici 2030.