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La Polycrise

Une cascade d’échecs : La polycrise définie

Au bord de l’effondrement

Angus Peterson (*)

deepltraduction Josette – original paru dans Medium

Une brève explication des crises mondiales simultanées.

J’ai beaucoup écrit sur la polycrise, mais surtout d’un point de vue environnemental/écologique. Si je postule que les éléments sous-jacents de chaque aspect de la polycrise découlent de la surexploitation des ressources, il y a en réalité beaucoup plus que cela.

Pour être clair, nous vivons à l’ère de la polycrise – une cacophonie de désastres imbriqués, une tempête parfaite des pires échecs de l’humanité convergeant en une seule réalité catastrophique. Il ne s’agit pas d’une seule crise. Il s’agit de tout, partout, en même temps, et la spirale se dirige vers nous plus vite que nous ne pouvons l’imaginer.

Le changement climatique, l’instabilité économique, la fragmentation politique, les pandémies et l’épuisement des ressources ne sont plus des problèmes isolés ; ils se combinent, s’amplifient et se nourrissent les uns des autres. Si vous pensiez que le chaos de la dernière décennie était le pire du pire, préparez-vous. Nous n’en sommes qu’au début.

La genèse d’un concept terrifiant

Le terme « polycrise » n’est pas une simple expression intellectuelle à la mode dans les chambres d’écho universitaires. Il trouve son origine dans les travaux du théoricien français Edgar Morin et de l’historien de l’économie Jean-François Rischard. Au début des années 2000, ils ont cherché un terme pour résumer l’idée selon laquelle les crises sont interconnectées d’une manière qui les exacerbe. La polycrise n’est pas seulement le fait d’avoir plusieurs problèmes en même temps ; c’est la façon dont ces crises se combinent pour créer quelque chose d’exponentiellement pire.

Soyons clairs : il ne s’agit pas d’une hyperbole. Un incendie de forêt n’est plus un simple incendie de forêt. Il s’agit d’une catastrophe liée au changement climatique, d’une catastrophe touchant la biodiversité, d’une urgence de santé publique et d’un cauchemar économique, le tout en même temps. Et comme ces crises interagissent, les systèmes conçus pour y faire face plient sous le poids de leur complexité.

La définition : qu’est-ce qu’une polycrise ?

Une polycrise est la convergence écrasante de crises qui sont interconnectées de telle sorte qu’elles ne peuvent être résolues. Il ne s’agit pas seulement d’une pandémie et d’un effondrement économique ; il s’agit de la façon dont la pandémie perturbe les chaînes d’approvisionnement, ce qui accélère l’inflation, déstabilise les systèmes politiques et alimente le désespoir économique.

La caractéristique d’une polycrise est que ces problèmes ne peuvent être résolus de manière isolée. S’attaquer à un aspect en aggrave souvent un autre. Par exemple, les tentatives visant à stabiliser l’économie en soutenant la production de combustibles fossiles ne font qu’aggraver la crise climatique, préparant le terrain pour de futures catastrophes.

Dans le monde d’aujourd’hui, tout est lié : la dégradation écologique, l’inégalité économique, l’instabilité géopolitique et la fragmentation sociale. C’est un nœud gordien que nous avons nous-mêmes créé, et il n’y a pas d’Alexandre pour le trancher.

Pourquoi la polycrise semble inarrêtable

La polycrise mondiale n’est pas seulement inévitable, elle s’accélère. Voici pourquoi :

Le dérèglement climatique : La Terre se réchauffe à un rythme sans précédent, alimentant des catastrophes telles que les incendies de forêt, les ouragans et les sécheresses. Aux États-Unis, les incendies de forêt dévorent désormais des villes entières, tandis que les sécheresses menacent la viabilité de l’agriculture en Californie, le grenier à blé du pays. L’élévation du niveau des mers rend déjà invivables des villes côtières comme Miami. Pourtant, au lieu de prendre des mesures énergiques, nous avons droit à des mesures progressives et à l’écoblanchiment des entreprises.

L’instabilité économique : L’inflation, la crise du logement et l’inégalité des richesses créent une économie fragile au bord de l’effondrement. Votre statut de membre de la classe moyenne ? Il ne tient plus qu’à un fil. La hausse des prix des produits de première nécessité, comme la nourriture et le logement, pèse sur les familles, tandis que les milliardaires accumulent des richesses à des niveaux jamais vus depuis l’âge d’or.

La fragmentation géopolitique : La guerre en Ukraine n’est qu’un exemple de la manière dont les luttes de pouvoir déstabilisent des régions entières. Ces conflits ont des effets en cascade, allant des crises de réfugiés à la montée en flèche des prix de l’énergie. Les États-Unis, bien qu’éloignés géographiquement, sont profondément liés aux marchés de l’énergie, aux engagements militaires et aux alliances géopolitiques.

La fragmentation sociale : La polarisation ronge le tissu social. La confiance dans les institutions s’est effondrée et la désinformation se répand plus vite que les faits. Vos enfants grandissent dans un monde où la vérité est contestée à chaque instant et où la société est de plus en plus divisée en chambres d’écho.

Les pandémies et les échecs de la santé publique : Le COVID-19 a été un coup de semonce, pas une anomalie. L’absence d’action coordonnée au niveau mondial a mis en évidence notre manque de préparation aux pandémies dans un monde interconnecté. Que se passera-t-il lorsque le prochain agent pathogène plus mortel apparaîtra ? Spoiler : ce ne sera pas bon.

La surpopulation : Avec 8,2 milliards d’habitants dans le monde, la polycrise touche une population bien plus importante qu’il y a un siècle. Et la situation ne fera qu’empirer, puisque nous devrions atteindre les 10 milliards d’ici 2060.

Les critiques : Ce concept est-il trop compliqué ?

L’idée de la polycrise ne fait pas l’unanimité. Ses détracteurs estiment qu’elle est trop vague, trop alarmiste et trop difficile à mettre en œuvre dans les discussions politiques. Certains la rejettent comme un exercice académique ou une excuse fataliste pour l’inaction. Ils affirment que nous réfléchissons trop à l’interconnexion et que nous devrions nous concentrer sur la résolution de problèmes discrets.

Mais il y a un hic : les solutions discrètes ne fonctionnent pas. Le changement climatique ne fait pas de pause pendant que nous nous attaquons à l’inégalité des revenus. Les pandémies n’attendent pas que nous rétablissions la confiance dans les institutions publiques. Le rejet des critiques ne fait que souligner l’impuissance de notre situation. En niant la complexité, ils s’assurent que les solutions ne seront jamais à la hauteur de l’ampleur du problème.

Les États-Unis ne sont pas immunisés

Si vous pensez que la polycrise est le problème de quelqu’un d’autre, détrompez-vous. Les États-Unis sont un microcosme de tout ce qui ne va pas au niveau mondial.

Les catastrophes climatiques : Des feux de forêt dans l’Ouest aux ouragans dans le Golfe, l’Amérique fait déjà l’expérience de la brutale réalité du changement climatique. La fumée des feux de forêt qui a récemment recouvert le Midwest et la côte Est était un aperçu effrayant d’un avenir où respirer de l’air pur sera un luxe.

Le désespoir économique : Malgré vos revenus relativement confortables, l’augmentation des coûts du logement, des soins de santé et de l’éducation érode la classe moyenne. Le rêve de laisser à vos enfants un monde meilleur ? Il est remplacé par la triste réalité d’une dette insurmontable et d’une économie qui s’effondre.

Le dysfonctionnement politique : Le blocage et la partisanerie ont rendu impossible toute action significative. La politique climatique ? Une plaisanterie. Les réformes économiques ? Mortes à l’arrivée. Le gouvernement est trop paralysé pour s’attaquer aux crises les plus importantes, laissant les familles livrées à elles-mêmes.

L’effritement de la société : La violence armée, les crimes de haine et la polarisation dominent les actualités. Vos enfants grandissent dans une Amérique où les exercices de tir actif font partie intégrante de la vie scolaire et où la civilité semble être une relique du passé.

Des solutions toutes faites : Pourquoi elles ne fonctionneront pas

N’y allons pas par quatre chemins : les solutions proposées à la polycrise sont un mélange de vœux pieux et de fantasmes irréalisables. Voici pourquoi :

La coopération mondiale : Les partisans de cette solution affirment que nous avons besoin d’une collaboration internationale sans précédent. Ont-ils regardé le monde récemment ? Les nations parviennent à peine à se mettre d’accord sur des accords commerciaux, sans parler de s’attaquer à une crise aussi complexe. L’accord de Paris ? Sans dents. Les sommets de la COP ? Des exercices de diplomatie performative.

L’innovation technologique : De la capture du carbone à la viande cultivée en laboratoire, les techno-optimistes placent leurs espoirs dans des percées qui sont toujours « au coin de la rue ». Pendant ce temps, les émissions continuent d’augmenter, la biodiversité de disparaître et l’horloge de tourner.

Le changement de comportement : L’idée selon laquelle les individus peuvent « consommer de manière responsable » pour sortir de la polycrise est risible. Vos sacs réutilisables et votre régime à base de plantes n’arrêteront pas la montée des eaux et n’inverseront pas la déforestation. C’est une distraction, pas une solution.

Des communautés résilientes : Si les initiatives locales sont louables, elles ne sont qu’une goutte d’eau dans l’océan par rapport à l’ampleur du problème. La construction de jardins communautaires n’arrêtera pas les ouragans et ne stabilisera pas les chaînes d’approvisionnement mondiales.

En vérité, la polycrise a dépassé notre capacité de réaction. Les systèmes qui ont créé ces crises sont les mêmes que ceux qui empêchent toute action significative. Le capitalisme, le nationalisme et l’individualisme – les piliers de la société moderne – sont incompatibles avec le niveau de coordination et de sacrifice nécessaire pour faire face à cette réalité.

Que nous réserve l’avenir ?

L’avenir ? Il est sombre. Les modèles climatiques prévoient des conditions météorologiques plus extrêmes, une raréfaction des ressources et des crises migratoires. Les économistes mettent en garde contre des récessions prolongées et des effondrements systémiques. Les politologues prévoient une montée de l’autoritarisme, les gouvernements luttant pour garder le contrôle. Le monde que vous laisserez à vos enfants sera plus pauvre, plus chaud et plus instable que celui dont vous avez hérité.

Ce n’est pas de l’alarmisme, c’est la réalité. La polycrise est là, et elle n’est pas près de disparaître. Vous pouvez choisir de l’ignorer, mais vous en subirez les conséquences. Elles se manifesteront sous la forme d’incendies qui étouffent le ciel, d’inondations qui emportent les maisons, d’effondrements économiques qui détruisent les moyens de subsistance et de troubles sociaux qui brisent les communautés.

À emporter – Bienvenue dans la polycrise

La polycrise n’est pas une menace lointaine ; c’est le trait caractéristique de notre époque. Elle touche tous les aspects de la vie, de l’air que respirent vos enfants à la stabilité de votre emploi et à la sécurité de votre foyer. Et non, il n’y a pas de solution miracle. C’est le monde que nous avons créé et dans lequel nous devons maintenant vivre.

Mais le plus effrayant est peut-être ceci : nous continuons à traiter la polycrise comme si elle était gérable, comme si nous avions le luxe d’avoir du temps, comme si le fait de bricoler allait d’une manière ou d’une autre la résoudre. Ce n’est pas le cas. La polycrise est un train fou, et il n’y a pas de conducteur aux commandes. La question n’est pas de savoir comment l’arrêter, mais comment y survivre. Ou si nous y survivrons tout court.



Alerte aux bactéries miroirs

OA - Liste
info rapide

En cette fin du premier quart de ce 21ième siècle, une annonce pas banale attire l’attention.

Elle émane d’une quarantaine de scientifiques de pointe dans leur domaine.

Et porte sur le risque de voir l’humanité capable – d’ici une dizaine d’années – de créer des bactéries dites « miroirs ».

L’apparition éventuelle de « formes de vie miroir » serait à classer parmi les dangers majeurs pour l’humanité. Au même titre que les pandémies ou l’armement nucléaire par exemple.

L’un des objectifs de cette alerte est clairement de faire entrer les travaux sur les manipulations du vivant, les intérêts de ceux-ci et les risques, dans le débat public.

L’alarme sonne-t-elle assez tôt ? Résonnera-t-elle assez fort ?

Un débat s’installera-t-il ? L’humanité maîtrisera-t-elle cette nouvelle technologie ?

Réponse dans la décennie qui vient…


Pour suivre cette thématique parmi les références de l’Observatoire, associez les mots-clés « bactérie » et « miroir » :