3M et le scandale des PFAS

David Hercot

Nous savons aujourd’hui que 3M savait depuis les années 70 au moins que les molécules perfluorées qu’elle fabrique sont « éternelles » et toxiques. Les responsables de l’entreprise savent et pendant des années, ils ont prétendu le contraire, à peine édulcoré leur publicité. Ils ont multiplié les usages et les volumes produitsi. Nous sommes ici face à un comportement toxique similaire à ce qui a déjà été largement démontré pour le tabac et l’amiante : l’industrie est au courant des effets néfastes de son produit mais pour ne pas tuer la poule aux œufs d’or, cette information est dissimulée, atténuée, combattue dans la presse par la manipulation de la science, de l’information.

Là où la situation est différente, c’est que le tabac est surtout toxique pour ceux qui le consomment et que ses effets s’arrêtent en grande partie lorsque l’on arrête de fumer ou si l’on arrêtait globalement d’en produire. Pour l’amiante, le produit est difficile à enlever de là où on l’a placé, le nettoyage est dangereux mais les volumes sont de l’ordre du gérable et surtout l’amiante est inerte et essentiellement concentrée de par les applications qui en ont été faites.

Dans le cas de 3M et des produits perfluorés qu’elle disperse à large échelle depuis 75 ans, la situation est différente, les produits sont utilisés dans des usages dispersifs et gardent leurs propriétés toxiques pour une durée indéterminée mais très longue, au point qu’on les nomme éternelles. Les produits se retrouvent dans nos objets du quotidien mais aussi dans nos alimentsii. Et comme ils sont lipophiles, ils s’accumulent dans les graisses des omnivores et des carnivores que nous sommes.

Les estimations les plus récentes estiment qu’il ne sera pas possible de dépolluer les terres contaminées en Flandreiii, et probablement partout dans le monde. Le cout économique et le volume de terre et d’eau à traiter sont tout simplement trop importantsiv. On peut bien sûr traiter les endroits les plus pollués, ou y interdire la vie, à l’image de ce qui fût fait autour de Tchernobyl, mais on ne peut pas imaginer se débarrasser des molécules.

Or, chacune de ces molécules peut potentiellement mettre en péril la santé d’un être vivant, et plusieurs fois au cours de sa vie éternelle. Les quantités nécessaires pour avoir un effet sur la santé sont infinitésimales. Poursuivre leur production nous emmène chaque jour un peu plus vers une terre stérile. Dans ce contexte, nous allons devoir apprendre à vivre avec les molécules déjà dispersées, adopter des pratiques qui réduisent notre exposition individuelle et leur impact sur notre santé.

Au niveau individuel, nous devons tenter de réduire notre exposition en réduisant les sources d’exposition directes les plus fortesv et en particulier pour les femmes et hommes qui souhaitent peut-être avoir des enfants un jour, en ce y compris les enfants. A défaut de pouvoir nettoyer, l’action collective la plus urgente est de bannir leur usage au niveau législatif, en particulier dans les applications domestiques, à commencer par les pesticides, les usages culinaires et cosmétiques et les textiles. L’homme a vécu des milliers d’année sans PFAS, nous pouvons rapidement passer à une économie sans PFAS sans craindre l’extinction de l’espèce humaine. Mais pour cela, il faut un peu de courage politique pour mettre l’humain avant le profitvi.


i https://www.theguardian.com/environment/2025/jan/15/3m-firefighting-foams-pfas-forever-chemicals-documents

ii https://www.lesoir.be/662896/article/2025-03-20/pfas-dans-les-produits-du-quotidien-une-contamination-inquietante-revelee-par

iii https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2025/01/15/excaver-les-sols-changer-l-eau-des-lacs-ne-pas-jouer-dehors-la-pollution-aux-pfas-plonge-la-flandre-dans-un-desastre-dystopique_6498670_4355770.html

iv https://www.euractiv.com/section/chemicals/news/belgium-has-highest-levels-of-pfas-chemical-pollution-in-europe-study-reveals/

v https://docteurcoquelicot.com/wp-content/uploads/2023/11/Fiche-PFAS-6.png

vi https://www.euractiv.com/section/agriculture-food/news/beyond-pesticides-the-silent-spread-of-pfas-in-agriculture/


Voir les références sur obsant pour :



La France à plus 4°

Météo-France a rassemblé dans un rapport une synthèse scientifique […] décrivant le futur climatique de l’Hexagone et de la Corse.

Ci-dessous, la reprise d’un post Linkedin de Jean-Marc Jancovici présentant ce travail.

Jean-Marc Jancovici

Le climat se réchauffe. Il va continuer à le faire. Alors le gouvernement français a demandé aux acteurs du pays de réfléchir à la manière de « s’adapter » à une hausse de la température moyenne en France de 4°C par rapport à l’ère préindustrielle, ce qui correspond à une hausse planétaire de +3 °C environ.

La température monte en effet plus vite sur les continents que sur les océans, et par ailleurs l’Europe se réchauffe actuellement deux fois plus vite que la moyenne planétaire.

Que peuvent signifier ces 4°C de hausse nationale si l’on essaye de devenir un peu concret ? Combien de canicules et avec quelles valeurs atteintes, de jours de sécheresse, de précipitations intenses, de risques d’incendie, etc ?

C’est à ces questions que Météo France tente de répondre dans un rapport tout juste paru (*).

Les principales conclusions sont les suivantes :
  • – en 2100 des températures supérieures à 40 °C pourront se produire tous les ans à peu près partout sur le territoire, et les 50 °C dépassés en de nombreux endroits. Il faut s’attendre à 10 fois plus de jours de vagues de chaleur.
  • – les nuits chaudes, au-delà de 20 °C, pourront se produire 120 fois par an sur le littoral méditerranéen
  • – le gel se réduira à une quinzaine de jours en moyenne sur la France. Le risque de dégâts sera important si il se produit à des stades végétatifs avancés.
  • – les pluies intenses augmenteront de +15 % en moyenne, et jusqu’à +20 % sur la moitié nord du pays.
  • – l’évapotranspiration potentielle de la végétation augmenterait de 20% en France… si la végétation est toujours là !
  • – il y aura 1 mois supplémentaire de sol sec dans la moitié nord et jusqu’à 2 mois dans la moitié sud. Les sécheresses deviendront fréquentes en été et se poursuivront souvent en automne. La sécheresse estivale de 2022 deviendra un événement ordinaire. Certains événements de sécheresse pourront même s’étaler sur plusieurs années consécutives.
  • – le risque élevé d’incendie s’étendra régulièrement à tout le territoire. Les régions de la Loire au Bassin parisien connaîtront la situation actuelle de l’arrière-pays méditerranéen.
  • – le nombre de jours de neige au sol en hiver (enneigement supérieur à 5 cm) se réduira drastiquement sur tous les massifs. Cela ne va pas contrarier que les skieurs : c’est tout le système hydrologique aval qui sera impacté.

Question : que signifie de « s’adapter » à ce contexte ? Peut-on « adapter » des forêts et des cultures (et manger reste la base de tout le reste du PIB, y compris la défense !) à des canicules estivales permanentes et un climat plus aride ?

Peut-on « adapter » notre civilisation actuelle à beaucoup moins d’eau ? A des bâtiments endommagés ?

Il est évident que cela va passer par des pertes non compensées et de très nombreuses surprises très désagréables. Mais il est tout aussi évident que plus on y pense à l’avance, et mieux on se sortira des difficultés.


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Le gouvernement de Trump décime les protections climatiques …

et envisage de supprimer une découverte clé sur les gaz à effet de serre

Oliver Milman

deepltraduction Josette – article original d’Olivier Milman paru dans The Guardian

L’administration de Donald Trump va reconsidérer le constat officiel selon lequel les gaz à effet de serre sont nocifs pour la santé publique, une décision qui menace de détruire les fondements des lois américaines sur le climat, au milieu d’un barrage étonnant d’actions visant à affaiblir ou à abroger une foule de limites en matière de pollution sur les centrales électriques, les voitures et les voies navigables.

L’Agence de protection de l’environnement (EPA) de M. Trump a publié mercredi une extraordinaire série d’annulations de règles en matière de pollution, avec en tête l’annonce d’une possible suppression d’une décision historique prise en 2009 par le gouvernement américain, selon laquelle les gaz qui réchauffent la planète, tels que le dioxyde de carbone, constituent une menace pour la santé humaine.

Le constat de dangerosité, qui fait suite à un arrêt de la Cour suprême autorisant l’EPA à réglementer les gaz à effet de serre, constitue le fondement de toutes les règles visant à réduire la pollution qui, selon les scientifiques, aggrave sans équivoque la crise climatique.

Malgré les preuves de plus en plus nombreuses des dégats causés par l’augmentation des émissions, y compris des billions de dollars de coûts économiques, M. Trump a qualifié la crise climatique de « canular » et a rejeté ceux qui s’inquiètent de l’aggravation de ses effets en les qualifiant de « fous du climat ».

Lee Zeldin, l’administrateur de l’EPA, a déclaré que l’agence réexaminerait le constat de mise en danger en raison des préoccupations qu’il a suscitées, à savoir « un programme qui étrangle nos industries, notre mobilité et nos choix de consommation tout en profitant à des adversaires à l’étranger ».

M. Zeldin a écrit que ce mercredi était « le jour de déréglementation le plus important de l’histoire américaine » et que « nous enfonçons un couteau dans le cœur de la religion du changement climatique et inaugurons l’âge d’or de l’Amérique ».

M. Zeldin s’est vanté des changements apportés et a déclaré que la mission de son agence était de « réduire le coût d’achat d’une voiture, de chauffage d’une maison et de gestion d’une entreprise ».

Les écologistes ont réagi avec horreur à cette annonce et ont promis de défendre les conclusions accablantes de la science et la capacité des États-Unis à faire face à la crise climatique devant les tribunaux, qui ont régulièrement invalidé les marches arrière de M. Trump au cours de son premier mandat. « L’ignorance de l’administration Trump n’est surpassée que par sa malveillance envers la planète », a déclaré Jason Rylander, directeur juridique du Climate Law Institute du Center for Biological Diversity (Centre pour la diversité biologique).

« Qu’il s’agisse d’enfer ou de hautes eaux, d’incendies violents ou de vagues de chaleur mortelles, Trump et ses acolytes sont déterminés à faire passer les profits des pollueurs avant la vie des gens. Cette décision ne tiendra pas devant les tribunaux. Nous allons la combattre à chaque étape du processus ».

Au total, l’EPA a publié 31 annonces en l’espace de quelques heures qui visent presque toutes les grandes règles environnementales conçues pour protéger l’air et l’eau propres des Américains, ainsi qu’un climat vivable.

Parmi ces annonces, on peut citer l’annulation d’un plan de l’ère Biden visant à réduire la pollution émise par les centrales électriques au charbon, qui était lui-même une version réduite d’une initiative de l’administration Obama qui a été invalidée par la Cour suprême.

L’EPA va également réexaminer les normes de pollution pour les voitures et les camions, qui, selon M. Zeldin, ont imposé un « régime réglementaire écrasant » aux constructeurs automobiles qui se tournent désormais vers les véhicules électriques. L’agence envisage d’affaiblir les règles limitant la pollution atmosphérique due à la suie, qui est liée à toute une série de problèmes de santé ; elle pourrait supprimer les exigences imposant aux centrales électriques de ne pas souiller les cours d’eau ou de ne pas déverser leurs déchets toxiques ; et elle envisage de restreindre davantage la manière dont elle applique la loi sur les eaux propres (Clean Water Act) en général.

Si elles sont confirmées par les tribunaux, ces actions d’envergure contre les règles en matière de pollution pourraient remodeler l’environnement des Américains d’une manière inédite depuis l’adoption d’une législation majeure dans les années 1970 pour mettre fin à une ère de ciel chargé de smog et de rivières brûlantes qui était devenue la norme après l’industrialisation des États-Unis.

Les polluants provenant des centrales électriques, des autoroutes et de l’industrie sont à l’origine de toute une série de problèmes cardiaques, pulmonaires et autres, les gaz à effet de serre faisant partie de cette pollution qui fait grimper la température mondiale et alimente des vagues de chaleur, des inondations, des tempêtes et d’autres effets catastrophiques.

« L’EPA de Zeldin ramène l’Amérique à l’époque précédant la loi sur la qualité de l’air, lorsque les gens mouraient de la pollution », a déclaré Dominique Browning, directrice de l’association Moms Clean Air Force. « C’est inacceptable. Et honteux. Nous nous opposerons de tout notre cœur pour protéger nos enfants de cette action cruelle et monstrueuse. »

Ces mesures interviennent peu après la décision de l’EPA de fermer tous ses bureaux chargés de lutter contre le fardeau disproportionné de la pollution auquel sont confrontés les pauvres et les minorités aux États-Unis, dans le cadre d’un licenciement massif du personnel de l’agence. M. Zeldin a également ordonné l’arrêt de l’octroi de 20 milliards de dollars de subventions destinées à lutter contre la crise climatique, en invoquant le risque de fraude. Les démocrates se sont interrogés sur la légalité de ces mesures.

D’anciens membres du personnel de l’EPA ont réagi avec stupeur au bouleversement de l’agence.

« Aujourd’hui marque le jour le plus désastreux de l’histoire de l’EPA », a déclaré Gina McCarthy, qui était administratrice de l’EPA sous Obama. « L’annulation de ces règles n’est pas seulement une honte, c’est une menace pour nous tous. L’agence a totalement renoncé à sa mission de protection de la santé et du bien-être des Américains. »

L’administration Trump a promis d’autres reculs en matière d’environnement dans les semaines à venir. Le Conseil pour la domination de l’énergie (Energy Dominance Council) que le président a mis en place le mois dernier cherche à éliminer une vaste gamme de réglementations dans le but de stimuler l’industrie des combustibles fossiles, a déclaré le secrétaire à l’intérieur, Doug Burgum, lors de la conférence sur le pétrole et le gaz CeraWeek qui s’est tenue à Houston mercredi. « Nous trouverons des moyens de réduire la bureaucratie », a-t-il déclaré. « Nous pouvons facilement nous débarrasser de 20 à 30 % de nos réglementations. »


Oliver Milman sur obsant : liste



Le problème de l’auto-neutralisation de la conscience engagée

Térence (*)

Une conscience élevée rend difficile l’espoir, la motivation, l’engagement dans des projets, la prise d’initiative.

On perçoit, grâce à la conscience, la perfection ou du moins le bien, on sait qu’il est possible selon les lois du Réel.

Mais la raison lucide indique clairement que le cours pratique des événements est toujours très en deçà de ce bien possible (euphémisme). Pire, les événements ne semblent pas aléatoires et moyens mais plutôt tournés vers le pire. L’Histoire, c’est surtout l’histoire du mal et de la barbarie.

Donc la raison lucide perçoit encore plus cruellement l’écart entre l’idéal et la fange des événements.

L’actualité du monde, particulièrement morose et désespérante aujourd’hui, sidère les gens de bien, semble leur indiquer que, quelques soient leurs microscopiques efforts individuels et collectifs, des forces bien plus puissantes -la guerre, la bombe nucléaire, le réchauffement climatique, l’extrême-droite, les GAFAM, …- se chargeront de les anéantir et de laisser l’Humanité en ruine. A quoi bon planter un arbre fruitier si une bombe atomique le réduit en cendre ou si le réchauffement climatique le fait mourir de soif ?

Comment garder alors la motivation d’agir dans le monde ?

Gandhi sacrifie sa vie à l’indépendance de l’Inde et à la sagesse de ses habitants, pour finir assassiné dans une guerre civile entre musulmans et hindouistes qui provoque la partition Inde-Pakistan, aujourd’hui sanctionnée par deux arsenaux nucléaires qui se menacent de destruction mutuelle assurée.

Aujourd’hui, un Premier indien, Modi, d’extrême droite populiste, préside aux destinées du pays de la méditation, alors que Gandhi était de gauche.

Le bilan historique de l’engagement des individus et des collectifs est amer.

J’en conclus que la sagesse supérieure implique un grain de folie pour rendre possible l’engagement dans le monde.

En dépit de la raison pessimiste (avec raison !), une volonté optimiste doit animer l’âme du sage.

Mais plus largement, ce grain de sagesse-folie existentiel doit animer les âmes des femmes et hommes politiques, des militants, des activistes, des fonctionnaires, des entrepreneurs, de tous ceux qui prennent des initiatives et se lancent dans des projets, malgré les démentis historiques du Réel.

La condition humaine impose aux êtres humains de ne pas succomber à leur raison pessimiste, pour prendre le risque de faire le bien, malgré tout.



Trump casse la science du Climat

deepltraduction Josette – article original d’Olivier Milman paru dans The Guardian

Tollé alors que Trump retire son soutien à la recherche qui mentionne le « climat »

Le gouvernement américain supprime les fonds alloués à la recherche nationale et internationale sur fond d’avertissements concernant la santé et la sécurité publique.

Oliver Milman

L’administration Trump supprime le soutien à la recherche scientifique aux États-Unis et à l’étranger qui contient un mot qu’elle trouve particulièrement gênant, à savoir « climat ».

Le gouvernement américain retire les subventions et autres aides à la recherche qui font ne serait-ce que référence à la crise climatique, ont déclaré des universitaires, dans le cadre de la guerre éclair menée par Donald Trump contre les réglementations environnementales et le développement des énergies propres.

M. Trump, qui a déclaré que la crise climatique était un « gigantesque canular », a déjà supprimé les mentions du changement climatique et du réchauffement planétaire sur les sites web du gouvernement et a ordonné l’arrêt des programmes qui font référence à la diversité, à l’équité et à l’inclusion. Un gel généralisé du financement des travaux scientifiques soutenus par le gouvernement fédéral a également été imposé, plongeant la communauté scientifique américaine dans le chaos.

Les chercheurs ont déclaré que les travaux mentionnant le climat étaient particulièrement visés. Un scientifique de l’environnement travaillant dans l’ouest des États-Unis, qui n’a pas souhaité être nommé, a déclaré que la subvention qui lui avait été accordée par le Ministère des Transports pour des recherches sur l’adaptation au climat lui avait été retirée, jusqu’à ce qu’il renomme son programme en supprimant le mot « climat ».

« J’ai toujours la subvention parce que j’ai changé le titre », a déclaré le scientifique. « On m’a dit que je devais le faire avant que le titre de la subvention ne soit publié sur le site web du Ministère américain des Transports pour pouvoir la conserver. On m’a expliqué que les priorités de l’administration actuelle n’incluaient pas le changement climatique et d’autres sujets considérés comme ‘woke’. »

Le chercheur s’est dit « choqué parce que la subvention avait déjà été accordée et que j’aurais risqué de la perdre. Je suis très préoccupé par le fait que la science soit influencée par la politique. Si les chercheurs ne peuvent pas utiliser certains mots, il est probable qu’une partie de la science sera biaisée ».

Les références au climat sont également supprimées ailleurs. Les supports de cours du Centre national de formation à la préparation aux catastrophes de l’université d’Hawaï supprimeront les mentions du « changement climatique », comme le montrent des courriels divulgués par le Guardian. Les modifications, à la demande de l’administration Trump, affectent une douzaine de supports de cours différents.

« Plus précisément, les références au ‘changement climatique’ et au DEI (Diversité, équité et inclusion) ont été supprimées ou révisées pour s’aligner sur les nouvelles priorités », a écrit un administrateur du centre. « Veuillez faire preuve de prudence lorsque vous faites référence à ces sujets pendant vos cours. »

L’animosité de l’administration à l’égard de la recherche sur le climat s’est même étendue à l’étranger par le biais du programme d’échange américain Fulbright, qui offre environ 8 000 bourses par an à des enseignants et à des universitaires américains et étrangers.

Kaarle Hämeri, chancelier de l’université d’Helsinki en Finlande, a déclaré que les intitulés des bourses Fulbright avaient été modifiés pour supprimer ou modifier les mots « changement climatique », ainsi que « société équitable », « sociétés inclusives » et « femmes dans la société ».

Kaarle Hämeri a déclaré qu’une subvention accordée à son université avait déjà été retirée en raison des changements qui, selon lui, sont également imposés dans d’autres pays participant au programme Fulbright. Fulbright et le département d’État américain ont été interrogés sur l’étendue des interdictions de formulation.

« Je comprends que ces actions sont dues à des changements de priorités au sein du gouvernement américain », a déclaré M. Hämeri. « Cela va nuire à la recherche dans plusieurs domaines importants, d’autant plus que dans de nombreux cas, les chercheurs américains sont parmi les meilleurs dans leur domaine.

À la National Science Foundation (NSF), une agence fédérale de 9 milliards de dollars qui soutient la recherche en sciences et en ingénierie, des équipes ont passé au peigne fin des projets actifs à la recherche de dizaines de mots, dont « femmes », « biaisé » et « égalité », susceptibles de violer l’interdiction de certaines subventions décrétée par Trump.

La NSF, qui vient de licencier environ 10 % de ses effectifs, n’a pas répondu à la question de savoir si le climat figurait également sur la liste des mots interdits. Quoi qu’il en soit, des subventions soutenant toute une série de travaux scientifiques ont été gelées dans le cadre de cette mission zélée visant à instaurer une langue de bois parmi les scientifiques, en dépit d’une décision de justice exigeant l’annulation du gel.

« La NSF s’efforce de procéder rapidement à un examen complet de ses projets, programmes et activités afin de se conformer aux décrets existants », a déclaré un porte-parole de la fondation.

Le gel des subventions a bouleversé les travaux scientifiques des agences fédérales, des hôpitaux et des universités, remettant en question l’avenir de centaines de millions de dollars investis dans la recherche.

« Les personnes les plus vulnérables de notre société en termes de santé et de sécurité publique sont maintenant encore plus menacées », a déclaré Jennifer Jones, directrice du centre pour la science et la démocratie de l’Union des scientifiques préoccupés (Union of Concerned Scientists).

« Cette administration n’a pas de plan pour faire avancer la science, elle a un plan pour éliminer les obstacles à l’industrie pétrolière et gazière. Elle veut revenir à une époque où les enfants ont la polio, où les rivières sont en feu et où les villes sont recouvertes de pollution ».

Selon Mme Jones, le gouvernement américain pourrait suivre l’exemple de la Floride, où les républicains ont interdit toute mention du changement climatique dans les lois de l’État. « Je vis dans un État où le changement climatique nous menace plus que jamais, mais les employés de l’État n’ont pas le droit d’en parler », a-t-elle déclaré. « Cette administration veut que les scientifiques se sentent menacés. Nous avons déjà vu cela auparavant, mais Trump le fait à une échelle sans précédent aujourd’hui. »

L’attaque contre la science « semble très personnelle en ce moment » et pourrait dissuader une nouvelle génération de jeunes scientifiques de se lancer dans leurs domaines de recherche, selon Joanne Carney, responsable des affaires gouvernementales à l’Association américaine pour l’avancement des sciences (American Association for the Advancement of Science).

« Nous pourrions assister à une réduction de pans entiers de la recherche scientifique, ce qui ralentirait notre capacité à comprendre le monde naturel et à élaborer des politiques visant à protéger la société et la sécurité nationale », a déclaré Mme Carney.

« Nous sommes préoccupés par le signal que cela envoie aux jeunes étudiants intéressés par les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques, qui pourraient penser qu’ils n’ont pas d’avenir aux États-Unis », a-t-elle ajouté. « Nous avons besoin d’investissements plus importants dans les sciences et les technologies pour être un leader mondial à l’heure actuelle. Nos adversaires en seront très heureux ».

Merci Elon …


Nous reproduisons ici un post de Susan C Pettybaker dans le groupe FB « Liz Cheney/Adam Kinzinger Against Trump »


Je n’ai pas souvent l’habitude de remercier Elon Musk

Bernie Sanders

Des nouvelles de Bernie Sanders :

Je n’ai pas souvent l’habitude de remercier Elon Musk, mais il a fait un travail exceptionnel en démontrant un point que nous avons fait depuis des années – et c’est le fait que nous vivons dans une société oligarchique dans laquelle les milliardaires dominent non seulement notre politique et les informations que nous consommons, mais notre gouvernement et la vie économique aussi.

Cela n’a jamais été aussi clair qu’aujourd’hui.

Mais étant donné les nouvelles et l’attention que M. Musk a reçue ces dernières semaines alors qu’il démantèle illégalement et inconstitutionnellement les agences gouvernementales, j’ai pensé que c’était le bon moment pour poser la question que les médias et la plupart des politiciens ne semblent pas poser : qu’est-ce que lui d’autres multimilliardaires veulent vraiment ? Quelle est leur fin de jeu ?

À mon avis, ce que Musk et ceux qui l’entourent s’efforcent agressivement n’est pas nouveau, ce n’est pas compliqué et ce n’est pas nouveau C’est ce que les classes dirigeantes à travers l’histoire ont toujours voulu et ont cru qu’elles étaient de droit : plus de pouvoir, plus de contrôle, plus de richesse. Et ils ne veulent pas que les gens ordinaires et la démocratie se mettent en travers de leur chemin.

Elon Musk et ses compagnons oligarques croient que le gouvernement et les lois sont simplement un obstacle à leurs intérêts et à ce à quoi ils ont droit.

En Amérique pré-révolutionnaire, la classe dirigeante gouvernait par le « droit divin des rois », la croyance que le roi d’Angleterre était un agent de Dieu, à ne pas être remis en question. Dans les temps modernes, les oligarques croient qu’en tant que maîtres de la technologie et en tant qu’individus à haut QI, c’est leur droit absolu de gouverner. En d’autres termes, ils sont nos rois modernes.

Et ce n’est pas seulement le pouvoir. C’est une richesse incroyable. Aujourd’hui, Musk, Bezos et Zuckerberg ont une valeur combinée de 903 milliards de dollars, soit plus que la moitié inférieure de la société américaine – 170 millions de personnes. Depuis que Trump a été élu, incroyablement, leur richesse a grimpé en flèche. Elon Musk est devenu plus riche de 138 milliards de dollars, Zuckerberg est devenu 49 milliards de dollars et Bezos est devenu 28 milliards de dollars plus riche. Ajoutez le tout et les trois hommes les plus riches d’Amérique sont devenus 215 milliards de dollars plus riches depuis le jour des élections.

Pendant ce temps, alors que les très riches deviennent beaucoup plus riches, 60 % des Américains vivent leur salaire à leur salaire, 85 millions ne sont pas assurés ou sous-assurés, 25 % des personnes âgées essaient de survivre avec 15 000 $ ou moins, 800 000 sont sans abri et nous avons le taux de pauvreté infantile le plus élevé de presque tous les grands pays sur terre.

Pensez-vous que les oligarques s’en foutent de ces gens ? Croyez-moi, ils ne le font pas. La décision de Musk de démembrer l’US AID signifie que des milliers des personnes les plus pauvres dans le monde mourront de faim ou mourront de maladies évitables.

Mais ce n’est pas seulement à l’étranger. Ici, aux États-Unis, ils vont bientôt s’attaquer aux programmes de santé, de nutrition, de logement et d’éducation qui protègent les personnes les plus vulnérables de notre pays – afin que le Congrès puisse leur accorder d’énormes allègements fiscaux et à leurs compagnons milliardaires. En tant que rois des temps modernes, qui croient avoir le droit absolu de gouverner, ils sacrifieront, sans hésitation, le bien-être des travailleurs pour protéger leurs privilèges.

De plus, ils utiliseront les énormes opérations médiatiques qu’ils possèdent pour détourner l’attention de l’impact de leurs politiques pendant qu’ils « nous divertissent à ” Ils mentiront, mentiront et mentiront. Ils continueront à dépenser des sommes énormes pour acheter des politiciens dans les deux grands partis politiques.

Ils mènent une guerre contre la classe ouvrière de ce pays, et c’est une guerre qu’ils veulent gagner.

Je ne vais pas me moquer de vous – les problèmes auxquels ce pays est confronté en ce moment sont sérieux et ils ne sont pas faciles à résoudre. L’économie est truquée, notre système de financement de campagne est corrompu et nous luttons pour contrôler le changement climatique – entre autres questions.

Mais c’est ce que je sais :

La pire crainte de la classe dirigeante dans ce pays est que les Américains – Noirs, Blancs, Latino, urbains et ruraux, homosexuels et hétéros – se réunissent pour exiger un gouvernement qui nous représente tous, pas seulement les riches.

Leur cauchemar est que nous ne nous laisserons pas diviser par la race, la religion, l’orientation sexuelle ou le pays d’origine et que nous aurons ensemble le courage de les assumer.

Est-ce que ce sera facile ? Bien sûr que non.

La classe dirigeante de ce pays vous rappellera constamment qu’elle a tout le pouvoir. Ils contrôlent le gouvernement, ils possèdent les médias. « Vous voulez nous affronter ? Bonne chance,” diront-ils. « Il n’y a rien que vous puissiez y faire. ”

Mais notre travail aujourd’hui est de ne pas oublier les grands luttes et sacrifices que des millions de personnes ont menés au cours des siècles pour créer une société plus démocratique, plus juste et plus humaine :

* Renverser le roi d’Angleterre pour créer une nouvelle nation et auto-gouverner. C’est impossible.

* Établissement du suffrage universel. C’est impossible.

* Mettre fin à l’esclavage et à la ségrégation. C’est impossible.

* Accordant aux travailleurs le droit de former des syndicats et de mettre fin au travail des enfants. C’est impossible.

* Donnant aux femmes le contrôle de leur propre corps. C’est impossible.

* Passage de lois visant à instaurer la sécurité sociale, l’assurance-maladie, Medicaid, un salaire minimum, l’air pur et les normes C’est impossible.

En ces temps difficiles le désespoir n’est pas une option. Nous devons nous battre de toutes les façons possibles.

Nous devons nous impliquer dans le processus politique – nous présenter aux élections, nous connecter avec nos législateurs locaux, étatiques et fédéraux, faire des dons aux candidats qui vont se battre pour la classe ouvrière de ce pays. Nous devons créer de nouveaux canaux de communication et de partage d’informations. Nous devons faire du bénévolat non seulement politiquement, mais aussi construire une communauté locale.

Tout ce que nous pouvons faire, c’est ce que nous devons faire.

Inutile de dire que j’ai l’intention de faire ma part – à la fois à l’intérieur du périphérique et à travers le pays – pour défendre la classe ouvrière de ce pays. Dans les jours, les semaines et les mois à venir, j’espère que vous me rejoindrez dans cette lutte.

Solidaire,

Bernie Sanders



3ieme guerre mondiale ?


Et si la troisième guerre mondiale avait déjà commencé ?. Au travers de cette hypothèse, Albin Wagener – Professeur d’université en Sciences du langage et Sciences de l’information et de la communication – évoque l’étrange période dystopique que nous vivons en ce premier quart du 21ième siècle. Sommes-nous déjà en guerre mondiale ?
Bonne lecture. ObsAnt

Reprise – texte publié le 3 février ici


Et si la troisième guerre mondiale avait déjà commencé ?

Albin Wagener (*)

A première vue, vous pourrez probablement penser que l’auteur de ces lignes est soit en train de traverser un épisode de déprime passagère nourri par un doomscrolling trop intensif, soit qu’il s’aventure bien loin de ses terrains d’expertise habituels. Les deux seraient inquiétants, cela va sans dire.

Pourtant, je souhaite que nous considérions un instant cette hypothèse, mais en oubliant ce que signifient pour nous les première et deuxième guerres mondiales. En d’autres termes, il s’agit d’ôter non seulement le prisme occidentalo-centré qui nous a permis de raconter les deux premières, et également de ne pas lire la situation du vingt-et-unième siècle avec la grille de lecture du vingtième – erreur hélas trop commode pour bon nombre de sujets. En effet, nous avons changé de siècle, et le siècle dans lequel nous nous trouvons voit une explosion de concepts le qualifier : anthropocène, accélérationisme, disruption digitale, ensauvagement, techno-fascisme… autant de termes qui redéfinissent un siècle, avec une vision générale peu optimiste.

Les différentes excroissances de nos sociétés, qui polluent d’une manière ou d’une autre notre rapport aux autres, aux médias, au système social et économique, ou tout simplement à nous-mêmes, semblent en réalité montrer qu’une guerre d’un tout nouveau genre a éclaté il y a quelques années déjà, et que nous n’en avons pas encore conscience – tout simplement parce que le théâtre des opérations n’a rien à voir avec les références atroces héritées du siècle dernier.

Source : https://cheezburger.com/9421135872/yeah-so-helpful

Le retournement récent des géants de la tech de la Silicon Valley, au moment où Donald Trump accédait à nouveau au pouvoir le 20 janvier 2025, constitue l’un des indices les plus importants. En effet, au moment même où le binôme de choc Trump/Musk accédait aux affaires de la première puissance mondiale, tels des Minus et Cortex sous acide et avec les codes de la valise nucléaire, Jeff Bezos et Mark Zuckerberg abandonnaient sans vergogne leur politique de diversité. Une manière éclatant de montrer que, depuis le début, les grands patrons de la tech n’ont soutenu les mouvements #BlackLivesMatter et autres #PrideMonth qu’à partir du moment où cela servait leurs intérêts commerciaux, et que ces mouvements étaient importants pour leurs clients.

Cela peut paraître évident et relativement anodin, si on le formule de cette manière. Mais en réalité, ce volte-face si abrupt, après une bonne quinzaine d’années d’engagements plus ou moins feints sur le sujet, montre tout simplement que les droits humains, le progrès social et la dignité citoyenne sont des concepts qui n’ont absolument ni intérêt, ni valeur, pour ces personnages. Le problème, c’est qu’entretemps, ces patrons nous ont rendus dépendants à leur plateforme, et se sont incrustés si profondément dans nos modes de vie et dans notre culture que nous sommes désormais cognitivement et affectivement liés à leurs produits.

Guerre cognitive

D’une certaine manière, la troisième guerre mondiale a commencé à partir du moment où nous avons laissé notre attention et notre cognition devenir le nouveau théâtre des opérations de nos agresseurs. Ces agresseurs ont toujours eu pour but de coloniser notre temps d’attention, quelle que soit notre classe sociale, notre inclinaison politique ou nos préférences. Et on aurait tort ici de ne viser que les réseaux sociaux, ce qui serait particulièrement commode.

https://medium.com/mind-talk/the-mental-tug-of-war-a-study-of-cognitive-dissonance-and-its-consequences-e709db3d5d61

Car évidemment, il ne s’agissait pas simplement de nous forcer à nous inscrire sur un réseau, d’y publier des photos ou de s’y faire des amis : il s’agissait de nous rendre dépendant à un tout nouveau mode de vie, entre commandes inopinées sur internet à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, discussions anodines transformées en micro-scandales et en cyber-harcèlement, nouvelles formes de séduction, captation de l’attention par des vidéos courtes conduisant à un reformatage cognitif, commandes vocales connectées colonisant nos espaces domestiques… absolument rien n’a échappé aux récents développements technologiques. Notre attention est devenue une ressource que l’on se dispute, et que nous vendons bien volontiers, pensant qu’il ne s’agit que de transactions anodines basées sur le divertissement.

Car dans ce pacte faustien, les avatars du divertissement suffisent à nous vendre n’importe quoi, à nous soumettre et à nous garder tranquilles, captifs dans ces petites bulles de facilité et de confort, qui après tout ne nous font pas réellement de mal. Et puis est-ce si grave d’offrir ainsi nos données personnelles, dont on n’avait pas réellement conscience avant cette époque ? En quoi cela pourrait-il être dangereux ?

Guerre environnementale

Tandis que nous sommes confits dans la douce quiétude de ce monde ultraconnecté aux services si agréables, et que notre terrain cognitif et affectif devenait désormais domestiqué, une autre guerre a pu ouvertement se déclencher : la guerre environnementale. Bien sûr, elle n’a pas démarré au vingt-et-unième siècle, loin s’en faut ; cela fait plusieurs décennies que les lobbies pétroliers et les politiques ultraconservateurs bataillent pour reculer les mesures permettant de lutter contre le changement climatique.

knowyourmeme.com

Mais cette fois, cela va plus loin : la guerre est menée au grand jour, à grands renforts de propos climatodénialistes ouvertement relayés dans des émissions à fort taux d’audience, alors même que les scandales sanitaires et environnementaux ne font que s’accumuler. Mais peu importe : le changement climatique est la faute des écologistes, les dégâts environnementaux sont la faute des agences chargées de surveiller l’environnement, et les catastrophes naturelles sont de la responsabilité des météorologues.

Cette guerre est menée contre ce qui nous fait vivre en tant qu’espèce et nous relie à tout le vivant : notre planète, tout simplement. Il ne s’agit pas ici que de réchauffement global, mais également de pollution environnementale ou d’agressions répétées et incessantes contre la biodiversité. Après avoir fait de notre mental leur meilleur allié, ces mêmes forces au capital important, dominantes économiquement, ont poursuivi leurs attaques contre notre monde – des attaques déjà largement entamées au moment des grandes colonisations occidentales du dix-neuvième siècle, avec le même sens aigu de l’impérialisme, du mépris pour tout ce qui n’est pas comme eux, et du goût du massacre.

Guerre médiatique

Mais pour garder captif notre espace mental, cognitif et affectif, et attaquer l’air que nous respirons, l’eau que nous buvons et la terre que nous cultivons, il était bien évidemment nécessaire de contrôler les canaux d’information qui nous auraient permis d’obtenir des informations objectives et des données fiables, susceptibles de nous faire réagir. Ici aussi, la guerre remonte à loin, mais elle a fini par prendre des proportions totalement incroyables depuis le début du vingt-et-unième siècle.

Cette guerre médiatique a permis d’abord d’installer un nouveau régime de parole : le régime de l’opinion. Ce régime n’a pas démarré au moment des réseaux sociaux, qui n’ont fait que l’amplifier : il trouve en réalité sa source dans les quelques talk shows un peu grossiers de la fin du siècle dernier, puis dans l’explosion des chaînes d’information en continu, qui exigent de ses invités des punchlines plus efficaces que de longues démonstrations savantes. Ainsi, dans ce régime de l’opinion, le scientifique expert ne peut rien contre l’éditorialiste toutologue, et le second parvient alors systématiquement a donner à son propos les atours d’une parole rationnelle et fondée, même et surtout lorsqu’elle n’est basée sur rien.

Outre cette reconfiguration des régimes de parole dans l’espace public, médiatique et donc démocratique, d’autres grandes fortunes ont décidé de faire main basse sur plusieurs titres et chaînes de télé, constituant d’immenses groupes de presse qui finissent par soutenir une idéologie dominante, capable de défendre les intérêts financiers, fiscaux et idéologiques des patrons en question. Ainsi, dans ce cas de figure, nous nous retrouvons face à une information qui n’est non pas savamment construite pour nous manipuler de manière grossière, mais qui est plutôt là pour diffuser une petite musique thématique incessante à laquelle nous finissons par nous habituer puis nous conformer, avec des avis sur l’actualité partagés par une majorité si large d’éditorialistes qu’ils doivent forcément avoir raison.

Guerre sociale

La guerre se joue également sur le terrain social. Pendant que nous sommes occupés à nous plonger dans le nid douillet de notre confort cognitif, que nous continuons à adopter des habitudes qui agressent notre environnement, et que nous cédons aux opinions dominantes de certains médias, les mêmes coupables démantèlent, avec plus ou moins de zèle et de subtilité, nos Etats – ou à tout le moins nos régimes de protection et de redistribution, qui permettent aux citoyens de vivre dignement et d’être de véritables acteurs de la démocratie.

https://www.coe.int/fr/web/compass/poverty

Car bien évidemment, il serait illusoire de penser que les patrons des lobbies pétroliers, les patrons des groupes de presse et les patrons de la tech n’aient pas les mêmes objectifs, à savoir : conserver un maximum de richesse de leur côté, les accumuler de manière toujours plus éhontée, année après année – et s’assurer qu’aucun Etat ni aucune politique trop humaniste ne viendra mettre son nez dans cette belle affaire. Ainsi, il faut donc peser suffisamment dans la vie politique des Etats, soit en finançant les programmes de ceux qui promettent de maintenir un système législatif et judiciaire suffisamment permissifs pour maintenir le grand déséquilibre capitaliste, soit désormais en prenant le contrôle de ces Etats – comme c’est le cas avec Elon Musk aux Etats-Unis.

Bien sûr, la brutalité face aux exploités n’a hélas pas attendu le vingt-et-unième siècle ; mais cette brutalité va s’accélérer, avec l’explosion des inégalités, de l’appauvrissement graduel de nos populations, et du sentiment de déclassement des classes moyennes supérieures – que l’on retournera facilement contre les classes qui se trouvent en-dessous d’elles. Et comme nous pouvons déjà le voir aux Etats-Unis, toutes les communautés les plus vulnérables en souffriront encore plus : femmes, personnes trans, enfants, personnes racisées, communautés LGBTQIA+ dans leurs ensemble, personnes handicapées – et je pourrais continuer tant la liste est longue. Ces discriminations vont s’accompagner d’une paupérisation grandissante et de l’articulation de fragmentations de plus en plus grandes entre ces communautés – alors que celles-ci auraient tout intérêt à s’unir pour se retourner contre leurs véritables ennemis.

La 3ème guerre mondiale a déjà commencé

Cette guerre s’attaque à 4 terrains distincts, de manière coordonnée : le terrain de l’intime (via la guerre cognitive), le terrain planétaire (via la guerre environnementale), le terrain de la circulation de l’information (via la guerre médiatique) et le terrain des structures sociales (via la guerre sociale). En d’autres termes, si nous ne repolitisons pas l’ensemble de ces espaces, et que nous théorisons et mettons en mouvement une lutte politique méthodique et intellectuellement fournie, nous risquons toujours de tomber dans les mêmes pièges et les mêmes écueils.

Car nous n’avons pas la puissance financière – et donc, de ce fait, pas la puissance d’influence capable de faire basculer un pays, une loi, une ligne éditoriale ou un code pour une nouvelle application. Si cette troisième guerre mondiale a déjà commencé, ce n’est pas tant par ses thématiques (dont certaines sont relativement anciennes) que par la concaténation de l’ensemble de ces terrains : nous sommes attaqués partout, en même temps, et cette guerre se joue désormais à un niveau trans-continental jamais atteints. Elle est menée par un tout petit pourcentage de la population mondiale contre l’intégralité de l’espèce humaine – et contre l’intégralité des espèces vivantes présentes sur la planète, cela va sans dire.

Dans cette guerre, nous n’avons pas vraiment d’alliés, mis à part nous mêmes. Nous sommes des milliards, certes, mais nous sommes faciles à berner, car l’intégralité des structures qui nous relient les uns aux autres, ainsi qu’à nous-mêmes, se retrouvent corrompues de manière brutale, insidieuse et indigne par des individus qui n’ont pour nous ni considération, ni reconnaissance, ni respect. Nous ne sommes que des instruments dans l’accroissement de leurs richesses. Nous sommes les munitions des armes qu’ils dirigent contre nous, comme les réseaux sociaux par exemple – au sein desquels nous sommes si prompts à nous diriger les uns contre les autres, au détour d’un commentaires, d’une republication ou d’un émoji mal placé.

https://outrider.org/climate-change/articles/climate-change-memes-are-helping-people-cope-eco-anxiety

Nous devons pouvoir faire autrement. Mais cela implique, entre autres, de faire probablement des choix radicaux sur l’ensemble de ces quatre théâtres d’opération. Des choix qui demandent sevrage, courage, et probablement une théorisation claire qui permet d’expliciter, de parler, de donner à comprendre et à apprendre auprès de nos pairs. Nous devons relier l’ensemble de ces problématiques, car en face, c’est donc bel et bien un fascisme d’un nouveau genre qui se dresse face à nous – une forme de radicalité violente, inhumaine et discriminatoire qui va désormais chercher, coûte que coûte, à nous imposer un ordre brutal.

Ils le feront en nous mettant en situation de surcharge mentale, en laissant brûler notre planète, en nous abreuvant d’informations fausses et en détruisant ce qui fait de nos sociétés, déjà si imparfaites et passablement injustes, des espaces de solidarité et de dignité. Bien sûr, il ne s’agit pas de dire que cette troisième guerre mondiale doive évacuer de l’esprit les guerres réelles et leurs atrocités qui se multiplient à travers le monde ; mais toutes ces guerres sont liées. Et dans tous ces cas de figure, des personnes réelles peuvent se retrouver privées de droit, en danger pour leur vie ou celle de leurs proches, obligées de survivre dans des situations de vulnérabilité inimaginables.

Cette guerre, c’est probablement l’enjeu de ce siècle. Parce que nous n’avons jamais aussi clairement vu nos ennemis. Ils ne sont jamais aussi clairement sortis du bois, préférant laisser les Etats en faillite au lieu de participer à leur sauvegarde – parce que leur but n’a jamais été l’équilibre économique des Etats, contrairement à ce que la bonne doxa néolibérale souhaite faire penser. Le but est de brûler l’intégralité de ce qu’ils peuvent brûler, tant qu’ils le peuvent encore, et d’amasser jusqu’aux derniers grammes de profit matériel, de l’ôter de nos mains, jusqu’à ce que nous ayons suffisamment de rage pour nous entretuer, mais pas assez d’énergie pour nous liguer contre eux.

Bibliographie

Delpech, Thérèse (2005). L’ensauvagement. Le retour de la barbarie au XXIè siècle. Grasset/Fasquelle.

Eco, Umberto (2017). Reconnaître le fascisme. Grasset.

Ertzscheid, Olivier (2017). L’appétit des géants. Pouvoir des algorithmes, ambitions des plateformes. C&F Editions.

Henschke, Adam (2025). Cognitive Warfare. Grey Matters in Contemporary Political Conflict. Routledge.

Malm, Andreas (2021). How to Blow Up a Pipeline : Learning to Fight in a World on Fire. Verso.

Piketty, Thomas (2013). Le Capital au XXIè siècle. Seuil.

Prévost, Thibault (2024). Les prophètes de l’IA. Pourquoi la Silicon Valley nous vend l’apocalypse. Lux.

Rosa, Hartmut (2005). Beschleunigung. Die Veränderung der Zeitstrukturen in der Moderne. Suhrkamp.

Stiegler, Bernard (2016). Dans la disruption. Comment ne pas devenir fou ? Les Liens qui libèrent.

Swartz, Aaron (2016). The Boy Who Could Change the World : The Writings of Aaron Swartz. The New Press.

Taylor, Mark C. (2014). Speed Limits. Where Time Went and Why We Have So Little Left. Yale University Press.

Traverso, Enzo (2017). Les nouveaux visages du fascisme. Textuel.

Wagener, Albin (2019). Système et discours. Peter Lang.

Wallenhorst, Nathanaël (2023). A critical theory for the anthropocene. Springer.

Zuboff, Shoshana (2019). The Age of Surveillance Capitalism: The Fight for a Human Future at the New Frontier of Power. PublicAffairs.




Le premier Coup d’État de l’IA ?

Reprise d’un post FB de Jonathan Durand Folco


Sommes-nous témoins du premier coup d’État basé sur l’IA de l’Histoire? C’est ce que suggère le chercheur Eryk Salvaggio dans un texte clair et percutant qui décrit comment le DOGE dirigé par Elon Musk compte transformer profondément l’État américain via des algorithmes contrôlés par les élites de la Silicon Valley. Dans mon vocabulaire, nous assistons peut-être à la naissance du « Léviathan algorithmique ».
Voici une traduction française de cet article du 9 février 2025 de Tech Policy Press que je recommande chaudement. Le texte est relativement long (2730 mots). Le lien vers l’article original : https://www.techpolicy.press/anatomy-of-an-ai-coup/

Jonathan Durand Folco


« Anatomie d’un coup d’État de l’IA »

Eryk Salvaggio (*)

Le DOGE est en train de vider les agences fédérales de leur substance afin d’installer l’IA dans l’ensemble du gouvernement. La démocratie est en jeu, écrit Eryk Salvaggio, membre de Tech Policy Press.

L’intelligence artificielle (IA) est une technologie qui permet de fabriquer des excuses. En l’absence de définitions claires ou d’outils d’évaluation, l’IA a néanmoins saisi l’imagination des politiciens et des gestionnaires du gouvernement, du monde universitaire et de l’industrie. Mais ce que l’IA sait le mieux produire, ce sont des justifications. Si vous voulez qu’une main-d’œuvre, une bureaucratie réglementaire ou une obligation de rendre des comptes disparaisse, il vous suffit de dire : « L’IA peut le faire ». Ensuite, la conversation passe de l’explication des raisons pour lesquelles ces choses devraient ou ne devraient pas disparaître à des questions sur la manière dont l’IA fonctionnerait à leur place.

Nous sommes au milieu d’un coup d’État politique qui, s’il réussit, changera à jamais la nature du gouvernement américain. Ce coup d’État ne se déroule pas dans la rue. Il n’y a pas de loi martiale. Il se déroule bureau par bureau dans les agences fédérales et dans l’automatisation banale de la bureaucratie. Le raisonnement repose sur un mythe de la productivité selon lequel l’objectif de la bureaucratie est simplement ce qu’elle produit (services, informations, gouvernance) et peut être isolé du processus par lequel la démocratie parvient à ces fins : le débat, la délibération et le consensus.

L’IA devient alors un outil pour remplacer la politique. L’administration Trump présente l’IA générative comme un remède au « gaspillage gouvernemental ». Cependant, ce qu’elle cherche à automatiser, ce n’est pas la paperasse, mais la prise de décision démocratique. Elon Musk et son département de l’efficacité gouvernementale (DOGE) misent sur une illusion populaire mais fausse selon laquelle les technologies de prédiction des mots permettent de faire des déductions significatives sur le monde. Ils s’en servent pour contourner le contrôle du budget par le Congrès, qui est, selon la Constitution, l’allocation de ressources aux programmes gouvernementaux par le biais d’une politique représentative.

Si parler d’un coup d’État de l’IA (AI coup) peut sembler conspirationniste ou paranoïaque, c’est pourtant banal. Contrairement aux affirmations de Musk et de ses acolytes sur le « risque existentiel », qui envisagent que l’IA prenne le contrôle du monde par la force brute, un coup d’État de l’IA naît de décisions collectives sur la quantité de pouvoir que nous accordons aux machines. Il s’agit d’un délestage politique, qui consiste à confier le travail fastidieux consistant à remporter les débats politiques à la fausse autorité de l’analyse des machines. C’est une façon de déplacer la prise de décision collective au cœur de la politique représentative.

La distribution des rôles

Nous pouvons planter le décor en décrivant la distribution des rôles. Dans son emploi à temps partiel à la DOGE, Elon Musk joue le rôle principal. Son équipe vise à utiliser l’IA générative pour trouver des économies budgétaires, alors même qu’il éviscère la fonction publique. L’entité DOGE a déjà tenté de prendre le contrôle du système informatique du département du Trésor pour distribuer des fonds et a effectivement démantelé l’USAID. Musk espère mettre en place une « stratégie d’IA d’abord » (AI-first strategy) pour les agences gouvernementales, comme GSAi, « un chatbot d’IA générative personnalisé pour l’administration des services généraux des États-Unis ».

Thomas Shedd, un ancien ingénieur de Tesla qui occupe aujourd’hui le poste de directeur des services de transformation technologique de l’administration des services généraux, est chargé de cette mission. Thomas Shedd a déclaré que « le gouvernement fédéral a besoin d’un référentiel de données centralisé » pour analyser les contrats gouvernementaux, malgré une légalité douteuse en matière de conservation des données et de protection de la vie privée.

Il y a ensuite l’équipe de soutien. Il y a tout d’abord une équipe de petits joueurs qui servent d’agents de la DOGE. Ces ingénieurs, dont certains seraient âgés de 19 à 24 ans, sont arrivés dans diverses agences gouvernementales pour prendre le contrôle de systèmes informatiques sans même donner leur nom complet ni préciser leur objectif. Bien que le plus jeune d’entre eux vienne de terminer ses études secondaires, cette équipe a perturbé les réseaux des Centers for Disease Control et des Centers for Medicare and Medicaid Services, Musk refusant de discuter de l’utilisation des données par DOGE. Le 5 février, ils ont commencé à « extraire des données » sur les prestations des anciens combattants et les dossiers d’indemnisation des invalidités du ministère des anciens combattants. La liste est encore longue.

Enfin, nous avons les supposés adultes. Dans le décret de Trump sur l’IA, le président demande que les systèmes d’IA soient exempts de préjugés idéologiques ou de programmes sociaux élaborés et que soient révoquées les directives qui font obstacle à l’innovation américaine en matière d’IA, un plan qui sera élaboré par le nouveau tsar de l’IA et des cryptomonnaies, le capital-risqueur David Sacks. M. Sacks sera rejoint dans ce rôle par l’architecte du projet 2025, Russell Vought, à la tête de l’Office of Management and Budget (OMB), et par l’ancien et l’actuel directeur de la technologie de l’administration Trump à la Maison-Blanche et candidat au poste de directeur de l’Office of Science and Technology Policy de la Maison-Blanche, Michael Kratsios.

Le plan

Au milieu du chaos qui règne à Washington, les entreprises de la Silicon Valley continueront à démontrer qu’elles sont la solution. Nous pouvons nous attendre à ce que l’industrie annonce une nouvelle capacité radicale pour l’IA dans un avenir proche. OpenAI pourrait à nouveau prétendre atteindre une intelligence de niveau doctoral (comme en septembre 2024 et à nouveau en janvier 2025), ou le DOGE pourrait lancer un nouveau chatbot formé à partir de données gouvernementales.

Après des mois passés à ridiculiser la fonction publique pour son inaptitude et à dénoncer la politique de l’ombre des institutions de recherche universitaires, une nouvelle illusion sur la prédiction des mots émergera probablement de toute annonce de ce type. Dans cette histoire, les bénéficiaires du coup d’État de l’IA annonceront la solution parfaite aux échecs du gouvernement et à leur engagement décrié en faveur de la diversité, de l’équité et de l’inclusion (EDI) dans la science. La solution sera un « dépôt de données centralisé » relié à un chatbot et à une série de promesses.

Shedd a décrit un tel projet lors d’une réunion avec sa nouvelle équipe : « Parce qu’à mesure que nous réduisons la taille globale du gouvernement fédéral, comme vous le savez tous, il y a encore une tonne de programmes qui doivent exister, ce qui constitue une énorme opportunité pour la technologie et l’automatisation d’entrer en force, et c’est pourquoi vous êtes tous si essentiels et critiques pour cette prochaine phase… C’est le moment de construire parce que, comme je le disais, la demande de services techniques va monter en flèche. »

Pour servir son objectif, toute IA générative déployée ici n’a pas besoin d’être capable de prendre des décisions ou même de faire preuve de nouvelles capacités. Elle doit simplement être considérée comme un concurrent plausible de la prise de décision humaine suffisamment longtemps pour déloger les décideurs humains existants dans la fonction publique, des travailleurs qui incarnent les valeurs et la mission de l’institution. Une fois remplacée, la connaissance humaine qui produit l’institution sera perdue.

Une fois les employés licenciés, l’institution n’est plus elle-même. Trump et Musk peuvent l’adapter à n’importe quel objectif inscrit dans la requête (prompt) du chatbot, en dirigeant le type de résultats qu’il est autorisé à fournir à un utilisateur.

Après cela, le système automatisé peut échouer, mais c’est une caractéristique, pas un bug (that is a feature, not a bug). Car si le système échoue, l’élite de la Silicon Valley qui l’a créé s’assurera une place dans un nouveau régime technique. Ce régime concentre le pouvoir entre les mains de ceux qui comprennent et contrôlent la maintenance, l’entretien et les mises à jour de ce système. Tout échec accélèrerait également les efforts visant à confier le travail à des sous-traitants privés. Le système ChatGPTGov d’OpenAI est un excellent exemple de système prêt à entrer en jeu. En confiant les décisions gouvernementales à des systèmes d’IA qu’ils savent pertinemment inadaptés, ces élites technologiques évitent un débat politique qu’ils perdraient probablement. Au lieu de cela, ils créent une crise informatique nationale qu’ils sont les seuls à pouvoir résoudre.

Affaiblir l’opposition

Alors que l’élite technologique intègre l’IA générative dans des institutions vidées de leur substance, l’administration poursuivra ses efforts pour éviscérer les institutions de recherche indépendantes. En 2023, Trump a fait campagne pour une « Université américaine », une ressource en ligne présentant « des groupes d’étude, des mentors, des partenariats industriels et les dernières avancées en matière d’informatique », qui « sera strictement apolitique, et il n’y aura pas de wokisme ou de djihadisme autorisé ». Trump a proposé que l’Université américaine soit financée en « taxant, en imposant des amendes et en poursuivant en justice les dotations excessives des universités privées ».

Ajoutez à cela le système de mots-clés de l’administration Trump qui rejette les subventions de recherche même si elles sont tangentiellement axées sur la diversité et l’inclusion. Tout cela aura un impact sur la recherche scientifique et les finances des universités. À terme, cela créerait une crise par laquelle l’enseignement supérieur, dont les engagements en faveur de la diversité ont déjà été réduits à néant, pourrait mourir de faim. Un écosystème de recherche universitaire affaibli renforcerait le secteur privé en attirant les scientifiques dans leurs laboratoires, diminuant ainsi la supervision indépendante de la recherche.

Les listes de mots-clés signalant le rejet d’une demande de subvention par la National Science Foundation comprennent des termes liés au fait de débiaiser l’IA. Les experts savent depuis longtemps que les systèmes algorithmiques sont biaisés en faveur de la majorité parce qu’ils favorisent les échantillons statistiquement dominants. Cependant, les mots utilisés dans la recherche pour étudier et traiter les biais algorithmiques – y compris le mot « biais » – sont désormais des drapeaux rouges pour le financement. D’autres termes relatifs à l’étude des biais algorithmiques abondent, tels que l’étude des populations « sous-représentées » ou des biais « systémiques » dans les données d’entraînement. Tout cela fait partie de la promesse de Trump d’expurger les « idées radicales de gauche » sur l’IA.

S’emparer du contrôle du Congrès sur les dépenses et les programmes gouvernementaux promulgués par la loi et les confier à un système automatisé serait le premier signe que le coup d’État de l’IA est terminé. Cela marquerait le passage d’une gouvernance démocratique à un automatisme technocratique, dans lequel les ingénieurs déterminent comment coopter le financement du Congrès pour atteindre les objectifs de l’exécutif. Le refus de partager la connaissance des résultats du système – en s’en remettant à une combinaison de préoccupations sécuritaires ou même commerciales et de mythes sur les réseaux neuronaux de type « boîte noire » – le mettrait à l’abri de tout examen réel de la part du Congrès.

Le DOGE vise à remplacer la bureaucratie gouvernementale par une infrastructure technique. L’inversion et le démantèlement des dépendances intégrées dans l’infrastructure sont lents et difficiles, en particulier lorsque les efforts visant à étudier les biais systémiques sont interdits. Les ingrédients du « technofascisme » seront réunis.

Générer une crise

L’infrastructure défectueuse de ces agences et services gouvernementaux automatisés finira par produire un langage ou un code qui créera une crise nationale induite par l’IA. Comme aucun système d’IA n’est actuellement adapté à la tâche complexe de la gouvernance de l’État, l’échec est inévitable. Déployer ce système malgré tout est une décision humaine, et les humains devraient en être tenus pour responsables.

Les concepteurs de l’IA nous ont répété à maintes reprises qu’elle représentait une menace comparable à celle de la bombe atomique.

Langdon Winner a écrit un jour que les exigences infrastructurelles d’une nation dotée d’armes nucléaires « exigent qu’elle soit contrôlée par une chaîne de commandement centralisée, rigidement hiérarchisée et fermée à toutes les influences qui pourraient rendre son fonctionnement imprévisible ». Le système social interne de la bombe doit être autoritaire ; il n’y a pas d’autre solution.

La bombe atomique représente un risque réel pour la vie humaine. Mais Winner met en garde contre le fait que la simple perception du risque d’une technologie peut inspirer une rigidité sociale autour de son utilisation, qui se répercute dans la société. Que se passe-t-il lorsque la « bombe atomique » est un système d’intelligence artificielle qui prétend automatiser les décisions au sein d’un gouvernement démocratique ?

Les avertissements vagues et répétés de Sam Altman, d’Elon Musk et d’autres sur les dangers de l’intelligence artificielle générative ont amené le public à croire qu’une telle menace se profilait à l’horizon. Ils affirment que la combinaison de mots dans des arrangements convaincants conduira à notre anéantissement physique.

Malheureusement, de nombreux législateurs croient en ce mythe. Des années de lobbying bipartisan par des groupes axés sur les « risques existentiels » de l’IA l’ont positionnée comme une menace pour la sécurité contrôlable uniquement par l’élite technique de la Silicon Valley. Cette élite est désormais prête à tirer profit de toute crise.

Étant donné que les systèmes automatisés ne peuvent pas garantir la sécurité du code, les scénarios probables incluent une violation de données au profit d’un adversaire. Dans la hâte de construire au détriment de la sécurité, les équipes pourraient déployer directement des logiciels et des plateformes écrits par l’IA. Le code généré pourrait, par exemple, mettre en œuvre des mesures de sécurité dépendant d’actifs externes ou compromis. Il peut s’agir du meilleur scénario d’échec. Parmi les autres possibilités, on peut citer une « hallucination » concernant des données sensibles ou essentielles qui pourrait avoir des effets en cascade par le biais de dépendances automatisées, avec des conséquences secondaires physiques et fatales.

Comment les États-Unis pourraient-ils réagir ? L’émergence récente de DeepSeek – un large modèle de langage chinois, moins cher et plus efficace – fournit un manuel (playbook). Les hommes politiques des deux partis ont réagi à la révélation d’une IA plus abordable et moins dépendante en énergie en déclarant leur engagement envers les entreprises américaines d’IA et leur approche. Une crise offrirait une nouvelle occasion bipartisane de justifier de nouveaux investissements au nom d’une politique américaine axée sur l’IA.

La résistance algorithmique

Le coup d’État de l’IA n’est pas seulement né de l’union de Donald Trump et d’Elon Musk. Il est né de pratiques et de croyances désormais courantes chez les idéologues de la Silicon Valley, mais obscures pour la plupart des Américains. Cependant, la faiblesse de l’industrie technologique est qu’elle n’a jamais compris la complexité émotionnelle et sociale des êtres humains réels.

Une grande partie de ce que je décris ci-dessus suppose un public passif, une bureaucratie complaisante et un Congrès qui ne fait rien. Cela suppose que le fait d’opérer dans une zone grise juridique est un moyen d’échapper au contrôle judiciaire. Cette tactique est bien connue dans la Silicon Valley, où l’innovation technique est de plus en plus rare, mais où l’évasion réglementaire est courante.

La rapidité est essentielle à leur travail. Ils savent qu’ils ne peuvent pas créer un consensus public pour cet effort et doivent agir avant qu’il ne prenne forme. En avançant rapidement et en cassant les choses (move fast and break things), DOGE force un effondrement du système où les questions sans réponse sont résolues par des solutions technologiques. Déplacer la conversation vers la technique est une façon d’exclure les décideurs politiques et le public des décisions et de transférer ce pouvoir au code qu’ils écrivent.

Le coup d’État de l’IA repose sur un cadrage d’efficacité gouvernementale. Cela crée un piège pour les représentants démocrates, où le fait de plaider pour le maintien des services publics et des fonctionnaires sera interprété comme un soutien au gaspillage de l’État. Mais c’est aussi une opportunité. L’IA atteint l' »efficacité » en supprimant des services. L’IA, comme le Big Data avant elle, peut utiliser la commodité et l’efficacité pour soutenir les revendications visant à étendre la surveillance numérique et à supprimer les processus démocratiques tout en diminuant la responsabilité.

Ne tombez pas dans le piège. La participation démocratique et la politique représentative au sein du gouvernement ne sont pas du « gaspillage » (waste). Les arguments ne doivent pas non plus se concentrer sur les limites techniques de certains systèmes, car les élites technologiques ne cessent de revoir les attentes à la hausse en promettant sans cesse des améliorations exponentielles. L’argument doit être qu’aucun système informatisé ne doit remplacer la voix des électeurs. Ne demandez pas si l’on peut faire confiance à la machine. Demandez plutôt qui les contrôle.



Trump, la paille et la poutre de la toute puissance

Térence (*)

Ces microdétails dans le panorama plus large ont souvent plus de valeur pour l’évaluation de notre situation, que certains macrophénomènes.

On ne peut « feindre » la suppression de l’interdiction des pailles en plastique, ce n’est pas une « erreur », un « hasard », un « oubli », un « automatisme », un « événement surdéterminé par le Réel », etc.

Non, pour attirer l’attention, la réflexion, la détermination, l’action du POTUS (*), il faut bien que la microscopique paille en plastique reflète intimement ce qui est à l’œuvre, le conatus qui déploie sa puissance d’agir.

C’est donc un signal faible infalsifiable, il exprime exactement ce qu’il veut exprimer. Il nous donne une porte d’entrée directe dans l’esprit de Trump et tous ses soutiens, donc de la majorité des citoyens américains et partant, d’une large partie de la population mondiale qui vote/adhère aux mêmes idées.

Notons en passant qu’on peut boire sans paille (sauf condition médicale). Et qu’on peut boire uniquement de l’eau (sauf nourrissons et condition médicale). Donc si on retire tout le gras, on conclut immédiatement que la paille est superflue à l’Humanité dans 99% des situations. Qu’elle soit en papier ou en inox, elle reste largement superflue (c’est bien de rappeler les fondamentaux du sujet en passant).

Donc on a un signal faible infalsifiable. Il reste à l’interpréter, à la fois sur son processus et sur son intention. Sur le processus, je le répète, on a le POTUS qui utilise du temps de cerveau disponible là-dessus. Cela reflète une intention spontanée (il a vraiment une haine propre de l’interdiction des pailles en plastique) et/ou une intelligence politicienne du sujet (« la paille », c’est quasi 100% de l’électorat qui est concerné). Ici, ce n’est pas un petit élu républicain MAGA du Midwest qui lance une pétition pour rétablir la paille en plastique dans le pays.

Sur l’intention plus générale, je reste assez convaincu de cette hypothèse, qu’il faudrait sans doute préciser :

Ce qui intéresse Donald Trump, c’est la toute puissance. Il conçoit la toute puissance comme la capacité à faire ce qu’il veut selon sa vision du monde, à être au centre de l’attention, à déclencher chez autrui le sentiment que son existence dépend de Trump, à changer la marche du monde (peu importe la direction au fond, ce qu’il veut, c’est être à lui tout seul une force historique, voire tellurique).

C’est le bébé qui fait s’écrouler une tour en blocs de bois. 

Il y a là un fondement anthropologique majeur : le plaisir intrinsèque que l’homo sapiens conçoit dans la conscience de sa propre puissance (je « fais ça » et il se produit quelque chose de significatif : du bruit, de la lumière, une explosion, des rires, des applaudissements, du plaisir corporel, etc.).

Rien de neuf, c’est Spinoza-compatible.

Certains se contentent de jouir de leur puissance à une échelle limitée, ils mènent une vie normale.

D’autres veulent des shoots plus importants, ils veulent plus de puissance pour plus de plaisir, ils veulent même accéder à la toute puissance.

C’est le cas de Trump et Musk, mais aussi Poutine, et vous pouvez compléter la liste vous-mêmes. Certains ne paient pas de mine, ils travaillent dans des labos sur la fusion nucléaire. Mais le désir de toute-puissance est tout à fait le même au fond. 

Je pense que chaque homo sapiens peut déraper et verser dans la toute puissance, à son propre détriment et celui d’autrui.

La puissance est en soi bonne. Tandis que l’impuissance et la toute puissance sont mauvaises. La vie bonne est atteinte via une puissance d’agir humaine/humanisée/écologisée. C’est tout à fait honorable de savoir se nourrir en cultivant sa nourriture (une forme de puissance d’agir). Savoir fabriquer et manier l’outil. Savoir soigner quelqu’un. Savoir palabrer et négocier, savoir décider, savoir se défendre, savoir coopérer, etc. Tout cela c’est la puissance d’agir vertueuse.

Mais Trump se situe dans la toute puissance en termes de psychologie individuelle (comme bien d’autres avant lui : Napoléon, César, Alexandre…) mais aussi dans un cadre, une vision de la puissance qui est typiquement celle qui domine le monde aujourd’hui, et qui est une vision de la puissance comme toute puissance. C’est le délire prométhéen.

Il est évident que l’écologie, c’est l’institution de la Limite, de la Limite face à l’hubris prométhéen, quel qu’il soit (pas seulement environnemental, mais aussi politique : la démocratie et l’autonomie comme valeurs centrales).

Donc ce que veut Trump, c’est le retour, et l’accentuation, de l’ordre de la puissance comme toute puissance. Et tout ce qui va avec : la bombe nucléaire, la grosse armée, le gros pickup, la grosse maison ,le gros gratte-ciel, MAGA ça dit bien ce que ça veut dire, il faut viser la toute puissance.

Et l’interdiction de la paille en plastique, c’est bien l’institution de la Limite, donc c’est l’ennemi que veut abattre Trump. Il veut qu’on continue à produire des tonnes de paille en plastique, qu’on en consomme une par boisson, qu’on la jette, et ainsi de suite car c’est l’expression du « je fais ce que je veux ici, c’est MA planète, JE suis le ROI du MONDE, aucune limite ne s’impose à moi, je suis TOUT PUISSANT ».

De là, on peut reproduire l’analyse à des macro-sujets, comme Gaza, la guerre en Ukraine, le climat, la démocratie US, etc. On ne pourra jamais coincer Trump dans une ligne idéologique claire et bien univoque. Non, il lui importe plus de FAIRE ce qu’il VEUT quand il VEUT et avec qui il VEUT. 

Et il incarne un mouvement très important et majoritaire aux USA qui pense comme lui, qui aspire à la toute puissance.

« On ne discute pas avec le dictateur nord-coréen » –> « Si, moi Trump, je peux le faire ! Car je fais ce que je veux. »

« On ne négocie pas avec Poutine le dépeçage de l’Ukraine » –> Si, moi Trump, je peux le faire… etc. vous avez compris…

Interdisez-lui quelque chose, il le fera.

Il n’a pas de considération pour les limites : l’Autre, la Vie, le Bien commun, la Démocratie, etc. Ces institutions/réalités limitent sa toute puissance, elles devront se plier à sa volonté.

Pourquoi interdire la paille ? Parce qu’elle exprime bien l’institution de la Limite (on peut le faire mais on décide en âme et conscience de ne PAS le faire), c’est le « non du père » des psychanalystes, c’est le père Biden, c’est tout ce que la société essaie de m’empêcher de faire, moi Trump et mes MAGA’s, et donc je fais péter tout ça.

Je pense que l’homo sapiens jouit universellement de sa puissance et encore plus lorsqu’il s’agit d’une puissance excessive/interdite/maléfique.

D’où notre fascination interposée pour les méchants personnages de fiction, ils nous permettent de libérer nos pulsions inavouables à peu de frais (et c’est bien).

On les aime parce qu’ils sont dans la toute puissance (et que nous voudrions bien l’être aussi, plus ou moins secrètement).



Les riches accumulent les richesses parce qu’ils savent ce qui les attend

L’effondrement est intégré dans leurs plans d’affaires


Les ultra-riches ont-ils une action coordonnée face aux risques systémiques d’effondrement ?

Voici le point de vue d’


Angus Peterson

deepltraduction Josette – original paru dans Medium

Les riches continuent de s’enrichir. Cela ne fait aucun doute. Mais ce que l’on oublie souvent de dire, c’est comment ils y parviennent, non seulement par l’exploitation habituelle, mais aussi en conduisant activement le monde vers la catastrophe tout en se protégeant des retombées.

Disons-le tout net : les ultra-riches ne se contentent pas d’accumuler des richesses ; ils les thésaurisent, stockant des fortunes à un rythme si effréné que le concept même d’argent en devient ridicule. Alors que le reste d’entre nous se fait sermonner sur la nécessité de réduire les dépenses – conduire moins, manger moins de viande, recycler, se contenter de moins – ils sécurisent leurs bunkers, achètent des îles isolées et élaborent des plans d’évacuation pour l’effondrement qu’ils sont en train d’accélérer.

Et ne vous y trompez pas, l’effondrement n’est pas qu’un lointain fantasme dystopique. Nous sommes déjà au cœur d’une polycrise : le changement climatique, la perte de biodiversité, la surexploitation des ressources, l’instabilité économique et la montée en puissance de l’autoritarisme se nourrissent les uns les autres comme une réaction en chaîne imparable. Pendant ce temps, les banques et les entreprises, qui pourraient financer les solutions, traînent les pieds ou font carrément obstruction au progrès, veillant à ce que le système continue de pencher en faveur de ceux qui ont déjà tout.

Les banques, par exemple, ont fait très peu de progrès en matière de financement d’infrastructures à faible émission de carbone. Elles font de vaines promesses d’investissements « verts », mais en réalité ? Les chiffres montrent un rythme de financement glacial qui est loin d’être suffisant pour éviter une catastrophe climatique. Et comme l’objectif de 1,5 °C a déjà été dépassé, cet échec ne relève pas seulement de l’incompétence, mais aussi de la complicité.

Mais les milliardaires ne s’inquiètent pas.

Pourquoi le feraient-ils ?

Ils gagnent plus de 100 millions de dollars par jour, une somme si énorme qu’elle défie l’entendement. En clair, si les milliardaires se souciaient réellement de l’humanité, ils auraient déjà résolu toutes les grandes crises mondiales. Le fait qu’ils ne l’aient pas fait vous dit tout ce que vous devez savoir.

L’inégalité des richesses n’est pas seulement un problème économique, c’est un problème existentiel.

Voici un calcul effrayant : au rythme actuel, la société est à moins d’une décennie de l’effondrement. Et lorsque cela se produira, les riches ne se soucieront pas de vous. Ils observeront la situation depuis leurs enceintes fortifiées, en sirotant des vins de luxe, tandis que les autres se battront pour des miettes.

Il ne s’agit pas simplement d’un capitalisme qui fait ce qu’il fait.

C’est la fin de la partie.

Et le pire ?

C’est le plan.

Les banques avancent à un rythme d’une lenteur exaspérante

S’il y a une chose sur laquelle on peut compter, c’est que les banques donneront toujours la priorité aux profits à court terme plutôt qu’à la survie de la planète. Elles adorent se présenter comme des institutions soucieuses du climat, en publiant des rapports ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) sur papier glacé et en prenant de grands engagements en faveur d’un « financement net zéro ».

Mais quand on regarde les chiffres, on s’aperçoit que les soi-disant progrès sont à peine perceptibles.

Une étude réalisée en 2024 sur les tendances mondiales en matière d’investissement bancaire a confirmé ce que beaucoup d’entre nous soupçonnaient déjà : les banques sont loin d’atteindre le niveau de financement nécessaire à la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Selon le rapport, un grand nombre d’institutions financières ne parviennent pas à réorienter leurs capitaux de manière significative pour les soustraire aux combustibles fossiles.

Les chiffres sont peu encourageants : moins de 7 % des actifs financiers mondiaux sont actuellement alignés sur une trajectoire de 1,5°C. Cela signifie que les banques jouent avec notre avenir et que nous sommes déjà en train de perdre.

L’objectif de 1,5 °C est mort (et les banques en sont complices)

Soyons clairs : nous avons déjà dépassé les 1,5 °C de réchauffement. L’objectif même qui obsède les négociations sur le climat depuis des années a été atteint, et pourtant, les institutions financières continuent d’agir comme si le temps jouait en notre faveur. Ce n’est pas le cas.

Au lieu d’augmenter les investissements dans les énergies vertes, les banques ont injecté des milliers de milliards dans les combustibles fossiles. Entre 2015 et 2021, 5,5 billions de dollars ont été investis dans des projets liés au pétrole, au gaz et au charbon. Cela représente six années de sabotage pur et simple, les banques souscrivant effectivement à la destruction du climat à un rythme qui éclipse leurs prétendues initiatives vertes.

Pire encore, les investissements dérisoires qu’elles réalisent dans les « infrastructures à faible émission de carbone » sont souvent truffés d’échappatoires. Les banques qualifient presque n’importe quoi d’investissement durable, qu’il réduise ou non les émissions.

Elles financent des projets de « capture du carbone » – des distractions coûteuses qui ne fonctionnent pas à grande échelle – au lieu de soutenir de vraies solutions comme l’expansion de l’énergie éolienne et solaire.

Elles écologisent leurs prêts en faveur des combustibles fossiles en prétendant qu’il s’agit de « projets de transition », alors qu’en réalité, il s’agit toujours de la même production d’énergie sale sous un autre nom.

Une mort lente à dessein

Si les plus grandes banques du monde voulaient vraiment éviter l’effondrement, elles déplaceraient des montagnes en ce moment même pour financer des infrastructures climatiques à grande échelle. Mais ce n’est pas le cas.

Et ce n’est pas une erreur, c’est un choix.

Elles ont fait les comptes. Ils savent parfaitement qu’un changement climatique non maîtrisé dévastera les plus pauvres et les plus vulnérables bien avant d’affecter les plus riches. Ainsi, de leur point de vue, se traîner les pieds n’est pas seulement une question de profits à court terme – il s’agit de préserver un système qui assure leur domination continue, même si le monde brûle.

Pendant ce temps, le reste d’entre nous assiste à l’accumulation des catastrophes climatiques – inondations engloutissant les villes, vagues de chaleur tuant des milliers de personnes, incendies de forêt réduisant les paysages en cendres – tandis que l’élite financière reste les bras croisés et continue d’encaisser les bénéfices.

À ce stade, il ne s’agit plus seulement de négligence. Il s’agit d’un effondrement prémédité.

Les milliardaires gagnent 100 millions de dollars par jour

Soyons clairs : si les milliardaires voulaient vraiment résoudre les problèmes du monde, ils auraient pu le faire hier. Au lieu de cela, ils accumulent les richesses à un rythme si effréné qu’il fait passer les rois médiévaux pour des êtres modestes.

Prenez le temps de réfléchir : les dix milliardaires les plus riches gagnent plus de 100 millions de dollars par jour, soit 4,1 millions de dollars par heure. Cela représente 70 000 dollars par minute. Toutes les soixante secondes, les milliardaires empochent plus que ce que la plupart des familles gagnent en un an. Et ils le font alors que les niveaux de pauvreté dans le monde sont restés exactement au même niveau qu’en 1990.

Le rapport d’Oxfam, intitulé « Takers, Not Makers », l’expose avec une clarté brutale : malgré les deux mille milliards de dollars qui s’ajoutent aux fortunes des milliardaires en une seule année, 44 % de l’humanité vit toujours sous le seuil de pauvreté. Et ce n’est pas parce qu' »il n’y a pas assez d’argent ». C’est parce que les ultra-riches siphonnent les ressources de la société à un rythme sans précédent, transformant ce qui pourrait être une prospérité partagée en réserves personnelles de richesses non dépensables.

Ils pourraient mettre fin à la pauvreté dans le monde, mais ils ne le feront pas

Si les milliardaires cessaient simplement d’accumuler des richesses pendant une journée – une seule – leur collecte quotidienne de 100 millions de dollars par personne pourrait financer des initiatives en matière de soins de santé, de logement et d’éducation dans le monde entier, qui permettraient de sauver des vies.

Mais ils ne le font pas.

Pourquoi ?

Parce que, pour eux, l’argent n’est pas un moyen d’atteindre une fin – c’est la fin. La richesse n’est pas une question de confort, mais de pouvoir. Et plus ils accumulent d’argent, moins nous avons de pouvoir.

Imaginez un peu : Si vous gagniez 1 000 dollars par jour, chaque jour, pendant les 315 000 prochaines années, vous ne seriez toujours pas aussi riche qu’Elon Musk ou Jeff Bezos. Même si les milliardaires perdaient 99 % de leur richesse du jour au lendemain, la plupart d’entre eux seraient toujours plus riches que 99 % des Américains.

Pendant ce temps, la classe ouvrière moyenne est invitée à « se serrer la ceinture » et à « travailler plus dur » pour faire face à la montée en flèche du coût de la vie. Les milliardaires ? Ils achètent les politiciens, écrasent les syndicats et échappent à l’impôt tout en convainquant le public que le « vrai problème », ce sont les immigrés, les programmes sociaux ou, d’une manière ou d’une autre, les travailleurs au salaire minimum qui réclament une rémunération équitable.

La richesse ne se gagne pas, elle s’extrait

Voici un petit secret : la plupart des milliardaires n’ont pas « gagné » leur richesse.

36 % de la richesse des milliardaires est héritée, ce qui signifie que près de la moitié des personnes les plus riches du monde sont tout simplement nées dans l’extrême richesse.

18 % proviennent de monopoles, c’est-à-dire de sociétés comme Amazon qui réduisent les salaires, éliminent la concurrence et dictent les prix.

6 % proviennent du copinage pur et simple, c’est-à-dire que les milliardaires exploitent leurs relations avec le gouvernement pour s’enrichir davantage.

Cela signifie qu’au moins 60 % de la richesse des milliardaires n’est pas gagnée. Et pourtant, le mythe persiste : on nous dit que les milliardaires « méritent » leur fortune, qu’ils sont des visionnaires, qu’ils travaillent plus dur que le reste d’entre nous.

Il faut se rendre à l’évidence :

La seule façon de devenir milliardaire est d’extraire la richesse de la classe ouvrière.

Les milliardaires ne créent pas, ils prennent : ils détournent la valeur des travailleurs sous-payés, achètent des politiques qui maintiennent les salaires à un bas niveau et truquent les marchés pour s’assurer que leur richesse continue de s’accroître tandis que la vôtre s’érode.

Et pourtant, leur machine de propagande fonctionne à merveille. La société est inondée de messages sur la « culture de l’effort », sur le travail acharné, sur l’adoption d’un « état d’esprit de milliardaire ». Ils veulent vous faire croire qu’avec suffisamment d’efforts, vous pourriez vous aussi devenir l’un d’entre eux.

Ce n’est pas le cas.

Statistiquement, vous avez des milliers de fois plus de chances d’être frappé par la foudre ou de mourir dans un accident d’avion que de devenir milliardaire. Le système n’est pas conçu pour élever les gens, il est conçu pour les maintenir au sol.

La classe des milliardaires sait que l’effondrement est imminent

Les 1 % les plus riches comprennent déjà ce qui se profile à l’horizon. C’est pourquoi ils ne financent pas des solutions climatiques, mais des plans d’évacuation. Ils construisent des bunkers souterrains, achètent des propriétés isolées en Nouvelle-Zélande et investissent dans des complexes de luxe « hors réseau » pour résister à la tempête qu’ils ont contribué à créer.

Pendant ce temps, ils continuent d’assécher l’économie, de resserrer leur emprise sur les ressources mondiales et de s’assurer que, lorsque l’effondrement se produira, ils seront les seuls à disposer d’un radeau de sauvetage.

Il ne s’agit pas d’un capitalisme qui a mal tourné. C’est ainsi qu’il a toujours été censé fonctionner.

L’inégalité des richesses va déchirer la société…

…et cela arrive plus vite que vous ne le pensez.

Il y a un moment où l’inégalité des richesses cesse d’être un simple problème économique pour devenir une véritable poudrière. Ce moment n’est plus à une décennie près, il est presque arrivé. Une étude du King’s College de Londres a révélé des chiffres effrayants : si les tendances actuelles se maintiennent, il faudra environ dix ans pour que l’effondrement de la société soit déclenché par la seule disparité des richesses.

Pensez-y.

Nous ne parlons pas de l’effondrement du climat, de l’épuisement des ressources ou de l’instabilité politique, bien que tous ces phénomènes s’accélèrent. Nous parlons de l’inégalité en soi qui atteint le niveau où les sociétés du monde entier commencent à s’effondrer.

Et pourquoi ne le feraient-elles pas ?

À l’heure actuelle, les 1 % les plus riches possèdent près de la moitié de toutes les richesses de la planète. Pendant ce temps, les salaires des travailleurs et des classes moyennes stagnent depuis plus de 40 ans, alors même que le coût de la vie monte en flèche.

À titre de comparaison, les 50 % les plus pauvres de l’humanité possèdent collectivement moins de 2 % de la richesse mondiale. Il ne s’agit pas d’une société qui fonctionne, mais d’un système sur le point de s’effondrer complètement.

Nous avons déjà vu cela (et ça ne finit jamais bien)

L’histoire regorge d’exemples de ce qui se passe lorsque la concentration des richesses atteint ce niveau.

– Rome s’est effondrée en raison d’une inégalité extrême.

– La Révolution française s’est déclenchée lorsque l’aristocratie a accaparé les ressources alors que le peuple mourait de faim.

– La Russie a explosé parce qu’une élite déconnectée a ignoré trop longtemps les souffrances des masses.

Même la révolution américaine a été programmée pour éviter une révolte de la classe ouvrière contre l’oligarchie de l’époque.

Et pourtant, les milliardaires d’aujourd’hui – assis sur une richesse si vaste qu’elle défie l’entendement – semblent penser qu’ils sont immunisés contre les leçons de l’histoire.

Ce n’est pas le cas.

Une société ne peut supporter qu’une quantité limitée d’extraction

Le problème n’est pas seulement que les riches accumulent des quantités obscènes de richesses, mais aussi qu’ils les extorquent à tous les autres à un rythme de plus en plus rapide.

Imaginez un peu :

– Les salaires réels sont en baisse depuis des décennies en raison de l’inflation et de la suppression des droits du travail par les entreprises.

– Le logement est devenu inabordable dans presque toutes les grandes villes, car les milliardaires et les sociétés d’investissement achètent des propriétés pour gonfler le marché.

– Les soins de santé restent un privilège, et non un droit, et des millions de personnes meurent chaque année de causes évitables, simplement parce qu’elles n’ont pas les moyens de se soigner.

– La sécurité de l’emploi a pratiquement disparu, remplacée par le travail à la carte et les emplois instables et mal rémunérés.

À un moment donné, les gens craquent. Ils se rendent compte qu’en travaillant plus dur, ils ne parviendront jamais à combler le fossé. Ils comprennent que leurs enfants grandissent dans un système qui leur offre des opportunités, une sécurité et un avenir pires que ceux de leurs parents. Et lorsqu’un nombre suffisant de personnes parviennent à cette prise de conscience, le contrat social se dissout entièrement.

Quand la société s’effondre, elle s’effondre partout

L’étude du King’s College estime que les effets de l’inégalité des richesses se feront sentir dans le monde entier d’ici dix ans. Il ne s’agit pas d’un problème propre à un pays ou à une économie, mais d’un effondrement systémique qui ne demande qu’à se produire.

– Les troubles civils exploseront à mesure que l’instabilité financière s’aggravera, les manifestations, les grèves et les émeutes devenant plus fréquentes et plus intenses.

– L’autoritarisme montera en flèche, les gouvernements réprimant la contestation pour protéger les intérêts des entreprises et des grandes fortunes.

– La polarisation politique s’accentuera, alimentée par la frustration, la désinformation et la croyance artificielle que les « guerres culturelles » sont plus importantes que l’injustice économique.

– Les inégalités s’aggraveront, car les riches réagiront en accumulant encore plus de richesses, mais aussi de ressources telles que la terre, l’eau et même des produits de première nécessité comme la nourriture et les médicaments.

Il ne s’agit pas d’une théorie du complot.

Ce n’est pas une hyperbole.

C’est une réalité qui se dessine déjà. Les milliardaires ont passé les deux dernières décennies à renforcer leurs positions, s’assurant que lorsque l’inévitable effondrement se produira, ils seront à l’abri, et pas vous.

La question n’est pas de savoir si la société va s’effondrer sous ce niveau d’inégalité.

La question est de savoir quand.

Ce qu’il faut retenir – L’effondrement n’est pas un défaut, c’est le plan.

Si vous êtes arrivé jusqu’ici, vous connaissez déjà la vérité : ce n’est pas le capitalisme qui échoue. C’est le capitalisme qui réussit exactement comme prévu.

Les riches ne se démènent pas pour éviter l’effondrement. Ils s’en réjouissent, car ils savent qu’ils seront les seuls à rester debout. Alors que le reste d’entre nous est invité à « se sacrifier » et à « se serrer la ceinture », les milliardaires construisent des bunkers, achètent des îles privées et accumulent des ressources en prévision de la dystopie qu’ils voient venir.

Et pourquoi ne le feraient-ils pas ? Ils ont construit ce système pour s’assurer que, lorsque tout s’effondrera, ils seront intouchables.

Le mythe du « bon milliardaire »

On nous sert des contes de fées sur les riches. On nous dit qu’au fond d’eux-mêmes, ils se sentent concernés – que peut-être l’un d’entre eux interviendra et nous « sauvera ». Que peut-être, juste peut-être, si nous les convainquons de « rendre la pareille », les choses changeront.

C’est un mensonge.

Si les milliardaires voulaient vraiment empêcher l’effondrement, ils pourraient mettre fin à la faim dans le monde demain et rester plus riches que 99,9 % de l’humanité. Ils pourraient financer de vraies solutions climatiques, construire des logements abordables et payer des salaires équitables – et ils ne le sentiraient même pas.

Mais ils ne le font pas.

Parce que leur objectif n’est pas de réparer le système. Leur but est d’en extraire le plus possible, le plus vite possible, avant que tout ne s’écroule.

Pourquoi la rhétorique « Plus de bébés » est une escroquerie

Récemment, les hommes politiques et les chefs d’entreprise ont crié à la baisse des taux de natalité. Ils supplient les gens d’avoir plus d’enfants, avertissant que sans une nouvelle génération de travailleurs, l’économie s’effondrera.

Ne soyez pas dupes.

Il ne s’agit pas de l’avenir de la société, mais de créer plus de travailleurs à exploiter avant l’effondrement. La classe dirigeante ne veut pas plus de bébés parce qu’elle se soucie des familles ou de la stabilité nationale. Elle veut une nouvelle réserve de main-d’œuvre, plus de corps à presser pour le profit, plus de travailleurs désespérés pour faire tourner sa machine à richesse juste un peu plus longtemps.

Tout cela fait partie de la même escroquerie : convaincre les gens que leurs difficultés économiques sont des échecs personnels plutôt que le résultat d’un système truqué. Leur faire croire que les milliardaires ont « gagné » leur richesse. Leur vendre le fantasme d’une mobilité ascendante tout en s’assurant qu’elle est hors de portée. Et quand tout s’effondre ?

Blâmer n’importe qui, sauf les vrais coupables.

La dure vérité : il n’a jamais été question de vous

Ce système n’a jamais été conçu pour le citoyen moyen. Les milliardaires, les conseils d’administration des entreprises et les hommes politiques qui ont conçu ce désastre ne sont pas seulement indifférents à votre souffrance, ils en tirent profit.

– Ils savaient que les banques n’allaient pas financer les solutions climatiques.

– Ils savaient que les milliardaires continueraient à thésauriser pendant que le reste du monde s’effondrerait.

– Ils savaient que l’inégalité des richesses atteindrait un point de rupture.

Et ils n’y ont pas mis fin. Parce qu’ils n’en ont jamais eu l’intention.

Et maintenant ?

C’est la question à se poser. Que se passe-t-il lorsque l’effondrement n’est plus une menace lointaine, mais une réalité quotidienne ?

Nous sommes sur le point de le découvrir.

Et ceux qui nous ont conduits là – ceux qui s’enrichissent à chaque seconde – comptent sur vous pour ne rien faire.