Paul Blume
Avec la campagne électorale pour le scrutin de ce 9 juin, revient le mantra « Non à l’écologie punitive ».
Cela colle au ressenti de groupes sociaux divers, c’est repris en chœur, en mode bashing des politiques dites vertes.
Or, s’il est une critique à adresser aux participations des écologistes à la législature qui se termine, c’est bien l’inverse.
Ce n’est pas d’avoir proposé des mesures encore très insuffisantes au regard de la réalité des niveaux de préhension et de pollution qui est critiquable, mais d’avoir édulcoré les exigences environnementales et climatiques.
La faute ne réside pas dans le fait d’avoir promu des législations jugées inconfortables pour la croissance économique et les écarts sociaux, mais d’avoir promu la possibilité d’une croissance vertueuse adaptable aux contraintes liées à la dégradation de plus en plus rapide des conditions de la vie sur terre.
Continuer, dans le chef des partis écologistes, de prétendre à la possibilité d’une croissance verte est non seulement contre-productif politiquement, mensongé sur le plan scientifique, mais aussi extrêmement nuisible pour l’humanité.
L’enjeu est la prise de conscience de la dystopie que nous sommes en train de vivre.
Pour mesurer l’énormité des efforts à réaliser pour permettre aux générations futures de tout simplement vivre, on peut s’appuyer – par exemple – sur les calculs des efforts proposés pour empêcher le réchauffement climatique de dépasser une limite « acceptable ».
A la sortie des accords de Paris de 2015, on évaluait l’effort de la décroissance nécessaire du recours aux énergies fossiles à minimum 2 % sur base annuelle.
Ce qui signifiait déjà d’imposer une trajectoire exponentielle négative à l’ensemble des activités économiques plus ou moins corrélées aux émissions de gaz à effet de serre.
Pour en faire une description simpliste, cela impliquait une réduction immédiate de l’usage des charbon, gaz et pétrole quels qu’en soient les usages. De l’extraction de matières premières aux transports en passant par les régulations calorifiques, l’agriculture ou le refroidissement de centres de données numériques.
En reprenant ces objectifs climatiques, on comprend vite le lien qu’il y a entre le fonctionnement de notre système économique, les quantités d’énergies et de ressources requises, les taux des pollutions diverses d’un côté, et l’évolution de la croissance (PIB) de l’autre.
Dans les milieux favorables à la priorisation de la croissance économique, on évoque, propose, affirme qu’il est possible de sortir de cette équation mortifère entre activités humaines et les taux de pollutions, l’effondrement de la biodiversité, l’explosion des risques climatiques, etc.
Mais, le réel n’a que faire de ces illusions.
Aujourd’hui, pour rester dans l’objectif d’un taux net zéro d’émissions des gaz à effet de serre en 2050, et compte tenu de la faiblesse des efforts réalisés depuis 2015, ceux-ci sont actuellement évalués à bien plus de 5 % (pour simplifier l’exemple).
Soit, pour reprendre la description simpliste précédente, une exigence de diminuer de minimum 1 unité sur 20 chaque année l’usage des charbon, gaz ou pétrole.
Soit, une diminution d’autant du recours aux énergies fossiles pour toute activité liée à leurs usages. Travail, loisir, santé, déplacements, tous les aspects de nos vies sont concernés.
Que cette exigence ne soit pas compatible avec nos souhaits d’équité sociale, d’investissement dans la santé ou nos envies de vacances n’y change strictement rien.
Hurler contre un mur parce qu’il est un mur est inutile.
L’adaptation aux limites planétaires, aux limites constatées scientifiquement à l’expansion des activités humaines n’a rien d’un choix. C’est un impératif incontournable. Qui nous sera de toute façon imposé.
Ce qui devrait occuper les politiques et les opinions publiques, c’est comment amortir les chocs en cours. Comment assurer une répartition équitable des efforts de sobriété.
Préservons ce qui peut l’être en vue d’une stabilisation des conditions de vie au moins bas possible.
Arrêtons de sacrifier des ressources à des usages non-essentiels. Ressources qui pourraient bien s’avérer vitales dans un avenir proche pour des usages existentiels.
Un exemple ? L’eau.
Celle qui, quand elle est potable, nous est indispensable. Mais aussi plus généralement le cycle de l’eau. Les quelques mois qui viennent de passer montrent comment et combien les perturbations du cycle de l’eau pourraient peser sur l’alimentation mondiale.
Les écolos ne sont pas critiquables d’avoir voulu être punitifs.
Mais bien coupables d’avoir voulu, en conscience, privilégié l’optimisme, le positivisme, la croissance plutôt que la promotion de politiques adaptées aux urgences documentées par la science.