Paul Blume
«L’éléphant est sur la table» se dit d’un sujet évident, important, voir incontournable, pour lequel les protagonistes développent des stratégies d’évitement. (*)
Malgré une période délétère qui a vu un Président fou tenter de bloquer l’application des accords de Paris sur le climat (2015 – lien), la thématique semble enfin être devenue une priorité mondiale.
Bien évidemment, des lobbies tentent d’inverser cette tendance. Mais l’heure est bien aux débats de politiques ambitieuses, tant au niveau international qu’européen.
Plans, lois, législations, accords, rencontres, conférences, … donnent une impression de compétition vertueuse.
Et voici nos pachydermes qui s’invitent. Trônant silencieusement sur les tables.
L’éléphant de Gaz.
Les gaz à effet de serre (GES) n’ont pas tous les mêmes caractéristiques. Certains disparaissent relativement rapidement. D’autres ont un impact plus important pour une quantité fortement moindre. Etc…
Et, pas de chance pour nous, les caractéristiques du dioxyde de carbone (CO2) sont telles que l’arrêt immédiat de leurs émissions n’impliquerait pas leur disparition à court ou moyen terme. La réponse du système n’est pas immédiate. L’inertie est telle que l’on parle de décennies entre émissions et impact sur le climat.
Ajoutons à cela que nous sommes déjà arrivés bien trop près du plafond de sa condensation au-dessus de nos têtes. Les scientifiques parlent d’une limite au-delà de laquelle le processus deviendra totalement incontrôlable.
Dit autrement, il ne s’agit pas d’avoir la meilleure des politiques acceptables, mais bien d’une obligation de résultat.
Nous ne jouons pas le chrono aux 100 mètres, mais la barre au saut à la perche.
Un effort un peu trop faible ? Échec total …
L’éléphant des Fossiles.
Le lien entre dioxyde de carbone et énergies fossiles implique que l’effort le plus important porte sur nos consommations de charbon, pétrole et gaz. Ce qui pose la question des alternatives et de la capacité de celles-ci à répondre à nos demandes en énergie.
Là aussi, le dossier semble en grande partie ignoré. Il n’y aura pas de substitution de sources d’énergie dans une proportion suffisante pour alimenter nos modes de vie actuels.
La démonstration est physique et non contestée.
Raison, peut-être, pour laquelle économistes et politiques l’ignorent ? S’abstiennent d’en parler et finissent par ne plus en tenir compte ? Quand ils la comprennent…
On continue donc à nous promettre à la fois une réduction drastique du recours aux fossiles et un accès abondant à l’énergie.
Incompétence ? Mensonge ? Évitement en tout cas.
L’éléphant découplage.
A chaque augmentation de point de croissance économique correspond une augmentation du recours aux énergies fossiles. Et ce malgré le recours à d’autres sources dites propres.
Si la corrélation n’est pas vérifiée à 100 % sur de courtes périodes, elle se révèle intransigeante sur le temps long.
La croissance des richesses, du bien-être reste intimement liée à l’accès aux énergies fossiles.
D’où la question du découplage. Comment et dans quelle mesure serions-nous capables de désolidariser la courbe de nos consommations d’énergies fossiles de la courbe de production de nos biens et services ?
Aujourd’hui, ce découplage est tellement réduit que personne ne prend le temps d’en expliquer l’importance. Encore un évitement.
Chaque applaudissement d’un point de croissance est un applaudissement à la consommation du fossile et par conséquent au réchauffement climatique.
Quand la croissance baisse, on n’applaudit plus. Souvenons-nous de l’année économique 2020 …
L’éléphant catastrophe.
Quand des scientifiques essaient de présenter les conséquences d’un réchauffement de plus de 2° ou 3°, la terminologie utilisée ne correspond rapidement plus à nos standards de confort.
Si l’importance de la thématique semble, enfin, prévaloir, l’appréciation de la réalité reste bien en-dessous des risques réels.
On parle de réductions drastiques des zones habitables, des terres cultivables, des zônes de pêche.
On parle de successions de plus en plus récurrentes de périodes extrêmement chaudes, voir mortelles.
On parle de successions d’inondations, de sécheresses, de catastrophes dites « naturelles ».
Et cela dans un avenir proche.
Le temps presse pour s’attaquer à la crise climatique, avertit l’ONU: « Nous sommes au bord du précipice ».(*)
Sur quelles tables ces éléphants ?
Ces éléphants, et d’autres évitements, trônent sur des tables diverses.
Celles des institutions internationales, des grands acteurs financiers, de l’Europe, des Etats-Unis, des pays riches et de leurs plans de croissance, leurs accords commerciaux internationaux, leurs investissements planétaires,…
Celle de la France de Macron dont le traitement des propositions de l’assemblée citoyenne attire les foudres des écologistes français.
Celle des écologistes belges qui prônent les centrales au gaz et la 5G.
Incompétence ? Ignorance ? Peur ? Politiques à court terme ?