Bilan de santé

Pol Troshô

été 2022

Chère consœur,

Cher confrère,

Comme convenu, voici le bilan de santé de :

L’Humanité

Age : évalué à quelque 2,5 millions d’années (*).

Taille : en progression constante, la taille culmine actuellement à près de 8 milliards (*).

Poids : 287 millions de tonnes (*) – Excédent de poids : 18,5 millions de tonnes (*).

Historique des pathologies : guerres militaires et économiques (*), pandémies, épidémies & troubles sanitaires (*), Fièvres (*), Intempéries (*), Famines (*), Pauvreté (*), …

Pathologies majeures : perte de biodiversité (*), risques de Collaps (*), pollutions (*), perte de qualité de l’Eau (*), perte de Fertilité des sols (*), pression climatique exponentielle (*), dépérissement des Mers et Océans (*), état des Forêts (*), état de l’Amazonie (*), …

Dépendances pathogènes : dépendance aux énergies fossiles (*), aux plastiques (*), au pesticides (*), à la croissance (*), …

Thérapies fortement conseillées : décroissance (*), sobriété (*), un socle de subsistance (*), utiliser les Low-Tech (*), l’Agriculture biologique et la permaculture (*), …

Thérapies déconseillées (n’ont pas démontré leur efficacité – risques de perte de temps) : éco-socialisme (*), éco-féminisme (*), anti-capitalisme (*), écologie décoloniale (*), croissance verte (*), …

Expertises conseillées : ONU (*), GIEC (*), … Ressources complémentaires (*)

Recevez, chère consœur, cher confrère, l’expression de mes sentiments distingués.

Les (*) sont proposés par l’Observatoire


« Votre voyage est-il vraiment nécessaire ? »

OA - Liste
par Philippe DEFEYT, économiste

« Is your journey really necessary ? ».

Cette incitation à la responsabilité personnelle a figuré sur diverses versions d’une affichette collée dans les stations du métro londonien et les gares ferroviaires britanniques lors de la seconde guerre mondiale.


Quatre traits essentiels caractérisent une économie de guerre :

  1. Une part (beaucoup plus) importante des ressources nationales consacrée aux dépenses militaires.
  2. Une planification autoritaire de nombreuses activités.
  3. Un rationnement de certains produits.
  4. La recherche de l’autonomie là où c’est possible et d’un soutien extérieur là où c’est nécessaire.

L’expérience du Royaume-Uni en 1940-45 a montré toute l’importance du soutien populaire pour transformer en profondeur l’économie ; celle-ci a connu une croissance exceptionnelle (+21% entre 1938 et 1941!).

Tous les leviers possibles ont été activés pour porter ce gigantesque effort de guerre : du transfert massif de main-d’œuvre et équipements vers la production hautement stratégique de chasseurs de combat jusqu’à la promotion de potagers de quartier (les fameux Victory gardens), de la fin d’activités comme la production de jouets à l’augmentation de 50% des surfaces cultivées, du recyclage massif jusqu’à des rationnements là où c’était incontournable (matières grasses, thé, lard, œufs…), des changements massifs des consommations alimentaires (beaucoup moins de viande et beaucoup plus de pommes de terre) aux petites économies quotidiennes…

Au total, selon l’historienne Lizzie Collingham, « la Grande-Bretagne termina la guerre avec une population mieux nourrie et en meilleure santé que dans les années 1930 et avec des inégalités nutritionnelles réduites. »

Il semble que « le système de rationnement resta populaire jusqu’à la fin de la guerre, 77 % des Britanniques s’en déclarant satisfaits en 1944 » ; Jean-Baptiste Fressoz considère que c’est « parce qu’il était perçu comme juste (même si les riches avaient accès aux restaurants de luxe qui échappaient au rationnement). »

Le secteur des transports n’a pas échappé aux contraintes d’une économie de guerre. Les orientations prises montrent l’étendue de la palette de mesures possibles : augmentation du volume du fret transporté, suppression de certains trajets (par exemple les traditionnels trains de vacances vers les côtes), priorité aux transports de ressources essentielles, rationnement puis arrêt des livraisons de carburants pour les voitures individuelles (un ménage sur dix était motorisé), unité de management des compagnies ferroviaires, retrait de voitures-restaurant pour décourager certains déplacements mais aussi le maintien de services de transport de personnes, certes bondés mais sans rationnement (sauf au tout début de la guerre) ; c’est ici que l’appel à la responsabilité évoqué en début de chronique prend tout son sens.

Nous sommes en guerre aussi, mais notre société n’est pas prête à l’assumer et donc à faire les efforts nécessaires. Cette guerre c’est celle de la transition écologique et et du défi climatique en particulier ; elle est, en outre, pour un temps, compliquée par la guerre militaire en Ukraine et ses conséquences.

La comparaison avec l’expérience de la seconde guerre mondiale est riche d’enseignements, même s’il faut éviter des lectures par trop orientées.

Trois conditions apparaissent comme essentielles pour réussir « un effort de guerre » :
• le sens de l’urgence et de la nécessité d’agir est la base de la dynamique sociétale ;
• des leaders inspirés sont indispensables, qui doivent travailler ensemble (sans nier pour autant des divergences de vues) ;
• on ne peut en sortir sans une bonne dose de planification et d’orientations et priorités fortes, claires, évidentes.

Une fois ces conditions rencontrées, tous les moyens sont bons à mobiliser, petites ou grandes mesures, coercitives et incitatives. On notera encore, dernier enseignement, que cette période sombre a été traversée grâce à des mesures équitables, vécues comme telles ; elle a de ce fait pavé le chemin vers un état-providence renouvelé.

A la lecture de ces enseignement on peut dire, à l’instar de François Gemenne, que « c’est mort » . Certainement, mais qu’elle soit offensive (économies d’énergies carbonées) ou défensive (lutte contre les retombées du réchauffement), cette guerre doit de toute manière être menée et gagnée.

Est-ce vraiment si difficile de planifier les programmes publics pour donner la priorité aux investissements énergétiques (offensifs comme défensifs) ; tous les investissements publics (ronds-points, maisons communales, nouvelles maisons de repos…) sont-ils indispensables à court-moyen terme, surtout quand il y a pénuries de capacités de production ? Est-ce vraiment si difficile d’orienter les productions agricoles ? Est-ce vraiment si difficile de recentrer les budgets sociaux sur une allocation logement-énergie ? Est-ce vraiment si difficile d’activer des mesures quick-win comme la limitation des vitesses sur routes et autoroutes ? Est-ce vraiment si difficile de mobiliser de manière forte toutes les ressources organiques possibles pour faire du bio-gaz ? Est-ce vraiment si difficile d’engager les wallons à économiser l’eau dès à présent ? Est-ce vraiment si difficile de limiter les déchets ? Est-ce vraiment si difficile de simplifier radicalement procédures, démarches… pour permettre à chacun de se concentrer sur l’essentiel ? Est-ce vraiment si difficile de consommer moins de viande ou de renoncer à certains déplacements accessoires ?

Il semble que oui, malheureusement.


Cet article est paru précédemment dans l’Echo

"2022 est l’année lors de laquelle on a dépassé deux nouvelles limites planétaires cette année, et désormais 7 des 9 limites planétaires sont dépassées : celles du réchauffement climatique, de la biodiversité, de l’affectation des sols, l’eau douce, phosphore et azote, celle des polluants environnementaux. Et on est aussi très proche de l’acidification....
Dans ce 22ème épisode, j’ai eu la chance de sortir de ma zone de confort et de parler macroéconomie avec Antoine Godin. Le sujet central de notre discussion était la soutenabilité forte. Nous avons approché ce sujet d’abord par l’angle de l’impact sur le PIB du changement climatique pour ensuite parler des vulnérabilités des différents pays à une transition bas carbone. Nous avons également parlé des COP et des fameux CDN (contribution déterminée au niveau national). Antoine Godin est Économiste et Modélisateur, son expertise se concentre sur les liens entre le climat et l’économie. Il est chargé du programme de développement et de suivi de l’outil de modélisation macroéconomique GEMMES. Mis au point par l’AFD, celui-ci intègre les risques économiques et financiers liés aux dérèglements climatiques et à la raréfaction des ressources. Antoine Godin a un diplôme d’ingénieur en mathématiques appliquées de l’Université catholique de Louvain et un doctorat en Sciences économiques de l’université de Pavie (Italie).
Pour Francesco Contino (UCLouvain), la crise énergétique montre une nouvelle fois que le monde ne peut plus continuer comme avant. Même s’il faut renoncer à une part de notre confort.
La présidente de la Commission Européenne vient d’annoncer la création d’une « banque de l’hydrogène » pour bâtir le socle énergétique de l’économie européenne du futur. Mais qu’entend-on par « hydrogène vert » ou « hydrogène bleu » ? Quelles sont ses propriétés ? comment le produit-on ? Où en est le développement industriel de la filière ? 40 minutes pour y voir clair avec la professeure de chimie Aurore Richel (ULiège), le professeur de thermodynamique et spécialiste de la transition énergétique Francesco Contino (UCLouvain) et une visite chez John Cockerill, entreprise liégeoise en pointe dans le développement des électrolyseurs « nouvelle génération » nécessaires à la synthétisation de l’hydrogène vert.
Il y a le feu, les prix de l’énergie flambent. Le gouvernement a donc décidé de jouer les pompiers : le Premier ministre a convoqué un codeco énergie ce mercredi. Il n’est pas dit qu’il en sortira déjà des actions concrètes, mais le Premier ministre en a déjà égrené une série. La ministre de l’Énergie aussi. L’attirail des hommes et femmes du feu est-il adéquat ? Nous passons en revue les différentes mesures évoquées avec un économiste, Etienne de Callataÿ, professeur d’économie à l’UNamur, et un professeur spécialisé en énergie à l’École polytechnique de l’UCLouvain, Francesco Contino.
Dans ce seizième épisode, mon invitée est Professeure Sophie Opfergelt. Elle m’a emmené dans le grand nord à la découverte du permafrost. Nous avons parlé de notre budget CO2 et de l’impact du permafrost sur celui-ci. Pas de bonnes nouvelles en perspective. Sophie Opfergelt a une license en géologie de la faculté des sciences à l’UCLouvain. Elle a ensuite travaillé en exploitation minière et a enchainé avec une thèse de doctorat en tant qu’aspirante du FNRS mais cette fois en faculté de bioingéniérie. Elle a fait un postdoc à oxford en science de la terre. Depuis 2014, elle est chercheure qualifiée du FNRS et elle a récemment obtenu un financement prestigieux: une ERC Starting Grant pour le projet WeThaw dont on parle dans le podcast.
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Pour le professeur spécialisé en énergie, la question des émissions de CO2 est plus préoccupante que celle de la sécurité d’approvisionnement. Selon lui, les données sont sur la table : c’est au politique de faire un choix de société.