Climat : l’heure est grave

James Hansen

L’heure est grave : un des plus grands climatologues du monde, le docteur James Hansen, lance un cri d’alarme.

reprise d’un post paru sur le profil Facebook de Jean-Marc Jancovici rédigé par Adrien Couzinier


Texte original : A Formula to Keep the Science Flame Burning

8 juillet 2025, James Hansen

Les scientifiques qui voient et comprennent la menace doivent s’exprimer

Sensibilité climatique

Les trois méthodes d’analyse – paléoclimat, observations satellites et modélisation climatique – indiquent une sensibilité climatique nettement plus élevée que la meilleure estimation du GIEC de 3 degrés Celsius ; notre meilleure estimation est de 4,5 degrés Celsius.

Remarque : 4,5 °C se situe dans la plage très probable définie par le GIEC. « Sur la base de multiples sources de preuve, la plage très probable de la sensibilité climatique à l’équilibre est comprise entre 2 °C et 5 °C » (GIEC AR6 WG1 SPM A.4.4).

Inaction gouvernementale

Mes interactions avec le gouvernement révèlent des décennies d’échec pour prendre des mesures sensées, peu coûteuses, et efficaces pour répondre aux besoins énergétiques et au changement climatique. Le problème vient des intérêts financiers particuliers, notamment l’industrie des combustibles fossiles et le complexe militaro-industriel, qui influencent les politiques.

Militarisme

Le militarisme tend à créer des ennemis permanents et empêche la coopération mondiale nécessaire pour faire face au changement climatique.

La science elle-même est menacée aujourd’hui, d’une manière que je pensais désormais impossible : la tentative du président Trump de fermer les laboratoires climatiques et d’arrêter la collecte des données climatiques constitue une nouvelle menace qui mérite une attention particulière.

Les scientifiques qui voient et comprennent la menace doivent s’exprimer.

Expliquer ce cri d’alarme est simple : dépasser les +1,5°C va créer beaucoup, beaucoup de malheurs et monter au-delà va les augmenter pour chaque dixième de degré en +.

Avec une sensibilité climatique + élevée, ce franchissement de niveau de malheur supplémentaire va se faire assez rapidement.

De plus, il est très peu probable que nous puissions revenir en arrière. Cet état délabré risque donc de durer des siècles : nous devons l’éviter à tout prix.

(Extraits : par adrien Couzinier)


L’article original


Références


Le GIEC est-il trop optimiste ?

Reprise d’un post LinkedIn d’Hélène Grosbois – titre obsant

Comment expliquer que les scénarios du GIEC soient si en retard et si en dessous de la réalité ?

Hélène Grosbois

Les modèles climatiques utilisés par le GIEC, même les plus avancés tels CMIP6, intègrent les puits de carbone, mais le font de manière très incomplète et largement idéalisée.

Ces modèles incluent des composantes biogéochimiques du sol et océaniques qui simulent le cycle du carbone dans les océans à travers des processus tels que la photosynthèse du phytoplancton, la respiration, la reminéralisation, la sédimentation, et la circulation océanique profonde.

Cependant, ils s’appuient le plus souvent sur des paramètres calibrés à partir de moyennes historiques, en supposant une stabilité fonctionnelle du plancton océanique et de ses capacités de fixation du carbone. Ce qui est malheureusement faux.

Depuis plus d’un demi-siècle, des recherches scientifiques ont pourtant démontré un déclin massif et continu de la biomasse du sol et phytoplanctonique mondiale, avec une perte estimée en moyenne à 1% par an depuis les années 1950, comme l’a démontré l’étude de Boyce et al. publiée dans Nature en 2010, soit 70% en 70 ans, rien d’étonnant puisque ces ordres de grandeurs sont observés aussi sur la terre ferme pour les vertébrés et les invertébrés.

Ce déclin en lien avec les pesticides (*) est pourtant parfaitement connu et documenté depuis les années 70 (et avant en réalité). Les poisons toxiques que sont les pesticides, atteignent les milieux marins par ruissellement, transport atmosphérique, et affectent non seulement le Vivant qui fait du sol un puit de carbone, mais aussi la productivité du phytoplancton, et également la biodiversité et la dynamique du zooplancton qui en dépend autrement dit, pratiquement l’intégralité de la vie océanique.

Malgré la connaissance de ces effets dans certains rapports du GIEC, notamment le Rapport spécial sur l’océan et la cryosphère (SROCC, 2019), la dégradation continue de la pompe biologique à carbone n’est pas intégrée quantitativement dans les modèles climatiques globaux.

Autrement dit, les simulations utilisées pour établir les trajectoires climatiques futures reposent implicitement sur l’hypothèse que le puits océanique fonctionnera de manière relativement stable à moyen et long terme. Il n’existe à ce jour, dans les modèles de scénarisation du GIEC, aucun couplage dynamique explicite entre l’usage global des pesticides et la dégradation progressive du réseau trophique planctonique et du sol. Cela conduit à une surestimation de la capacité d’absorption des sols et des océans en CO₂ anthropique, et donc à une sous-estimation du réchauffement et/ou des risques de rétroactions.

Ainsi, l’extermination globale de la biodiversité et de ses puits de carbone associés par les pesticides n’est pas prise en compte.
Parce que, dois-je le préciser, exterminer le Vivant, c’est exterminer le climat.

Tout comme le Vivant est malade, nous sommes malades et les puits de carbone aussi sont malades, empoisonnés par les pesticides.




Climat : croire au miracle ne suffit pas

Le non-dépassement de 1,5 degré de réchauffement climatique global a toujours été une chimère

Paul Blume

Paris, décembre 2015 : objectif 2°C max. ! i

Lors de la COP21ii à Paris en décembre 2015, le Président français François Hollande, le ministre des affaires étrangères français Laurent Fabius (Président de la COP) et le secrétaire général des Nations-Unies Ban Ki-moon placent la barre de l’objectif de la conférence très haut. Il s’agit d’obtenir un accord autour d’un réchauffement contenu à + 2° maximum. Si possible à + 1,5° iii.

Le succès politique et diplomatique est sans égaliv. L’accordv sera signé.

Voici ce qu’en dit le regretté Hubert Reevesvi en 2016 :

«C’est un succès politique. Quand on sait la difficulté à se mettre d’accord dès que les participants à une discussion deviennent de plus en plus nombreux, c’est un véritable exploit que d’avoir réussi à obtenir un accord, le samedi 12 décembre 2015, des 195 États participant à la conférence. C’est donc une date historique. À la fois, contenir le réchauffement global de la planète sous le seuil de 2 °C, et surtout le maintenir à 1,5 °C, c’est un accord jugé ambitieux, et c’est un objectif irréaliste. Aucune mesure contraignante n’étant décidée, cet objectif ne pourrait être atteint que par miracle. Chacun sait que les miracles sont rarissimes. Donc croire au miracle ne suffira pas : il faudra, il faut agir.»vii

Tout est dit.

L’accord est très ambitieux. A la hauteur des enjeux. Mais l’objectif est irréaliste, dès le départ.

Dans un communiqué de l’AFP repris par la RTBF en 2016viii , on peut lire :

« La mention du 1,5°C dans l’accord a été un combat des pays les plus exposés au changement climatique, mais beaucoup d’experts doutent de sa faisabilité. »

Et aussi :

« L’accord ne comprend pas d’objectif contraignant décliné par pays, … Chaque pays s’est fixé ses propres objectifs de réduction des émissions pour 2025 ou 2030.».

« La réalisation de ces plans d’actions nationaux éviterait les catastrophiques +4/5°C prévisibles en l’absence de politiques climatiques, mais met encore la planète sur une trajectoire toujours extrêmement dangereuse de +3°C. »

« Dans l’accord, la première révision obligatoire est prévue en 2025, une date bien trop tardive pour respecter le 2°C. » (sic)

10 ans plus tard, la messe est dite.

La « première révision obligatoire » est sans appel. Après compilation des données les plus récentes, un groupe d’une soixantaine de scientifiques publie une mise à jour d’indicateurs clés du système climatiqueix.

Voici ce qu’en dit Valérie Masson-Delmottex, l’une des participantes à ces travaux :

« Le budget carbone résiduel pour limiter le réchauffement à 1,5°C avec 50% de chance s’épuise rapidement (…) et correspond à environ 3 ans d’émissions de CO2 au niveau actuel (130 Gt). C’est un rappel à la réalité des faits : les efforts engagés depuis l’Accord de Paris (il y a 10 ans) n’ont pas été suffisants pour limiter le réchauffement à 1,5°C. » xi

Si ce constat met fin à l’objectif de rester sous les 1,5° de réchauffement, il reste intéressant de se souvenir que sa faisabilité n’était pas consensuelle.

Dix années d’alertes

Et cela dès 2015xii.

Sylvestre Huetxiii écrit dans Le Monde à propos de ce qu’il appelle l’ouverture [politique] aux pays vulnérables :

« C’est probablement une erreur. Parce qu’elle ne s’appuie pas sur une analyse scientifique et débouche, pour cette raison, sur une impasse. Il n’y a rien de pire qu’un objectif chiffré et précis, mais inatteignable, dans un combat de long terme. A ne pas confondre avec une utopie mobilisatrice. Or, ce que disent les scientifiques, comme le climatologue Jean-Louis Dufresne du Laboratoire de météorologie dynamique (Institut Pierre Simon Laplace), c’est que les 1,5°C sont déjà dans l’atmosphère ».

Et de continuer par :

« Même un hara-kiri général ne permet pas de respecter 1,5°C… ».

« …, même si, hypothèse d’école, totalement farfelue et irréaliste, les hommes cessaient demain matin d’émettre tout gaz à effet de serre – pour cela il faudrait que nous passions tous de vie à trépas sans délai – la température de la planète continuerait de s’élever de quelques trois dixièmes de degré. »xiv.

2018Parution du rapport GIEC sur les impacts et les trajectoiresxv

La parution en 2018 du rapport du GIEC sur les effets d’un réchauffement de 1,5 °C des températures mondiales [re] montre la taille des enjeuxxvi et déjà premiers les manquements aux engagementsxvii tombent.

Pour certains « Il est encore possible de faire le nécessaire pour rester en dessous, ou en tout cas de le dépasser à peine puis d’y revenir »xviii, d’autres évoquent « l’illusion démobilisatrice du scénario à 1,5°C »xix.

En 2020, cinq années à peine après les accords de Paris, émane du monde académique une inquiétude fondamentale avec une lettre publique explicite :

« Seule une discussion sur l’effondrement permettra de s’y préparer »xx.

« En tant que scientifiques et universitaires du monde entier, nous appelons les décideurs politiques à s’engager ouvertement face au risque de perturbation, voire d’effondrement, de nos sociétés. Cinq ans après l’accord de Paris sur le climat, nous n’avons pas réussi à réduire nos émissions de carbone, et nous devons maintenant en tirer les conséquences. »

Toujours en 2020, la baisse des activités humaines liée au Covid19 entraîne réduction des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) qui ne durera pas.

« Ça y est, le monde est de retour à l’avant-Covid-19 pour les émissions de GES »xxi écrit Yohan Demeure au début de l’année suivante.

En 2021, des scientifiques de renom mettent en garde contre « l’effroyable avenir au niveau de l’extinction de masse » et le dérèglement climatiquexxii.

Et d’affirmer :

« que le monde ne saisit pas l’ampleur des menaces que constituent la perte de biodiversité et la crise climatique. La planète est confrontée à un « avenir épouvantable d’extinction de masse, de déclin sanitaire et de bouleversements climatiques », qui menacent la survie de l’humanité en raison de l’ignorance et de l’inaction… ».

« les gens n’ont toujours pas saisi l’urgence des crises de la biodiversité et du climat. »

Le 1er août 2022, dans une revue scientifique américainexxiii un collectif des climatologues réputés affirme :

« …il existe de nombreuses raisons de penser que le changement climatique pourrait entraîner une catastrophe mondiale. L’analyse des mécanismes à l’origine de ces conséquences extrêmes pourrait contribuer à galvaniser l’action, à améliorer la résilience et à informer les politiques, y compris les réponses d’urgence. »xxiv.

Toujours en 2022, des chercheurs identifient « 425 « bombes carbone » qui pourraient réduire à néant la lutte contre le dérèglement climatique »xxv. Selon ces travauxxxvi, ces projets, s’ils étaient menés à terme, pourraient à eux seuls dépenser le budget carbone déterminé à la conférence de Paris.

En 2023, James Hansenxxvii, figure emblématique de la recherche sur le climat aux États-Unis, prévient déjà du dépassement inévitable des 1,5° degrèsxxviii.

Ce qu’évoque également Xavier Fettweisxxix :

« Pour la première fois depuis l’ère préindustrielle (1850-1900), le fameux seuil de +1.5°C a été atteint ou presque (+1.48°C signalé par Copernicus (*) à l’échelle globale pulvérisant le précédent record (2017) de +0.17°C. Depuis juillet 2023, c’est en fait tous les jours ou presque que la température bat les précédents records journaliers avec des anomalies à l’échelle globale atteignant parfois les +2°C ces derniers mois. »xxx.

La dichotomie entre les discours volontaristes (on y arrivera) et réalistes (on n’en fait pas assez) continuera et prendra une tournure politique en 2023 en France avec le plan d’adaptation à un réchauffement de 4° à la fin du siècle.

Sur le blog du think tank « Terra Nova », Marine Braudxxxi questionne :

« Adapter la France à +4°C : lubie politique ou nécessité fondée sur la science ? ».

Et d’évoquer les réactions :

« Scandale chez certains dans l’opposition qui reprochent au ministre d’abandonner l’atténuation, incompréhension chez quelques partenaires internationaux qui s’interrogent sur ce que cela signifie des ambitions de la France dans la baisse des émissions de gaz à effet de serre, mais… large soutien de la sphère environnementale, des ONG aux scientifiques. Ils considèrent en effet que la responsabilité du Gouvernement est bien de regarder en face la réalité du changement climatique et de préparer le pays à affronter ses conséquences, tout en faisant tout pour réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre et limiter ainsi le réchauffement que nous aurons à subir. »xxxii.

Mais, que pense la communauté scientifique de l’avenir climatique? C’est la question que The Guardianxxxiii a posé à 380 climatologues de renom.

« Terrifiés mais déterminés à continuer à se battre »xxxiv écrit Damian Carrington en mai 2024.

Toujours sous la plume de Damian Carrington dans The Guardianxxxv des experts affirment « … que de nombreux signes vitaux de la Terre ont atteint des records extrêmes […] l’avenir de l’humanité est en jeu ! »xxxvi.

Avons-nous atteint « Le Point de Non-Retour » ? C’est la question que pose Bill McGuirexxxvii dans un article intitulé : « À quel point le Monde est-il proche d’un changement climatique irréversible ? »xxxviii.

On peut y lire : « Notre compréhension des points de basculement climatiques a considérablement évolué au cours des deux dernières décennies. Il y a vingt ans, ils n’étaient considérés comme des menaces sérieuses que si et quand un réchauffement global non atténué augmentait la température moyenne de la planète (par rapport à l’ère préindustrielle) de 4°C ou plus. Aujourd’hui, nous savons que des éléments essentiels du système climatique pourraient basculer à la suite d’une augmentation de la température mondiale d’un peu plus de 1°C… »

Chaque dixième de degré compte

Notre avenir climatique pourrait être comparé à une épreuve de saut en hauteur.

Quels que soient les efforts fournis, si la barre tombe, l’essai est recalé.

Mais, au lieu de descendre la barre pour le saut suivant, la hauteur de la barre (la taille de l’effort à réaliser) est relevée ! L’objectif suivant devient le dixième de degré supérieur.

Et plus le temps passe, plus la taille de l’effort augmente pour des résultats escomptés – en terme de viabilité planétaire – de moindre qualité.

Les « limites planétaires » sont biens réelles ! xxxix

2025, l’année Trump …

Sauf à vivre en dehors de toute information, il est difficile de ne pas se rendre compte que l’année a mal commencé.

Dès janvier « Donald Trump a amorcé … une marche arrière toute dans la lutte contre le changement climatique, mettant en péril les efforts mondiaux pour le freiner. »xl.

Parmi les mesures prises, celles qui s’attaquent directement à la science en général, à celle du climat en particulier.

« L’administration Trump supprime le soutien à la recherche scientifique aux États-Unis et à l’étranger qui contient un mot qu’elle trouve particulièrement gênant, à savoir « climat « », écrit Oliver Milman dans The Guardianxli dès le mois de février.

et de la désinformation

Et comme si l’ensemble du panorama n’était pas déjà fort sombre, il faut compter avec une désinformation de taille XXL. Contre laquelle « la résistance s’organise enfin », écrit Eva Morel fin mars : « Au Brésil, à quelques mois de la COP30, la naissance d’une coalition mondiale de lutte contre la désinformation climatique » xlii.

Non, croire au miracle ne suffira pas.

A l’évidence, les efforts à consentir pour limiter le réchauffement ne sont pas à l’agenda.

Une réelle limitation des activités économiques fortement génératrices de gaz à effet de serre ne fait partie d’aucun business plan, d’aucun programme politique.

L’assise électorale des causes environnementales s’est rétrécie.

L’émergence d’une conscience collective suffisamment large des enjeux se fait attendre.

SUV, voyages en avion, intelligence artificielle, … les consommations non-indispensables explosent.

En 2023, James Hansen, déclarait :

« Les vagues de chaleur record qui ont frappé les États-Unis, l’Europe, la Chine et d’autres pays ces dernières semaines ont renforcé « le sentiment de déception que nous, scientifiques, n’ayons pas communiqué plus clairement et que nous n’ayons pas élu des dirigeants capables d’une réponse plus intelligente ».

« Cela signifie que nous sommes de sacrés imbéciles », a déclaré M. Hansen à propos de la lenteur de la réponse de l’humanité à la crise climatique. « Nous devons y goûter pour y croire « .xliii

Difficile de lui donner tort.


i https://obsant.eu/entrees/20150922paris2degre.pdf

ii https://fr.wikipedia.org/wiki/Conf%C3%A9rence_de_Paris_de_2015_sur_les_changements_climatiques

iii https://www.lemonde.fr/planete/article/2015/06/05/rechauffement-le-seuil-limite-des-2-c-est-trop-eleve_4647811_3244.html

iv https://obsant.eu/entrees/20151214_2015tournant.pdf

v https://obsant.eu/entrees/20151212cop21accordasignerFR.pdf

vi https://obsant.eu/une-signature/?aut=Hubert%20Reeves

vii https://obsant.eu/entrees/20160513reeves.pdf

viii https://www.rtbf.be/article/climat-a-quoi-s-engagent-les-signataires-de-l-accord-de-paris-9447343

ix https://www.earth-system-science-data.net/about/news_and_press/2025-06-19_indicators-of-global-climate-change-2024-annual-update-of-key-indicators-of-the-state-of-the-climate-system-and-human-influence.html

x https://obsant.eu/valerie-masson-delmotte/

xi https://www.linkedin.com/posts/val%C3%A9rie-masson-delmotte-b03926206_bonjour-avec-60-scientifiques-de-54-institutions-ugcPost-7341428396897271809-qYrd/

xii https://obsant.eu/entrees/20131202cop21limiterhorsportee.pdf

xiii https://obsant.eu/sylvestre-huet/

xiv https://obsant.eu/entrees/20151204_cop21_2ou1_5.pdf

xv https://obsant.eu/entrees/20181024giec.pdf

xvi https://obsant.eu/entrees/20181008giec5.pdf

xvii https://obsant.eu/entrees/20181102europe.pdf

xviii https://obsant.eu/entrees/20181010giec6.pdf

xix https://obsant.eu/entrees/20181102giec.pdf

xx https://obsant.eu/blog/2020/12/08/seule-une-discussion-sur-leffondrement-permettra-de-sy-preparer/

xxi https://sciencepost.fr/ca-y-est-le-monde-est-de-retour-a-lavant-covid-19-pour-les-emissions-de-ges/

xxii https://obsant.eu/blog/2021/01/19/des-scientifiques-de-renom-mettent-en-garde/

xxiii https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2108146119

xxiv https://obsant.eu/blog/2022/08/03/climate-endgame/

xxv https://obsant.eu/entrees/20220515co2.pdf

xxvi https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0301421522001756?via%3Dihub

xxvii https://obsant.eu/james-hansen/

xxviii https://obsant.eu/blog/2024/01/12/le-rechauffement-de-la-planete-depassera-le-seuil-de-15c-cette-annee-selon-un-ancien-scientifique-de-la-nasa/

xxix https://obsant.eu/xavier-fettweis/

xxx https://obsant.eu/blog/2024/04/15/2023-records-climatiques/

xxxi https://tnova.fr/contributeurs/marine-braud/

xxxii https://tnova.fr/ecologie/climat/adapter-la-france-a-4-c-lubie-politique-ou-necessite-fondee-sur-la-science/

xxxiii https://www.theguardian.com/environment/ng-interactive/2024/may/08/hopeless-and-broken-why-the-worlds-top-climate-scientists-are-in-despair

xxxiv https://obsant.eu/blog/2024/05/14/terrifies-mais-determines/

xxxv https://www.theguardian.com/environment/2024/oct/08/earths-vital-signs-show-humanitys-future-in-balance-say-climate-experts

xxxvi https://obsant.eu/blog/2024/10/15/signes-vitaux/

xxxvii https://billmcguire.substack.com/p/the-point-of-no-return-how-close

xxxviii https://obsant.eu/blog/2024/10/25/le-point-de-non-retour/

xxxix https://sciencepost.fr/le-point-de-rupture-de-la-septieme-limite-planetaire-a-ete-frole/

xl https://www.connaissancedesenergies.org/afp/trump-annonce-une-marche-arriere-toute-sur-laction-climatique-250120-0

xli https://obsant.eu/blog/2025/02/26/trump-casse-le-climat/

xlii https://vert.eco/articles/au-bresil-a-quelques-mois-de-la-cop30-la-naissance-dune-coalition-mondiale-de-lutte-contre-la-desinformation-climatique

xliii https://obsant.eu/blog/2023/07/20/nous-sommes-des-imbeciles/



Guerre nucléaire versus réchauffement climatique

L’opinion de Mark Lynas – deepltraduction Josette – un article de Damien Gayle paru dans The Guardian

Pourquoi la guerre nucléaire, et non la crise climatique, est la plus grande menace qui pèse sur l’humanité, selon Mark Lynas

Mark Lynas a passé des décennies à faire pression pour que l’on agisse sur les émissions de gaz à effet de serre, mais il affirme aujourd’hui que la guerre nucléaire est une menace encore plus grande.

Damien Gayle

Le dérèglement climatique est généralement présenté comme la menace la plus importante et la plus urgente que l’homme fait peser sur l’avenir de la planète aujourd’hui.

Mais qu’en serait-il s’il existait une autre menace, plus grave, causée par l’homme et susceptible d’anéantir non seulement la civilisation humaine, mais aussi la quasi-totalité de la biosphère, en un clin d’œil ?

À l’heure où vous lisez ces lignes, environ 4 000 armes nucléaires sont prêtes à effectuer une première frappe dans l’hémisphère nord, soit une puissance de feu atomique suffisante pour tuer jusqu’à 700 millions de personnes rien qu’avec les explosions et les brûlures.

Et ce n’est qu’un début. Les explosions et les incendies – sans précédent sur Terre depuis la collision avec la comète qui a entraîné l’extinction massive du Crétacé – enverraient suffisamment de suie dans la stratosphère pour recouvrir le globe d’une ombre impénétrable. L’absence de lumière signifie l’absence de photosynthèse, qui est à la base des réseaux alimentaires planétaires. Sans chaleur, la surface de la Terre plongerait dans un hiver glacial qui durerait des années.

Tel est le message de Mark Lynas, un écrivain britannique qui, depuis vingt ans, s’efforce d’aider les gens à comprendre la science du dérèglement climatique tout en les incitant à prendre des mesures pour réduire les émissions de carbone. Mais après trois ans de recherche pour un nouveau livre, publié le mois dernier, il considère maintenant que la guerre nucléaire est une menace encore plus grande.

« Il n’existe aucune possibilité d’adaptation à la guerre nucléaire », a déclaré M. Lynas. « L’hiver nucléaire tuera la quasi-totalité de la population humaine. Il n’y a rien à faire pour s’y préparer et rien à faire pour s’adapter lorsqu’il survient, parce qu’il se produit en l’espace de quelques heures.

« Il s’agit d’un risque existentiel bien plus catastrophique que le changement climatique. »

M. Lynas a commencé à travailler sur la guerre nucléaire en 2022, peu après l’invasion massive de l’Ukraine par la Russie. Comme beaucoup de personnes nées à l’époque de la guerre froide, il connaissait le concept de l’hiver nucléaire, c’est-à-dire l’impact environnemental probable d’un échange thermonucléaire mondial. Mais ce qui est ressorti de ses recherches est bien plus terrifiant.

Alors que le reste du monde oubliait progressivement la menace nucléaire, les chercheurs ont commencé à appliquer les nouveaux modèles de la science du climat – les mêmes que ceux utilisés pour prédire la menace croissante d’un dérèglement climatique – afin de comprendre ses implications dramatiques.

« L’incendie des villes est le mécanisme qui provoque l’hiver nucléaire », a déclaré M. Lynas. « La suie est transportée par des nuages pyrocumulonimbus – de gros nuages d’orage générés par les incendies – qui la pompent, comme une cheminée, dans la stratosphère.

« Une fois qu’elle a dépassé la tropopause, dans la stratosphère, il ne peut plus pleuvoir. Et comme elle est de couleur foncée, elle capte le soleil, se réchauffe et s’élève de plus en plus. Il fait probablement totalement noir à la surface pendant des semaines, voire des mois ».

La température descend rapidement en dessous du point de congélation. Et elle y reste pendant des années. « Il n’y aura plus jamais de récolte pour l’humanité. La nourriture ne poussera plus jamais. Le temps que le soleil réapparaisse et que les températures remontent, en l’espace d’une dizaine d’années, tout le monde sera mort. »

Quelle est la probabilité de ce scénario ? Personne ne serait assez fou que pour déclencher une guerre nucléaire ? En fait, selon M. Lynas, c’est possible. Après tout, les États-Unis ont utilisé des armes nucléaires contre des civils au Japon en 1945 et, depuis lors, le monde s’est trouvé à plusieurs reprises à quelques minutes d’une guerre nucléaire, que ce soit par accident ou par esprit de guerre.

Aujourd’hui, les États-Unis et la Russie ont adopté des doctrines de première frappe qui menacent d’utiliser des armes nucléaires même en cas d’attaques conventionnelles (la Chine, notamment, a une politique de « non-utilisation en premier »).

Pendant ce temps, les armes nucléaires continuent de proliférer. Les États-Unis et la Russie détiennent les arsenaux les plus importants, avec environ 12 000 armes à eux deux. La Chine est en train de rattraper son retard, avec un arsenal estimé à 500 armes en 2024. La Grande-Bretagne, la France, Israël, l’Inde, le Pakistan et la Corée du Nord sont également armés. L’Iran est apparemment sur le point de mettre au point sa propre arme, une étape que les observateurs craignent qu’il ne soit plus enclin à franchir après les attaques israéliennes de la semaine dernière. [l’article date d’avant l’opération Midnight Hammer]

Le risque d’erreur est également élevé. Si les systèmes d’alerte précoce américains se déclenchaient, la doctrine nucléaire américaine donnerait six minutes à Donald Trump pour décider s’il s’agit d’un problème (ce qui s’est déjà produit) ou pour réagir en conséquence. La Russie disposerait d’un système de « main morte » qui lancerait automatiquement des missiles balistiques au cas où ses propres structures de commande et de contrôle seraient désactivées.

Que peut-on donc faire ? Pour commencer, nous pourrions cesser de l’ignorer. M. Lynas appelle à la renaissance d’un mouvement antinucléaire d’une ampleur comparable à celle du mouvement climatique actuel, bien qu’il ait des critiques à formuler à l’égard des mouvements antérieurs de ce type.

« Du côté des réussites, il y avait des personnes très dévouées qui ont consacré toute leur vie à cette question, en très grand nombre », a-t-il déclaré. « Mais c’était aussi un mouvement politiquement très, très à gauche, très hippie, du type mouvement pour la paix – des espaces réservés aux femmes. Et ce genre de choses, bien sûr, signifie que toute personne politiquement centriste ou de droite n’est pas impliquée.

« Et si vous avez une base politique très étroite dans votre mouvement, vous aurez un taux de réussite très faible. »

Lynas rejette le désarmement nucléaire unilatéral, qu’il considère comme naïf, et soutient – contrairement aux précédents militants antinucléaires – que l’énergie nucléaire non seulement ne constitue pas une menace, mais qu’elle pourrait même être un avantage considérable pour la civilisation humaine, notamment en raison de son potentiel de production d’énergie à faible teneur en carbone.

Néanmoins, certaines de ses suggestions sont assez radicales, y compris le fait de traiter tous les membres de la chaîne de commandement des « neuf États nucléaires », depuis les dirigeants jusqu’au bas de l’échelle, comme des criminels de guerre potentiels, soumis à des restrictions légales et à des sanctions dans les États qui choisissent de ne pas détenir d’armes nucléaires.

Malgré toutes ces sombres possibilités, M. Lynas voit de l’espoir – et dans des endroits inhabituels. « Trump a le mérite de bousculer les choses d’une manière qui pourrait conduire à un résultat plus positif », a-t-il déclaré. Tout comme il a fallu un autre président républicain, Ronald Reagan, pour donner le coup d’envoi du désarmement américain et soviétique dans les années 1980, M. Trump pourrait faire ce que les démocrates, désireux de prouver leur force, ne pouvaient – ou ne voulaient – pas faire.

« Et vous savez, peut-être que sa bromance avec [Vladimir] Poutine et Kim Jong-un ou autre les amènera à la table des négociations ».


documentation obsant :



L’histoire profonde de la Terre

Pourquoi les 485 derniers millions d’années de la planète constituent une alerte climatique

Une nouvelle étude révèle l’histoire des températures profondes de la Terre et montre à quel point le dioxyde de carbone a toujours contrôlé le climat.

Silvia Pineda-Munoz (*)

Traduction DeeplJosette – Article original paru sur Medium

Lorsque j’ai rejoint la Smithsonian Institution en tant que post-doctorante, l’exposition Deep Time commençait tout juste à prendre forme. On pouvait en sentir le poids : cet effort massif pour donner vie à l’histoire profonde de la Terre. Les modèles d’écosystèmes anciens arrivaient dans des caisses, les montages de fossiles grandissaient lentement dans le hall et les conservateurs se demandaient où placer les dinosaures.

Aujourd’hui, à chaque visite, j’aime toujours autant regarder les visiteurs arriver, les yeux écarquillés et pleins de questions. Mais ce qui me surprend le plus, ce n’est pas la fascination pour les dinosaures. C’est la curiosité sincère que suscite l’évolution du climat de la Terre.

Et c’est précisément cette curiosité que cette étude met en évidence.

Publiée dans Science en septembre 2024, l’étude propose une reconstruction globale de la température à la surface de la Terre au cours des 485 millions d’années écoulées, soit l’ensemble de l’histoire de la vie complexe. Pour la première fois, nous disposons d’une courbe de température statistiquement robuste pour l’ensemble de l’éon.Cela signifie que nous pouvons retracer la température moyenne à la surface du globe (TMSG) depuis l’apparition des premières forêts jusqu’à l’apparition des mammifères. Et, ce qui est peut-être plus important encore, nous pouvons voir à quel point le climat de la Terre a changé et quels ont été les moteurs de ces changements.

Température de surface moyenne mondiale de PhanDA au cours des 485 derniers millions d’années. Les nuances de gris correspondent à différents niveaux de confiance, et la ligne noire représente la solution moyenne. Les bandes colorées le long du sommet reflètent l’état du climat. Les couleurs les plus froides correspondent à des climats de glacière (coolhouse et coldhouse), les couleurs les plus chaudes à des climats de serre (warmhouse et hothouse), et le gris représente un état transitoire – Judd et al. 2024.

L’équipe à l’origine de l’étude, composée de collègues de la Smithsonian Institution, de l’université de l’Arizona, de l’université de Davis et de l’université de Bristol, a utilisé une technique appelée « assimilation de données ». C’est comme mélanger des milliers de pièces de puzzle provenant de deux boîtes très différentes : les modèles climatiques et les données de température basées sur les fossiles.

Alors que les modèles nous donnent des projections théoriques, les archives fossiles nous donnent les empreintes chimiques des océans anciens. En intégrant plus de 150 000 points de données à 850 simulations climatiques, les chercheurs ont produit ce qu’ils appellent la courbe PhanDA (voir ci-dessus), une reconstruction de la température moyenne de la Terre sur près d’un demi-milliard d’années.

Qu’ont-ils constaté ?

Tout d’abord, la température de la Terre a fluctué de manière beaucoup plus importante qu’on ne le pensait auparavant. Au cours de l’ère phanérozoïque, la température moyenne de la Terre a varié entre 11 °C et 36 °C. C’est comme si l’on passait plusieurs fois d’une ère glaciaire à un sauna. Le plus frappant, c’est que la planète a passé plus de temps dans des états de serre (chauds et sans glace) que dans notre état actuel de serre froide. La moyenne actuelle d’environ 15°C est relativement froide dans un contexte de temps profond.

Données de proxy et de modèle utilisées pour la reconstruction PhanDA. Distribution temporelle (A) et spatiale (B) des données proxy moyennées par étape utilisées dans l’assimilation. © Plage (bande grise) et médiane (ligne noire) des TMSG dans l’ensemble de modèles antérieurs pour chaque étape assimilée – Judd et al.

2024

Deuxièmement, le CO₂ est la vedette du spectacle. La nouvelle courbe montre une forte corrélation entre les niveaux de dioxyde de carbone atmosphérique et la TMSG. Comme le dit la paléoclimatologue Jessica Tierney, l’un des auteurs : Cela peut sembler évident, mais le confirmer sur 485 millions d’années n’est pas une mince affaire.

Troisièmement, l’étude révèle quelque chose d’encore plus inattendu : la relation entre le CO₂ et la température semble remarquablement stable. Les chercheurs estiment qu’un doublement des niveaux de CO₂ a entraîné une augmentation historique de la TMSG d’environ 8 °C. Ce chiffre est supérieur à de nombreuses estimations modernes de la sensibilité du climat et suggère que le système climatique de la Terre a toujours réagi au dioxyde de carbone de manière puissante, que le monde soit couvert de glaciers ou de forêts tropicales.

Les chercheurs ont également découvert quelque chose de curieux à propos des tropiques. La question de savoir si les températures tropicales ont un plafond naturel, une sorte de thermostat planétaire, a longtemps été débattue. Or, pendant les périodes de serre, les océans tropicaux atteignaient jusqu’à 42 °C. C’est plus chaud que ce que la plupart des espèces vivantes peuvent tolérer aujourd’hui.

La conséquence ? La vie n’a pas évité ces régions ; elle s’y est probablement adaptée. Les archives fossiles en témoignent, mais nous ne comprenons pas encore parfaitement comment les écosystèmes ont supporté une telle chaleur. Plus important encore, nous ne savons pas quelles espèces ont été touchées et se sont éteintes.

Historique des températures au Phanérozoïque. Reconstruction par PhanDA de la TMSG pour les 485 millions d’années écoulées. La ligne noire indique la médiane, l’ombrage correspond au percentile de l’ensemble. Les rectangles bleus indiquent l’étendue latitudinale maximale des glaces, et les lignes pointillées orange indiquent la chronologie des cinq principales extinctions massives du Phanérozoïque – Judd et al. 2024.

Du point de vue de la conservation, l’aspect le plus frappant est la rapidité avec laquelle nous changeons les choses aujourd’hui. La Terre a déjà été plus chaude, c’est vrai. Mais ces changements se sont produits sur des centaines de milliers, voire des millions d’années.

Nous comprimons en quelques siècles des changements qui ont pris des éons (*) .

Le communiqué de presse accompagnant l’étude présente bien la situation : « L’homme et les espèces avec lesquelles il partage la planète sont adaptés à un climat froid. Il est dangereux de nous placer rapidement dans un climat plus chaud ».

Il y a quelques années, alors que je me trouvais dans l’exposition « Deep Time », entouré de l’histoire de notre planète gravée dans les fossiles et les dioramas, j’ai ressenti un étrange mélange d’émerveillement et d’urgence. Cette étude fait ressortir ces deux aspects avec plus d’acuité.

Elle ne se contente pas de nous donner une image plus claire du passé ; elle affine notre vision de ce qui nous attend et nous rappelle que le climat, comme l’évolution, n’attend pas que nous le rattrapions.



Océan sans vie ?

Pas de poissons, de baleines ou de plancton : un océan sans vie absorberait moins d’émissions de carbone et accélérerait le changement climatique

by NORCE

Traduction perplexity – article original paru sur phys.org

Historical and future projections of global climate and carbon cycle states. Credit: Nature Communications

Avez-vous déjà pensé à ce qui se passerait si toute la vie dans l’océan disparaissait ? Une étude récente explore ce scénario extrême pour comprendre comment la biologie océanique façonne le climat passé, présent et futur.

L’océan joue un rôle crucial dans la régulation du climat terrestre. Il constitue un immense réservoir de carbone qui absorbe environ 25 % des émissions humaines, contribuant ainsi à maintenir un niveau relativement bas de CO₂ dans l’atmosphère. Mais que se passerait-il si toute la vie marine – du plus petit plancton à la plus grande baleine – disparaissait ? Une étude récente se penche sur ce scénario extrême afin de révéler le rôle essentiel que joue la biologie océanique dans l’atténuation du changement climatique.

La vie marine aide à stocker le carbone dans l’océan. Le plancton et d’autres organismes vivants consomment du carbone près de la surface de l’océan et, lorsqu’ils meurent, ils coulent dans les profondeurs, emportant avec eux le carbone issu de l’atmosphère. Ce processus est appelé la pompe biologique à carbone.

Mais quelles seraient les conséquences si toute la vie marine disparaissait ?

Les chercheurs Jerry Tjiputra, Damien Couespel et Richard Sanders, tous affiliés à NORCE et au Bjerknes Centre, ont utilisé le Norwegian Earth System Model (NorESM) pour simuler précisément ce scénario dans leur étude « Marine ecosystem role in setting up preindustrial and future climate », publiée dans Nature Communications.

Un lien souvent négligé

Dans une expérience de simulation, les chercheurs ont gardé les conditions aussi réalistes que possible, tandis que dans l’autre, ils ont supprimé toute vie marine. Comme prévu, l’élimination de la vie marine a entraîné une augmentation significative des niveaux de CO₂ atmosphérique, d’environ 50 %.

« Mais la simulation a montré que, dans un scénario où toute la vie marine est éradiquée, les écosystèmes terrestres absorberaient environ la moitié du carbone que l’océan ne peut plus capter sans la vie marine », explique le chercheur Damien Couespel.

« Nous savons depuis longtemps que la pompe biologique à carbone joue un rôle crucial pour maintenir les niveaux de CO₂ atmosphérique bas. Cependant, la plupart des études ont négligé l’interaction avec les écosystèmes terrestres. Notre recherche suggère que les écosystèmes terrestres compensent si la vie marine est éradiquée et que la capacité de l’océan à absorber le CO₂ est ainsi limitée », ajoute Jerry Tjiputra, auteur principal de l’étude.

Remise en question des idées reçues

Pour comprendre l’importance de la vie marine dans la capacité de l’océan à absorber les émissions humaines, les chercheurs ont également mené des simulations du climat terrestre avant l’ère industrielle (avant 1850) et les ont comparées à une simulation des émissions futures.

Cela a été réalisé avec et sans vie marine.

« Dans tous les cas, beaucoup plus de CO₂ resterait dans l’atmosphère si toute la vie marine était supprimée. Cela s’explique par le fait que, sans organismes vivants pour consommer le carbone à la surface de l’océan, la teneur en carbone à la surface est bien plus élevée. Cela limite la capacité de l’océan à absorber davantage de CO₂ », explique Jerry Tjiputra.

« Nos résultats remettent donc en cause le paradigme selon lequel l’absorption du carbone par l’océan est principalement dictée par des processus physiques et chimiques, plutôt que biologiques. Un océan sans vie verrait sa capacité d’absorption des émissions de carbone réduite », affirme Damien Couespel.

Dans ce scénario extrême, nous connaîtrions un réchauffement plus rapide et plus intense, avec le risque de déclencher d’autres processus susceptibles d’amplifier encore le réchauffement.

Un scénario instructif

Tjiputra et ses collègues reconnaissent que l’absence totale de vie dans l’océan est un scénario extrême, mais ils estiment que l’étude a apporté des enseignements précieux.

« Nous avons appris que la vie marine et terrestre collaborent pour réguler notre climat et que la vie marine joue un rôle clé dans l’évolution du changement climatique. Notre recherche souligne clairement le lien entre la protection des écosystèmes marins et la lutte contre le changement climatique.

Un océan en bonne santé nous fait gagner du temps. Les dégâts causés aux écosystèmes marins peuvent accélérer considérablement le changement climatique d’origine humaine et compliquer davantage la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris. Préserver la fonction des écosystèmes marins est essentiel pour atténuer le changement climatique et ses risques associés », conclut Jerry Tjiputra.





Le projet 89 %

Une majorité silencieuse de la population mondiale souhaite une action climatique plus forte. Il est temps de se réveiller.

Mark Hertsgaard & Kyle Pope

deepltraduction Josette – article original paru dans The Guardian

Environ 89 % des citoyens souhaitent que leurs gouvernements fassent davantage pour lutter contre la crise climatique, mais ils ne savent pas qu’ils constituent la majorité.

Le Guardian s’associe à des dizaines de rédactions du monde entier pour lancer le projet 89 % et mettre en évidence le fait que la grande majorité de la population mondiale souhaite une action en faveur du climat.

Une superpuissance dans la lutte contre le réchauffement climatique se cache à la vue de tous. Il s’avère que l’écrasante majorité de la population mondiale – entre 80 % et 89 %, selon un nombre croissant d’études scientifiques évaluées par des pairs – souhaite que ses gouvernements prennent des mesures plus énergiques pour lutter contre le changement climatique.

En tant que cofondateurs d’une association à but non lucratif qui étudie la couverture médiatique du changement climatique, nous avons été surpris par ces résultats. Et ils constituent une vive réfutation des efforts de l’administration Trump pour attaquer tous ceux qui se préoccupent de la crise climatique.

Depuis des années, et plus particulièrement en cette période politique difficile, la plupart des reportages sur la crise climatique sont défensifs. Les personnes qui soutiennent l’action en faveur du climat se voient implicitement dire – par leurs élus, par l’industrie des combustibles fossiles, par la couverture médiatique et le discours des médias sociaux – que leur point de vue est minoritaire, voire marginal.

Ce n’est pas ce que révèle la nouvelle étude.

L’étude la plus récente, intitulée People’s Climate Vote 2024, a été réalisée par l’Université d’Oxford dans le cadre d’un programme lancé par les Nations unies après l’accord de Paris de 2015. Dans les pays les plus pauvres, où vivent environ quatre habitants de la planète sur cinq, 89 % des citoyens souhaitent une action climatique plus forte. Dans les pays riches et industrialisés, environ deux personnes sur trois souhaitaient une action plus forte. Si l’on combine les populations riches et pauvres, « 80 % [des personnes dans le monde] souhaitent que leur gouvernement prenne davantage de mesures en faveur du climat ».

Le Yale Program on Climate Change Communication – qui, avec son partenaire, le George Mason University Center for Climate Change Communication, est sans doute la référence mondiale en matière d’études d’opinion sur le climat – a publié de nombreuses études qui vont dans le même sens : la plupart des gens, dans la plupart des pays, souhaitent une action plus énergique face à la crise climatique.

Un angle supplémentaire fascinant de 89 % a été documenté dans une étude publiée par Nature Climate Change, qui note que l’écrasante majorité mondiale ne sait pas qu’elle est la majorité : « Les individus du monde entier sous-estiment systématiquement la volonté d’agir de leurs concitoyens », indique le rapport.

Nous pensons que le décalage actuel entre la volonté citoyenne et les actions des gouvernements équivaut à un déficit démocratique

En d’autres termes, une majorité écrasante de personnes souhaite une action plus forte contre le changement climatique. Mais pour l’instant, cette majorité climatique mondiale est une majorité silencieuse.

Prises dans leur ensemble, ces nouvelles recherches remettent en cause les idées reçues sur l’opinion concernant le climat. À l’heure où de nombreux gouvernements et entreprises hésitent à éliminer rapidement les combustibles fossiles à l’origine de chaleurs, d’incendies et d’inondations meurtrières, le fait que plus de huit êtres humains sur dix sur la planète souhaitent que leurs représentants politiques préservent un avenir vivable offre une lueur d’espoir bien nécessaire. La question est de savoir si et comment ce sentiment de masse peut se traduire par une action efficace.

Que se passerait-il si cette majorité climatique silencieuse se réveillait, si ses membres comprenaient combien de personnes, tant dans des pays lointains que dans leurs propres communautés, pensent et ressentent la même chose qu’eux ? Comment les actions de cette majorité – en tant que citoyens, consommateurs, électeurs – pourraient-elles changer ? Si le récit actuel dans les médias et les réseaux sociaux passait du repli et du désespoir à la confiance en soi et à l’objectif commun, les gens passeraient-ils du statut d’observateurs passifs à celui de façonneurs actifs de leur avenir commun ? Dans l’affirmative, quels types d’actions climatiques exigeraient-ils de leurs dirigeants ?

Telles sont les questions qui animent le projet 89 %, une initiative médiatique d’un an qui a été lancée cette semaine. L’association journalistique à but non lucratif que nous dirigeons, Covering Climate Now, a invité les rédactions du monde entier à rendre compte, indépendamment ou ensemble, des majorités climatiques constatées dans leurs communautés.

Qui sont les personnes qui composent les 89 % ? Étant donné que le soutien à l’action climatique varie selon les pays (74 % aux États-Unis, 80 % en Inde, 90 % au Burkina Faso), ce soutien varie-t-il également en fonction de l’âge, du sexe, de l’affiliation politique et du statut économique ? Qu’attendent les membres de la majorité climatique de leurs dirigeants politiques et communautaires ? Quels sont les obstacles qui se dressent sur leur chemin ?

La semaine de couverture médiatique qui a débuté mardi sera suivie par des mois de reportages supplémentaires qui exploreront d’autres aspects de l’opinion publique sur le changement climatique. Si la plupart des membres de la majorité climatique n’ont pas conscience d’être la majorité, ne réalisent-ils pas non plus que le désamorçage de la crise climatique est loin d’être impossible ? Les scientifiques affirment depuis longtemps que l’humanité possède les outils et le savoir-faire nécessaires pour limiter la hausse des températures à l’objectif ambitieux de l’accord de Paris, à savoir 1,5 °C au-dessus des niveaux préindustriels. Ce qui fait défaut, c’est la volonté politique de mettre en œuvre ces outils et d’abandonner les combustibles fossiles. Le projet 89 % culminera avec une deuxième semaine commune de couverture avant la réunion des Nations unies sur le climat, la Cop30, qui se tiendra au Brésil en novembre.

Bien qu’il soit impossible de savoir combien de rédactions participeront à la couverture de cette semaine, les premiers signes sont encourageants. Le journal The Guardian et l’agence de presse Agence France-Presse ont rejoint le projet en tant que partenaires principaux. Parmi les autres rédactions qui proposent une couverture, citons les magazines Nation, Rolling Stone, Scientific American et Time aux États-Unis, le journal National Observer au Canada, le radiodiffuseur mondial Deutsche Welle en Allemagne, le journal Corriere della Sera en Italie, le journal Asahi Shimbun au Japon et la collaboration multinationale Arab Reporters for Investigative Journalism, dont le siège est en Jordanie.

Nous pensons que le décalage actuel entre la volonté publique et l’action gouvernementale constitue un déficit démocratique. Ce déficit peut-il être comblé si la majorité climatique prend conscience de son existence ? Les gens éliraient-ils des dirigeants différents ? Achèteraient-ils (ou n’achèteraient-ils pas) des produits différents ? Parleraient-ils différemment à leur famille, à leurs amis et à leurs collègues de travail de ce qui peut être fait pour construire un avenir plus propre et plus sûr ?

La première étape pour répondre à ces questions est de donner une voix à la majorité climatique silencieuse. C’est ce qui se produira, enfin, cette semaine dans les médias du monde entier.


Mark Hertsgaard et Kyle Pope sont les cofondateurs de la collaboration journalistique mondiale Covering Climate Now.


Cet article fait partie du projet the 89% Project, une initiative de la collaboration journalistique mondiale Covering Climate Now



La France à plus 4°

Météo-France a rassemblé dans un rapport une synthèse scientifique […] décrivant le futur climatique de l’Hexagone et de la Corse.

Ci-dessous, la reprise d’un post Linkedin de Jean-Marc Jancovici présentant ce travail.

Jean-Marc Jancovici

Le climat se réchauffe. Il va continuer à le faire. Alors le gouvernement français a demandé aux acteurs du pays de réfléchir à la manière de « s’adapter » à une hausse de la température moyenne en France de 4°C par rapport à l’ère préindustrielle, ce qui correspond à une hausse planétaire de +3 °C environ.

La température monte en effet plus vite sur les continents que sur les océans, et par ailleurs l’Europe se réchauffe actuellement deux fois plus vite que la moyenne planétaire.

Que peuvent signifier ces 4°C de hausse nationale si l’on essaye de devenir un peu concret ? Combien de canicules et avec quelles valeurs atteintes, de jours de sécheresse, de précipitations intenses, de risques d’incendie, etc ?

C’est à ces questions que Météo France tente de répondre dans un rapport tout juste paru (*).

Les principales conclusions sont les suivantes :
  • – en 2100 des températures supérieures à 40 °C pourront se produire tous les ans à peu près partout sur le territoire, et les 50 °C dépassés en de nombreux endroits. Il faut s’attendre à 10 fois plus de jours de vagues de chaleur.
  • – les nuits chaudes, au-delà de 20 °C, pourront se produire 120 fois par an sur le littoral méditerranéen
  • – le gel se réduira à une quinzaine de jours en moyenne sur la France. Le risque de dégâts sera important si il se produit à des stades végétatifs avancés.
  • – les pluies intenses augmenteront de +15 % en moyenne, et jusqu’à +20 % sur la moitié nord du pays.
  • – l’évapotranspiration potentielle de la végétation augmenterait de 20% en France… si la végétation est toujours là !
  • – il y aura 1 mois supplémentaire de sol sec dans la moitié nord et jusqu’à 2 mois dans la moitié sud. Les sécheresses deviendront fréquentes en été et se poursuivront souvent en automne. La sécheresse estivale de 2022 deviendra un événement ordinaire. Certains événements de sécheresse pourront même s’étaler sur plusieurs années consécutives.
  • – le risque élevé d’incendie s’étendra régulièrement à tout le territoire. Les régions de la Loire au Bassin parisien connaîtront la situation actuelle de l’arrière-pays méditerranéen.
  • – le nombre de jours de neige au sol en hiver (enneigement supérieur à 5 cm) se réduira drastiquement sur tous les massifs. Cela ne va pas contrarier que les skieurs : c’est tout le système hydrologique aval qui sera impacté.

Question : que signifie de « s’adapter » à ce contexte ? Peut-on « adapter » des forêts et des cultures (et manger reste la base de tout le reste du PIB, y compris la défense !) à des canicules estivales permanentes et un climat plus aride ?

Peut-on « adapter » notre civilisation actuelle à beaucoup moins d’eau ? A des bâtiments endommagés ?

Il est évident que cela va passer par des pertes non compensées et de très nombreuses surprises très désagréables. Mais il est tout aussi évident que plus on y pense à l’avance, et mieux on se sortira des difficultés.


Voir les références sur obsant pour :


Le gouvernement de Trump décime les protections climatiques …

et envisage de supprimer une découverte clé sur les gaz à effet de serre

Oliver Milman

deepltraduction Josette – article original d’Olivier Milman paru dans The Guardian

L’administration de Donald Trump va reconsidérer le constat officiel selon lequel les gaz à effet de serre sont nocifs pour la santé publique, une décision qui menace de détruire les fondements des lois américaines sur le climat, au milieu d’un barrage étonnant d’actions visant à affaiblir ou à abroger une foule de limites en matière de pollution sur les centrales électriques, les voitures et les voies navigables.

L’Agence de protection de l’environnement (EPA) de M. Trump a publié mercredi une extraordinaire série d’annulations de règles en matière de pollution, avec en tête l’annonce d’une possible suppression d’une décision historique prise en 2009 par le gouvernement américain, selon laquelle les gaz qui réchauffent la planète, tels que le dioxyde de carbone, constituent une menace pour la santé humaine.

Le constat de dangerosité, qui fait suite à un arrêt de la Cour suprême autorisant l’EPA à réglementer les gaz à effet de serre, constitue le fondement de toutes les règles visant à réduire la pollution qui, selon les scientifiques, aggrave sans équivoque la crise climatique.

Malgré les preuves de plus en plus nombreuses des dégats causés par l’augmentation des émissions, y compris des billions de dollars de coûts économiques, M. Trump a qualifié la crise climatique de « canular » et a rejeté ceux qui s’inquiètent de l’aggravation de ses effets en les qualifiant de « fous du climat ».

Lee Zeldin, l’administrateur de l’EPA, a déclaré que l’agence réexaminerait le constat de mise en danger en raison des préoccupations qu’il a suscitées, à savoir « un programme qui étrangle nos industries, notre mobilité et nos choix de consommation tout en profitant à des adversaires à l’étranger ».

M. Zeldin a écrit que ce mercredi était « le jour de déréglementation le plus important de l’histoire américaine » et que « nous enfonçons un couteau dans le cœur de la religion du changement climatique et inaugurons l’âge d’or de l’Amérique ».

M. Zeldin s’est vanté des changements apportés et a déclaré que la mission de son agence était de « réduire le coût d’achat d’une voiture, de chauffage d’une maison et de gestion d’une entreprise ».

Les écologistes ont réagi avec horreur à cette annonce et ont promis de défendre les conclusions accablantes de la science et la capacité des États-Unis à faire face à la crise climatique devant les tribunaux, qui ont régulièrement invalidé les marches arrière de M. Trump au cours de son premier mandat. « L’ignorance de l’administration Trump n’est surpassée que par sa malveillance envers la planète », a déclaré Jason Rylander, directeur juridique du Climate Law Institute du Center for Biological Diversity (Centre pour la diversité biologique).

« Qu’il s’agisse d’enfer ou de hautes eaux, d’incendies violents ou de vagues de chaleur mortelles, Trump et ses acolytes sont déterminés à faire passer les profits des pollueurs avant la vie des gens. Cette décision ne tiendra pas devant les tribunaux. Nous allons la combattre à chaque étape du processus ».

Au total, l’EPA a publié 31 annonces en l’espace de quelques heures qui visent presque toutes les grandes règles environnementales conçues pour protéger l’air et l’eau propres des Américains, ainsi qu’un climat vivable.

Parmi ces annonces, on peut citer l’annulation d’un plan de l’ère Biden visant à réduire la pollution émise par les centrales électriques au charbon, qui était lui-même une version réduite d’une initiative de l’administration Obama qui a été invalidée par la Cour suprême.

L’EPA va également réexaminer les normes de pollution pour les voitures et les camions, qui, selon M. Zeldin, ont imposé un « régime réglementaire écrasant » aux constructeurs automobiles qui se tournent désormais vers les véhicules électriques. L’agence envisage d’affaiblir les règles limitant la pollution atmosphérique due à la suie, qui est liée à toute une série de problèmes de santé ; elle pourrait supprimer les exigences imposant aux centrales électriques de ne pas souiller les cours d’eau ou de ne pas déverser leurs déchets toxiques ; et elle envisage de restreindre davantage la manière dont elle applique la loi sur les eaux propres (Clean Water Act) en général.

Si elles sont confirmées par les tribunaux, ces actions d’envergure contre les règles en matière de pollution pourraient remodeler l’environnement des Américains d’une manière inédite depuis l’adoption d’une législation majeure dans les années 1970 pour mettre fin à une ère de ciel chargé de smog et de rivières brûlantes qui était devenue la norme après l’industrialisation des États-Unis.

Les polluants provenant des centrales électriques, des autoroutes et de l’industrie sont à l’origine de toute une série de problèmes cardiaques, pulmonaires et autres, les gaz à effet de serre faisant partie de cette pollution qui fait grimper la température mondiale et alimente des vagues de chaleur, des inondations, des tempêtes et d’autres effets catastrophiques.

« L’EPA de Zeldin ramène l’Amérique à l’époque précédant la loi sur la qualité de l’air, lorsque les gens mouraient de la pollution », a déclaré Dominique Browning, directrice de l’association Moms Clean Air Force. « C’est inacceptable. Et honteux. Nous nous opposerons de tout notre cœur pour protéger nos enfants de cette action cruelle et monstrueuse. »

Ces mesures interviennent peu après la décision de l’EPA de fermer tous ses bureaux chargés de lutter contre le fardeau disproportionné de la pollution auquel sont confrontés les pauvres et les minorités aux États-Unis, dans le cadre d’un licenciement massif du personnel de l’agence. M. Zeldin a également ordonné l’arrêt de l’octroi de 20 milliards de dollars de subventions destinées à lutter contre la crise climatique, en invoquant le risque de fraude. Les démocrates se sont interrogés sur la légalité de ces mesures.

D’anciens membres du personnel de l’EPA ont réagi avec stupeur au bouleversement de l’agence.

« Aujourd’hui marque le jour le plus désastreux de l’histoire de l’EPA », a déclaré Gina McCarthy, qui était administratrice de l’EPA sous Obama. « L’annulation de ces règles n’est pas seulement une honte, c’est une menace pour nous tous. L’agence a totalement renoncé à sa mission de protection de la santé et du bien-être des Américains. »

L’administration Trump a promis d’autres reculs en matière d’environnement dans les semaines à venir. Le Conseil pour la domination de l’énergie (Energy Dominance Council) que le président a mis en place le mois dernier cherche à éliminer une vaste gamme de réglementations dans le but de stimuler l’industrie des combustibles fossiles, a déclaré le secrétaire à l’intérieur, Doug Burgum, lors de la conférence sur le pétrole et le gaz CeraWeek qui s’est tenue à Houston mercredi. « Nous trouverons des moyens de réduire la bureaucratie », a-t-il déclaré. « Nous pouvons facilement nous débarrasser de 20 à 30 % de nos réglementations. »


Oliver Milman sur obsant : liste



Trump casse la science du Climat

deepltraduction Josette – article original d’Olivier Milman paru dans The Guardian

Tollé alors que Trump retire son soutien à la recherche qui mentionne le « climat »

Le gouvernement américain supprime les fonds alloués à la recherche nationale et internationale sur fond d’avertissements concernant la santé et la sécurité publique.

Oliver Milman

L’administration Trump supprime le soutien à la recherche scientifique aux États-Unis et à l’étranger qui contient un mot qu’elle trouve particulièrement gênant, à savoir « climat ».

Le gouvernement américain retire les subventions et autres aides à la recherche qui font ne serait-ce que référence à la crise climatique, ont déclaré des universitaires, dans le cadre de la guerre éclair menée par Donald Trump contre les réglementations environnementales et le développement des énergies propres.

M. Trump, qui a déclaré que la crise climatique était un « gigantesque canular », a déjà supprimé les mentions du changement climatique et du réchauffement planétaire sur les sites web du gouvernement et a ordonné l’arrêt des programmes qui font référence à la diversité, à l’équité et à l’inclusion. Un gel généralisé du financement des travaux scientifiques soutenus par le gouvernement fédéral a également été imposé, plongeant la communauté scientifique américaine dans le chaos.

Les chercheurs ont déclaré que les travaux mentionnant le climat étaient particulièrement visés. Un scientifique de l’environnement travaillant dans l’ouest des États-Unis, qui n’a pas souhaité être nommé, a déclaré que la subvention qui lui avait été accordée par le Ministère des Transports pour des recherches sur l’adaptation au climat lui avait été retirée, jusqu’à ce qu’il renomme son programme en supprimant le mot « climat ».

« J’ai toujours la subvention parce que j’ai changé le titre », a déclaré le scientifique. « On m’a dit que je devais le faire avant que le titre de la subvention ne soit publié sur le site web du Ministère américain des Transports pour pouvoir la conserver. On m’a expliqué que les priorités de l’administration actuelle n’incluaient pas le changement climatique et d’autres sujets considérés comme ‘woke’. »

Le chercheur s’est dit « choqué parce que la subvention avait déjà été accordée et que j’aurais risqué de la perdre. Je suis très préoccupé par le fait que la science soit influencée par la politique. Si les chercheurs ne peuvent pas utiliser certains mots, il est probable qu’une partie de la science sera biaisée ».

Les références au climat sont également supprimées ailleurs. Les supports de cours du Centre national de formation à la préparation aux catastrophes de l’université d’Hawaï supprimeront les mentions du « changement climatique », comme le montrent des courriels divulgués par le Guardian. Les modifications, à la demande de l’administration Trump, affectent une douzaine de supports de cours différents.

« Plus précisément, les références au ‘changement climatique’ et au DEI (Diversité, équité et inclusion) ont été supprimées ou révisées pour s’aligner sur les nouvelles priorités », a écrit un administrateur du centre. « Veuillez faire preuve de prudence lorsque vous faites référence à ces sujets pendant vos cours. »

L’animosité de l’administration à l’égard de la recherche sur le climat s’est même étendue à l’étranger par le biais du programme d’échange américain Fulbright, qui offre environ 8 000 bourses par an à des enseignants et à des universitaires américains et étrangers.

Kaarle Hämeri, chancelier de l’université d’Helsinki en Finlande, a déclaré que les intitulés des bourses Fulbright avaient été modifiés pour supprimer ou modifier les mots « changement climatique », ainsi que « société équitable », « sociétés inclusives » et « femmes dans la société ».

Kaarle Hämeri a déclaré qu’une subvention accordée à son université avait déjà été retirée en raison des changements qui, selon lui, sont également imposés dans d’autres pays participant au programme Fulbright. Fulbright et le département d’État américain ont été interrogés sur l’étendue des interdictions de formulation.

« Je comprends que ces actions sont dues à des changements de priorités au sein du gouvernement américain », a déclaré M. Hämeri. « Cela va nuire à la recherche dans plusieurs domaines importants, d’autant plus que dans de nombreux cas, les chercheurs américains sont parmi les meilleurs dans leur domaine.

À la National Science Foundation (NSF), une agence fédérale de 9 milliards de dollars qui soutient la recherche en sciences et en ingénierie, des équipes ont passé au peigne fin des projets actifs à la recherche de dizaines de mots, dont « femmes », « biaisé » et « égalité », susceptibles de violer l’interdiction de certaines subventions décrétée par Trump.

La NSF, qui vient de licencier environ 10 % de ses effectifs, n’a pas répondu à la question de savoir si le climat figurait également sur la liste des mots interdits. Quoi qu’il en soit, des subventions soutenant toute une série de travaux scientifiques ont été gelées dans le cadre de cette mission zélée visant à instaurer une langue de bois parmi les scientifiques, en dépit d’une décision de justice exigeant l’annulation du gel.

« La NSF s’efforce de procéder rapidement à un examen complet de ses projets, programmes et activités afin de se conformer aux décrets existants », a déclaré un porte-parole de la fondation.

Le gel des subventions a bouleversé les travaux scientifiques des agences fédérales, des hôpitaux et des universités, remettant en question l’avenir de centaines de millions de dollars investis dans la recherche.

« Les personnes les plus vulnérables de notre société en termes de santé et de sécurité publique sont maintenant encore plus menacées », a déclaré Jennifer Jones, directrice du centre pour la science et la démocratie de l’Union des scientifiques préoccupés (Union of Concerned Scientists).

« Cette administration n’a pas de plan pour faire avancer la science, elle a un plan pour éliminer les obstacles à l’industrie pétrolière et gazière. Elle veut revenir à une époque où les enfants ont la polio, où les rivières sont en feu et où les villes sont recouvertes de pollution ».

Selon Mme Jones, le gouvernement américain pourrait suivre l’exemple de la Floride, où les républicains ont interdit toute mention du changement climatique dans les lois de l’État. « Je vis dans un État où le changement climatique nous menace plus que jamais, mais les employés de l’État n’ont pas le droit d’en parler », a-t-elle déclaré. « Cette administration veut que les scientifiques se sentent menacés. Nous avons déjà vu cela auparavant, mais Trump le fait à une échelle sans précédent aujourd’hui. »

L’attaque contre la science « semble très personnelle en ce moment » et pourrait dissuader une nouvelle génération de jeunes scientifiques de se lancer dans leurs domaines de recherche, selon Joanne Carney, responsable des affaires gouvernementales à l’Association américaine pour l’avancement des sciences (American Association for the Advancement of Science).

« Nous pourrions assister à une réduction de pans entiers de la recherche scientifique, ce qui ralentirait notre capacité à comprendre le monde naturel et à élaborer des politiques visant à protéger la société et la sécurité nationale », a déclaré Mme Carney.

« Nous sommes préoccupés par le signal que cela envoie aux jeunes étudiants intéressés par les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques, qui pourraient penser qu’ils n’ont pas d’avenir aux États-Unis », a-t-elle ajouté. « Nous avons besoin d’investissements plus importants dans les sciences et les technologies pour être un leader mondial à l’heure actuelle. Nos adversaires en seront très heureux ».