COP 30, le bilan

Damian Carrington et Jonathan Watts

Deepltraduction Josette – article paru dans The Guardian

Compromis, mesures volontaires et absence de mention des combustibles fossiles : points clés de l’accord de la COP30

Un accord est le bienvenu après des négociations qui ont failli échouer,
mais l’accord final contient des mesures modestes plutôt que des avancées significatives.

Damian Carrington et Jonathan Watts
22 novembre 2025

Le sommet des Nations unies sur le climat COP30 a fait avancer la lutte contre la crise climatique et les dommages qu’elle cause déjà aux vies et aux moyens de subsistance. Mais les mesures convenues constituent des pas en avant, plutôt que les bonds en avant nécessaires.

1. Le multilatéralisme a survécu… de justesse

Les négociations entre plus de 190 pays ont failli échouer, les pays ambitieux et les États pétroliers menaçant de bloquer tout accord ou de se retirer. Mais le réchauffement climatique nécessite une réponse mondiale et, dans le climat géopolitique fracturé d’aujourd’hui, la conclusion d’un accord soutenu par tous les pays permet à l’ONU de poursuivre son action en faveur du climat.

« À une époque de grands défis politiques, 194 pays se sont réunis dans le cadre de l’accord de Paris pour réaffirmer leur engagement à agir contre la crise climatique », a déclaré le secrétaire britannique à l’énergie, Ed Miliband. « Cet accord n’est pas aussi ambitieux que nous l’aurions souhaité, mais il s’engage à maintenir l’objectif de 1,5 °C. »

Les États-Unis n’ont pas envoyé de délégation, Donald Trump ayant qualifié la crise climatique d’« arnaque ». Certains participants à la COP30 à Belém ont déclaré que la position des États-Unis avait encouragé l’Arabie saoudite et d’autres pays pétroliers à se battre encore plus fort pour bloquer tout progrès.

2. Le financement de l’adaptation a triplé, mais les critiques estiment que cela n’est pas suffisant

Les nations réunies à la COP30 ont convenu de tripler le financement de l’adaptation, c’est-à-dire les fonds fournis par les pays riches et dont les pays vulnérables ont désespérément besoin pour protéger leurs populations contre les effets de plus en plus marqués de la crise climatique. Il s’agit d’une avancée significative par rapport à l’engagement précédent qui prévoyait de doubler les fonds, mais l’objectif de 120 milliards de dollars par an a été repoussé de cinq ans, de 2030 à 2035.

De nombreux pays et observateurs ont réagi avec colère. « Le résultat obtenu en matière d’adaptation est une insulte à toutes les communautés actuellement sous les eaux ou en proie aux incendies », a déclaré Harjeet Singh, de la Satat Sampada Climate Foundation. « Le refus de s’engager à augmenter le financement nécessaire à l’adaptation, qui s’élève à 300 milliards de dollars par an, laisse les populations non préparées sans défense face à une ruine inévitable. Le calendrier ignore l’urgence des catastrophes climatiques qui nous frappent aujourd’hui. »

3. Accueil favorable réservé au plan pour une transition juste

L’un des principaux résultats a été l’accord sur un mécanisme pour une transition juste (MTJ), un plan visant à garantir que le passage à une économie verte à l’échelle mondiale se fasse de manière équitable et protège les droits de tous, y compris ceux des travailleurs, des femmes et des peuples autochtones.

Climate Action Network International, une vaste coalition de groupes militants, a salué le MTJ comme l’un des résultats les plus forts en matière de droits de l’histoire des négociations climatiques de l’ONU.

« L’adoption du MTJ est une victoire obtenue grâce à des années de pression de la société civile », a déclaré Tasneem Essop, directrice exécutive du réseau. « Ce résultat n’est pas tombé du ciel : il est le fruit de la lutte, de la persévérance et de la clarté morale de ceux qui vivent en première ligne du dérèglement climatique. Les gouvernements doivent désormais honorer ce MTJ par des actions concrètes. Tout autre comportement serait une trahison. » Les efforts déployés au début des négociations pour associer un financement au MTJ ont échoué.

4. Aucune mention des combustibles fossiles dans le texte final

Les combustibles fossiles n’ont pas été mentionnés dans la décision finale clé, malgré la pression exercée par une coalition de 90 pays développés et en développement pour obtenir un engagement en faveur d’une feuille de route visant à éliminer progressivement les combustibles fossiles. Les pays pétroliers, dont l’Arabie saoudite et ses alliés, se sont battus avec acharnement pour bloquer cette initiative et ont réussi.

Le texte final fait toutefois référence au « consensus des Émirats arabes unis », l’ensemble des mesures adoptées lors de la COP28 à Dubaï en 2023, qui contenait le premier engagement à abandonner les combustibles fossiles. Cependant, selon le Dr Joanna Depledge, experte de la COP à l’université de Cambridge, le caractère indirect de cette référence constitue un pas en arrière : « Le consensus des Émirats arabes unis est un ensemble de mesures très large comprenant huit décisions adoptées à Dubaï sur toute une série de questions. Le langage de Dubaï sur la transition énergétique est donc délibérément dilué et obscurci, et non mis en avant. »

5. La feuille de route pour la transition vers l’abandon des combustibles fossiles survit, mais elle est volontaire

La feuille de route pour la transition vers l’abandon des combustibles fossiles ayant été bloquée par la décision officielle de la COP30, la présidence brésilienne a annoncé que le plan se poursuivrait en dehors du processus des Nations unies. Il sera fusionné avec un plan soutenu par la Colombie et environ 90 autres pays, et un sommet est prévu en avril. Cette « coalition des volontaires » pourrait faire avancer les choses.

Le président de la COP30 et diplomate brésilien, André Corrêa do Lago, a déclaré que le plan d’élaboration de la feuille de route bénéficiait du soutien du président Lula et qu’il donnerait lieu à des dialogues de haut niveau au cours de l’année prochaine, menés par la communauté scientifique et impliquant les gouvernements, l’industrie et la société civile. Une fois le plan finalisé, il a indiqué qu’ils en rendraient compte à la COP.

« Les gouvernements engagés dans la lutte contre la crise climatique à sa source s’unissent pour aller de l’avant en dehors du cadre des Nations unies, sous la direction de la Colombie et des États insulaires du Pacifique, afin d’éliminer rapidement et équitablement les combustibles fossiles, conformément à l’objectif de 1,5 °C », a déclaré Nikki Reisch, du Center for International Environmental Law. « La conférence internationale qui se tiendra en avril prochain est la première étape sur la voie d’un avenir viable. »

6. La conférence sur la forêt tropicale échoue à établir une feuille de route contre la déforestation…

La COP30 a été délibérément organisée en Amazonie afin de mettre l’accent sur le rôle vital des forêts dans le climat. La ministre brésilienne de l’Environnement, Marina Silva, a tenté d’inclure une feuille de route pour mettre fin à la déforestation dans l’accord fondamental de Belém.

Mais celle-ci a été rejetée après avoir été associée à la feuille de route sur les combustibles fossiles. Le fait d’avoir associé ces deux questions semble avoir été soit une terrible erreur diplomatique, soit un sabotage de la part du ministère brésilien des Affaires étrangères, qui s’est longtemps concentré sur la vente du pétrole du pays à l’étranger.

Toerris Jaeger, de la Rainforest Foundation Norway, a déclaré : « L’Amazonie a insisté pour être entendue. Elle s’est imposée dans les négociations sur le climat avec une chaleur tropicale, des pluies torrentielles et la plus grande délégation autochtone de toutes les COP précédentes.»

« Il est décevant que les pays n’aient pas accepté d’élaborer des plans concrets pour mettre fin à la déforestation. »

7. … mais un nouveau fonds a été lancé pour aider à préserver les arbres

Le Brésil a lancé le Tropical Forest Forever Facility (TFFF), là encore en dehors du processus des Nations unies, un fonds d’investissement de plusieurs milliards de dollars qui rémunérera les pays pour préserver leurs arbres.

« Le TFFF reflète une prise de conscience croissante du fait que l’intégrité climatique et la protection des forêts sont indissociables », a déclaré le Dr Fernando Barrio, de l’université Queen Mary de Londres. « Son efficacité dépendra de sa conception. Mais le signal politique est important, car il n’y a pas de voie vers 1,5 °C qui ne passe par la fin de la déforestation au cours de cette décennie. »



Climat, y a-t-il un passage étroit ?

Térence

Reprise de l’article Résumé de la COP30 à Belem – « Y a-t-il un passage étroit ? » paru sur le blog de Paul Jorion

Les journalistes experts du Guardian viennent de résumer en deux articles la COP30 qui vient de se terminer à Belem, au Brésil.

Compromises, voluntary measures and no mention of fossil fuels: key points from Cop30 deal | Cop30 | The Guardian

Cop30’s watered-down agreements will do little for an ecosystem at tipping point | Cop30 | The Guardian

Un scientifique d’envergure internationale nous ramène à la réalité du système climatique, encore qu’avec un certain euphémisme, puisque d’autres de ses collègues et le Secrétaire général de l’ONU estiment, non sans raison, que l’objectif de 1,5°C est mort :

Johan Rockström, directeur de l’Institut de recherche sur l’impact climatique de Potsdam et professeur de sciences du système terrestre à l’université de Potsdam, a déclaré : « La vérité est que notre seule chance de maintenir l’objectif de 1,5 °C à portée de main est de faire baisser la courbe mondiale des émissions en 2026, puis de réduire les émissions d’au moins 5 % par an. [Cela] nécessite des feuilles de route concrètes pour accélérer l’élimination progressive des combustibles fossiles et la protection de la nature. Nous n’avons ni l’un ni l’autre. »

Nous allons également assister, dans les prochains jours, à l’éternel bal des interprètes de la COP.

En début de soirée, ce sera la valse des optimistes (aussi appelés « naïfs » par les pessimistes), puis le chachacha des « réalistes » (ceux qui aiment peser le pour et le contre en se croyant plus malins que les optimistes et les pessimistes), enfin, la soirée se conclura par le tango des pessimistes (aussi appelés « catastrophistes » par les optimistes). Shakespeare serait sans doute très inspiré par ce bal des illusions, ce tableau parlant, tandis que les émissions et la concentration en gaz à effet de serre mondiales continuent à augmenter, malgré 30 ans de COP.

Votre serviteur voudrait ajouter quelques réflexions personnelles, issues de son expérience dans les couloirs des gouvernements.

Ce qui me frappe dans les COP, depuis que je les suis de près ou de loin (soit depuis 2010), c’est cette insistance sur le « consensus unanime », « pour sauver le multilatéralisme ».

Or il existe, représentés à l’ONU et négociateurs lors des COP, des pays comme l’Arabie Saoudite (une monarchie absolue de droit divin, une dictature cruelle qui dissout le corps d’un journaliste dans l’acide, un des régimes autoritaires les plus sanglants de la planète) et la Russie (une dictature agressive qui torture et assassine tous ses opposants, y compris à l’étranger, et qui a déclenché la pire guerre en Europe depuis la désintégration de la Yougoslavie).

Sans compter la Chine, qui est aussi une des dictatures les plus impitoyables au monde, au point de menacer directement ses critiques dans les démocraties, et dont les efforts en matière d’énergies renouvelables ne permettent pas d’annuler ses immenses émissions de gaz à effet de serre, en passe de dépasser celles, cumulées, des plus grands émetteurs historiques occidentaux.

Tandis qu’un régime comme l’Inde, nominalement la plus grande démocratie du monde, est dirigée par un individu proche de l’extrême-droite nationaliste, tout en ayant des émissions massives, seulement limitées par la pauvreté de sa population.

Enfin, l’absence des États-Unis est liée à la présence d’un proto-dictateur à sa présidence. Or les USA sont un des premiers pollueurs climatiques au monde.

Et ne négligeons pas l’essor des dirigeants d’extrême-droite dans plusieurs pays d’Union européenne. Nous participons également à la grande parade de la destruction de la démocratie dans le monde.

Si l’honnêteté intellectuelle impose de comparer les émissions par habitant (qui restent supérieures en Europe et aux États-Unis à celles de la Chine et de l’Inde), et d’évaluer les émissions historiques cumulées, on ne peut pas non plus se satisfaire de l’excuse du développement du Sud, auquel le Nord a eu droit par le passé, pour pardonner aux grandes puissances du Sud global leur opposition systématique lors des COP.

Car ce n’est pas parce qu’une partie de la famille a incendié la moitié de la maison dans le passé que l’autre partie peut se prévaloir aujourd’hui du droit d’incendier ce qu’il en reste, peu importe les torts historiques de chacun. L’atmosphère planétaire n’a que faire de nos torts historiques. La physique est impitoyable et se conjugue au présent. La réalité c’est que le Sud ne peut pas se développer de la même manière que le Nord. Or c’est pourtant ce qu’il fait (mégapoles, autoroutes, aéroports, ports, consumérisme, etc.).

Un jour prochain, les émissions historiques du Sud seront supérieures à celles du Nord global. On découvrira alors que c’est moins l’Occident par essence que la contingence historique qui nous a rendus responsables de la révolution industrielle et de la colonisation du monde. Un argument en plus en faveur du constat que nous sommes une seule et même espèce. Et que les Orientaux, les Africains et les Américains du Sud aussi, peuvent être écocidaires, sans l’aide des Occidentaux.

L’insistance sur le consensus unanime « pour sauver le multilatéralisme », quand on négocie avec de telles tyrannies, et quand les plus grandes démocraties du monde (Inde et USA) versent dans l’autoritarisme écocidaire, me laisse songeur.

Une autre étrangeté depuis les origines des COP est l’omniprésence des industriels, en particulier ceux de l’industrie des énergies fossiles (émissions de gaz à effet de serre liées aux combustibles fossiles) et de l’agro-alimentaire (déforestation donc destruction des puits de carbone et émissions de méthane par l’industrie de la viande). Sans compter les grands complexes industriels comme celui de la construction, de l’automobile, de l’aviation, des GAFAM, du tourisme international et de l’armement, qui ne sont que le corolaire, les usagers, du complexe énergétique fossile.

N’avait-on pas banni les industriels du tabac des accords mondiaux sur la santé ?

Ce qui m’étonne en conséquence, c’est que les « autres pays » : ceux qui apparemment voudraient vraiment avancer, les pays du Sud et du Nord démocratiques (dont l’Union européenne) – ou du moins, pas suffisamment démocratiques mais sincèrement préoccupés par le climat  – ne concluent-ils pas, entre eux, un traité légalement contraignant, pour sortir des énergies fossiles et réduire leurs émissions de GES. Faut-il attendre un improbable consensus mondial ? Avec des États qui sont des tyrannies et se soucient de leurs citoyens comme d’une guigne ?

Pourquoi ne pas avancer sans eux ?

On me dira : « Oui mais ça ne sert à rien d’agir sans les USA, la Chine, l’Inde et la Russie, qui représente la plus grande masse des émissions mondiales ».

Je répondrais : « Agir sans eux réduirait pourtant notoirement les émissions mondiales et surtout, cela autoriserait notre coalition d’ambition à installer des barrières géopolitiques pour contraindre les États qui ne veulent pas bouger » (comme des droits de douanes climatiques).

Il existe des stratégies « du faible au fort ». De quels atouts disposons-nous ?

L’Union européenne est par exemple un des premiers marchés économiques mondiaux.

L’Union européenne avançait dans cette voie jusqu’à encore récemment. Ses dernières décisions, qui vident de leur substance certaines législations du Green Deal, sèment le doute, pour le moins, sur son positionnement de leader mondial du climat. Si l’Europe n’est même plus leader de l’action climatique, que restera-t-il comme espoir au monde ?

Mais même l’Union européenne n’est pas dépourvue d’ambigüité.

En fait, certains pourraient soupçonner que les pays apparemment « volontaires » ne veulent pas sortir du multilatéralisme et de la règle du consensus à l’ONU pour une bonne raison : cela leur permet de conserver une trajectoire majoritairement énergies fossiles, en apparaissant comme des États vertueux, et en reportant la faute sur les États voyous.

Mon parcours en politique m’a illustré de nombreuses fois la « règle du valet puant ». Dans ce jeu de cartes, le but du jeu est de ne pas être le dernier joueur en possession du valet de pique, dit le « valet puant ». Il s’agit d’un jeu de rôles où certains négociateurs autour de la table ne veulent pas qu’une décision courageuse soit prise, veulent éviter d’apparaitre comme des opposants à l’accord, et cherchent à reporter la faute du désaccord sur d’autres négociateurs, accusés de tout bloquer.

Tout l’art politicien est de tirer parti des opportunités d’illustrer son courage et sa vertu théoriques, quand on sait à l’avance qu’on ne court aucun risque de devoir en faire usage en pratique. Comme se porter « courageusement » volontaire pour participer à un bataille, au dernier moment, alors qu’on sait que la guerre sera terminée avant. Si l’on est certain qu’un négociateur va tout refuser, c’est l’occasion inespérée d’afficher son volontarisme vertueux, en communiquant abondamment sur sa frustration de voir l’ambition bloquée par cet infâme opposant.

Parfois, je me demande si de nombreux pays dits « volontaires » ne veulent pas, en réalité, que rien ne change, ne sont pas prêts à prendre des décisions courageuses devant leur électorat, et se révèlent bien soulagés que l’Arabie Saoudite, la Russie, la Chine, l’Inde (et les États-Unis quand ils participent) existent pour tout bloquer.

Je ne serais pas étonné qu’il y ait une part de vérité dans ce soupçon, malgré son injustice pour les pays sincères.

Je m’étonne par exemple de la position de certains États européens à Belem, dans la coalition des États ambitieux et volontaires, qui ont réclamé une feuille de route de sortie des énergies fossiles. Je n’ai pas l’impression que ce sont les mêmes États qui s’expriment sur notre continent, au siège de leurs gouvernements, au sein des institutions européennes.

Enfin, il est possible que même ce soupçon soit une illusion.

Le problème climatique est considéré comme un super wicked problemWicked problem – Wikipedia). Il est sujet au fameux « dilemme du prisonnier » (Prisoner’s dilemma – Wikipedia) et représente une « tempête morale parfaite » pour certains philosophes ( A Perfect Moral Storm: The Ethical Tragedy of Climate Change | Oxford Academic).

Cependant, peu de commentateurs ont évoqué un problème encore plus fondamental : celui de la possibilité biophysique de la réglementation de la mégamachine mondiale humaine, c’est-à-dire de la réduction de la vitesse et de la taille des flux de matière, d’énergie et d’information de l’économie mondiale humaine. Ou, en termes philosophiques conceptuels : notre espèce est-elle capable d’instituer la Limite ?

Aujourd’hui, la puissance géopolitique est indexée sur la puissance militaire, elle-même indexée sur la puissance économique, à son tour indexée sur l’usage massif et croissant de matière et d’énergie, reposant essentiellement sur les combustibles fossiles et fissiles.

Sortir des fossiles, c’est décroitre. Décroitre, c’est baisser la garde. Baisser la garde, c’est perdre sa souveraineté et sa puissance.

Depuis plusieurs années, les démocraties redécouvrent la politique, brutale et sans pitié, de la puissance, et l’usage de la coercition économique et de la force militaire. La boussole du droit international et du règlement diplomatique des conflits est cassée.

Les États-Unis, la Chine, la Russie, l’Inde, etc., parlent le langage de la puissance géopolitique.

L’Union européenne, à son tour, y est forcée. On réarme. Y compris démographiquement, si possible.

S’engage alors la fameuse « course aux armements », qui n’est pas que liée aux armements stricto sensu. Il s’agit, pour chaque bloc de puissance, de s’assurer du maintien de sa puissance, et même d’un iota supplémentaire, pour dissuader les autres blocs de prendre l’ascendant, et minimiser le risque que sa propre puissance soit neutralisée, ou bien a contrario de permettre de prendre l’ascendant sur eux et de les neutraliser.

On a souvent justifié l’agression par la nécessité de prévenir l’agression d’autrui.

Une sorte d’hypothèse de la Reine Rouge, issue initialement des recherches en biologie sur les théories de l’évolution (Red Queen hypothesis – Wikipedia), se révèle ainsi en matière géopolitique. Il faut courir pour ne pas être dépassé par ses adversaires, et courir de plus en plus vite.

Tant que la puissance est indexée sur les combustibles fossiles, comment imaginer qu’à Belem, lors de la COP30, les différents blocs géopolitiques les plus puissants acceptent la moindre feuille de route de sortie des énergies fossiles ?

Ce serait baisser la garde au moment où le monde réarme, et où le « Grand Jeu » recommence (Nouveau Grand Jeu — Wikipédia).

Si, comme certains penseurs en écologie le pensent, nous sommes face à une indexation forte de la puissance géopolitique sur les énergies fossiles, dont nous devrions nous débarrasser pour réduire l’impact du réchauffement climatique, alors nous avons *un léger problème*.

Certains pourraient en conséquence estimer que l’humanité est condamné à poursuivre l’exploitation fossile, à cause du grand jeu géopolitique des puissances, jusqu’à ce que la seule boucle de régulation qui puisse y mettre fin soit celle du système Terre lui-même, via les catastrophes climatiques (et écologiques en général) de plus en plus critiques (ce que certains appellent « l’effondrement »).

Il existe toutefois des exemples où les humains ont limité, même imparfaitement, la course aux armements (effet Reine Rouge) entre grandes puissances, celui des traités de limitation et de désarmement nucléaires.

Il est peut-être opportun de rappeler aujourd’hui que cet outil pourrait également s’appliquer au problème climatique. On ne parlerait plus du « climat » ou des « émissions » (les conséquences) mais des causes fondamentales, c’est-à-dire des combustibles fossiles, comme on ne parlait pas de traité sur « l’holocauste nucléaire » ou les « retombées radioactives » des bombes (les conséquences) mais bien du nombre de têtes nucléaires actives et de leur réduction immédiate, c’est-à-dire des causes fondamentales.

Une telle idée existe et a été défendue par 100 prix Nobel, elle s’appelle « Traité de non prolifération des combustibles fossiles » (Fossil Fuel Non-Proliferation Treaty Initiative – Wikipedia ;  en français — Traité de Non-Prolifération des Combustibles Fossiles).

Si la course à la puissance est un effet émergent du système réel, et qu’il repose sur une dynamique qui conduit à l’extermination du genre humain (bombes nucléaires ou combustibles fossiles – ou les deux), le meilleur outil que nous ayons, sans garantie de succès, est peut-être que les grandes puissances reconnaissent ensemble l’impasse dans laquelle nous conduit l’accélération concurrentielle, et décident, ensemble, de s’auto-limiter mutuellement, par un traité contraignant.

Les outils de contrôle mutuel existent. Les arsenaux nucléaires ont réellement baissé, de manière drastique, suite à ces traités, même s’ils restent une menace existentielle pour l’humanité.

Outre les accords de l’ONU au « consensus » et « sauvant le multilatéralisme », il existe donc deux autres pistes :

– la conclusion d’un traité international contraignant entre « pays volontaires », jusqu’à forcer les grandes puissances à en tenir compte ;

– la conclusion d’un traité international contraignant entre « grandes puissances », jusqu’à forcer les autres pays à en tenir compte.

Tout traité contraignant permettant d’agréger progressivement une partie des nations du monde en ce sens pourrait servir d’étape intermédiaire vers ces objectifs. Une « prise en tenaille » des pays derniers récalcitrants, par mixte des deux pistes supra, est envisageable.

Mais que la voie est étroite, entre le gouffre et le précipice, et comme nous en sommes déjà proches !

Comme le dit Paul Atréides dans Dune :

« Nos ennemis nous entourent de partout et, dans de nombreux futurs, ils l’emportent. Mais je vois une issue. Il existe un passage étroit. »



Redémarrer la planète ?

Michael Mann à Bill Gates : vous ne pouvez pas redémarrer la planète si vous la détruisez

Michael E. Mann (*)

Deepltraduction Josette – Article paru dans thebulletin.org

« Je suppose qu’il est tentant, si le seul outil dont vous disposez est un marteau, de traiter tout comme s’il s’agissait d’un clou. » C’est ce qu’écrivait le célèbre psychologue Abraham Maslow en 1966.

Si Maslow était encore parmi nous aujourd’hui, j’imagine qu’il approuverait le corolaire selon lequel si votre seul outil est la technologie, chaque problème semble avoir une solution technologique. Et c’est une caractérisation pertinente de la pensée centrée sur les « tech bro » qui prévaut aujourd’hui dans le discours public sur l’environnement.

Il n’y a pas de meilleur exemple que Bill Gates, qui, cette semaine, a redéfini le concept de mauvais timing en publiant une note de 17 pages destinée à influencer les travaux de la prochaine COP30, le sommet international sur le climat qui se tiendra au Brésil. Cette note minimisait la gravité de la crise climatique au moment même où (très probablement) l’ouragan le plus puissant de l’histoire de l’humanité dans l’Atlantique, Melissa, alimenté par le changement climatique, frappait la Jamaïque avec des conséquences catastrophiques. Le lendemain, un nouveau rapport majeur sur le climat (avertissement : j’en suis coauteur), intitulé « Une planète au bord du gouffre »(*) , a été publié. Ce rapport a reçu beaucoup moins de couverture médiatique que la missive de Gates. Les médias traditionnels semblent plus intéressés par les réflexions sur le climat d’un ancien magnat de l’informatique que par l’évaluation sobre des plus grands climatologues mondiaux.

Gates est devenu célèbre dans les années 1990 en tant que PDG de Microsoft, à l’origine du système d’exploitation Windows. (Je dois avouer que j’étais plutôt un adepte de Mac.) Microsoft était connu pour commercialiser des logiciels présentant de nombreuses failles de sécurité. Les détracteurs affirmaient que Gates privilégiait la commercialisation prématurée de fonctionnalités et le profit au détriment de la sécurité et de la fiabilité. Sa réponse au dernier ver ou virus qui plantait votre PC et compromettait vos données personnelles ? « Hé, nous avons une solution pour ça ! »

C’est exactement la même approche que Gates a adoptée face à la crise climatique. Son groupe de capital-risque, Breakthrough Energy Ventures, investit dans des infrastructures basées sur les combustibles fossiles (comme le gaz naturel avec capture du carbone et récupération assistée du pétrole), tandis que Gates minimise le rôle des énergies propres et de la décarbonisation rapide. Il privilégie plutôt les nouvelles technologies énergétiques hypothétiques, notamment les « réacteurs nucléaires modulaires », qui ne pourraient en aucun cas être développés à grande échelle dans le délai imparti pour que le monde abandonne les combustibles fossiles.

Plus inquiétant encore, Gates a proposé une « solution miracle » à l’échelle planétaire pour la crise climatique. Il a financé des projets à but lucratif visant à mettre en œuvre des interventions de géo-ingénierie qui consistent à pulvériser d’énormes quantités de dioxyde de soufre dans la stratosphère afin de bloquer la lumière du soleil et de refroidir la planète. Qu’est-ce qui pourrait mal tourner ? Et puis, si nous détruisons cette planète, nous n’aurons qu’à faire de la géo-ingénierie sur Mars. N’est-ce pas, Elon ?

En réalité, ces solutions technologiques pour le climat nous mènent sur une voie dangereuse, à la fois parce qu’elles remplacent des options bien plus sûres et fiables, à savoir la transition vers les énergies propres, et parce qu’elles fournissent une excuse pour continuer à brûler des combustibles fossiles comme si de rien n’était. Après tout, pourquoi décarboniser si nous pouvons simplement résoudre le problème avec un « patch » plus tard ?

Voici le problème, Bill Gates : il n’y a pas de « patch » pour la crise climatique. Et il n’y a aucun moyen de redémarrer la planète si vous la détruisez. La seule solution sûre et fiable lorsque vous vous trouvez dans un trou climatique est d’arrêter de creuser – et de brûler – des combustibles fossiles.

C’est sans doute Gates qui a inspiré, au moins en partie, le méchant Peter Isherwell, le technophile, dans le film d’Adam McKay « Don’t Look Up ». Le film part du principe qu’une « comète » géante (une métaphore à peine voilée de la crise climatique) fonce vers la Terre alors que les politiciens restent inactifs. Ils se tournent donc vers Isherwell qui affirme disposer d’une technologie exclusive (une métaphore à peine voilée de la géo-ingénierie) capable de sauver la situation : des drones spatiaux développés par son entreprise qui détruiront la comète. Par coïncidence, les drones sont conçus pour extraire des fragments de comète des métaux rares d’une valeur de plusieurs milliards de dollars, qui reviennent tous à Isherwell et à son entreprise. Si vous n’avez pas vu le film (que je recommande vivement), je vous laisse imaginer comment tout cela se termine.

Pour ceux qui suivent depuis un certain temps les prises de position de Gates sur le climat, son soi-disant « revirement » soudain n’en est pas vraiment un. Il s’agit plutôt de la conséquence logique de la voie erronée qu’il a empruntée depuis plus d’une décennie.

J’ai commencé à m’inquiéter de la façon dont Gates présentait la crise climatique il y a près de dix ans, lorsqu’un journaliste m’a contacté pour me demander de commenter sa prétendue « découverte » d’une formule permettant de prédire les émissions de carbone. (Cette formule est en réalité une « identité » qui consiste à exprimer les émissions de carbone comme le produit de termes liés à la population, à la croissance économique, à l’efficacité énergétique et à la dépendance aux combustibles fossiles). J’ai remarqué, avec un certain amusement, que la relation mathématique que Gates avait « découverte » était si largement connue qu’elle avait un nom, « l’identité de Kaya », d’après l’économiste spécialisé dans l’énergie Yōichi Kaya qui avait présenté cette relation dans un manuel il y a près de trente ans. Elle est connue non seulement des climatologues sur le terrain, mais aussi des étudiants qui suivent un cours d’introduction au changement climatique (Kaya).

Si cela semble être une critique gratuite, ce n’est pas le cas. Cela témoigne d’un degré d’arrogance inquiétant. Gates pensait-il vraiment qu’une chose aussi fondamentale sur le plan conceptuel que la décomposition des émissions de carbone en un produit de termes constitutifs n’avait jamais été tentée auparavant ? Qu’il est si brillant que tout ce qu’il imagine doit être une découverte novatrice ?

À l’époque, j’ai réservé mes critiques à l’égard de Gates, non pas pour sa redécouverte de l’identité de Kaya (hé, s’il peut aider ses lecteurs à la comprendre, c’est formidable), mais pour avoir déclaré que cela impliquait en quelque sorte que « nous avons besoin d’un miracle énergétique » pour atteindre zéro émission de carbone. Ce n’est pas le cas. J’ai expliqué que Gates « rendait injustice aux progrès spectaculaires réalisés dans le domaine des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique », en citant des études évaluées par des pairs et menées par des experts de renom qui fournissent « des grandes lignes très crédibles sur la manière dont nous pourrions atteindre une production d’énergie 100 % sans carbone d’ici 2050 ».

Le soi-disant « miracle » dont il parle existe : il s’agit du soleil, du vent, de la géothermie et des technologies de stockage d’énergie. Des solutions concrètes existent déjà et sont facilement adaptables grâce à des investissements et des priorités appropriés. Les obstacles ne sont pas technologiques, mais politiques.

Le mépris de Gates dans ce cas n’était pas un cas isolé. Il s’inscrit dans une tendance constante à minimiser l’importance des énergies propres tout en promouvant des solutions technologiques douteuses et potentiellement dangereuses dans lesquelles il investit souvent personnellement. Lorsque j’ai eu l’occasion de l’interroger directement à ce sujet (il y a quelques années, The Guardian m’avait demandé de contribuer à une liste de questions qu’ils prévoyaient de lui poser lors d’une interview), sa réponse a été évasive et trompeuse. Il a insisté sur le fait qu’il y avait une « prime » à payer pour le développement des énergies propres, alors qu’en réalité, leur coût moyen est inférieur à celui des combustibles fossiles ou du nucléaire, et a éludé les questions en recourant à des attaques ad hominem. (« Il [Mann] fait en réalité un excellent travail sur le changement climatique. Je ne comprends donc pas pourquoi il agit comme s’il était contre l’innovation. »)

Tout cela nous fournit un contexte pour évaluer la dernière missive de Gates, qui ressemble à un jeu de bingo minimisant le changement climatique, reprenant presque tous les clichés utilisés par les désinformateurs professionnels sur le climat, comme Bjorn Lomborg, qui se qualifie lui-même d’« environnementaliste sceptique ». (Soit dit en passant, le centre de Lomborg a reçu des millions de dollars de financement de la Fondation Gates ces dernières années et Lomborg a récemment reconnu avoir été conseiller de Gates sur les questions climatiques).

Parmi les mythes lomborgiens classiques promus dans la nouvelle diatribe de Gates, que je vais paraphraser ici, figure le vieux refrain selon lequel « l’énergie propre est trop chère ». (Gates aime mettre l’accent sur quelques secteurs difficiles à décarboniser, comme l’acier ou le transport aérien, afin de détourner l’attention du fait que la plupart de nos infrastructures énergétiques peuvent désormais être facilement décarbonisées). Il insiste également sur le fait que « nous pouvons simplement nous adapter », même si, en l’absence d’une action concertée, le réchauffement pourrait très bien nous pousser au-delà de la limite de notre capacité d’adaptation en tant qu’espèce.

Il affirme que « les efforts pour lutter contre le changement climatique nuisent aux efforts pour lutter contre les menaces pour la santé humaine ». (L’un des points centraux de mon nouveau livre « Science Under Siege », coécrit avec le scientifique en santé publique Peter Hotez, est que le climat et la santé humaine sont indissociables, le changement climatique favorisant la propagation de maladies mortelles). Il affirme ensuite que « les pauvres et les opprimés ont des préoccupations plus urgentes », alors qu’en réalité, c’est exactement le contraire : les pauvres et les opprimés sont les plus menacés par le changement climatique, car ils ont le moins de richesses et de résilience.

Ce que Gates avance ne sont pas des arguments légitimes qui peuvent être avancés de bonne foi. Ce sont des arguments éculés de l’industrie des combustibles fossiles. Les reprendre à son compte est tout aussi embarrassant que d’être pris, métaphoriquement parlant, la main dans le sac.

Pendant des années, lorsque je critiquais Gates pour ce que je considérais comme son point de vue erroné sur le climat, mes collègues me disaient : « Tu ne comprends tout simplement pas ce que Gates dit ! » Aujourd’hui, alors que Donald Trump et la machine médiatique de droite de Murdoch (la rédaction du Wall Street Journal et maintenant une tribune libre signée par nul autre que Lomborg lui-même dans le New York Post) célèbrent la nouvelle missive de Gates, je peux affirmer avec certitude : « Non, vous n’avez pas compris ce qu’il disait. »

Peut-être, juste peut-être, avons-nous appris une leçon importante ici : la solution à la crise climatique ne viendra pas des licornes volantes saupoudrées de poussière de fée que sont les « ploutocrates bienveillants ». Ils n’existent pas. La solution devra venir de tous les autres, en utilisant tous les outils à notre disposition pour lutter contre un programme écocide mené par les ploutocrates, les pollueurs, les États pétroliers, les propagandistes et, trop souvent aujourd’hui, la presse.



Quatre composantes majeures du système terrestre perdent leur stabilité

Deepltraduction Josette

Selon une nouvelle étude à laquelle a contribué l’Institut de recherche sur l’impact climatique de Potsdam (PIK), quatre éléments clés du système climatique terrestre sont en train de se déstabiliser. Les chercheurs ont analysé les interconnexions entre quatre éléments de basculement majeurs : la calotte glaciaire du Groenland, la circulation méridienne de retournement de l’Atlantique (AMOC), la forêt amazonienne et le système de mousson sud-américain. Tous quatre montrent des signes de diminution de leur résilience, ce qui augmente le risque de changements brusques et potentiellement irréversibles.

« Nous disposons désormais de preuves observationnelles convaincantes que plusieurs composantes du système terrestre se déstabilisent », déclare Niklas Boers (*), auteur principal de l’étude et membre du PIK et de l’Université technique de Munich. « Ces systèmes pourraient approcher des seuils critiques qui, s’ils sont franchis, pourraient déclencher des changements brusques et irréversibles aux conséquences graves. » La principale préoccupation des chercheurs est que ces systèmes climatiques ne sont pas isolés. Ils font partie d’un réseau plus vaste d’éléments de basculement, qui interagissent entre eux via les océans et l’atmosphère.

Afin d’identifier et de suivre les signes de déstabilisation, l’équipe internationale de scientifiques a analysé des données d’observation à long terme et mis au point une nouvelle méthode mathématique permettant d’évaluer la capacité des systèmes à se remettre des perturbations. Une capacité de récupération réduite est un signe évident de déclin de la stabilité. Toutes les sources de données et techniques d’analyse aboutissent à la même conclusion : plusieurs sous-systèmes climatiques perdent leur stabilité.

Signaux à travers le système terrestre

Si les modèles climatiques ne sont pas encore en mesure de saisir ces dynamiques avec une fiabilité suffisante, les signaux d’observation sont déjà visibles. La calotte glaciaire du Groenland, par exemple, est déstabilisée par des rétroactions qui accélèrent la fonte. L’AMOC est menacée par l’apport croissant d’eau douce provenant de la fonte des glaces et des précipitations, qui réduit la salinité et la densité des eaux de surface, un facteur clé de la circulation. Dans le même temps, le changement climatique et la déforestation affaiblissent la forêt amazonienne, tandis que le système de mousson sud-américain risque de subir des changements brusques dans les précipitations si le système de recyclage de l’humidité de la forêt est perturbé.

« Chaque dixième de degré de réchauffement supplémentaire augmente la probabilité de franchir un point de basculement », souligne M. Boers. « Cela seul devrait constituer un argument de poids en faveur d’une réduction rapide et décisive des émissions de gaz à effet de serre. »

Comme les seuils exacts restent incertains, les auteurs soulignent l’importance de mettre en place un système mondial de surveillance et d’alerte précoce afin de détecter les premiers signes de déstabilisation. Les données satellitaires haute résolution sur la végétation et la fonte des glaces, combinées aux archives climatiques à long terme et aux techniques modernes d’apprentissage automatique, pourraient permettre de suivre en temps réel la résilience des éléments critiques susceptibles de basculer.



Moyen-Orient & Climat

Les pays du Moyen-Orient sont parmi les plus exposés au changement climatique. Pourquoi les médias en parlent-ils si peu ?

Marianna Poberezhskaya, Imad El-Anis, Marwa Mustafa

Deepltraduction Josette – article paru dans The Conversation


Le Moyen-Orient traverse une période de turbulences politiques et économiques intenses, plusieurs pays de la région étant en proie à des conflits. Ces conflits se déroulent dans un contexte d’aggravation de la crise climatique.

En 2023, le groupe de réflexion mondial Carnegie Endowment for International Peace a conclu que les pays du Moyen-Orient « comptent parmi les États les plus exposés au monde aux effets accélérés du changement climatique causé par l’homme, notamment les vagues de chaleur, la baisse des précipitations, les sécheresses prolongées, l’intensification des tempêtes de sable et des inondations, et l’élévation du niveau de la mer ».

La capacité d’une société à recevoir, traiter et utiliser les informations relatives au climat est au cœur d’une réponse efficace au changement climatique. Les médias jouent un rôle important : ils sont essentiels pour faire progresser la compréhension du public sur le changement climatique et son lien avec la sécurité individuelle, communautaire et nationale.

Pourtant, au cours des deux dernières décennies, la couverture médiatique du changement climatique au Moyen-Orient a été parmi les plus faibles au monde. Selon l’Observatoire des médias et du changement climatique de l’Université du Colorado à Boulder, les médias du Moyen-Orient ont publié en moyenne un article sur le changement climatique en août 2025, contre 66 articles pour les médias nord-américains au cours du même mois.

Le manque de couverture médiatique du changement climatique au Moyen-Orient s’explique par les nombreux problèmes structurels auxquels sont confrontés les médias de la région. Comment parler du changement climatique lorsque les conflits armés échappent à tout contrôle ou lorsque le débat public est monopolisé par des questions jugées plus urgentes ?

La Jordanie constitue un bon exemple pour nous aider à comprendre ces défis et à les surmonter.

Les médias en Jordanie

La Jordanie joue depuis longtemps un rôle stabilisateur au Moyen-Orient. Elle a accueilli un grand nombre de réfugiés provenant des conflits voisins et a agi en tant que médiateur et négociateur de paix entre les rivaux du Moyen-Orient. Cependant, le changement climatique menace la stabilité de la Jordanie.

Raed Abu Soud, ministre jordanien de l’Eau et de l’Irrigation, a déclaré en mai 2025 : « La Jordanie est confrontée à l’une des crises hydriques les plus graves au monde, avec une disponibilité en eau par habitant qui tombe à seulement 60 mètres cubes par an. »

Une multitude d’autres facteurs aggravent la situation. Le sous-développement économique de la Jordanie entraîne un chômage persistant et des troubles sociaux, tandis que les conflits régionaux sapent la cohésion sociale.

La manière dont la Jordanie réagit aux risques liés au changement climatique et préserve sa stabilité est extrêmement importante pour le Moyen-Orient et au-delà. La compréhension de ce défi par le public sera essentielle pour apporter une réponse efficace. C’est là qu’interviennent les médias.

Nos recherches sur le changement climatique en Jordanie ont consisté à analyser plus de 2 500 articles publiés dans les principaux médias écrits du pays et à mener des entretiens approfondis avec la population locale. Nous avons constaté que, si le changement climatique devient un sujet de plus en plus important dans le pays, de nombreux obstacles empêchent encore un débat cohérent sur cette question.

En Jordanie, comme dans beaucoup d’autres pays touchés par des conflits, il est courant que les discussions sur le changement climatique soient reléguées au second plan lorsque d’autres crises surgissent. Depuis 2023, date à laquelle la guerre à Gaza a éclaté, les médias jordaniens se sont naturellement concentrés sur la couverture de la crise humanitaire dans cette région, au détriment du changement climatique.

Cette situation est exacerbée par le fait qu’il y a très peu de journalistes en Jordanie qui travaillent régulièrement sur les questions liées au climat et qui peuvent offrir une couverture précise et opportune. La pénurie de journalistes spécialisés dans le climat est un problème courant dans tout le Moyen-Orient.

Lorsque le changement climatique est couvert par les médias jordaniens, il est souvent présenté comme une considération secondaire par rapport aux menaces géopolitiques, et non comme un défi à part entière. En raison de la politique d’accueil des réfugiés menée par le pays, les médias jordaniens ont souvent présenté leur pays comme une « deuxième victime » de la guerre civile en Syrie et du conflit israélo-palestinien insoluble. Les réfugiés sont décrits comme une pression supplémentaire sur des ressources déjà limitées.

Érosion de la confiance

En Jordanie, le discours sur le changement climatique tend à être fortement influencé par les partenaires internationaux, notamment les gouvernements étrangers, les organisations caritatives et les organismes de financement.

Il existe en Jordanie de nombreux cours éducatifs et professionnels financés par des fonds extérieurs et axés sur le changement climatique, destinés à divers publics, y compris les professionnels des médias. Si cela facilite l’avancement des discussions sur le changement climatique, cela peut également éloigner la couverture médiatique du changement climatique du contexte et des connaissances locales. Cela est particulièrement vrai si les partenaires extérieurs se contentent d’« enseigner » aux Jordaniens ce qu’ils estiment nécessaire, sans comprendre pleinement les défis spécifiques auxquels la Jordanie est confrontée.

Cela peut également éroder la confiance entre les Jordaniens et ces partenaires étrangers. Dans certains des cas que nous avons étudiés, les journalistes jordaniens considéraient le changement climatique comme faisant partie d’un programme imposé par l’Occident visant à contrôler les pays en développement.

La Jordanie est un pays très important pour le Moyen-Orient, l’Europe et au-delà. Sans une adaptation efficace au changement climatique, elle risque de perdre son rôle de refuge pour les réfugiés et de stabilisateur régional.

Les médias peuvent jouer un rôle essentiel dans la promotion du discours sur le changement climatique au Moyen-Orient, à la fois en demandant des comptes aux gouvernements et en sensibilisant le public aux questions climatiques. Certaines études suggèrent que l’intérêt du public est corrélé au volume de la couverture médiatique, et que l’attention peut s’estomper lorsque d’autres questions dominent l’espace médiatique.

Une couverture médiatique soutenue et inclusive est essentielle pour garantir un engagement à long terme et une participation éclairée du public à l’action climatique, même en période de turbulences politiques et économiques.



Le Climat & les guerres

Trois raisons pour lesquelles la crise climatique doit faire repenser notre conception de la guerre

Duncan Depledge

Maître de conférences en géopolitique et en sécurité, Université de Loughborough

Deepltraduction Josette – article paru dans The Conversation

En 2024, pour la première fois, la température moyenne de la Terre a dépassé 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels, un seuil critique dans la crise climatique. Dans le même temps, des conflits armés majeurs continuent de faire rage en Ukraine, à Gaza, au Soudan et ailleurs.

Ce qui devient de plus en plus clair, c’est que la guerre doit désormais être comprise comme se déroulant dans le contexte de la crise climatique.

La relation entre la guerre et le changement climatique est complexe. Voici trois raisons pour lesquelles la crise climatique doit remodeler notre façon de penser la guerre.

Les guerres et le changement climatique sont inextricablement liés. Le changement climatique peut augmenter la probabilité de conflits violents en intensifiant la raréfaction des ressources et les déplacements de population, tandis que les conflits eux-mêmes accélèrent les dommages environnementaux. Cet article fait partie d’une série intitulée « War on climate », qui explore la relation entre les questions climatiques et les conflits mondiaux.

1. La guerre aggrave le changement climatique

La nature destructrice inhérente à la guerre dégrade depuis longtemps l’environnement. Mais ce n’est que récemment que nous avons pris davantage conscience de ses implications climatiques.

Cela fait suite aux efforts déployés principalement par des chercheurs et des organisations de la société civile pour comptabiliser les émissions de gaz à effet de serre résultant des combats, notamment en Ukraine et à Gaza, ainsi que pour enregistrer les émissions provenant de toutes les opérations militaires et de la reconstruction d’après-guerre.

Une étude menée par Scientists for Global Responsibility et le Conflict and Environment Observatory a estimé que l’empreinte carbone totale des armées à travers le monde est supérieure à celle de la Russie, qui occupe actuellement la quatrième place mondiale en la matière.

Les États-Unis seraient le pays dont les émissions militaires sont les plus élevées. Selon les estimations des chercheurs britanniques Benjamin Neimark, Oliver Belcher et Patrick Bigger, si l’armée américaine était un pays, elle serait le 47e plus grand émetteur de gaz à effet de serre au monde. Elle se situerait ainsi entre le Pérou et le Portugal.

Ces études reposent toutefois sur des données limitées. Les agences militaires communiquent parfois des données partielles sur les émissions, et les chercheurs doivent les compléter par leurs propres calculs à partir des chiffres officiels du gouvernement et des industries associées.

Il existe également des variations importantes d’un pays à l’autre. Certaines émissions militaires, notamment celles de la Chine et de la Russie, se sont avérées presque impossibles à évaluer.

Les guerres peuvent également mettre en péril la coopération internationale en matière de changement climatique et de transition énergétique. Depuis le début de la guerre en Ukraine, par exemple, la coopération scientifique entre l’Occident et la Russie dans l’Arctique s’est rompue. Cela a empêché la compilation de données climatiques cruciales.

Les détracteurs du militarisme affirment que la reconnaissance de la contribution de la guerre à la crise climatique devrait être le moment de la prise de conscience pour ceux qui sont trop disposés à dépenser d’énormes ressources pour maintenir et étendre leur puissance militaire. Certains pensent même que la démilitarisation est la seule issue à la catastrophe climatique.

D’autres sont moins radicaux. Mais le point crucial est que la reconnaissance des coûts climatiques de la guerre soulève de plus en plus de questions morales et pratiques sur la nécessité d’une plus grande retenue stratégique et sur la possibilité de rendre la guerre moins destructrice pour l’environnement.

2. Le changement climatique exige des réponses militaires

Avant que l’impact de la guerre sur le climat ne soit mis en évidence, les chercheurs débattaient pour savoir si la crise climatique pouvait agir comme un « multiplicateur de menaces ». Cela a conduit certains à affirmer que le changement climatique pourrait intensifier le risque de violence dans certaines régions du monde déjà soumises à des tensions liées à l’insécurité alimentaire et hydrique, aux tensions internes, à la mauvaise gouvernance et aux conflits territoriaux.

Certains conflits au Moyen-Orient et au Sahel ont déjà été qualifiés de « guerres climatiques », ce qui implique qu’ils ne se seraient peut-être pas produits sans les contraintes liées au changement climatique. D’autres chercheurs ont montré à quel point ces affirmations sont controversées. Toute décision de recourir à la violence ou de partir en guerre reste toujours un choix fait par des personnes, et non par le climat.

Il est plus difficile de contester l’observation selon laquelle la crise climatique conduit à un déploiement plus fréquent des forces armées pour aider les civils en situation d’urgence. Cela englobe un large éventail d’activités, allant de la lutte contre les incendies de forêt au renforcement des défenses contre les inondations, en passant par l’aide aux évacuations, les opérations de recherche et de sauvetage, le soutien au relèvement après une catastrophe et l’acheminement de l’aide humanitaire.

Il est impossible de prédire si la crise climatique entraînera davantage de violence et de conflits armés à l’avenir. Si tel est le cas, il faudra peut-être recourir plus fréquemment à la force militaire. Parallèlement, si l’on compte sur les forces armées pour aider à faire face à la fréquence et à l’intensité croissantes des catastrophes liées au climat, leurs ressources seront encore plus sollicitées.

Les gouvernements seront confrontés à des choix difficiles quant aux types de missions à privilégier et à l’opportunité d’augmenter les budgets militaires au détriment d’autres besoins sociétaux.

3. Les forces armées devront s’adapter

Avec l’intensification des tensions géopolitiques et l’augmentation du nombre de conflits, il semble peu probable que les appels à la démilitarisation soient entendus dans un avenir proche. Les chercheurs se retrouvent donc dans la situation inconfortable de devoir repenser la manière dont la force militaire peut – et doit – être utilisée dans un monde qui tente à la fois de s’adapter à l’accélération du changement climatique et d’échapper à sa profonde dépendance aux combustibles fossiles.

La nécessité de préparer le personnel militaire et d’adapter les bases, les équipements et autres infrastructures afin qu’ils puissent résister et fonctionner efficacement dans des conditions climatiques de plus en plus extrêmes et imprévisibles est une préoccupation croissante. En 2018, deux ouragans majeurs aux États-Unis ont causé plus de 8 milliards de dollars de dommages aux infrastructures militaires.

Mes propres recherches ont montré qu’au Royaume-Uni, du moins, certains responsables de la défense prennent de plus en plus conscience que les militaires doivent réfléchir attentivement à la manière dont ils vont gérer les changements majeurs qui se produisent dans le paysage énergétique mondial et qui sont induits par la transition énergétique.

Les forces armées sont confrontées à un choix difficile. Elles peuvent soit rester l’un des derniers grands consommateurs de combustibles fossiles dans un monde de plus en plus sobre en carbone, soit participer à une transition énergétique qui aura probablement des implications importantes sur la manière dont la force militaire est générée, déployée et maintenue.

Il apparaît clairement que l’efficacité opérationnelle dépendra de plus en plus de la prise de conscience par les forces armées des implications du changement climatique pour les opérations futures. Elle dépendra également de l’efficacité avec laquelle elles auront adapté leurs capacités pour faire face à des conditions climatiques plus extrêmes et de la mesure dans laquelle elles auront réussi à réduire leur dépendance aux combustibles fossiles.

Au début du XIXe siècle, le général prussien Carl von Clausewitz a fait valoir que si la nature de la guerre changeait rarement, son caractère évoluait presque constamment avec le temps.

Il sera essentiel de reconnaître l’ampleur et la portée de la crise climatique si nous voulons comprendre pourquoi et comment les guerres futures seront menées, ainsi que la manière dont certaines pourraient être évitées ou rendues moins destructrices.


ALERTE : Climat, les points de bascule

Plus que trois ans ?

Plus que trois ans : une nouvelle étude avertit que le monde n’a plus beaucoup de temps pour éviter les pires conséquences du changement climatique.

Piers Forster & Debbie Rosen

Traduction jmvh – article paru sur The Conversation

Les mauvaises nouvelles concernant le climat sont omniprésentes. L’Afrique est particulièrement touchée par le changement climatique et les phénomènes météorologiques extrêmes, qui ont un impact sur la vie et les moyens de subsistance de ses habitants.

Nous vivons dans un monde qui se réchauffe à un rythme sans précédent depuis le début des relevés. Pourtant, les gouvernements tardent à agir.

La conférence annuelle des parties sur le changement climatique () (COP30) aura lieu dans quelques mois. Les 197 pays membres des Nations unies étaient censés avoir soumis leurs plans climatiques nationaux actualisés à l’ONU avant février de cette année. Ces plans décrivent comment chaque pays réduira ses émissions de gaz à effet de serre conformément à l’accord international juridiquement contraignant de Paris. Cet accord engage tous les signataires à limiter le réchauffement climatique d’origine humaine à 1,5 °C maximum par rapport aux niveaux préindustriels.

Les gouvernements doivent également présenter leurs plans d’action nationaux pour le climat récemment mis à jour à la COP30 et montrer comment ils comptent s’adapter aux effets du changement climatique.

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Mais jusqu’à présent, seuls 25 pays, représentant environ 20 % des émissions mondiales, ont soumis leurs plans, appelés « contributions déterminées au niveau national ». En Afrique, il s’agit de la Somalie, de la Zambie et du Zimbabwe. Il en reste 172 à présenter.

Les contributions déterminées au niveau national sont très importantes pour définir les engagements à court et moyen terme des pays en matière de changement climatique. Elles fournissent également une orientation qui peut éclairer les décisions politiques et les investissements à plus grande échelle. L’alignement des plans climatiques sur les objectifs de développement pourrait sortir 175 millions de personnes de la pauvreté.

Mais on peut considérer que seul l’un des plans soumis, celui du Royaume-Uni, est compatible avec l’accord de Paris.

Nous sommes des climatologues, et l’un d’entre nous (Piers Forster) dirige l’équipe scientifique internationale qui publie chaque année le rapport Indicateurs du changement climatique mondial. Ce rapport donne un aperçu de l’état du système climatique. Il s’appuie sur des calculs des émissions nettes de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale, de leur concentration dans l’atmosphère, de l’augmentation des températures au sol et de la part de ce réchauffement imputable à l’activité humaine.

Le rapport examine également l’intensification des températures et des précipitations extrêmes, l’élévation du niveau des mers et la quantité de dioxyde de carbone qui peut encore être émise avant que la température de la planète ne dépasse de 1,5 °C celle de l’ère préindustrielle. Ce point est important, car il est nécessaire de rester en dessous de 1,5 °C pour éviter les pires effets du changement climatique.

Notre rapport montre que le réchauffement climatique causé par l’homme a atteint 1,36 °C en 2024. Cela a fait grimper les températures mondiales moyennes (combinaison du réchauffement induit par l’homme et de la variabilité naturelle du système climatique) à 1,52 °C. En d’autres termes, le monde a déjà atteint un niveau de réchauffement tel qu’il ne peut plus éviter les effets significatifs du changement climatique. Il ne fait aucun doute que nous sommes en situation de danger.

Une planète dangereusement chaude

Bien que les températures mondiales aient été très élevées l’année dernière, elles n’avaient rien d’exceptionnel, ce qui est alarmant. Les données parlent d’elles-mêmes. Les niveaux record des émissions de gaz à effet de serre ont entraîné une augmentation des concentrations atmosphériques de dioxyde de carbone, de méthane et d’oxyde d’azote.

Il en résulte une hausse des températures qui grignote rapidement le budget carbone restant (la quantité de gaz à effet de serre pouvant être émise dans un délai convenu). À ce rythme, ce budget sera épuisé en moins de trois ans

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Nous devons regarder la réalité en face : la fenêtre permettant de rester en dessous de 1,5 °C est pratiquement fermée. Même si nous parvenons à faire baisser les températures à l’avenir, le chemin sera long et difficile.

Dans le même temps, les phénomènes climatiques extrêmes s’intensifient, entraînant des risques et des coûts à long terme pour l’économie mondiale, mais aussi, et surtout, pour les populations. Le continent africain est aujourd’hui confronté à la crise climatique la plus meurtrière depuis plus de dix ans.

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Il serait impossible d’imaginer des économies fonctionnant sans un accès immédiat à des données fiables. Lorsque les cours boursiers s’effondrent ou que la croissance stagne, les responsables politiques et les chefs d’entreprise agissent de manière décisive. Personne ne tolérerait des informations obsolètes sur les ventes ou le marché boursier.

Mais en matière de climat, la rapidité du changement climatique dépasse souvent celle des données disponibles. Il est donc impossible de prendre des décisions rapides. Si nous traitions les données climatiques comme nous traitons les rapports financiers, chaque mise à jour catastrophique serait suivie d’une vague de panique. Mais alors que les gouvernements réagissent systématiquement face à un ralentissement économique, ils ont été beaucoup plus lents à réagir aux indications fournies par les principaux indicateurs climatiques, qui sont les signes vitaux de la Terre.

Ce qu’il faut faire maintenant

Alors que de plus en plus de pays élaborent leurs plans climatiques, il est temps que les dirigeants du monde entier affrontent les dures réalités de la science climatique.

Les gouvernements doivent avoir rapidement accès à des données climatiques fiables afin de pouvoir élaborer des plans climatiques nationaux actualisés. Les plans climatiques nationaux doivent également adopter une dimension mondiale. Cela est essentiel pour garantir l’équité et la justice. Par exemple, les pays développés doivent reconnaître qu’ils ont émis davantage de gaz à effet de serre et prendre l’initiative de présenter des efforts ambitieux en matière d’atténuation et de fournir des financements aux autres pays pour qu’ils puissent se décarboner et s’adapter.

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En Afrique, l’ONU organise la Semaine du climat de la CCNUCC à Addis-Abeba en septembre. Outre la préparation de la COP30, des sessions seront consacrées à l’accès au financement climatique et à la garantie d’une transition juste et équitable vers zéro émission de carbone d’origine humaine d’ici 2050 (zéro net). Le sommet vise également à soutenir les pays qui travaillent encore sur leurs plans climatiques nationaux.

Si les contributions déterminées au niveau national sont mises en œuvre, le rythme du changement climatique ralentira. Cela est essentiel non seulement pour les pays – et les économies – qui sont actuellement en première ligne dans la lutte contre le changement climatique, mais aussi pour le bon fonctionnement de la société mondiale.

Seuls cinq pays du G20 ont soumis leurs plans pour 2035 : le Canada, le Brésil, le Japon, les États-Unis et le Royaume-Uni. Or, le G20 est responsable d’environ 80 % des émissions mondiales. Cela signifie que la présidence actuelle de l’Afrique du Sud au G20 peut contribuer à faire en sorte que le monde donne la priorité aux efforts visant à aider les pays en développement à financer leur transition vers une économie à faible intensité de carbone.

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Un autre facteur préoccupant est que seules 10 des contributions nationales actualisées ont réaffirmé ou renforcé leur engagement à abandonner les combustibles fossiles. Cela signifie que les plans climatiques nationaux de l’Union européenne, de la Chine et de l’Inde seront essentiels pour évaluer leur capacité à jouer un rôle moteur dans la lutte contre le changement climatique et à maintenir les objectifs de l’accord de Paris en matière de limitation du réchauffement climatique à 1,5 °C. De nombreux autres pays examineront attentivement les engagements pris par ces pays avant de soumettre leurs propres plans climatiques nationaux.

Les données contenues dans notre rapport aident la communauté internationale à comprendre non seulement ce qui s’est passé ces dernières années, mais aussi ce à quoi il faut s’attendre à l’avenir.

Nous espérons que ces pays et d’autres soumettront des plans ambitieux et crédibles bien avant la COP30. S’ils le font, cela permettra enfin de combler le fossé entre la simple reconnaissance de la crise climatique et la prise de mesures décisives pour y remédier. Chaque tonne d’émissions de gaz à effet de serre compte.



Le GIEC : peut-il retrouver sa crédibilité ?

Examen critique des évaluations des risques climatiques et défi croissant posé par les actuaires mondiaux

deepltraduction Josette – article original « The IPCC: Can it regain its credibility?« 

Jonathon Porritt (*)

Une Terre froissée symbolise les défis environnementaux urgents, tels que le changement climatique et les catastrophes naturelles

Une bonne politique climatique repose sur une bonne science climatique. Et une bonne science climatique repose sur le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC*) depuis sa création par les gouvernements en 1988.

Le GIEC est composé de dizaines de milliers de scientifiques issus de dizaines de pays, qui couvrent les multiples facettes du « pourquoi » et du « comment » du changement climatique. Il établit une ligne consensuelle dans des rapports (*) volumineux publiés tous les cinq ou six ans. Il a si bien rempli cette mission qu’il a reçu en 2007 le prix Nobel de la paix aux côtés de l’ancien vice-président Al Gore.

Les détracteurs du GIEC le jugent beaucoup trop lent, toujours en retard de plusieurs années sur la réalité de ce qui se passe en première ligne de notre climat en mutation, et beaucoup trop sensible aux pressions politiques brutales des États pétroliers et de l’industrie des combustibles fossiles. Cependant, si vous recherchez une manifestation institutionnelle de ce à quoi ressemble une bonne science dans la pratique, le GIEC est considéré par beaucoup comme la référence en la matière.

Au fil des ans, il s’est familiarisé avec les attaques des climatosceptiques (les rangs serrés des partisans de la théorie de la Terre plate ont été sommairement écartés par le GIEC au fil des ans), des scientifiques indépendants plus radicaux (avec lesquels il a maintenu une position polie de « désaccord respectueux ») et des militants pour le climat, qu’il ignore de manière plutôt condescendante.

Mais le GIEC est aujourd’hui en grande difficulté, face à un adversaire bien plus redoutable : l’élite mondiale des actuaires ! (site des Actuaires français ici) La profession la plus aride, la plus poussiéreuse et la plus incontestablement autoritaire au monde a décidé de concentrer toute sa puissance de feu sur le GIEC, et les retombées pourraient (et devraient !) transformer le monde de la science climatique.

En janvier 2025, sans tambour ni trompette, l’Institute and Faculty of Actuaries (Institut et Faculté des Actuaires) a publié son rapport « Planetary Solvency: Finding our Balance in Nature » (*) (Solvabilité planétaire : trouver notre équilibre dans la nature), en partenariat avec des scientifiques de l’université d’Exeter. Ce rapport critique vivement les prévisions économiques orthodoxes, qui estiment que l’impact d’une augmentation moyenne de la température de 3 °C d’ici la fin du siècle serait d’environ 2 % du PIB annuel. « Ces estimations sont tout simplement erronées, plutôt que vaguement correctes, et ne tiennent pas compte du risque de ruine. » Les experts en gestion des risques de l’institut ont réévalué avec diligence les risques associés à des impacts tels que les incendies, les inondations, les sécheresses, les augmentations de température et l’élévation du niveau de la mer jusqu’en 2050 et jusqu’à la fin du siècle.

Il est désormais fort probable que nous connaitrons une augmentation moyenne de la température d’au moins 2 °C d’ici 2050 – un résultat qualifié de « catastrophique » par les auteurs du rapport. Prenez une bonne inspiration et réfléchissez aux impacts prévus de cette augmentation de 2°C :

  • • Contraction économique ; perte du PIB supérieure à 25 %.
  • • Évènements de mortalité humaine massive entrainant plus de 2 milliards de décès.
  • • Le réchauffement de 2 °C ou plus déclenche un nombre élevé de points de basculement climatiques.
  • • Effondrement de certains services écosystémiques et systèmes terrestres essentiels.
  • • Évènements d’extinction majeurs dans plusieurs régions géographiques.
  • • Circulation océanique gravement perturbée.
  • • Fragmentation sociopolitique sévère dans de nombreuses régions ; disparition des régions de faible altitude.
  • • La chaleur et le stress hydrique entrainent la migration massive de milliards de personnes.
  • • Mortalité catastrophique due aux maladies, à la malnutrition, à la soif et aux conflits.

Deux milliards de décès potentiels d’ici 2050. C’est dans seulement 25 ans. Et pour finir, sachant que nous sommes actuellement sur une trajectoire de statu quo qui mènera à une augmentation de la température d’au moins 3,7 °C d’ici 2100, la contraction du PIB passe alors à 50 % et le nombre de décès prévus à 4 milliards.

La définition de la « solvabilité planétaire » donnée par l’institut est fascinante :

La « solvabilité planétaire » évalue la capacité actuelle du système terrestre à soutenir notre société et notre économie humaines. De la même manière qu’un régime de retraite solvable est un régime qui continue à fournir des pensions, un système terrestre solvable est un système qui continue à fournir les services naturels dont nous dépendons, à soutenir la prospérité actuelle et à garantir un avenir sûr et juste.

Le problème est que le GIEC, au nom des citoyens de la planète Terre, n’évalue pas les risques de la même manière que les gestionnaires de régimes de retraite évaluent les risques pour leurs clients.
Les risques liés au changement climatique non atténué et aux phénomènes naturels ont été largement sous-estimés. Les pratiques mondiales de gestion des risques pour les décideurs politiques sont inadéquates, et nous avons accepté des niveaux de risque beaucoup plus élevés que ce qui est généralement admis.

Je ne suis pas sûr que le GIEC appréciera d’être qualifié de « précisément faux plutôt que vaguement juste », surtout lorsqu’il se plongera dans les détails de cette critique dévastatrice. Il est essentiellement accusé de :

1. S’appuyer sur une science excessivement restrictive et réductionniste, basée sur des « preuves » rétrospectives, sans aucune capacité à faire face à l’incertitude et à une analyse des risques plus sophistiquée.

2. Ne pas tenir compte de la science des points de basculement critiques : « attendre la certitude » quant à savoir si ces écosystèmes critiques vont basculer ou non, c’est risquer la ruine.

3. Utiliser des méthodologies lentes et statiques, ce qui signifie que ses évaluations des risques sont peu fréquentes et semblent incapables de prendre en compte les preuves irréfutables que le climat change beaucoup plus rapidement que ne l’indiquent ses évaluations.

4. Donner aux gouvernements une fausse assurance (et donc très dangereuse) que l’ampleur des dommages causés à l’économie mondiale par une augmentation moyenne de la température de 2 °C avant la fin du siècle sera « gérable », à environ 1,5 % du PIB mondial. C’est là que l’institut accuse le GIEC d’être « totalement dans l’erreur ».

Je suis sûr que le GIEC fournira une réponse en temps voulu. Lorsqu’il le fera, il devra tenir compte d’un autre rapport tout aussi accablant rédigé par des scientifiques de l’Institut pour les risques climatiques de l’Université de Nouvelle-Galles du Sud, qui confirme l’hypothèse des actuaires selon laquelle les risques financiers ont été sous-estimés, simplement parce que les modèles d’évaluation intégrée du GIEC, sur lesquels il s’appuie depuis des décennies, sont incapables de saisir les risques majeurs, que les actuaires qualifient de risques « peu probables mais aux conséquences catastrophiques ».

Comme l’a déclaré le professeur Andy Pitman (*), l’un des coauteurs de ce rapport :

C’est dans les situations extrêmes que les choses se concrétisent. Il ne s’agit pas de températures moyennes. Dans un avenir plus chaud, nous pouvons nous attendre à des perturbations en cascade de la chaîne d’approvisionnement, déclenchées par des événements météorologiques extrêmes dans le monde entier.

C’est bien sûr ce qui se passe déjà, sous nos yeux, en temps réel, pays après pays.

Alors, cette confrontation obscure entre les passionnés du climat et les actuaires adeptes des chiffres a-t-elle une incidence sur le monde réel ? Absolument ! Si le GIEC continue de fournir aux gouvernements des évaluations sérieusement biaisées des risques climatiques, leur offrant toutes les variantes imaginables de couvertures réconfortantes qui nous protègent de la « vérité toute entière » sur l’accélération du changement climatique, alors il n’y a littéralement aucun moyen pour que les gouvernements apportent des réponses opportunes et proportionnées à la crise.

Et nous en paierons tous le prix.

Entre-temps, la résurgence du déni climatique aux États-Unis, alimentée par la détermination de l’administration Trump à tuer les industries vertes en plein essor, a déjà des conséquences prévisibles.

Entre autres, les grandes banques américaines se sentent libérées de leurs efforts timides pour contribuer aux objectifs de décarbonisation Net Zero, et sont trop impatientes de se dégager de la Net Zero Banking Alliance (*) et d’autres exercices de greenwashing de ce type. Interprétant les signes politiques, Morgan Stanley a récemment déclaré : « Nous nous attendons désormais à un réchauffement climatique de 3 °C », sans même mentionner les conséquences économiques d’un tel réchauffement, d’autant plus qu’il y a énormément d’argent à gagner sur la voie de l’apocalypse.

Un article récent publié dans Politico commentait un « rapport de recherche banal de Morgan Stanley (*) sur l’avenir des actions dans le secteur de la climatisation ». Le « marché mondial du refroidissement » représente déjà 235 milliards de dollars, et les analystes de Morgan Stanley s’attendent désormais à ce qu’il connaisse une croissance annuelle de 7 % au lieu de 3 %, alors que le monde continue de se réchauffer ! Comme l’a dit le militant pour le climat Bill McKibben (*), « confrontés à la probabilité de l’enfer, ils cherchent un moyen de vendre des climatiseurs au diable ».

Nous pouvons nous attendre à beaucoup plus de ce genre de choses, avec les conseils d’innombrables gestionnaires d’actifs et banques sans scrupules sur « comment fonctionner de manière rentable alors que les températures grimpent et que les effets du changement climatique s’aggravent » – comment les riches peuvent continuer à s’enrichir aux dépens de la fin de la vie sur Terre.

Et au cas où vous auriez déjà relégué au fond de votre esprit cette analyse de l’Institut et Faculté des actuaires, permettez-moi de vous rappeler que dans un monde réchauffé de 2 °C, le PIB se contractera de plus de 25 %, avec « des évènements de mortalité humaine massive entrainant plus de 2 milliards de décès ».

Je me demande ce que le GIEC aura à dire sur le monde réchauffé de 3 °C de Morgan Stanley ?



Climat : l’heure est grave

James Hansen

L’heure est grave : un des plus grands climatologues du monde, le docteur James Hansen, lance un cri d’alarme.

reprise d’un post paru sur le profil Facebook de Jean-Marc Jancovici rédigé par Adrien Couzinier


Texte original : A Formula to Keep the Science Flame Burning

8 juillet 2025, James Hansen

Les scientifiques qui voient et comprennent la menace doivent s’exprimer

Sensibilité climatique

Les trois méthodes d’analyse – paléoclimat, observations satellites et modélisation climatique – indiquent une sensibilité climatique nettement plus élevée que la meilleure estimation du GIEC de 3 degrés Celsius ; notre meilleure estimation est de 4,5 degrés Celsius.

Remarque : 4,5 °C se situe dans la plage très probable définie par le GIEC. « Sur la base de multiples sources de preuve, la plage très probable de la sensibilité climatique à l’équilibre est comprise entre 2 °C et 5 °C » (GIEC AR6 WG1 SPM A.4.4).

Inaction gouvernementale

Mes interactions avec le gouvernement révèlent des décennies d’échec pour prendre des mesures sensées, peu coûteuses, et efficaces pour répondre aux besoins énergétiques et au changement climatique. Le problème vient des intérêts financiers particuliers, notamment l’industrie des combustibles fossiles et le complexe militaro-industriel, qui influencent les politiques.

Militarisme

Le militarisme tend à créer des ennemis permanents et empêche la coopération mondiale nécessaire pour faire face au changement climatique.

La science elle-même est menacée aujourd’hui, d’une manière que je pensais désormais impossible : la tentative du président Trump de fermer les laboratoires climatiques et d’arrêter la collecte des données climatiques constitue une nouvelle menace qui mérite une attention particulière.

Les scientifiques qui voient et comprennent la menace doivent s’exprimer.

Expliquer ce cri d’alarme est simple : dépasser les +1,5°C va créer beaucoup, beaucoup de malheurs et monter au-delà va les augmenter pour chaque dixième de degré en +.

Avec une sensibilité climatique + élevée, ce franchissement de niveau de malheur supplémentaire va se faire assez rapidement.

De plus, il est très peu probable que nous puissions revenir en arrière. Cet état délabré risque donc de durer des siècles : nous devons l’éviter à tout prix.

(Extraits : par adrien Couzinier)


L’article original


Références


Le GIEC est-il trop optimiste ?

Reprise d’un post LinkedIn d’Hélène Grosbois – titre obsant

Comment expliquer que les scénarios du GIEC soient si en retard et si en dessous de la réalité ?

Hélène Grosbois

Les modèles climatiques utilisés par le GIEC, même les plus avancés tels CMIP6, intègrent les puits de carbone, mais le font de manière très incomplète et largement idéalisée.

Ces modèles incluent des composantes biogéochimiques du sol et océaniques qui simulent le cycle du carbone dans les océans à travers des processus tels que la photosynthèse du phytoplancton, la respiration, la reminéralisation, la sédimentation, et la circulation océanique profonde.

Cependant, ils s’appuient le plus souvent sur des paramètres calibrés à partir de moyennes historiques, en supposant une stabilité fonctionnelle du plancton océanique et de ses capacités de fixation du carbone. Ce qui est malheureusement faux.

Depuis plus d’un demi-siècle, des recherches scientifiques ont pourtant démontré un déclin massif et continu de la biomasse du sol et phytoplanctonique mondiale, avec une perte estimée en moyenne à 1% par an depuis les années 1950, comme l’a démontré l’étude de Boyce et al. publiée dans Nature en 2010, soit 70% en 70 ans, rien d’étonnant puisque ces ordres de grandeurs sont observés aussi sur la terre ferme pour les vertébrés et les invertébrés.

Ce déclin en lien avec les pesticides (*) est pourtant parfaitement connu et documenté depuis les années 70 (et avant en réalité). Les poisons toxiques que sont les pesticides, atteignent les milieux marins par ruissellement, transport atmosphérique, et affectent non seulement le Vivant qui fait du sol un puit de carbone, mais aussi la productivité du phytoplancton, et également la biodiversité et la dynamique du zooplancton qui en dépend autrement dit, pratiquement l’intégralité de la vie océanique.

Malgré la connaissance de ces effets dans certains rapports du GIEC, notamment le Rapport spécial sur l’océan et la cryosphère (SROCC, 2019), la dégradation continue de la pompe biologique à carbone n’est pas intégrée quantitativement dans les modèles climatiques globaux.

Autrement dit, les simulations utilisées pour établir les trajectoires climatiques futures reposent implicitement sur l’hypothèse que le puits océanique fonctionnera de manière relativement stable à moyen et long terme. Il n’existe à ce jour, dans les modèles de scénarisation du GIEC, aucun couplage dynamique explicite entre l’usage global des pesticides et la dégradation progressive du réseau trophique planctonique et du sol. Cela conduit à une surestimation de la capacité d’absorption des sols et des océans en CO₂ anthropique, et donc à une sous-estimation du réchauffement et/ou des risques de rétroactions.

Ainsi, l’extermination globale de la biodiversité et de ses puits de carbone associés par les pesticides n’est pas prise en compte.
Parce que, dois-je le préciser, exterminer le Vivant, c’est exterminer le climat.

Tout comme le Vivant est malade, nous sommes malades et les puits de carbone aussi sont malades, empoisonnés par les pesticides.